Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1385/2024 du 26.11.2024 sur JTAPI/1309/2023 ( PE ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/1705/2023-PE ATA/1385/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 26 novembre 2024 1ère section |
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dans la cause
A______, agissant pour son compte et le compte de sa nièce mineure
B______ recourants
représentés par Me Patrick SPINEDI, avocat
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 novembre 2023 (JTAPI/1309/2023)
A. a. B______, née le ______ 2007, est ressortissante brésilienne.
b. Selon l’acte de naissance établi le 25 octobre 2018 par les autorités de l’État civil brésilien, elle est la fille de C______ et de D______, résidant tous deux au Brésil.
c. L’oncle maternel de B______, A______, né E______, le ______ 1993, de nationalité brésilienne, séjourne en Suisse depuis le 20 juillet 2017. Il a été mis au bénéfice d’une autorisation de séjour au titre de regroupement familial à la suite de la célébration de son partenariat enregistré, le 18 décembre 2018, avec F______, ressortissant suisse.
d. Selon ses déclarations, B______ est arrivée en Suisse dans le courant de l’été 2021, initialement au bénéfice d’un visa touristique, pour vivre auprès de son oncle.
B. a. Le 21 juillet 2022, A______ a sollicité auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) la délivrance d’un titre de séjour pour formation et d’une autorisation de courte durée valable dès le 21 août 2022 en faveur de B______.
Il avait été désigné tuteur de sa nièce pour des « raisons familiales » et s’était vu confier sa garde par décision de justice brésilienne. Sa nièce souhaitait terminer sa scolarité en demeurant auprès de lui et de son partenaire enregistré. Ils étaient en mesure de lui offrir un cadre familial et social stable, de l’héberger et de prendre en charge l’ensemble de ses frais. Elle envisageait d’entrer à l’école de commerce dès la rentrée scolaire 2022. Étaient joints à cette demande : un formulaire M de demande d’autorisation de séjour rempli au nom de B______ dont les cases « regroupement familial » et « rentier/sans activité lucrative » avaient été cochées ; un formulaire O d’attestation de prise en charge financière à concurrence de CHF 25'000.-/mois, signé par A______ ; un « Certidão de guarda » établi en portugais le 16 août 2022 par le secrétariat judiciaire du Premier Tribunal de famille et des successions du district de Contagem (Brésil), accompagné d’une traduction « DeepL » en français.
b. Par courrier du 3 août 2022, A______ a sollicité auprès de l’OCPM la délivrance d’une autorisation provisoire durant le traitement de sa requête afin que sa nièce puisse effectuer sa rentrée scolaire dans le canton de Genève, le 22 août 2022.
c. Dans un formulaire du 8 octobre 2022, intitulé « première demande », F______ a indiqué que B______ était arrivée le 1er janvier 2022.
d. Le 11 octobre 2022, faisant suite à une demande de renseignements, F______ a transmis à l’OCPM les documents suivants : son contrat de bail à loyer ; un certificat de prévoyance faisant état de son salaire annuel déterminant ; un formulaire EM « Déclaration concernant le lieu de résidence des enfants mineurs lorsqu’ils vivent séparés de l’un de leurs deux parents », signé par A______ en date du 18 octobre 2022 et par lequel il déclarait être au bénéfice de l’autorité parentale exclusive sur B______.
e. Le 8 novembre 2022, l’OCPM a informé A______ que l’examen de sa requête nécessitait le dépôt d’une demande d’entrée et d’autorisation de séjour auprès de la représentation diplomatique helvétique du lieu de séjour de sa nièce, indiquant s’il s’agissait d’une demande pour études ou d’un placement d’enfant en Suisse. Dans cette seconde hypothèse, en plus des documents demandés par la représentation diplomatique, était nécessaire la production de l’original d’un jugement des autorités judiciaires brésiliennes avec apostille concernant l’autorité parentale et le placement de B______ auprès de son oncle en Suisse, accompagné d’une traduction française par un traducteur-juré. Le certificat de garde et de détention concernant la tutelle n’étaient pas suffisants. La preuve de ses propres moyens financiers était également requise.
f. Le 7 décembre 2022, A______ a informé l’OCPM que sa demande devait être traitée sous l’angle du regroupement familial et non celui du séjour pour formation. Il sollicitait la liste des documents à produire pour que le dossier soit examiné sous cet angle.
Il s’était occupé de sa nièce lorsqu’il vivait au Brésil et s’en occupait de nouveau depuis l’arrivée de cette dernière à Genève, dans le courant de l’été 2022. Ils étaient extrêmement proches et il exerçait le rôle de père auprès d’elle depuis sa naissance. Les parents de sa nièce étaient divorcés et dans l’incapacité de s’en occuper, de sorte qu’il s’en était vu confier la garde exclusive le 4 juillet 2022, comme démontré par le « Certidão de guarda ». Cette décision brésilienne représentait l’établissement du « lien familial » ouvrant la porte au regroupement familial. Lui et son partenaire enregistré vivaient confortablement et pourvoiraient à l’entretien de sa nièce.
g. Le 17 décembre 2022, A______ a produit une attestation de scolarité datée du 12 décembre 2022 indiquant que B______ fréquentait une classe d’accueil pour élèves non-francophones au collège Sismondi depuis la rentrée 2022. Sérieuse, studieuse et très bien intégrée, elle s’exprimait déjà bien en français et participait activement aux cours.
h. L’OCPM a informé A______, le 4 janvier 2023, qu’un regroupement familial n’était pas envisageable, dès lors qu’il n’était pas le père de B______. Cependant, la communication de l’OCPM du 8 novembre relative au placement d’enfant en Suisse restait d’actualité, de sorte qu’un délai de 30 jours lui était accordé pour produire les documents requis, en particulier le jugement brésilien plaçant sa nièce auprès de lui en Suisse.
i. Le 12 janvier 2023, la traduction du « Certidão de guarda » établie par un traducteur professionnel a été transmise à l’OCPM. Le document portait sur « un mandat de tutelle », par le biais duquel le juge brésilien avait accordé à A______, en date du 7 avril 2022, la « garde définitive » de B______.
j. Le 25 janvier 2023, l’OCPM a informé A______ de son intention de refuser de délivrer un titre de séjour en faveur de sa nièce et de prononcer le renvoi de cette dernière. Un délai de 30 jours lui était imparti pour faire usage de son droit d’être entendu.
B______ était arrivée à Genève le 22 août 2022 sans avoir déposé au préalable une demande d’autorisation d’entrée et de séjour auprès de la représentation helvétique au Brésil. Aucune autorisation de placement en sa faveur n’avait été émise par le service d’autorisation et de surveillance des lieux de placement (ci-après : SASLP), étant précisé que ce document n’avait pas été requis par l’OCPM, dès lors que les éléments au dossier permettaient de se déterminer sur la requête.
A______ n’était pas le père juridique de B______ et un regroupement familial ne rentrait dès lors pas en ligne de compte. La requête devait être examinée sous l’angle du placement d’enfant en Suisse, dont les conditions n’étaient pas remplies. B______ n’était orpheline ni de père ni de mère et n’avait pas été abandonnée. Il n’apparaissait pas non plus que ses parents étaient dans l’incapacité absolue de s’occuper d’elle. Le jugement brésilien versé au dossier ne faisait état ni des motifs ayant conduit à cette attribution de garde, ni de recherches de solutions alternatives auprès des institutions publiques brésiliennes.
k. Par écriture du 27 février 2023, A______ a conclu à la délivrance d’un titre de séjour en faveur de sa nièce, principalement, sous l’angle du regroupement familial et plus subsidiairement, sous l’angle du cas de rigueur.
L’OCPM lui avait imparti un délai de 30 jours en date du 4 janvier 2023 soit jusqu’au 3 février 2023, pour produire tout document utile, en particulier le jugement des autorités brésiliennes. Or, le projet de décision de l’OCPM auquel il répondait par la présente avait été rendu le 25 janvier 2023, soit avant l’échéance du délai imparti, de sorte que son droit d’être entendu avait été violé.
Les conditions du regroupement familial étaient remplies. B______ avait toujours vécu avec lui au Brésil chez sa propre mère, en compagnie de la mère de la précitée, qui était cependant très souvent absente. Celle-ci avait la garde unilatérale de sa fille et n’était pas en mesure de s’occuper d’elle ni de subvenir à ses besoins. Il en allait de même pour sa grand-mère, qui était âgée. Le père de B______ n’avait jamais vécu avec elle, ni participé à son éducation ou son entretien. Il avait donc lui-même endossé le rôle de père envers sa nièce. Malgré son départ en Suisse il était resté proche d’elle, continuant à la soutenir affectivement et financièrement. Après la reconnaissance par les autorités brésiliennes, il avait déposé une requête au Brésil le 18 août 2021 pour se voir transférer la garde exclusive de sa nièce. Il s’était vu octroyer ladite garde le 4 juillet 2022, et le certificat y relatif le 16 août 2022. Il avait ensuite débuté les démarches afin que sa nièce vienne s’installer en Suisse. Elle était arrivée durant l’été 2022 afin de pouvoir effectuer sa rentrée scolaire à temps dans le canton. Lui et son partenaire enregistré étaient financièrement indépendants et leur situation confortable leur permettait de prendre en charge l’enfant, dont aucun membre de sa famille au Brésil ne pouvait assumer la charge, vivant dans une grande précarité.
F______ et lui-même devaient être considérés comme les parents nourriciers de B______. Ils s’occupaient de cette dernière comme si c’était leur fille mais n’avaient pas l’intention de l’adopter, dès lors que les deux parents biologiques et juridiques de celle-ci étaient en vie. Ils ne pouvaient dès lors se substituer légalement aux parents de cette enfant.
Enfin, les conditions du cas de rigueur étaient remplies. Outre les éléments précités, B______ avait été « dévastée » lorsqu’il avait quitté le Brésil pour venir s’installer en Suisse. Même si elle avait vécu au Brésil, avec lui-même, sa mère et grand-mère, sa mère était souvent absente et sa grand-mère ne pouvait plus s’en occuper du fait de son âge avancé. Sa nièce était maintenant parfaitement intégrée en Suisse : elle maitrisait le français et obtenait de bons résultats scolaires. Son centre de vie se trouvait désormais en Suisse, où elle avait rejoint celui qu’elle considérait comme son père et ses possibilités de réintégration au Brésil étaient nulles. Enfin, séparer une enfant de celui qui avait tenu le rôle de père auprès d’elle pour la renvoyer au Brésil où elle serait livrée à elle-même serait « irresponsable et inhumain ». Il était en outre surprenant que le jugement officiel de garde exclusive établi par les autorités brésiliennes ne soit pas considéré comme une preuve suffisante.
l. Le 7 mars 2023, l’OCPM a indiqué à A______ maintenir son projet de décision, en l’absence notamment de jugement motivé expliquant les raisons empêchant les parents de B______ de prendre soin d’elle. Un ultime délai au 18 mars 2023 lui était imparti pour produire d’autres documents.
m. Le 20 mars 2023, A______ a transmis à l’OCPM un avis de droit rédigé par Me G______, avocate brésilienne. Elle fournissait des explications sur le droit brésilien relatif au secret des procédures judiciaires concernant les mineurs et sur le régime local de garde. Une traduction libre de l’avis de droit en français était également jointe.
Comme l’indiquait ce document, la législation brésilienne prohibait la divulgation du contenu des jugements portant sur la garde de mineurs et la définition de « garde » brésilienne incluait également les facettes de l’autorité parentale prévue par le régime juridique suisse. Il violerait le droit brésilien en divulguant à l’OCPM le jugement détaillé lui ayant octroyé la garde exclusive et définitive de sa nièce. Il était toutefois évident qu’elle ne pouvait être renvoyée au Brésil, puisqu’il détenait sur elle « la garde et l’autorité parentale au sens de la loi helvétique ». Afin de finaliser l’examen du dossier, une liste d’éventuels documents à produire était requise.
n. Par décision du 4 avril 2023, l’OCPM a refusé de délivrer un titre de séjour en faveur de B______, a prononcé son renvoi et lui a imparti un délai au 4 juillet 2023 pour quitter la Suisse.
Dès lors qu’il n’était pas le père de B______, un regroupement familial était exclu. Rien n’indiquait que la précitée serait abandonnée et livrée à elle-même au Brésil, ni qu’elle ne pourrait vivre auprès de ses parents, ni qu’il était dans son intérêt de la séparer de ceux-ci. Une vie précaire au Brésil ne saurait justifier la délivrance d’une autorisation de séjour pour enfants placés et aucun changement important de circonstances ne démontrait que son placement en Suisse serait dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Les conditions de l’art. 27 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) n’étaient pas réalisées, faute d’avoir démontré la nécessité de suivre une formation à Genève et l’assurance de son départ de Suisse au terme de ses études. En sus, le lien unissant A______ à sa nièce n’entrait pas dans le champ d’application de l’art. 8 par. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).
Enfin, B______ était arrivée en Suisse depuis moins d’un an, de sorte que sa réintégration au Brésil ne devrait pas lui poser de difficulté insurmontable.
C. a. Le 16 mai 2023, A______ a interjeté recours devant de Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant préalablement à la comparution personnelle des parties ainsi qu’à l’audition de B______ et de F______ et, principalement à son annulation et au renvoi de la cause à l’OCPM pour nouvel examen.
Reprenant les éléments exposés dans son courrier du 27 février 2023 à l’OCPM, il a précisé que suite au « dépôt » de la requête d’octroi de garde définitive en date du 18 août 2021, auprès des tribunaux brésiliens, B______ n’avait eu d’autre choix que de se rendre en Suisse en septembre 2021, initialement en tant que touriste, sa grand-mère – souffrant de divers problèmes de santé – ne pouvant plus s’occuper d’elle. B______ ne pouvait donc pas retourner vivre au Brésil, puisqu’elle n’y avait plus personne pour prendre soin d’elle. Il était la seule personne à pouvoir le faire et vivait désormais en Suisse. Il détenait la garde et l’autorité parentale sur sa nièce et avait l’obligation d’en prendre soin jusqu’à sa majorité. Afin de respecter la décision brésilienne, sa nièce devrait rester auprès de lui, en Suisse à tout le moins jusqu’au 3 mars 2025, date de sa majorité. Elle avait l’intention d’y finaliser ses études secondaires puis de retourner au Brésil, poursuivre des études universitaires afin de devenir enseignante pour enfants en difficulté. Elle terminait actuellement son année préparatoire au collège Sismondi et obtiendrait normalement sa maturité gymnasiale en juin 2027. Il envisageait ensuite de s’installer au Brésil avec son partenaire enregistré et sa nièce.
Tant les conditions du regroupement familial que celles de l’octroi d’un permis de séjour au titre de placement d’enfant étaient remplies. Il en allait de même du cas de rigueur, vu les circonstances détaillées dans son courrier du 27 février 2023.
Il sollicitait la délivrance d’une autorisation de séjour en faveur de sa nièce, valable jusqu’en juin 2027, ou à tout le moins jusqu’en mars 2025, celle-ci devant, conformément à la décision des autorités brésiliennes demeurer avec lui jusqu’à ses 18 ans.
b. Le 17 juillet 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours.
c. Par réplique du 8 août 2023, A______ a persisté dans ses conclusions.
L’OCPM avait une importante marge de manœuvre qui lui permettait d’appliquer par analogie l’art. 44 LEI au présent cas, malgré l’absence de lien de filiation. La décision attaquée ne respectait pas le jugement brésilien lui octroyant la garde de cette enfant. Il devait s’y conformer sous peine de sanction des autorités brésiliennes. Aucun intérêt public prépondérant ne justifiait le renvoi de sa nièce. Dès lors que personne ne pouvait s’occuper d’elle au Brésil, un tel renvoi était inexigible, sauf en violation de la Convention relative aux droits de l’enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, approuvée par l’Assemblée fédérale le 13 décembre 1996. Instrument de ratification déposé par la Suisse le 24 février 1997 (CDE - RS 0.107).
d. Par jugement du 23 novembre 2023, le TAPI a rejeté le recours.
Aux termes de l’art. 44 al. 1 LEI, seuls les conjoints et enfants de moins de 18 ans pouvaient bénéficier d’un regroupement familial. B______ n’étant ni orpheline ni abandonnée par ses parents, et sans preuve d’incapacité totale de ceux-ci à s’occuper d’elle, elle ne remplissait pas les conditions édictées par la loi. La qualité de figure paternelle que s’attribuait son oncle ne suffisait pas non plus pour établir un lien de filiation juridiquement pertinent, d’autant que ce dernier n’avait jamais exprimé d’intention d’adopter B______.
Les prérogatives conférées par le droit de garde en droit brésilien, bien que comprenant le devoir de subvenir aux besoins de l’enfant, n’incluaient pas la déchéance des droits parentaux des parents biologiques de B______. Le jugement brésilien attribuant la garde au recourant, non motivé et non intégralement transmis, ne justifiait pas à lui seul l’octroi d’une autorisation de séjour en Suisse. Concernant l’allégation de A______ – supportant le fardeau de la preuve – selon laquelle il ne pouvait transmettre la motivation du jugement brésilien, il n’avait pas prouvé que le droit brésilien lui interdisait effectivement de transmettre, si nécessaire sous la qualification de « pièces confidentielles » l’entier du jugement à une instance soumise au secret de fonction.
B______ avait vécu au Brésil jusqu’à l’âge de 15 ans, y compris pendant une période de cinq ans sans A______, démontrant qu’elle n’était pas laissée sans prise en charge adéquate. Elle y était bien intégrée, et ses parents et sa grand-mère maternelle y résidaient toujours. Aucune preuve n’avait été apportée quant à une prétendue incapacité de sa grand-mère à prendre soin d’elle pour des raisons de santé ni que sa mère était souvent absente.
Concernant le refus de délivrer un titre de séjour à des fins de formation, rien ne démontrait un intérêt par l’intéressée à fréquenter une classe d’accueil pour élèves non francophones, puis de tenter d’obtenir une maturité gymnasiale plutôt que de poursuivre le cursus entamé au Brésil depuis le début de sa scolarité. Selon les déclarations de A______, sa nièce retournerait au Brésil au terme de son cursus secondaire en Suisse afin d’y commencer une formation universitaire. L’intérêt de finir une formation secondaire, de même que son utilité pour la suite du parcours de l’intéressée, n’étaient en rien démontrés.
C’était à bon droit que l’OCPM avait considéré que les conditions de délivrance d’un titre de séjour pour formation n’étaient pas remplies.
Enfin, l’âge de 16 ans de B______ suggérait une autonomie relative, compatible avec la poursuite d’une formation au Brésil. L’intention d’offrir un meilleur niveau de vie, voire de meilleures perspectives professionnelles ne pouvait être prise en considération lorsqu’il s’agissait d’examiner la réalisation des conditions d’octroi d’une autorisation de séjour en vue d’un placement. Il apparaissait que A______, qui se prévalait d’une situation financière confortable, pourrait continuer à subvenir aux besoins de sa nièce à distance, de sorte qu’il ne pouvait être soutenu que celle-ci se trouverait démunie en cas de retour au Brésil. Il n’était enfin pas démontré que le Brésil était dans l’impossibilité de trouver une autre solution dans l’intérêt de l’enfant.
L’OCPM avait également estimé que les motifs invoqués sous l’angle du cas de rigueur ne pouvaient être retenus, B______ ayant passé son enfance et son adolescence au Brésil, y ayant encore des attaches importantes, et ayant été scolarisée en Suisse pour une période relativement brève.
Aucune violation du droit à la vie familiale de B______ n’était à déplorer. Cette dernière ne pouvait se prévaloir de son droit au respect de la vie familiale avec un membre de sa famille nucléaire en Suisse, son oncle n’en faisant pas partie et ses parents vivant au Brésil. Aucun lien de dépendance avec son oncle n’avait été démontré. A______ pourrait en outre continuer à rendre visite à sa nièce au Brésil et maintenir avec elle un contact par vidéo, messages notamment, comme il indiquait l’avoir fait depuis son propre départ en Suisse.
Enfin, au vu de la brièveté de son séjour en Suisse, effectué sans autorisation puis sous couvert d’une simple tolérance par les autorités durant le cours de la procédure, B______ ne pouvait se prévaloir d’une potentielle atteinte à son droit à la vie privée.
D. a. Par acte du 11 janvier 2024, B______ et son oncle, A______, ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI, concluant, préalablement à la comparution des parties et à l’audition de témoins et, au fond, à l’annulation du jugement, de la décision du 4 avril 2023 et à ce que la cause soit renvoyée à l’OCPM pour nouvel examen.
A______, titulaire d’un permis de séjour à Genève, avait assumé un rôle parental auprès de B______ depuis sa naissance en raison de l’absence totale de son père, tant sur le plan affectif que financier. Le tribunal civil de l’État de H______, au Brésil, lui avait octroyé la garde exclusive de sa nièce par décision du 4 juillet 2022, en raison de l’incapacité de la mère de celle-ci à subvenir à ses besoins, bien qu’elle ait auparavant eu la garde unilatérale.
La décision brésilienne représentait bien « l’établissement du lien familial », ouvrant la porte au regroupement familial et donc le commencement du délai d’un an au sens de l’art. 47 al. 3 let. b LEI. L’avis de droit brésilien indiquait très clairement d’une part que les décisions judicaires impliquant des mineurs ne pouvaient être divulguées et d’autre part, que le droit brésilien incluait la notion de garde définitive, ce qui était appelé en droit suisse « l’autorité parentale ».
En outre, la Convention de La Haye sur la suppression de l’exigence de légalisation des actes publics étrangers, à laquelle le Brésil et la Suisse étaient parties, imposait à la Suisse de reconnaître cette décision.
A______ soutenait que sa nièce, ayant toujours vécu avec lui et voyant en lui une figure parentale, serait dans une situation de détresse personnelle extrême si elle devait retourner seule au Brésil, un retour qui la priverait de tout cadre affectif et social stable. Le TAPI avait retenu que la précitée avait passé la majeure partie de sa vie au Brésil, mais A______ soulignait que cette période s’était essentiellement déroulée en sa présence, créant ainsi un lien équivalent à celui entre un père et sa fille.
En réponse à l’allégation du TAPI selon laquelle le projet de B______ de retourner à terme au Brésil s’opposait aux exigences d’un cas de rigueur, A______ rappelait son intention de déménager lui-même au Brésil lorsque B______ y entamerait ses études universitaires, afin de la soutenir. Ce projet, loin d’être contradictoire, démontrait selon lui la gravité de la situation personnelle de sa nièce, sa dépendance affective et sociale à son égard et l’importance de préserver ce cadre familial en Suisse.
Enfin, bien que la durée de séjour de B______ en Suisse ait été brève, son intégration était réussie, notamment dans le milieu scolaire. Sa présence en Suisse devait se poursuivre afin de préserver son équilibre familial et social.
b. Le 19 février 2024, l'OCPM a conclu au rejet du recours.
c. Les recourants n’ont pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.
d. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. Le litige porte sur la conformité au droit du jugement confirmant la décision de l'OCPM de refuser de délivrer à la recourante une autorisation de séjour et prononçant son renvoi de Suisse.
3. Les recourants ont requis leur audition ainsi que celle de F______, en qualité que témoin.
3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit à une audition orale (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1), ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).
3.2 En l'espèce, les recourants ont eu l’occasion de faire valoir leur point de vue tout au long de la procédure devant l’OCPM, le TAPI, puis la chambre de céans. Ils ont, en outre, pu produire toutes les pièces qu’ils estimaient utiles. Il n'apparaît pas que leur audition, ni celle de F______, soit de nature à apporter d'autres éléments pertinents que ceux déjà exposés par écrit ; ils ne le soutiennent d'ailleurs pas.
La chambre de céans dispose ainsi d’un dossier complet, comprenant notamment le dossier de l’OCPM et du TAPI, lui permettant de se prononcer sur les griefs soulevés et trancher le litige en connaissance de cause, de sorte qu’il ne sera pas fait droit aux demandes d’actes d’instruction.
4. La recourante se prévaut de l’art. 44 LEI pour obtenir une autorisation de séjour au titre du regroupement familial.
4.1 Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).
Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après cette date sont régies par le nouveau droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).
La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 al. 1 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Brésil.
L’art. 44 al. 1 LEI dispose que le conjoint étranger du titulaire d’une autorisation de séjour ainsi que ses enfants célibataires étrangers de moins de 18 ans peuvent obtenir une autorisation de séjour et la prolongation de celle-ci à certaines conditions.
4.2 En l’espèce, il n’est pas contesté que la recourante est la nièce de A______. Elle n’entre donc pas dans le champ d’application matériel de l’art. 44 al. 1 LEI. Le fait que le recourant ait endossé le rôle de père de l’intéressée depuis sa naissance ne permet pas de déroger au texte clair de la loi. Aucun élément au dossier ne permet du reste de retenir qu’un lien de filiation aurait été créé entre la recourante et son oncle. Ce dernier a d’ailleurs précisé qu’il n’avait pas l’intention de l’adopter.
C’est donc à bon droit que le TAPI a confirmé le refus d’octroyer une autorisation de séjour sur la base de l’art. 44 al. 1 LEI.
5. La recourante soutient qu’elle remplirait les conditions de l’octroi d’une autorisation de séjour au titre du placement d’enfant.
5.1 Sous l’angle du placement d’enfant, l'art. 30 al. 1 let. c LEI donne à l'autorité la possibilité de déroger aux conditions d'admission prévues par les art. 18 à 29 de cette loi afin de régler le séjour des enfants placés.
L'al. 2 de cette disposition délègue au Conseil fédéral la compétence de fixer des conditions générales ainsi que d'arrêter la procédure à suivre pour octroyer une dérogation.
5.2 L'art. 33 OASA, intitulé « enfants placés », prévoit que des autorisations de séjour peuvent être accordées à des enfants placés si les conditions auxquelles le Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) soumet l'accueil de ces enfants sont remplies.
Selon l’art. 316 al. 1 CC, le placement d’enfants auprès de parents nourriciers est soumis à l’autorisation et à la surveillance de l’autorité de protection de l’enfant ou d’un autre office du domicile des parents nourriciers, désigné par le droit cantonal. Le Conseil fédéral édicte des prescriptions d’exécution (al. 2). À Genève, le département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse
(ci-après : le département) est compétent pour délivrer cette autorisation
(art. 233 al. 1 de la loi d'application du code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 - LaCC - E 1 05).
Selon l’art. 8 al. 1 de l'ordonnance sur le placement d'enfants du 19 octobre 1977 (OPE - RS 211.222.338), les parents nourriciers doivent requérir l’autorisation avant d’accueillir l’enfant. L’al. 4 de cette disposition dispose que l’autorisation délivrée pour l’accueil d’un enfant de nationalité étrangère qui a vécu jusqu’alors à l’étranger (art. 6) ne produit ses effets que lorsque le visa est accordé ou que l’octroi de l’autorisation de séjour est assuré (art. 8a).
L’autorité de protection de l’enfant du lieu de placement est compétente pour délivrer l’autorisation ou recevoir l’annonce et pour exercer la surveillance s’agissant du placement de l’enfant chez des parents nourriciers (art. 2 al. 1 let. a OPE).
Aux termes de l’art. 6 OPE, un enfant de nationalité étrangère qui a vécu jusqu’alors à l’étranger ne peut être placé en Suisse chez des parents nourriciers qui n’ont pas l’intention de l’adopter que s’il existe un motif important (al. 1). Les parents nourriciers doivent produire une déclaration du représentant légal compétent selon le droit du pays d’origine de l’enfant qui indique le motif du placement en Suisse. Lorsque cette déclaration n’est pas rédigée dans l’une des langues officielles de la Suisse, l’autorité peut en exiger la traduction (al. 2). Les parents nourriciers doivent s’engager par écrit à pourvoir à l’entretien de l’enfant en Suisse comme si celui-ci était le leur et quelle que soit l’évolution du lien nourricier ainsi qu’à rembourser à la collectivité publique les frais d’entretien de l’enfant que celle-ci a assumés à leur place (al. 3).
Les directives relatives à la LEI (secrétariat d'État aux migrations, Domaine des étrangers [ci-après : directives LEI], état au 1er juin 2024, ch. 5.4.2.2) précisent encore que les autorités cantonales veillent à ce que les dispositions sur l'admission d'enfants placés ne soient pas éludées par l'octroi de l'autorisation de séjour à des élèves : le but visé par l'art. 33 OASA est d'offrir à un enfant un environnement familial et social adéquat, dont la possibilité de poursuivre sa scolarité en Suisse n'est qu'une conséquence. Le placement doit servir uniquement et seulement l'intérêt supérieur de l'enfant sans qu'il y ait d'autre considération, notamment migratoire, au premier plan.
Ainsi que l'a rappelé le Tribunal administratif fédéral, les autorités de police des étrangers, qui sont confrontées à des abus dans ce domaine, ont le devoir de s'assurer, avant d'autoriser le séjour en vue d'un placement éducatif, qu'aucune autre solution n'a pu être trouvée dans le pays d'origine de l'enfant placé. L'octroi d'une autorisation de séjour (en dérogation aux conditions d'admission) fondée sur l'art. 30 al. 1 let. c LEI ne se justifiera donc que lorsque l'enfant est orphelin à la fois de père et de mère, ou a été abandonné, ou encore lorsque ses parents sont dans l'absolue incapacité de s'en occuper. Il convient en effet de ne pas perdre de vue que l'État de provenance de l'enfant ne saurait se soustraire aux devoirs qui lui incombent à l'égard de ses propres citoyens, notamment en matière d'assistance et d'éducation (ATAF C-1403/2011 du 31 août 2011 consid. 5.4 et les références citées).
Les dispositions précitées, qui sont rédigées en la forme potestative
(« Kann-Vorschriften »), ne confèrent pas un droit à la délivrance (ou à la prolongation) d'une autorisation de séjour, contrairement à l'art. 48 LEI, qui définit les conditions spécifiques auxquelles les enfants placés en vue d'une adoption peuvent se prévaloir d'un droit de séjour en Suisse (Minh Son Nguyen, in : Amarelle/Nguyen [éd.], Code annoté de droit des migrations, vol. II : Loi sur les étrangers [LEtr], 2017, ad art. 30 al. 1 let. c LEtr, pp. 275 et 276).
5.3 En l’occurrence, il n’est pas contesté que le recourant et son partenaire enregistré n’ont pas requis d’autorisation auprès du département avant d’accueillir l’enfant en qualité de parents nourriciers. Les conditions liées à l’accueil de la recourante au sens de l’OPE n’ont donc pas fait l’objet d’un examen par l’autorité compétente. Les conditions d’application de l’art. 33 OASA, qui, par le renvoi à l’art. 316 al. 1 CC, suppose une autorisation préalable de l’autorité compétente désignée par le droit cantonal, ne sont dès lors pas réunies.
S’ajoute à cela que la situation de la recourante n’est, quoi qu’il en soit, pas susceptible de justifier l'octroi en sa faveur d'une autorisation de séjour en application de l'art. 30 al. 1 let. c LEI. Il ressort en effet du dossier que l’intéressée n’est orpheline ni de père, ni de mère et n’a pas été abandonnée. Elle a vécu jusqu’à ses 14 ans auprès de sa mère et de sa grand-mère au Brésil – y compris après le départ de son oncle, alors qu’elle n’était âgée que de 10 ans – et il n’est pas démontré, à teneur du dossier, que celles-ci sont dans l’absolue incapacité de s’en occuper.
Le jugement brésilien, dont la motivation n’a pas été produite, octroyant la garde de la recourante à son oncle ne change rien à ce qui précède. On relèvera d’ailleurs, comme l’a fait le TAPI, que les explications selon lesquelles sa communication était prohibée par le droit brésilien en raison de la minorité de la recourante ne sauraient convaincre. Par ailleurs, aucune démarche n’a été entreprise par les recourants pour obtenir l'exequatur de ce jugement en Suisse.
Le but visé par l'art. 33 OASA est d'offrir à un enfant un environnement familial et social adéquat, dont la possibilité de poursuivre sa scolarité en Suisse n'est qu'une conséquence. Or, rien n’indique que la recourante ne trouverait pas au Brésil un tel environnement. En outre, comme souligné par le TAPI, il revient en premier lieu au Brésil de pourvoir à l’assistance et à l’éducation de ses citoyens.
Le raisonnement suivi par le TAPI, qui a retenu qu'il n'était pas démontré qu'un placement de la recourante en Suisse était l'unique solution permettant de préserver ses intérêts et qu'il n'était nullement établi que les parents, ou à tout le moins la mère de l'intéressée ne puisse la prendre en charge, doit partant être confirmé.
6. La recourante soutient qu’elle remplirait les conditions de l’octroi d’une autorisation de séjour au titre du cas d’extrême gravité.
6.1 Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission (art. 18 à 29 LEI) notamment dans le but de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.
Dans sa teneur depuis le 1er janvier 2019, l’art. 31 al. 1 OASA prévoit que, pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration de la personne requérante sur la base des critères d'intégration définis à l'art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené une personne étrangère à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI ch. 5.6.10 ; ATA/756/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.4).
L'art. 58a al. 1 LEI précise que pour évaluer l'intégration, l'autorité compétente tient compte des critères suivants : le respect de la sécurité et de l'ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (let. b), les compétences linguistiques (let. c), la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation (let. d).
6.2 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4 ; ATA/257/2020 du 3 mars 2020 consid. 6c). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/92/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4d).
La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).
6.3 Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).
L’intégration professionnelle doit être exceptionnelle : le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou alors son ascension professionnelle est si remarquable qu'elle justifierait une exception aux mesures de limitation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATA/981/2019 du 4 juin 2019 consid. 6c et l'arrêt cité).
La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1 ; ATA/756/2023 précité consid. 2.6).
L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire la personne requérante aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique que la personne concernée se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'elle tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles la personne requérante serait également exposée à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1 ; 2A.255/1994 du 9 décembre 1994 consid. 3). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par la personne requérante à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/332/2024 du 5 mars 2024 consid. 2.5).
6.4 Un étranger peut se prévaloir de l'art. 8 par. 1 CEDH pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille. Pour qu'il puisse invoquer la protection de la vie familiale découlant de cette disposition, il doit entretenir une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 139 I 330 consid. 2.1). Les relations familiales qui peuvent fonder un droit à une autorisation sont avant tout les rapports entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant ensemble (ATF 135 I 143 consid. 1.3.2).
6.5 En l’espèce, que la recourante soit arrivée à Genève en 2021 (selon ses propres déclarations) ou en 2022 (selon les faits retenus par le jugement entrepris), son séjour ne saurait être qualifié de long. Sa durée doit par ailleurs être relativisée au regard du fait qu’il a été effectué dans l’illégalité ou, depuis le dépôt de la demande de régularisation, au bénéfice d'une tolérance des autorités de migration.
Si la recourante est, certes, entretenue par son oncle et son conjoint, n'a pas été condamnée pénalement, n’a pas recouru à l’aide sociale et n’a pas de dettes, de tels éléments ne suffisent pas pour retenir l’existence d’une intégration sociale particulièrement réussie. La recourante ne prouve pas avoir tissé – hormis avec les membres de sa famille – des liens amicaux ou affectifs particulièrement forts à Genève, qu’elle ne pourrait continuer à poursuivre depuis le Brésil par le biais de moyens de télécommunication moderne. De même, elle ne rend pas vraisemblable qu’elle se serait investie dans la vie associative ou sportive à Genève. Enfin, si elle suit sa scolarité en classe d’intégration de manière régulière et sérieuse, elle ne saurait se prévaloir de ces éléments afin de bénéficier d’un permis de séjour sous l’angle du cas de rigueur. Elle indique par ailleurs souhaiter continuer ses études universitaires au Brésil afin d’y devenir enseignante.
S’agissant de sa réintégration au Brésil, il n’a pas été démontré que la recourante se retrouverait, comme elle l’allègue, seule et livrée à elle-même dans ce pays. Sa mère, de même que sa grand-mère y résident et auraient toujours pourvu à ses besoins jusqu’à son départ en Suisse. La recourante a passé la majeure partie de son adolescence – période comprise entre 12 et 16 ans et importante du développement personnel, scolaire et professionnel – au Brésil, sans son oncle, ce dernier ayant quitté le pays alors qu’elle n’avait que 10 ans. Elle ne l’a rejoint qu’à l’âge de 14 ans, voire 15 ans, en Suisse. Il ne saurait dès lors être considéré que l’absence de son oncle à ses côtés constituerait un obstacle à sa réintégration au Brésil.
Née au Brésil, elle connaît la mentalité et les us et coutumes de son pays et en parle la langue. Âgée de bientôt 17 ans et 8 mois, en bonne santé, elle pourra faire valoir en cas de retour les compétences acquises en Suisse pour sa réintégration, notamment scolaire et sociale, et ne devrait pas rencontrer des problèmes de réintégration indépendants des difficultés connues par l'ensemble de la population au Brésil. Elle pourra au demeurant compter sur l’aide de sa famille au Brésil, dont sa mère et sa grand-mère. Rien n'empêche du reste qu'elle poursuive sa formation au Brésil, avec l'aide financière de son oncle. Sa situation ne permet donc pas de retenir que sa réintégration serait gravement compromise au sens de la jurisprudence.
Enfin les recourants ne peuvent rien tirer de l'art. 8 CEDH sous l’angle du droit au respect de la vie familiale, leur relation excédant le cadre étroit de la famille nucléaire. Aucun lien de dépendance n’est en outre démontré. Le recourant pourra continuer à rendre visite à sa nièce au Brésil et à maintenir le contact par le biais de moyens de télécommunication modernes, comme il l’a fait par le passé. En effet, malgré son départ pour la Suisse en 2017, le recourant a indiqué qu’il était resté proche de sa nièce, continuant à la soutenir affectivement et financièrement. Rien n’empêche ainsi qu’il continue à le faire, à tout le moins jusqu’à ce qu’il déplace son centre de vie au Brésil avec son compagnon.
Au vu de ce qui précède, le TAPI n’a pas violé la loi ni commis un abus de son pouvoir d’appréciation en confirmant le refus de l’OCPM de préaviser favorablement auprès du SEM la demande d’autorisation de séjour en faveur de la recourante.
7. Reste encore à examiner si les conditions permettant l’exécution du renvoi de la recourante sont remplies.
7.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Le renvoi d'un étranger ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque l'intéressé ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyé dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger l'étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).
7.2 En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour à la recourante, l'intimé devait prononcer son renvoi. Pour le surplus, aucun motif ne permet de retenir que l'exécution du renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigée, ce que les recourants ne soutiennent d’ailleurs pas. Il n'existe pas, hormis les difficultés inhérentes à tout retour dans le pays d'origine après quelques années d'absence, de circonstances empêchant l'exécution de son renvoi au Brésil.
Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.
8. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge des recourants et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 11 janvier 2024 par A______, agissant pour son compte et le compte de sa nièce mineure B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 novembre 2023 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 400.- à la charge des recourants ;
dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;
dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à Me Patrick Spinedi, avocat des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.
Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Eleanor McGREGOR, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
|
| le président siégeant :
P. CHENAUX |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
|
| la greffière :
|
Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html
Recours en matière de droit public | Recours constitutionnel subsidiaire |
Art. 82 Principe Le Tribunal fédéral connaît des recours : a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ; … Art. 83 Exceptions Le recours est irrecevable contre : … c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent : 1. l’entrée en Suisse, 2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit, 3. l’admission provisoire, 4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi, 5. les dérogations aux conditions d’admission, 6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ; d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues : 1. par le Tribunal administratif fédéral, 2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ; … Art. 89 Qualité pour recourir 1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque : a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ; b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. … Art. 95 Droit suisse Le recours peut être formé pour violation : a. du droit fédéral ; b. du droit international ; c. de droits constitutionnels cantonaux ; d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ; e. du droit intercantonal. Art. 100 Recours contre une décision1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète. ______________________________________________ | Art. 113 Principe Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89. Art. 115 Qualité pour recourir A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque : a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée. Art. 116 Motifs de recours Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels. Art. 100 Recours contre une décision 1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète. ___________________________________________
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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)
1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.
2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.
3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.