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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3479/2023

ATA/1439/2024 du 10.12.2024 sur JTAPI/335/2024 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3479/2023-PE ATA/1439/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 décembre 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Andrea VON FLÜE, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 avril 2024 (JTAPI/335/2024)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1967, est ressortissant du Portugal.

Marié, l’intéressé est arrivé seul à Genève en 2008.

Il a une fille, ressortissante bolivienne née le ______ 2012, qu’il a reconnue le 4 septembre 2013 et qui est sans domicile connu (dernier domicile connu : Bolivie, Santa Cruz, San Martin).

b. A______ a exercé plusieurs emplois temporaires en tant que « maçon B » par l’intermédiaire de l’entreprise B______ SA entre juin et décembre 2008. Il a commencé une mission en tant « qu’employé de construction classe B » en date du 26 mai 2009.

c. Le 30 juin 2009, A______ s’est retrouvé en incapacité de travail du fait d’une lombalgie chronique. Son contrat de travail a été résilié pour le 3 août 2009.

c.a. Il a déposé le 29 septembre 2009 une demande de prestations auprès de l’office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI).

Le 25 avril 2012, l’OAI a rejeté sa demande de prestations.

Le recours formé contre cette décision devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS) a été partiellement admis par arrêt du 4 mars 2013. La décision de l’OAI a été annulée et la cause lui a été renvoyée pour instruction complémentaire.

c.b. Par décision du 5 juillet 2017, l’OAI a reconnu à A______ le droit à une rente entière de l’assurance-invalidité, basé sur un taux d’invalidité à 100% à compter du 1er mars 2013 au 31 décembre 2014, sans prolongation au-delà de cette date. Depuis octobre 2014, la capacité de travail de l’intéressé dans une activité adaptée était de 80%, le degré d’invalidité de 29% de sorte que la rente devait être supprimée fin décembre 2014.

Le service médical régional de l’assurance-invalidité avait notamment retenu une capacité de travail de 100% dès le 4 juin 2010 dans une activité adaptée aux limitations rachidiennes, puis de 0% dès le 1er mars 2012. Pour les limitations rachidiennes et de l’épaule gauche, la capacité de travail dans une activité adaptée était de 0% dès le 1er mars 2012, puis de 80% dès le 1er octobre 2014.

Cette décision a été confirmé par la CJCAS, puis par le Tribunal fédéral.

d. Selon des attestations de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) des 4 mars 2015, 8 octobre 2015, 15 février 2016, 13 décembre 2022 et 18 juillet 2023, A______ a été au bénéfice de prestations financières du 1er février au 30 juin 2009, du 1er septembre au 29 novembre 2010 et du 1er août 2011 au 30 juin 2021 et depuis le 1er mars 2023. Selon les décomptes versés au dossier, il a notamment perçu CHF 7'564.75 en 2011 ; CHF 20'445.60 en 2012 ; CHF 26'223.10 en 2013 ; CHF 25'218.05 en 2014 ; CHF 20'232.30 en 2015 ; CHF 1'767.20 par mois à compter du 1er janvier 2016 ; CHF 25'256.45 en 2018 ; CHF 27'805.- en 2019 ; CHF 24'727.10 en 2020 ; CHF 15'730.95 en 2021 et CHF 11'510.65 en 2023.

B. a. Le 14 août 2008, A______ s’est vu délivrer par l’office cantonal de la population, devenu depuis l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), une autorisation de séjour de courte durée avec activité lucrative (permis L-CE), valable jusqu’au 20 juin 2010.

b. Le 7 janvier 2011, il s’est vu délivrer par l’OCPM une nouvelle autorisation de séjour de courte durée sans activité lucrative (permis L-CE pour traitement médical), renouvelée jusqu’au 19 juin 2013.

c. Le 6 juin 2013, A______ a sollicité le renouvellement de son autorisation de séjour auprès de l’OCPM. Sous la rubrique « revenus » du formulaire UE ad hoc l’intéressé a indiqué « en attente de l’AI ».

d. Par décision du 19 janvier 2017, l’OCPM a refusé de renouveler l’autorisation de séjour de A______ et a prononcé son renvoi de Suisse. Un délai au 19 mars 2017 lui a été imparti pour quitter le territoire.

Sous l’angle de l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP ‑ RS 0.142.112.681), à défaut d’occuper un emploi ou du moins de produire une offre d’embauche de la part d’un employeur, il ne pouvait plus se prévaloir de son autorisation de séjour comme travailleur salarié. Il ne pouvait pas non plus requérir l’octroi d’une autorisation de séjour en qualité de ressortissant communautaire à la recherche d’un emploi, puisqu’il avait largement dépassé le « délai raisonnable » pour chercher un emploi. Il ne pouvait en outre obtenir un titre de séjour pour « personne n’exerçant pas une activité économique », dans la mesure où il était aidé par l’hospice et qu’il ne disposait pas des moyens suffisants pour assurer sa subsistance. Pour le surplus, il n’existait aucun « motif important » justifiant l’octroi d’un titre de séjour en sa faveur.

Cette décision a été confirmée par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), par arrêt du 20 novembre 2017, puis par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) par arrêt du 23 mars 2021.

C. a. Le 14 mai 2021, A______ a déposé auprès de l’OCPM une demande d’autorisation de séjour avec activité lucrative à la suite de sa prise d’emploi le 2 mai 2021 auprès de C______ SA.

Dans le formulaire de demande signé par l’employeur, il était notamment indiqué qu’il s’agissait d’un « travail temporaire » et que le nombre d’heures travaillées par semaine était de 45.

b. Le 23 août 2021, l’intéressé a été victime d’un accident sur un chantier, entraînant une fracture du pied droit. Son médecin a attesté d’une incapacité de travail totale dès cette date. Il a perçu des indemnités journalières de la caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : CNA) du 26 août 2021 au 23 janvier 2023.

c. Par courriels du 14 septembre 2021, répondant à l’OCPM, la société C______ SA a indiqué que l’intéressé avait effectué des missions temporaires en mai pour un total de 87h50 et en août pour un total de 52h50. Il n’avait pas travaillé en juin et la société n’avait pas « reçu » de salaire pour le mois de juillet.

d. Sur demande de l’OCPM, A______ a transmis les décomptes d’indemnités journalières de la CNA, ainsi que ses bulletins de salaire des mois de mai 2021 (salaire mensuel brut de CHF 3'276.90, correspondant à 87.50 heures de travail), juin 2021 (salaire mensuel brut de CHF 1'817.45, correspondant à 61.25 heures de travail), juillet 2021 (salaire mensuel brut de CHF 4'171.30 [comprenant une indemnité pour accident de CHF 1'300.-, ainsi qu’un « paiement prov. ind. vacances » de CHF 473.-], correspondant à 89 heures de travail) et août 2021 (salaire mensuel brut de CHF 2'400.05, correspondant à 52.50 heures de travail). Les salaires de juin et juillet 2021 étaient versés par la société D______ SA et ceux de mai et août par la société C______ SA.

e. Le 14 janvier 2022, A______ a indiqué à l’OCPM qu’il se trouvait en arrêt maladie après une intervention chirurgicale. Il n’était alors pas en mesure de réintégrer le marché du travail. Malgré cela, il recherchait activement un emploi et était inscrit auprès de plusieurs entreprises de travail intérimaire. Il a joint un certificat médical daté du 21 décembre 2021, indiquant une incapacité de travail pour accident de 100% du 25 décembre 2021 au 25 janvier 2022.

f. Le 18 juillet 2023, l’OCPM a informé A______ de son intention de refuser sa demande d’autorisation de séjour en sa faveur et de prononcer son renvoi de Suisse.

Il ne remplissait pas les conditions légales pour demeurer en Suisse en application de l’ALCP. Il ne possédait pas de moyens financiers propres, étant au bénéfice des prestations de l’hospice depuis le 1er mars 2023. Il ne pouvait pas non plus prétendre à une autorisation pour court séjour pour recherche d’emploi.

Il ne pouvait en outre prétendre à l’octroi d’une autorisation de séjour sans activité lucrative, dans la mesure où il bénéficiait de prestations de l’aide sociale et n’avait pas de moyens financiers propres.

Enfin, aucun motif au sens de l’art. 20 de l’ordonnance sur l’introduction progressive de la libre circulation des personnes entre, la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, ainsi qu’entre les États membres de l’Association européenne de libre échange du 22 mai 2002
(OLCP - RS 142.203) n’exigeait l’octroi d’une autorisation de séjour.

g. A______ a transmis ses observations à l’autorité le 21 août 2023.

À la suite d’un accident survenu en août 2021, il avait perçu des indemnités jusqu'au 23 janvier 2023, date à laquelle la CNA avait considéré que ses lésions n’étaient plus en lien avec l’accident du mois d’août 2021. Il avait déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l’OAI. Par projet de décision du 15 mai 2023, l’OAI l’avait informé qu’il comptait lui reconnaître le droit à une rente entière d’invalidité du 1er août 2022 au 30 avril 2023. Son médecin traitant avait contesté ce projet de décision, au motif qu’une intervention chirurgicale était prévue le 2 juin 2023. Par décision du 17 juillet 2023, l’OAI lui avait toutefois reconnu le droit à une rente entière du 1er août 2022 au 30 avril 2023. Il ne dépendait que temporairement de l’aide sociale, et avait l’intention de reprendre une activité lucrative et de régulariser sa situation financière dès que possible.

h. Par décision du 28 août 2023, l’OCPM a refusé de lui octroyer une autorisation de séjour et a prononcé son renvoi de Suisse. Il a repris en substance les motifs de sa lettre d’intention.

D. a. Le 23 octobre 2023, A______ a recouru contre cette décision auprès du TAPI.

Malgré son incapacité de travail, il faisait des efforts pour rester actif et exerçait un emploi à temps partiel dans le cadre du service d’insertion professionnelle de l’hospice. Cet emploi permettait de démontrer des efforts concrets de réinsertion. Une procédure de recours était en outre pendante devant l’OAI. En raison de ses problèmes de santé, il se trouvait dans une période difficile. Il souhaitait ardemment s’investir pour régulariser sa situation financière dès que son état de santé lui permettrait de nouveau d’exercer une activité lucrative

b. Le 8 janvier 2023, l’OCPM a conclu au rejet recours.

Sans emploi, A______ ne pouvait prétendre au renouvellement de son autorisation de séjour UE/AELE pour travailleur salarié, ni en qualité de ressortissant européen à la recherche d’un emploi, ayant largement dépassé le délai raisonnable de six mois pour chercher un emploi.

Il ne remplissait en outre pas les conditions pour obtenir une autorisation de séjour sans activité lucrative, étant sans ressources financières. Bien que déclarant que sa dépendance financière ne soit que temporaire, il continuait de percevoir des prestations de l’hospice.

Enfin, rien ne démontrait qu’un retour au Portugal le placerait dans une situation d’extrême gravité.

c. Par jugement du 12 avril 2024, le TAPI a rejeté le recours.

A______ avait indiqué être sans emploi, au bénéfice de prestations de l’hospice et ne plus percevoir de rente d’invalidité, précisant cependant avoir déposé un recours en ce sens auprès de la chambre des assurances sociales. Au vu de cette situation, il ne pouvait prétendre à l’octroi d’une autorisation pour séjour avec activité lucrative, n’en exerçant pas. Il ne démontrait pas non plus que la situation était en cours de changement.

Il ne pouvait pas non plus prétendre à une autorisation de séjour sans activité lucrative, ne disposant pas des moyens financiers suffisants afin de subvenir à ses besoins sans l’aide de l’assistance publique.

Il n’était pas non plus en mesure de bénéficier d’un titre de séjour pour personne en recherche d’emploi. Outre le délai légal imparti pour ce faire, A______ n’avait démontré ni les efforts déployés afin de retrouver un emploi, ni de réelles perspectives quant à un engagement.

Les éventuelles rentes d’invalidité qui lui seraient versées suite à l’arrêt de la CJCAS seraient exportables au Portugal, pays dont il était ressortissant. La présence en Suisse de l’intéressé n’était en outre pas requise, dans la mesure où il pouvait se faire représenter pas un mandataire ou effectuer en Suisse des séjours touristiques pour se présenter à d’éventuelles audiences, si nécessaire.

Aucun motif important ne commandait qu’il puisse demeurer en Suisse.

En outre, il ne pouvait se prévaloir d’une quelconque intégration
socio-professionnelle. Il n’avait pas exercé d’activité entre 2009 et mai 2021 et avait cessé celle entamée le 2 mai 2021 après quelques mois. Selon les pièces du dossier, l’intéressé avait bénéficié depuis le 2 octobre 2023 de mesures de réinsertion. Il n’avait cependant pas indiqué dans son recours si ces mesures étaient toujours actuelles ni sur quoi elles pourraient déboucher.

Enfin, rien n’indiquait qu’il serait confronté à des problèmes insurmontables dans le cadre de sa réintégration au Portugal, pays où il avait passé la majorité de sa vie. En tant que ressortissant européen, il pouvait en outre venir en Suisse au bénéfice d’un visa touristique.

Dans ces circonstances, aucun motif n’exigeait la poursuite du séjour de l’intéressé en Suisse.

E. a. Par acte du 15 mai 2024, A______ a formé recours devant la chambre administrative contre ce jugement, concluant à son annulation et à l’octroi du titre de séjour sollicité.

Le TAPI avait effectué une appréciation inexacte des faits et violé le droit en retenant qu’il ne pouvait bénéficier d’un titre de séjour car il n’exerçait pas d’activité lucrative, de même qu’en disant qu’il ne pouvait prétendre à un titre de séjour sur la base de l’OLCP.

Il avait commencé une activité lucrative en mai 2021 et bénéficiait potentiellement d’un titre de séjour qu’il n’avait cependant pas eu le temps de recevoir du fait de l’accident subi quelques mois après le début de son activité. Il disposait cependant d’un droit à obtenir un permis de séjour en vertu de l’art. 4 ALCP. Les conditions de l’ALCP devaient lui bénéficier, dès lors que son incapacité de travail était survenue alors qu’il détenait le statut de travailleur.

Le caractère permanant de son incapacité de travail ne pouvait être encore tranché, la demande de reconnaissance de son statut d’invalide étant encore pendante
par-devant l’OAI. En effet, par arrêt du 10 mai 2024 – qu’il a versé au dossier –, la CJCAS avait admis son recours et renvoyé son dossier à l’OAI pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

Le TAPI n’avait pas examiné la question de savoir s’il disposait d’un droit à demeurer en Suisse suite à la survenance de son incapacité de travail, au sens de l’art. 2 par. 1 Règlement (CEE) n° 1251/70 de la Commission, du 29 juin 1970, relatif au droit des travailleurs de demeurer sur le territoire d'un État membre après y avoir occupé un emploi. Il n’était ainsi pas entré en matière sur son principal grief, violant son droit d’être entendu.

Il détenait bien le statut de travailleur au moment où son incapacité de travail était survenue. Quant au caractère permanent de cette incapacité, il convenait soit de l’admettre en l’état, soit de suspendre la procédure en attendant l’issue de celle pendante devant l’OAI.

b. Le 14 juin 2024, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

c. L’intéressé n’ayant pas répliqué dans le délai imparti, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

 

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant se plaint d’une violation de son droit d’être entendu, au motif que le TAPI n’aurait pas examiné la question de savoir s’il disposait d’un droit à demeurer en Suisse à la suite de la survenance de son incapacité de travail au sens de
l’art. 2 par. 1 du règlement CEE 1251/70.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 132 II 485 consid. 3.21). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier. En outre, il n'implique pas le droit à une audition orale ni à l’audition de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

La jurisprudence déduit également du droit d’être entendu le droit d’obtenir une décision motivée (ATF 148 III 30 consid. 3.1 ; 142 II 154 consid. 4.2). L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives, mais doit se prononcer sur celles-ci (ATF 143 III 65 consid. 5.2 ; 142 II 154 consid. 4.2). Il suffit, du point de vue de la motivation de la décision, que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 148 III 30 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_548/2021 du 24 février 2023 consid. 5.2 ; ATA/936/2021 du 14 septembre 2021 consid. 5b et les références).

2.2 En l’occurrence, le jugement entrepris expose de manière complète la réglementation européenne relative au droit de demeurer à titre permanent sur le territoire d’un État membre (art. 2 par. 1 du règlement CEE 1251/70). Il est notamment rappelé que le droit de demeurer dans un État à la suite d'une incapacité de travail présuppose une qualité de travailleur préalable (consid. 19). Or, le TAPI a retenu que le recourant n’exerçait pas d’activité lucrative. On comprend ainsi de ses développements que, faute pour le recourant d’avoir le statut préalable de travailleur, il ne pouvait pas se prévaloir de l’art. 2 par. 1 du règlement CEE 1251/70. Les raisons qui ont conduit le TAPI à considérer que le recourant ne pouvait pas prétendre à une autorisation de séjour sur la base de la réglementation européenne étaient ainsi suffisamment détaillées pour que le recourant puisse les contester en connaissance de cause, ce qu’il a d’ailleurs fait. La question de savoir si ce raisonnement est conforme au droit sera examiné ci-après.

3.             Le litige porte sur le refus de l'OCPM de renouveler l'autorisation de séjour du recourant, ainsi que sur son renvoi de Suisse.

3.1 La loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), notamment par l’ALCP. La loi ne s'applique aux ressortissants des États membres de l'Union européenne que lorsque l'ALCP n'en dispose pas autrement ou lorsqu'elle prévoit des dispositions plus favorables (art. 12 ALCP et 2 al. 2 LEI).

En l'occurrence, le recourant est de nationalité portugaise, de sorte que sa situation est réglée par l'ALCP et par l’OLCP, notamment l'Annexe I de l'Accord (art. 3, 4 et 7 let. c ALCP).

3.2 Les droits d'entrée, de séjour et d'accès à une activité économique conformément à l'ALCP, y compris le droit de demeurer sur le territoire d'une partie contractante après la fin d'une activité économique, sont réglés par l'Annexe I de l'accord (art. 3, 4 et 7 let. c ALCP).

3.3 Selon l'art. 6 al. 1 Annexe I ALCP, le travailleur salarié ressortissant d'une partie contractante qui occupe un emploi, d'une durée égale ou supérieure à un an, au service d'un employeur de l'État d'accueil reçoit un titre de séjour d'une durée de cinq ans au moins à dater de sa délivrance. L'art. 6 al. 3 Annexe I ALCP précise que, pour la délivrance des titres de séjour, les parties contractantes ne peuvent demander au travailleur que la présentation du document sous le couvert duquel il a pénétré sur le territoire (let. a) et une déclaration d'engagement de l'employeur ou une attestation de travail (let. b). Selon l'art. 6 al. 6 Annexe I ALCP, le titre de séjour en cours de validité ne peut être retiré au travailleur salarié du seul fait qu'il n'occupe plus d'emploi, soit que l'intéressé ait été frappé d'une incapacité temporaire de travail résultant d'une maladie ou d'un accident, soit qu'il se trouve en situation de chômage involontaire dûment constatée par le bureau de main-d’œuvre compétent.

3.4 La qualité de travailleur salarié constitue une notion autonome de droit de l'Union européenne (UE), qui doit s'interpréter en tenant compte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (ci-après: la Cour de justice) (ATF 140 II 460 consid. 4.1 ; 131 II 339 consid. 3.1). Cette notion doit être interprétée de façon extensive. Doit ainsi être considérée comme un « travailleur » la personne qui accomplit, pendant un certain temps, en faveur d'une autre personne et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération (existence d'une prestation de travail, d'un lien de subordination et d'une rémunération). Cela suppose toutefois l'exercice d'activités réelles et effectives, à l'exclusion d'activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires (ATF 141 II 1 consid. 2.2.4 ; 131 II 339 consid. 3.2 ; arrêt 2C_322/2020 du 24 juillet 2020 consid. 3.5.1).  

Pour apprécier si l'activité exercée est réelle et effective, il faut tenir compte de l'éventuel caractère irrégulier des prestations accomplies, de leur durée limitée ou de la faible rémunération qu'elles procurent. Ainsi, le fait qu'un travailleur n'effectue qu'un nombre très réduit d'heures – dans dans le cadre, par exemple, d'une relation de travail fondée sur un contrat de travail sur appel – ou qu'il ne gagne que de faibles revenus, peut être un élément indiquant que l'activité exercée n'est que marginale et accessoire (ATF 131 II 339 consid. 3.4 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_761/2015 du 21 avril 2016 consid. 4.2.2). À cet égard, le Tribunal fédéral a eu l'occasion de préciser qu'un travail exercé au taux de 80% pour un salaire mensuel de CHF 2'532.65 ne représentait pas un emploi à tel point réduit ou une rémunération si basse qu'il s'agirait d'une activité purement marginale et accessoire sortant du champ d'application de l'art. 6 Annexe I ALCP (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1061/2013 du 14 juillet 2015 consid. 4.4). En revanche, le Tribunal fédéral a considéré qu'une activité à taux partiel donnant lieu à un salaire mensuel d'environ CHF 600.- à 800.- apparaissait tellement réduite et peu rémunératrice qu'elle devait être tenue pour marginale et accessoire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1137/2014 du 6 août 2015 consid. 4.4).

S'agissant des emplois d'insertion, le Tribunal fédéral a jugé qu'aucun motif de principe ne s'oppose à ce que des activités rémunérées proposées aux bénéficiaires de l'aide sociale dans le but de réinsertion sur le marché général de l'emploi soient réelles et effectives. Il a toutefois relevé que la notion d'activités réelles et effectives implique une appréciation au cas par cas, en fonction de toutes les circonstances d'espèce, ayant trait à la nature tant des activités concernées que de la relation de travail en cause (arrêts du Tribunal fédéral 2C_374/2018 du 15 août 2018 consid. 5.3.1 ; 2C_761/2015 du 21 avril 2016 consid. 4.5 concernant un emploi d'insertion dont le salaire mensuel s'élevait à CHF 3'000.-).

3.5 En procédant à une interprétation de ces principes, le Tribunal fédéral a jugé qu'un étranger au bénéfice d'une autorisation de séjour UE/AELE peut perdre le statut de travailleur au sens de l'ALCP et par conséquent se voir refuser la prolongation, respectivement se voir révoquer l'autorisation de séjour dont il est titulaire si 1) il se trouve dans un cas de chômage volontaire ; 2) on peut déduire de son comportement qu'il n'existe (plus) aucune perspective réelle qu'il soit engagé à nouveau dans un laps de temps raisonnable ou 3) il adopte un comportement abusif, par exemple, en se rendant dans un autre État membre pour y exercer un travail fictif ou d'une durée extrêmement limitée dans le seul but de bénéficier de prestations sociales meilleures que dans son État d'origine ou que dans un autre État membre (ATF 144 II 121 consid. 3.1 in RDAF 2019 I p. 534 ; 141 II 1 consid. 2.2.1 ; ATA/156/2020 du 11 février 2020 consid. 5b).

3.6 En l’espèce, depuis son arrivée en Suisse en 2008, le recourant n’a été actif professionnellement que de manière épisodique, à savoir dans le cadre de missions temporaires de juin 2008 à juin 2009, puis à nouveau dans le cadre d’un stage d’orientation professionnelle auprès des E______ (ci-après : E______) en mars 2016, la mesure n’ayant toutefois duré que deux semaines à 50%. Il a ensuite repris une activité dans le cadre de missions temporaires de mai à août 2021.

En 2008 et 2009, le recourant a réalisé un salaire total de CHF 28'602.- brut, soit en moyenne CHF 2'400.- environ par mois. Hormis un stage de deux semaines aux E______ en mars 2016, il n’a pas repris d’emploi avant mai 2021, et cela quand bien même les autorités en matière d’assurances sociales ont considéré que sa capacité de travail était de 80% dans une activité adaptée à partir d’octobre 2014. En 2021, il n’a travaillé que quatre mois à un taux d’activité inférieur à 50%. En effet, selon la demande d’autorisation pour activité lucrative du 14 mai 2021, le nombre d’heures travaillées par semaine était de 45, soit environ 195 par mois. Or, le recourant n’a travaillé que 87.50 heures en mai, 61.25 heures en juin, 89 heures en juillet et 52.50 heures en août. Cette activité n’a au demeurant débuté qu’en mai 2021, soit après l’arrêt de la chambre administrative du 23 mars 2021, confirmant le refus du renouvellement de son autorisation de séjour. Force est ainsi de constater que les troubles de santé dont souffre le recourant, et qui ont nécessité des interventions chirurgicales durant une grande partie de son séjour en Suisse, l’ont en partie empêché de travailler de manière effective. Le recourant est, par ailleurs, resté inactif pendant plus de six ans alors que les autorités ont considéré que son état de santé ne l’empêchait pas d’exercer une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles. En outre, les faibles montants touchés au titre des activités déployées par le recourant ont rendu nécessaire la perception de prestations de l’aide sociale. Ces aides ont représenté la quasi-totalité de ses revenus depuis 2009.

Conformément à la jurisprudence précitée, les activités du recourant, envisagées dans leur globalité, ne peuvent donc pas être considérées comme réelles et effectives au vu de leurs faibles rémunérations, de leur durée limitée et de leur caractère irrégulier. Il en résulte que tant à compter du début de sa prise d'emploi, annoncée le 14 mai 2021, qu'ultérieurement, l'intéressé n'a pas pu se prévaloir du statut de travailleur salarié, au sens de l'art. 6 al. 1 Annexe I ALCP. 

4.             Il convient encore d'examiner si le recourant peut déduire de l'art. 4 Annexe I ALCP un droit de demeurer en Suisse.

4.1 Selon l'art. 4 al. 1 Annexe I ALCP, les ressortissants d'une partie contractante et les membres de leur famille ont le droit de demeurer sur le territoire d'une autre partie contractante après la fin de leur activité économique. L'art. 4 al. 2 Annexe I ALCP renvoie, conformément à l'art. 16 ALCP, au règlement (CEE) 1251/70 (pour les travailleurs salariés) et à la directive 75/34/CEE (pour les indépendants), « tels qu'en vigueur à la date de la signature de l'accord ».  

L'art. 2 par. 1 let. b du règlement (CEE) 1251/70 prévoit, en substance, que chaque État reconnaît un droit de demeurer à titre permanent sur son territoire à celui qui, résidant d'une façon continue sur le territoire de cet Etat depuis plus de deux ans, cesse d'y occuper un emploi salarié à la suite d'une incapacité permanente de travail.

Selon la jurisprudence, pour pouvoir prétendre au droit de demeurer en Suisse sur la base de cette disposition, il faut que l'intéressé ait effectivement eu la qualité de travailleur et qu'il ait cessé d'occuper un emploi salarié suite à une incapacité de travail (ATF 144 II 121 consid. 3.2). Pour déterminer le moment où l'incapacité de travail survient, il convient de se référer aux résultats de la procédure d'octroi de la rente d’invalidité (ATF 141 II 1 consid. 4.2.1 ; 144 II 121 consid. 3.6). Ainsi, l'autorité ne peut, en principe, pas statuer sur la poursuite du séjour en Suisse tant qu'une demande de prestations de l’assurance-invalidité relative à une incapacité de travail durable est en cours (ATF 144 II 121 consid. 3.6.2 ; 141 II 1 consid. 4.2.1). Exceptionnellement, il est possible de ne pas attendre l'issue de la procédure d’assurance-invalidité lorsqu'il n'existe aucun doute quant à la réalité de l'incapacité de travail et à son commencement (ATF 141 II 1 consid. 4.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_322/2020 du 24 juillet 2020 consid. 3.3.1). 

4.2 En l'espèce, il vient d'être établi que le recourant n'a jamais eu la qualité de travailleur salarié durant son séjour en Suisse (supra consid. 3.6). Or, comme le droit de demeurer en Suisse présuppose la qualité de travailleur, l'intéressé ne pourrait, en tout état de cause, pas se prévaloir d'un tel droit en raison de la fin d'une activité économique, au sens de l'art. 4 al. 1 Annexe I ALCP. Certes, attendre l'issue de la procédure d’assurance-invalidité permettrait de clarifier l'existence ou non d'une incapacité de travail durable et, le cas échéant, le moment à partir duquel elle serait intervenue, mais cela ne modifierait en rien le constat selon lequel le recourant n'a jamais bénéficié de la qualité de travailleur salarié.

5.             La question se pose encore de savoir si le recourant peut se voir conférer un droit de séjour en Suisse au titre de personne n'exerçant pas d'activité économique, au sens des art. 6 ALCP et 24 Annexe I ALCP. 

5.1 L'art. 6 ALCP garantit aux personnes n'exerçant pas d'activité économique le droit de séjourner sur le territoire d'une partie contractante, conformément aux dispositions de l'Annexe I ALCP relatives aux non-actifs (art. 24 Annexe I ALCP). L'art. 24 al. 1 Annexe I ALCP exige notamment que l'intéressé dispose pour
lui-même et les membres de sa famille de moyens financiers suffisants pour ne pas devoir faire appel à l'aide sociale pendant son séjour (let. a). L'art. 24 al. 2 Annexe I ALCP précise en outre que les moyens financiers nécessaires sont réputés suffisants s'ils dépassent le montant en-dessous duquel les nationaux, eu égard à leur situation personnelle, peuvent prétendre à des prestations d'assistance. Selon l'art. 16 al. 1 OLCP, tel est le cas si ces moyens dépassent les prestations d'assistance qui seraient allouées en vertu des directives "Aide sociale: concepts et normes de calcul" de la Conférence suisse des institutions d'action sociale (ci-après: normes CSIAS), à un ressortissant suisse, éventuellement aux membres de sa famille, sur demande de l'intéressé et compte tenu de sa situation personnelle (ATF 144 II 113 consid. 4.1 ; 142 II 35 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_580/2021 du 4 octobre 2021 consid. 3.2).  

5.2 En l'espèce, il ressort du dossier que le recourant ne dispose pas de moyens financiers suffisants au sens de l'art. 24 al. 1 Annexe I ALCP. La dette sociale du recourant n’a jamais cessé d’augmenter, s’élevant à près de CHF 250'000.- à ce jour. S’ajoute à cela qu’hormis les périodes durant lesquelles il a perçu des prestations des assurances sociales – soit du 1er mars 2013 au 31 décembre 2014 et du 1er août 2022 au 30 avril 2023 (rente de l’assurance-invalidité), et du 26 août 2021 au 23 janvier 2023 (indemnités journalières de la CNA) –, les prestations d'aide sociale dont il bénéficie depuis août 2009 ont toujours constitué la majeure partie, si ce n'est l'entier, de ses revenus mensuels. Partant, en confirmant que le recourant ne pouvait pas séjourner en Suisse sur la base des art. 6 ALCP et 24 Annexe I ALCP, la juridiction précédente n'a pas violé le droit.  

6.             Reste à examiner si le recourant remplit les critères du cas individuel d’extrême gravité.

6.1 Selon l’art. 20 OLCP, si les conditions d'admission sans activité lucrative ne sont pas remplies au sens de l'ALCP ou au sens de la Convention instituant l'AELE, une autorisation de séjour UE/AELE peut être délivrée lorsque des motifs importants l'exigent. Il n'existe cependant pas de droit en la matière, l'autorité cantonale statuant librement, sous réserve de l'approbation du SEM (art. 29 OLCP). Les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI).

S'agissant de la notion de « motifs importants », les conditions posées à l’admission de l’existence de tels motifs au sens de l'art. 20 OLCP correspondent à celles posées à la reconnaissance d’un cas de rigueur en vertu de l'art. 30 al. 1 let. b LEI en lien avec les précisions apportées par l’art. 31 OASA (arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] F-4332/2018 du 20 août 2019 consid. 6.2 et les arrêts cités).

Dès lors que l'admission des personnes sans activité lucrative dépend uniquement de l’existence de moyens financiers suffisants et d’une affiliation à une caisse maladie, les cas visés par l’art. 20 OLCP et l'art. 31 OASA ne sont envisageables que dans de rares situations, notamment lorsque les moyens financiers manquent ou, dans des cas d’extrême gravité, pour les membres de la famille ne pouvant pas se prévaloir des dispositions sur le regroupement familial (par ex. frère et sœur, oncle, neveu, tante ou nièce ; directives OLCP ch. 8.5).

6.2 L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er septembre 2023, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

6.3 La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

6.4 La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée de séjour en Suisse, soit une période de sept à huit ans (ATA/1306/2020 du 15 décembre 2020 consid. 5b), une durée de séjour régulier et légal de dix ans permettant de présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8). En règle générale, la durée du séjour illégal en Suisse ne peut être prise en considération dans l’examen d’un cas de rigueur car, si tel était le cas, l’obstination à violer la législation en vigueur serait en quelque sorte récompensée (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6c). Les années passées en Suisse dans l’illégalité ou au bénéfice d’une simple tolérance – par exemple en raison de l’effet suspensif attaché à des procédures de recours – ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; 134 II 10 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_603/2019 du 16 décembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_436/2018 du 8 novembre 2018 consid. 2.2).

L’indépendance économique est un aspect qui est en principe attendu de tout étranger désireux de s’établir durablement en Suisse et ne constitue donc pas un élément extraordinaire (arrêts du Tribunal fédéral 2C_779/2016 du 13 septembre 2016 consid. 4.2 et 2C_789/2014 du 20 février 2015 consid. 2.2.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

6.5 Selon la jurisprudence, des motifs médicaux peuvent, selon les circonstances, conduire à la reconnaissance d'un cas de rigueur lorsque la personne concernée démontre souffrir d'une sérieuse atteinte à la santé qui nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d'urgence, indisponibles dans le pays d'origine, de sorte qu'un départ de Suisse serait susceptible d'entraîner de graves conséquences pour sa santé. En revanche, le seul fait d'obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d'origine ne suffit pas à justifier une exception aux mesures de limitation. De même, la personne étrangère qui entre pour la première fois en Suisse en souffrant déjà d'une sérieuse atteinte à la santé ne saurait se fonder uniquement sur ce motif médical pour réclamer une telle exemption (ATF 128 II 200 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_861/2015 du 11 février 2016 consid. 4.2 ; arrêt du TAF F-6860/2016 du 6 juillet 2018 consid. 5.2.2 ; ATA/822/2023 du 9 août 2023 consid. 3.9).

7.             En l’espèce, le recourant peut se prévaloir d’un séjour en Suisse de longue durée. Il n’est en effet pas contesté que le recourant a séjourné sans discontinuité en Suisse depuis 2008. Il n’a toutefois disposé d’une autorisation de séjour que jusqu’au 19 juin 2013. Depuis sa demande de prolongation en juin 2013, il séjourne au bénéfice d’une simple tolérance. Or, conformément à la jurisprudence précitée, la durée d'un séjour illégal, ainsi qu'un séjour précaire, ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte. Il y a donc lieu d'examiner si des critères d'évaluation autres que la seule durée du séjour en Suisse seraient de nature à faire admettre qu'un départ de ce pays placerait l’intéressé dans une situation excessivement rigoureuse.

En l’occurrence, il n’est pas contesté qu’il a contracté une dette sociale considérable et qu’il perçoit des prestations financières depuis 2009. Sur le plan professionnel, hormis un stage de deux semaines aux E______, il n’a pas exercé d’activité professionnelle entre 2009 et 2021 et son activité entamée en mai 2021 n’a duré que quelques mois. Les problèmes médicaux invoqués par le recourant ne suffisent pas à justifier une absence d’intégration professionnelle. Il est en effet établi qu’il est resté inactif pendant plus de six ans (soit de fin 2014 à mai 2021), alors que les autorités compétentes en matière d’assurances sociales avaient considéré que son état de santé ne l’empêchait pas d’exercer une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles. Le recourant se prévaut d’un contrat relatif à une activité de réinsertion depuis le 2 octobre 2023. Or, comme l’a retenu le TAPI, sans être contesté sur ce point, on ignore comment cette activité se déroule, si elle est toujours en cours et sur quoi elle pourrait déboucher. Enfin, il n’est pas contesté qu’il a contracté une dette sociale considérable et qu’il perçoit des prestations financières d’aide sociale depuis 2008.

Quant à son intégration sociale, le recourant n’invoque pas s’être spécialement investi dans la vie associative ou culturelle. Il ne prétend pas non plus s’être constitué un réseau d’amis et de connaissances à Genève, ni n’allègue qu’il y aurait des attaches familiales, étant précisé que la dernière adresse connue de sa fille est en Bolivie. Il ressort d’ailleurs du dossier qu’il est arrivé seul en Suisse alors qu’il était marié. Aucun élément ne permet ainsi de retenir que sa réintégration au Portugal, pays où il a vécu une grande partie de sa vie, serait fortement compromise.

Enfin, sur le plan de la santé, le recourant ne prétend pas qu’il souffrirait d’une « sérieuse atteinte à sa santé », ni que les éventuels soins nécessaires ou mesures médicales ne seraient pas disponibles au Portugal.

Compte tenu de ces éléments, c’est de manière conforme au droit que l’OCPM a estimé que le recourant ne pouvait se prévaloir ni de l’ALCP, ni d’un cas d’extrême gravité au sens de la LEI pour obtenir une autorisation de séjour.

8.             Reste à examiner la question du renvoi.

8.1 Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel l’autorisation de séjour est refusée ou dont l’autorisation n’est pas prolongée. Le renvoi d’un étranger ne peut être ordonné que si l’exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L’exécution n’est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger l’étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale
(art. 83 al. 4 LEI).

S'agissant plus spécifiquement de l'exécution du renvoi des personnes en traitement médical en Suisse, celle-ci ne devient inexigible que dans la mesure où ces dernières ne pourraient plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine (arrêt du Tribunal fédéral 2C_459/2018 du 17 septembre 2018 consid. 5.1).
L'art. 83 al. 4 LEI, disposition exceptionnelle, ne saurait en revanche être interprété comme impliquant un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d'origine ou de destination de l'intéressé n'atteignent pas le standard élevé qu'on trouve en Suisse (ATAF 2011/50 consid. 8.3). La gravité de l'état de santé, d'une part, et l'accès à des soins essentiels, d'autre part, sont déterminants. Ainsi, l'exécution du renvoi demeure raisonnablement exigible si les troubles physiologiques ou psychiques ne peuvent être qualifiés de graves, à savoir s'ils ne sont pas tels qu'en l'absence de possibilités de traitement adéquat, l'état de santé de l'intéressé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (ATAF F-1602/2020 du 14 février 2022 consid. 5.3.4).

8.2 En l’espèce, dès lors qu’il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, l’intimé devait prononcer son renvoi. Pour le surplus, aucun motif ne permet de retenir que l’exécution du renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigée, étant rappelé que le recourant ne soutient pas qu’il nécessite des soins permanents ou que ceux-ci ne seraient pas disponibles dans son pays d’origine.

La décision de renvoi est donc conforme au droit.

9.             Nonobstant l’issue du litige, aucun émolument sera mis à la charge du recourant qui plaide au bénéfice de l’assistance juridique (art. 13 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986
[RFPA - E 5 10.03]). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 mai 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 avril 2024 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Andrea Von Flüe, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Joanna JODRY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.