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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1242/2024

ATA/1379/2024 du 26.11.2024 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1242/2024-FPUBL ATA/1379/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 novembre 2024

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Daniel Kinzer, avocat

contre

COMMANDANTE DE LA POLICE intimée

 



EN FAIT

A. a. Par contrat de durée déterminée d’une année du 24 mai 2023, A______, né le ______ 1990, a été engagé au sein de l’administration cantonale en qualité d’aspirant de police à compter du 1er septembre 2023.

À teneur du contrat, la durée de la formation académique est de douze mois à compter du 1er septembre 2022 (art. 1). Le montant de l’indemnité est fixé à CHF 4'972.50.- brut par mois (classe 08 ; annuité 01). Dès son entrée en formation, l’aspirant est subordonné hiérarchiquement à l’officier supérieur genevois en charge de l’instruction au sein de l’académie de police de Savatan (ci-après : l’académie) (art. 3), où la formation a lieu (art. 4). L’engagement peut prendre fin en tout temps, si, entre la signature du contrat et la fin de la formation, l’aspirant, notamment, n’est plus en adéquation avec la charte éthique de l’administration cantonale ou s’il a commis une violation avérée, grave ou répétée des règles internes de l’académie ou des prescriptions de service (art. 11). Pendant toute la durée du contrat, l’État et l’aspirant peuvent l’un et l’autre résilier les rapports de service. Le délai de résiliation est d’un mois pour la fin d’un mois (art. 12).

b. Le 17 octobre 2023, il a été entendu par la hiérarchie de l’académie au sujet des déclarations de plusieurs aspirants et aspirantes relatant des propos sexistes et dégradants de sa part.

c. Par courrier du 18 octobre 2023, remis en mains propres, il a été convoqué à un entretien de service. L’objectif de l’entretien était de l’entendre au sujet du « comportement inadmissible » ainsi que « des propos inadéquats et sexistes » qu’il aurait tenus régulièrement depuis le début de sa formation initiale à l’encontre de plusieurs de ses collègues féminines au sein de l’académie. Il serait également amené à s’expliquer au sujet des « observations déplacées » qu’il aurait faites auprès de collègues masculins, concernant certaines aspirantes, notamment sur leur apparence physique.

d. Le même jour, il a été libéré de son obligation de travailler.

e. À la suite de l’entretien du 18 octobre 2023, dans un courrier non daté, A______ a fait part de ses observations à la commandante de police, relevant être « conscient de l’importance de maintenir un environnement de travail respectueux et professionnel » et « respecter les principes et les valeurs de la police genevoise auxquelles il était extrêmement attaché ». ll était convaincu que les accusations étaient le « résultat d’un coup monté orchestré par un seul groupe d’amies qui cherchaient à le nuire ». Il allait de soi qu’après cinq ans à essayer d’entrer dans un corps de police, il ne se serait jamais permis de tenir des propos pouvant mettre en péril sa carrière.

f. Lors de l’entretien de service du 2 novembre 2023, son responsable hiérarchique lui a indiqué que le sergent-major B______ lui avait établi une note par laquelle il expliquait avoir surpris une discussion entre l’aspirante C______ et l’aspirante D______ au sujet du comportement de A______. Il avait dès lors demandé des précisions. Au vu de la gravité des faits portés à sa connaissance, ils avaient décidé d’entendre, sur la base du volontariat, toutes les personnes qui le souhaitaient. Plusieurs aspirants de la même volée, mais de deux classes différentes, s’étaient présentés et avaient été entendus le 17 octobre 2023 au sujet du comportement et de ses propos déplacés. Il ressortait de ces auditions que :

-          A______ avait évoqué avec l’aspirante E______ le fait que le compagnon de cette dernière, également aspirant de l’académie, était probablement jaloux. A______ avait ajouté que s’il le voulait, il pourrait « foutre la merde entre les couples », précisant que cela concernerait aussi le couple de l’aspirante E______ et son ami. En outre, l’aspirante E______ avait été informée du fait que A______ aurait dit à l’aspirant F______ que s’il ne « baisait pas l’aspirante G______», c’était lui qui le ferait. Ces propos avaient été rapportés à l’aspirante E______ par l’aspirant F______. Entendu le même jour, l’aspirant F______ avait confirmé ces propos. Il avait par ailleurs ajouté qu’il n’avait pas du tout apprécié le comportement de A______ avec l’aspirante D______ et avait relevé qu’il avait une attitude qui mettait les aspirantes mal à l’aise ;

-          L’aspirante E______ avait déclaré que A______ avait annoncé à ses collègues de chambre qu’elle lui avait demandé d’échanger avec lui son compte Instagram mais qu’il ne savait pas s’il allait le lui donner parce qu’il n’avait « pas envie qu’elle se fasse des idées ». Enfin, l’aspirante E______ faisait état de regards insistants ou intimidants de la part de A______ envers elle mais aussi envers l’aspirante G______. Elle avait indiqué : « il nous fixe jusqu’à ce qu’on baisse les yeux ». À ces regards s’ajoutaient le fait qu’il se rapprochait trop d’elle, avec, selon elle, une intention de l’intimider ;

-          A______ aurait tenu, auprès de l’aspirant H______ des propos déplacés au sujet de l’aspirante C______. Entendue à ce sujet, l’aspirante C______ a expliqué qu’alors qu’elle s’entraînait à faire des tractions et qu’elle poussait des cris d’effort, A______ aurait dit à l’aspirant H______ : « Putain celle-là au lit, cela doit être de la folie comme elle crie. Avec un sac sur la tête ce serait top ». Elle avait affirmé que c’était l’aspirant H______ lui-même qui lui avait rapporté ces propos. Entendu à ce sujet le même jour, l’aspirant H______ avait précisé que A______ lui avait dit : « si elle crie comme cela lors des tractions, j’imagine que quand elle est au lit elle doit crier encore plus fort ». A______ avait ajouté qu’il l' empêcherait de parler s’il était au lit avec elle, afin qu’il ait la paix. Lorsque l’aspirant H______ lui avait fait remarquer que l’aspirante C______ était en couple depuis six ans, A______ avait répondu que s’il voulait casser un couple, il le ferait et ce, peu importait le nombre d’années que formait le couple. Par ailleurs, l’aspirante C______ avait déclaré qu’elle considérait A______ comme une personne gênante, qu’il se frottait et se collait aux aspirantes lors de discussions. Elle avait ajouté qu’il faisait des remarques à voix haute telles que « regarde celle-là, elle a un sacré gros cul, par contre, elle a une sale gueule, tu lui mets un sac sur la tête et c’est réglé ». Enfin, l’aspirante C______ avait expliqué avoir voulu parler à A______ le 12 octobre 2023 en présence du responsable éthique de la classe, en raison des propos qu’il avait tenus la concernant. À cette occasion, elle lui avait fait part de son mécontentement. A______ avait nié avoir prononcé les propos en question. Compte tenu du fait qu’elle s’était confrontée à lui, elle affirmait craindre des représailles de sa part.

-          L’aspirant H______ avait relevé que A______ faisait souvent des remarques concernant le physique des femmes et plusieurs aspirantes se sentaient oppressées par son comportement. Outre les propos qu’il avait confirmés concernant l’aspirante C______, il avait également ajouté que le 5 octobre 2023, la titulaire de classe avait proposé une mise à plat des problèmes rencontrés, afin de désamorcer les tensions au sein de la classe. À cette occasion, plusieurs aspirants s’étaient plaints de comportements incorrects au sein de la classe, sans donner de détails. Lorsque A______ s’était exprimé à son tour, il avait pour sa part évoqué les raisons pour lesquelles il avait un physique de bodybuilder ; il avait également affirmé qu’il avait un cœur et qu’il prendrait une balle pour un collègue. Or, l’aspirant H______ avait affirmé que deux jours plus tôt, il avait dit exactement le contraire, à savoir qu’il ne prendrait pas une balle pour un collègue.

-          L’aspirante D______ avait fait part du fait qu’à l’issue de la formation sur le harcèlement sexuel durant la semaine d’intégration à Genève, A______ ne semblait pas prendre au sérieux ce sujet, ce qui avait été constaté par plusieurs personnes. Elle avait ajouté qu’elle avait remarqué qu’il était tactile et se rapprochait trop d’elle lorsqu’ils discutaient. Durant la semaine « integro » à l’académie, elle l’avait entendu dire : « les filles, vous avez trop de chance pour les douches. Je sais pourquoi vous en avez des séparées ! ». Lorsqu’elle avait demandé pourquoi, A______ avait répondu : « je ne vais rien dire sinon on va dire que je fais du harcèlement ». Ensuite, il avait sous-entendu en rigolant que les filles avaient besoin du pommeau de douche. Au début du mois d’octobre, A______ était passé derrière elle, lui avait mis les mains sur les épaules et lui avait dit : « Ah putain t’as un gros cul toi », ceci en présence de nombreuses personnes. L’aspirante D______ s’était sentie très mal à l’aise mais n’avait rien osé dire de peur que cela ne lui « retombe dessus ». Le même jour, alors que l’aspirante D______ avait demandé à A______ s’il comptait se rendre au Crossfit, il lui avait répondu qu’il ne pratiquait pas ce « sport de pédé » et lui avait demandé si elle ne voulait pas plutôt l’accompagner au fitness dans sa « petite tenue ». Elle avait ajouté qu’elle espérait ne jamais se retrouver en patrouille avec lui à Genève ;

-          L’aspirant I______ avait indiqué que lors de sa rencontre avec A______, durant la semaine d’intégration à Genève, il lui avait clairement dit : « Moi, je vais à Savatan pour baiser des femmes, c’est un baisodrome ». Il avait expliqué que dans la chambre à Savatan, A______ commentait régulièrement le physique des aspirantes de manière vulgaire, notamment celui de l’aspirante J______. Il avait ajouté que lorsqu’ils avaient tous pour la première fois revêtu l’uniforme UNIMATOS, A______ lui avait dit au sujet d’une aspirante de la classe 6 : « elle a un putain de beau cul en UNIMATOS, je me la ferais bien ». L’aspirant I______ avait indiqué qu’il considérait que A______ n’avait pas un comportement adéquat et qu’en devenant policier, il pourrait faire de gros dégâts, en particulier s’il était amené à former de jeunes policières. Il avait précisé que A______ parlait souvent du fait que plus tard, il ferait usage de ses moyens de contrainte sans prendre en considération la proportionnalité.

A______ s’est exprimé sur ces faits. Il a admis avoir échangé des propos avec l’aspirant F______ au sujet de l’aspirante G______, mais a contesté avoir tenu des propos vulgaires dans ce contexte. Il a contesté avoir voulu aller avec l’aspirante D______ à la salle de sport « en petite tenue ». S’agissant de la discussion liée aux douches, il a confirmé avoir dit que les filles avaient de la chance d’avoir des douches individuelles mais a contesté avoir parlé de « pommeaux de douche ». Il a expliqué avoir subi du harcèlement de la part de l’aspirante G______, qui s’était mise à genoux devant lui à la cafétéria de l’académie. Il a également évoqué un autre épisode : alors qu’il prenait son repas et que de la sauce à salade lui coulait sur la commissure des lèvres, l’aspirante G______lui avait dit « qu’elle aimerait bien lécher sa goutte ». Il a contesté avoir dit qu’il était allé à Savatan « pour baiser des femmes » et qu’il s’agissait d’un « baisodrome ». Dès le début de la formation, il avait constaté que les aspirantes E______ et G______« s’asseyaient toujours à côté de lui » et étaient « trop proches de lui ». Il ne comprenait pas pourquoi l’aspirante E______ se « rapprochait trop de lui » et « parlait beaucoup de sexualité ». Il a expliqué que les aspirantes C______ et K______ s’étaient liées. Il a relevé, enfin, avoir longtemps travaillé dans un établissement médico-social (ci‑après : EMS) et n’avoir jamais eu de soucis avec ses collègues ou patientes féminines.

Au terme de l’entretien, l’employeur a confirmé qu’il envisageait de résilier les rapports de service.

g. Par courrier non daté, A______ s’est encore exprimé sur les déclarations de certains de ses collègues.

h. Par décision du 28 février 2024, déclarée exécutoire nonobstant recours, la commandante a résilié les rapports de service de A______.

Les motifs qui lui avaient été communiqués lors de l’entretien du 2 novembre 2023 justifiaient la résiliation de ses rapports de service. À cette occasion, il lui avait été indiqué que son comportement, de même que les propos inappropriés et sexistes qu’il avait tenus à l’encontre, entre autres, de plusieurs aspirantes et aspirants de sa classe n’étaient pas en adéquation avec ce qu’il était permis d’attendre d’un futur policier. Ses observations du 30 novembre 2023 n’étaient pas de nature à remettre en cause la détermination de sa hiérarchie. En effet, il réfutait avoir fait des commentaires sexistes ou inappropriés envers quiconque, affirmant qu’il faisait l’objet d’un complot suite à un différend qu’il avait eu avec une aspirante devenue par la suite titulaire de sa classe. Certaines de ses déclarations étaient toutefois contradictoires. Lorsqu’il avait été entendu le 17 octobre 2023 par la hiérarchie de l’académie, il avait admis avoir qualifié l’institution de « baisodrome » parce que « c’était ce que tout le monde disait ». Cependant, à l’entretien du 2 novembre 2023, il avait d’abord réfuté l’utilisation de ce terme, puis avait affirmé que ce mot ne pouvait pas être considéré comme du harcèlement lorsqu’il était utilisé dans une conversation entre deux hommes. Ainsi, les déclarations nombreuses et concordantes des aspirantes et aspirants qui s’étaient plaints de ses propos déplacés, de ses regards insistants, de sa proximité physique les mettant mal à l’aise, voire de contacts physiques importuns constituaient un faisceau d’indices probants, démontrant que le climat de travail dans lequel les personnes ciblées devaient évoluer était inconfortable pour elles en raison de son comportement et de ses propos inadéquats. Enfin, sa dénonciation du comportement qu’aurait eu une aspirante envers lui était tardive. Même avérés, de tels faits ne sauraient en aucun cas excuser ses agissements inappropriés.

B. a. Par acte du 16 avril 2024, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision. Il a conclu à son annulation et à sa réintégration. Préalablement, l’effet suspensif devait être restitué au recours et sa réintégration immédiate ordonnée. Il devait être entendu, à l’instar de l’aspirant L______, de M______ et de N______. Subsidiairement, la commandante devait être condamnée à lui verser une indemnité équivalant à six mois de son dernier traitement.

La décision litigieuse méconnaissait totalement ses déclarations et explications. L’autorité intimée avait fait abstraction totale du harcèlement qu’il avait subi, notamment lorsque l’aspirante G______s’était mise à genou devant lui en tenant des propos vulgaires et déplacés ou avait tenu des propos à connotation sexuelle pendant la prise de repas. Il contestait fermement avoir tenu des propos sexistes et dégradants à l’égard des aspirantes G______, E______, C______ ou D______, que ce soit directement ou dans le cadre de discussions avec les aspirants I______, H______ ou F______. S’agissant de la discussion qu’il avait eue avec l’aspirante D______ au sujet des douches individuelles des femmes, il contestait avoir tenu des propos sexistes, ceux-ci ayant été dits par d’autres aspirants présents au moment des faits. Concernant la prétendue réputation de l’académie, qui serait un « baisodrome », s’il ne contestait pas avoir entendu et répété ces termes, il avait toujours contesté avoir dit à ses collègues qu’il y était venu pour « baiser des femmes ». Le fait de dire à l’un de ses collègues aspirants qu’il trouvait une aspirante belle et attirante ou qu’elle avait de « belles fesses » ne faisait pas de lui un harceleur et ne saurait fonder une décision de résiliation des rapports de service. Le fait qu’il serait un « homme à femmes » ou aurait dit qu’il tenterait sa chance avec l’une des aspirantes n’y changeait rien. Par ailleurs, seules avaient été entendues les personnes qui avaient dénoncé les prétendus propos qu’il aurait tenus, étant précisé que ces personnes faisaient toutes partie du même groupe d’amis. Ces témoignages étaient non seulement tous à charge mais également lacunaires à l’égard des faits qu’il avait lui-même dénoncés. Bien que le nom des aspirantes G______, J______ ou O______ eurent été mentionné à plusieurs reprises lors des auditions, elles n’avaient pas été entendues.

En application de l’art. 21 al. 3 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), l’autorité aurait dû proposer des mesures de développement ou de réinsertion professionnelle. Le motif invoqué à l’appui de la résiliation des rapports de service n’était pas fondé étant donné que les faits qui lui étaient reprochés étaient contestés et insuffisamment prouvés. Un avertissement aurait dû être prononcé. Alternativement, et compte tenu de l’absence de tout antécédent et du fait qu’il n’avait rencontré aucun problème dans sa carrière précédente, une mesure disciplinaire telle qu’un blâme ou un service hors tour était largement de nature à mettre fin à tout comportement qui serait avéré.

b. Par décision du 13 juin 2024, la chambre administrative a rejeté la requête en restitution de l’effet suspensif.

c. La commandante a conclu au rejet du recours.

Le recourant était au bénéfice d’un contrat d’engagement en qualité d’aspirant de police, portant sur une période de douze mois. Il n’avait dès lors sans conteste pas acquis le statut de fonctionnaire. L’art. 21 al. 3 LPAC n’était ainsi pas applicable et aucun motif fondé n’était nécessaire pour mettre fin aux rapports de travail. Les dénégations et contre-vérités du recourant n’emportaient pas raison sur la survenance, la fréquence, et la répétition des faits rapportés et ce, par des aspirantes et des aspirants d’au moins deux classes différentes. Il n’existait d’ailleurs aucun motif ou but pernicieux ostentatoire qui pourrait justifier l’existence d’un complot de la part des précités à vouloir agir à son encontre. Les aspirantes et les aspirants déclaraient avoir ressenti de la peur, de l’intimidation, de l’oppression et du malaise. Les différents agissements disconvenant et remarques graveleuses étaient donc constitutifs de harcèlement sexuel.

d. Par réplique du 6 août 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions.

e. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, y compris sur mesures d’instruction.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant invoque une violation de son droit d’être entendu et sollicite son audition ainsi que celle de trois témoins.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 Le droit de faire administrer des preuves sur des faits pertinents, tel que la jurisprudence l'a déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l'amener à modifier son opinion
(ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités). Le refus d'une mesure probatoire par appréciation anticipée des preuves ne peut être remis en cause devant le Tribunal fédéral qu'en invoquant l'arbitraire (art. 9 Cst.) de manière claire et détaillée (art. 106 al. 2 LTF ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_159/2018 du 17 décembre 2018 consid. 3.2 et les références).

2.3 En l’espèce, le recourant a eu l’occasion de se déterminer à plusieurs reprises devant l’autorité, notamment oralement lors des entretiens des 17 octobre et 2 novembre 2023, et par écrit. Il a pu prendre connaissance des procès-verbaux des auditions des six aspirants et a pu se déterminer sur leur contenu. Il a détaillé sa position dans son recours, puis dans sa réplique, tant sur effet suspensif qu’au fond. Il a pu produire toutes les pièces qu’il estimait utiles. Par ailleurs, il reconnait un certain nombre de faits et n’indique pas sur quels points, qu’il n’aurait pu développer dans ses écritures, son audition serait nécessaire. Contrairement à ce qu’il soutient, l’intimée a tenu compte de ses explications, mais a considéré que certaines d’entre elles étaient contradictoires. Elle n’a pas davantage fait abstraction du harcèlement dont il disait être victime, mais a estimé que sa dénonciation à ce sujet était tardive et que, même avérés, ces faits ne sauraient excuser ses agissements inappropriés. Dans ces conditions, l’audition du recourant ne sera pas ordonnée.

Les témoignages d’L______, de M______ et de N______ n’apparaissent pas non plus nécessaires. Il n’est, en effet, pas contesté que le recourant a une « véritable vocation pour le métier de policier ». Il n’est pas non plus remis en cause par l’intimée que le surnom de l’aspirante O______ était « gazelle ». Le fait que, selon plusieurs collègues, la semaine « integro » se soit bien déroulée n’apparaît, quant à lui, pas décisif, ni en contradiction avec les déclarations recueillies par la hiérarchie s’agissant des nombreuses remarques ou blagues à connotation sexuelle. Les auditions sollicitées n’apparaissent pas non plus pertinentes pour contester le reproche de proximité inadéquate avec certaines aspirantes. En effet, même si les témoins précités venaient à indiquer qu’ils n’avaient pas vu ou entendu les mêmes gestes, de telles déclarations ne suffiraient pas à remettre en cause les déclarations concordantes des aspirants D______, C______, H______, E______ et F______ à ce sujet.

La chambre de céans ne donnera donc pas suite aux actes d’instruction sollicités par le recourant.

Enfin, le recourant se plaint que les aspirantes G______, J______ et O______ n’ont pas été entendues. Le recourant n’explique pas ce que leurs déclarations auraient pu apporter aux faits établis par l’intimée, et en quoi ces mesures d’instruction auraient pu modifier ses conclusions. Il ne l’expose pas davantage devant la chambre de céans, étant précisé qu’il ne sollicite pas leur audition. Le grief tiré de la violation de son droit d’être entendu doit partant être rejeté.

3.             Le recourant conteste l’existence d’un « motif fondé » de résiliation des rapports de service.

3.1 À teneur du contrat d’engagement du 24 mai 2023, le recourant est principalement soumis à la loi fédérale sur la formation professionnelle du 13 décembre 2002 (LFPr - RS 412.10), à son ordonnance du 19 novembre 2003 (OFPr - RS 412.101), au règlement général sur le personnel de la police du 16 mars 2016 (RGPPol - F 1 05.07), au plan de formation policière adopté par la commission paritaire des polices suisses le 14 juin 2019 et à la charte éthique de l’administration cantonale.

Les conditions d’engagement en qualité d’aspirant sont réglées par le contrat ainsi que par la LPAC et son règlement d’application du 24 février 1999
(RPAC - B 5 05.01), notamment par les art. 74 à 82, relatifs aux stagiaires.

3.2 Selon l'art. 4 al. 1 LPAC, le personnel de la fonction publique se compose de fonctionnaires, d'employés, d'auxiliaires, d'agents spécialisés et de personnel en formation. Est un stagiaire le membre du personnel engagé en cette qualité pour, notamment, acquérir ou compléter une formation professionnelle (art. 9 al. 2 LPAC).

L'engagement fait l'objet d'une lettre de l'office du personnel qui mentionne notamment : a) le genre de formation à acquérir ; b) la durée du stage ; c) la désignation du directeur de stage ; d) le cas échéant, le montant de l'indemnité ; e) la durée des vacances ; f) les délais de congé (art. 76 RPAC).

La durée du stage est de six mois à deux ans au maximum (art. 75 al. 1 RPAC). Elle est fixée au début du stage par l’office du personnel qui, dans des cas spéciaux, peut la prolonger ou l’abréger sur préavis du directeur de stage (art. 75 al. 2 RPAC). Il n’existe pas de droit au renouvellement du contrat (ATF 107 Ia 182 ; ATA/572/2010 du 31 août 2010 et les références citées).

Selon l’art. 82 RPAC, pendant toute la durée du stage, l’État et le stagiaire peuvent l’un et l’autre résilier les rapports de service (al. 1). Si le stage a duré moins d’un an, le délai de résiliation est d’un mois pour la fin d’un mois (al. 2). S’il a duré un an ou plus, il est de deux mois pour la fin d’un mois (al. 3).

Ni la LPAC ni le RPAC ne mentionnent de conditions particulières pour le licenciement d’employés et, a fortiori, de stagiaires. En particulier, contrairement aux fonctionnaires, ni l’existence d’un motif fondé (art. 21 al. 1 LPAC ; art. 21 al. 3 et 22 a contrario LPAC), ni le respect du principe de reclassement
(art. 21 al. 3 in fine LPAC et 46A RPAC) ne sont prévus (ATA/1106/2023 consid. 7 du 10 octobre 2023 ; ATA/799/2016 du 27 septembre 2016 consid. 5c ; ATA/590/2016 du 12 juillet 2016 consid. 4b et les références citées).

On doit déduire de ces dispositions que, dans le cadre d’un stage, l'autorité est en principe libre de renoncer à maintenir les rapports de service pour autant qu'elle respecte le délai de résiliation. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, lorsque le droit applicable ne fait pas dépendre le licenciement de conditions matérielles, l'autorité dispose dans ce cadre d'un très large pouvoir d'appréciation. Dans un tel cas, la chambre administrative n'est fondée à intervenir qu'en cas de violation des principes constitutionnels tels que l'égalité de traitement et l'interdiction de l'arbitraire. En particulier, le grief d'arbitraire ne doit être admis que dans des cas exceptionnels, par exemple lorsque les motifs allégués sont manifestement inexistants, lorsque des assurances particulières ont été données à l'employé ou en cas de discrimination. En revanche, l'autorité de recours n'a pas à rechercher si les motifs invoqués sont ou non imputables à une faute de l'employé ; il suffit en effet que la continuation du rapport de service se heurte à des difficultés objectives ou qu'elle n'apparaisse pas souhaitable pour une raison ou une autre (arrêt du Tribunal fédéral 8C_40/2022 du 15 juillet 2022 consid. 4.4 et les références citées).  

3.3 La charte éthique de l’administration cantonale exprime les valeurs essentielles sur lesquelles s’appuie le personnel de l’État dans son action quotidienne : le respect, l’impartialité, la disponibilité et l’intégrité. Il est ainsi attendu des collaborateurs de l’État de Genève d’agir avec respect, équité et courtoisie dans les rapports notamment avec les collègues et la hiérarchie.

Le code de déontologie de la police genevoise rappelle notamment, sous la rubrique « professionnalisme relations internes » l’esprit d’équipe selon lequel : « je veille à favoriser un climat de travail harmonieux et de solidarité entre collègues, dans un esprit de cohésion, de dévouement et de rigueur. (…) Je préserve mes collègues de toute allusion ou comportement pouvant être ressenti comme discriminant ».

Selon le code des valeurs de l’académie de Savatan, devenir policier exige d’acquérir des « savoir-être et des savoir-faire » qui seront engagés parfois dans des situations conflictuelles. L’enseignement dispensé à l’académie vise à transmettre un corpus de valeurs fondamentales pour accompagner l’action, l’encadrer, lui donner du sens. Huit articles détaillent, respectivement, l’ouverture d’esprit, la connaissance de soi, la mise en valeur des qualités individuelles, le respect réciproque, le sens de l’intégrité et du devoir, l’esprit d’équipe, le patriotisme et le sens de la discipline. Ainsi l’art. 4 précise que « entre aspirants, le respect se traduit par la prise en compte des faiblesses de l’autre, par l’esprit d’entraide et par la participation de chacun aux efforts collectifs. » L’art. 6 précise que « l’acquisition de savoir-être impose de développer aussi les notions de cohésion au sein du groupe, de solidarité entre collègues et le respect mutuel. Ces valeurs, indispensables durant la formation, garderont tout leur sens tout au long de la carrière du policier ».

Un « ordre particulier sur la bienséance et les règles de vie durant les périodes d’hébergement sur le site de Savatan », entré en vigueur le 1er juillet 2022, s’appliquant à toutes les personnes susceptibles de passer une ou plusieurs nuits sur le site, rappelle que chacun s’engage à respecter autrui, à se comporter avec dignité et intégrité, en bannissant notamment les écarts de langage inadapté et les insultes (art. 3.1).

3.4 Les art. 2 à 7 de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1995 (loi sur l’égalité, LEg - RS 151.1) s'appliquent aux rapports de travail régis par le droit public fédéral, cantonal ou communal (art. 2 LEg).

Est constitutif d'un harcèlement sexuel tout comportement importun de caractère sexuel ou tout autre comportement fondé sur l'appartenance sexuelle qui porte atteinte à la dignité du membre du personnel sur son lieu de travail, en particulier le fait de proférer des menaces, de promettre des avantages, d'imposer des contraintes ou d'exercer des pressions de toute nature sur un membre du personnel en vue d'obtenir de sa part des faveurs de nature sexuelle (art. 3 al. 3 du règlement relatif à la protection de la personnalité à l'État de Genève du 12 décembre 2012 [RPPers - B 5 05.10]). Cette définition est similaire à celle prévue à l’art. 4 LEg.

Bien que les exemples cités à l'art. 4 LEg ne se réfèrent qu'à des cas d'abus d'autorité, la définition englobe tous les comportements importuns fondés sur le sexe, soit également ceux qui contribuent à rendre le climat de travail hostile, par exemple les plaisanteries déplacées, les remarques sexistes et les commentaires grossiers ou embarrassants (ATF 126 III 395 consid. 7b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_74/2019 du 21 octobre 2020 consid. 3.1.1 et les arrêts cités). Selon les procédés utilisés, plusieurs incidents peuvent être nécessaires pour constituer une discrimination au sens de l'art. 4 LEg ; la répétition d'actes ou l'accumulation d'incidents n'est toutefois pas une condition constitutive de cette forme de harcèlement sexuel (Claudia KAUFMANN, in Commentaire de la loi sur l'égalité, Margrith BIGLER-EGGENBERGER/Claudia KAUFMANN [éd.], 2000, n. 59 ad art. 4 LEg p. 118 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_74/2019 précité consid. 3.1.1).

Afin de juger du caractère importun des actes, il faut considérer non seulement le point de vue objectif d’une « personne raisonnable », mais aussi la perception de la victime, eu égard aux circonstances du cas d’espèce. L’existence d’un harcèlement sexuel ne saurait être écartée du seul fait que la personne concernée a aussi eu recours à un vocabulaire grossier ou a « choisi » de travailler dans un milieu où ce type de langage est courant (Karine LEMPEN, in Commentaire romand - Code des obligations I, vol. 2, Luc THÉVENOZ/Franz WERRO [éd.], 3e éd., 2021, n. 25 ad art. 328 CO et les références citées, en particulier ATF 126 III 395 consid. 7d ; arrêt du Tribunal fédéral 4C.60/2006 du 22 mai 2006 consid. 3.1). Vu le rapport de subordination résultant du contrat de travail, on ne saurait inférer un acquiescement (consentement) tacite d'une collaboratrice victime de remarques déplacées à connotation sexuelle (sur son lieu de travail) du seul fait qu'elle n'a exprimé aucune plainte (arrêt du Tribunal fédéral 4A_105/2018 du 10 octobre 2018 consid. 3.3).

En cas de harcèlement sexuel, l'employeur a l'obligation de protéger son personnel contre des actes commis par la hiérarchie, des collègues ou des personnes tierces (art. 4 LEg, art. 6 de la loi fédérale sur le travail dans l’industrie, l’artisanat et le commerce du 13 mars 1964 - loi sur le travail, LTr - RS 822.11, art. 2 de l’ordonnance 3 relative à la LTr du 18 août 1993 - OLT 3 - RS 822.113). Son devoir de diligence comporte deux aspects, à savoir prévenir les actes de façon générale et y mettre fin dans les cas concrets.

3.5 En matière de rapports de service, l'employeur public dispose d'un large pouvoir d'appréciation, de sorte que la chambre administrative ne peut intervenir qu'en cas de violation du droit, y compris d'abus ou d'excès du pouvoir d'appréciation, ou de constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. a et b LPA).

4.             En l’espèce, le recourant ne conteste pas qu’au moment de la résiliation des rapports de service, il se trouvait en période de formation et revêtait la qualité de stagiaire au sens de l’art. 9 al. 2 LPAC. Ainsi, et contrairement aux fonctionnaires, la résiliation des rapports de service n’est pas soumise à l’existence d’un motif fondé au sens de l’art. 21 al. 1 LPAC et l’employeur n’a pas l’obligation de respecter le principe du reclassement (art. 21 al. 3 in fine LPAC et 46A RPAC). Le reproche du recourant tiré de l’absence de proposition de mesures de développement et de réinsertion est ainsi infondé. Il convient donc uniquement d’examiner si la résiliation repose sur un motif de résiliation au sens de l’art. 11 du contrat du 24 mai 2023, signé par les parties. D’après cette clause, l’engagement peut prendre fin en tout temps, notamment si, entre la signature du contrat et la fin de la formation, l’aspirant n’est plus en adéquation avec la charte éthique de l’administration cantonale ou s’il a commis une violation avérée, grave ou répétée des règles internes de l’académie ou des prescriptions de service (art. 11).

Dans la décision entreprise, l’intimée a considéré que le comportement du recourant n’était pas en adéquation avec les valeurs de la police genevoise. Elle attendait d’un aspirant de police qu’il démontre posséder les capacités de justifier et renforcer la considération dont la police doit être objet ainsi que d’assumer sa mission future de policier notamment avec professionnalisme, impartialité et cohésion d’équipe dans le respect de la personnalité de ses collègues et du public. Sa posture durant les premières semaines à l’académie ne s’était pas inscrite dans cet esprit et ne lui inspirait pas la confiance nécessaire pour envisager une poursuite de la collaboration.

L’instruction menée par l’autorité intimée a permis d’établir que, depuis le début de sa formation, le recourant a proféré de nombreuses remarques à connotation sexuelle, souvent sur un ton vulgaire et dégradant (« Je vais à Savatan pour baiser des femmes. C’est un vrai baisodrome » ; « Si tu ne la baises pas, je la baise moi », « Putain celle-là au lit, cela doit être de la folie comme elle crie. Avec un sac sur la tête ce serait top » ; « Regarde celle-là elle a un sacré gros cul, par contre elle a une sale gueule, tu lui mets un sac sur la tête et c’est réglé » ; « Elle a un putain de cul en Unimatos, je me la ferais bien » ; « Les filles, vous avez trop de chance pour les douches (…) » ; « Ah putain, t’as un gros cul toi » ; « Regarde le cul de la meuf
là-bas »), créé un climat de travail hostile et mis mal à l’aise plusieurs collègues, notamment avec des regards insistants et en les plaçant dans des situations de proximité indésirable.

Dans ses écritures, le recourant conteste fermement avoir tenu des propos sexistes et dégradants à l’égard des aspirantes G______, E______, C______ ou D______. Force est toutefois de constater qu’il ressort des déclarations de six témoins, soit les aspirantes D______ et C______, les aspirants I______, F______ et H______ et le sergent-major B______, que le recourant a tenu de nombreux commentaires dégradants portant sur le physique des femmes, en particulier sur leurs fesses. Le recourant a, d’ailleurs, reconnu avoir dit à une aspirante qu’elle avait de « belles fesses » et avoir traité une autre aspirante de « gazelle », même si ce terme était employé par plusieurs collègues. Les déclarations ont également établi que de nombreuses remarques avaient une connotation sexuelle. Il a d’ailleurs admis – après l’avoir contesté dans un premier temps – avoir répété le terme de « baisodrome » pour qualifier l’académie et avoir dit à l’un de ses collègues que si l’aspirante G______lui plaisait, il fallait « qu’il y aille » et que si ce n’était pas le cas, « c’était lui qui le ferait ». S’agissant de la discussion que le recourant aurait eue avec l’aspirante D______ au sujet des douches individuelles des femmes, il se contente d’alléguer que les propos auraient été tenus par d’autres aspirants, mais n’apporte aucune preuve, ni identité de la personne qui aurait tenu ces propos. Il est enfin établi que plusieurs de ses collègues se sentaient oppressées par sa présence. Les aspirantes D______, C______ et E______ ont en effet affirmé avoir été dans une situation de proximité indésirable avec le recourant, et les aspirantes C______ et E______ ont indiqué avoir été gênées par des regards insistants. Contrairement à ce que soutient le recourant, le fait qu’une aspirante ait relevé ne pas être au courant d’attouchements à l’endroit de la gent féminine n’est pas contradictoire avec son reproche selon lequel il avait « tendance à se rapprocher des filles et de leur espace afin de les intimider ».

Les propos inadéquats, la proximité indésirable et les regards insistants reposent ainsi sur de nombreux témoignages concordants, dont aucun motif ne justifie de s’écarter. La thèse du recourant selon laquelle les aspirantes se seraient « liguées » contre lui ne trouve aucun appui au dossier. C’est le lieu de rappeler que, répondant à l’invitation du sergent-major B______, pas moins de six collègues, soit trois aspirantes et trois aspirants, ont souhaité s’exprimer au sujet du comportement et des propos déplacés du recourant. Quant à son affirmation selon laquelle il aurait lui-même subi du harcèlement au cours de sa formation à l’académie, force est de constater, ainsi que l’a fait l’autorité intimée, que le recourant n’a jamais évoqué cet élément avant d’avoir été entendu au sujet de son propre comportement. Quoi qu’il en soit, même si de tels faits devaient être considérés comme avérés, ils ne justifient en aucun cas les agissements inappropriés du recourant.

Il appert ainsi que le recourant a violé ses obligations d’aspirant en manquant de respect à l’égard de ses collègues, contrairement aux valeurs de la charte éthique de l’administration cantonale. Il n’a pas fait montre de professionnalisme et d’esprit d’équipe, contrairement au code de déontologie de la police genevoise et a violé le code des valeurs de l’académie, notamment sur les aspects de la mise en valeur des qualités individuelles, du respect réciproque et de l’esprit d’équipe. Le recourant n’était en conséquence plus en adéquation avec la charte éthique de l’administration cantonale et a commis une violation avérée, grave et répétée des règles internes à l’académie. Ce faisant, il remplit deux motifs de résiliation au sens de l’art. 11 du contrat du 24 mai 2023.

C’est en conséquence sans violer le droit ni abuser de son – très large – pouvoir d’appréciation que la commandante a résilié les rapports de service du recourant.

5.             Le recourant allègue une violation du principe de la proportionnalité.

5.1 Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé – , de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).

5.2 En l’espèce, le recourant se plaint de n’avoir pas fait l’objet d’un avertissement préalable. Un avertissement n’est toutefois pas une condition nécessaire à un licenciement. L’intéressé a du reste été sensibilisé à deux reprises sur le harcèlement sexuel, si bien qu’il ne peut pas soutenir que son attention n’avait pas été attirée sur cette problématique. Pour le reste, le licenciement est apte à atteindre le but visé, soit le respect des règles en vigueur dans l’administration cantonale, notamment à la police et à l’académie ainsi que des buts poursuivis par le LFPr, soit l’encouragement et le développement (art. 3 let. a) d’un système de formation professionnelle qui permette aux individus de s’épanouir sur les plans professionnel et personnel, ainsi que (art. 3 let. c) l’égalité effective entre les sexes, but par ailleurs poursuivi par la LEg.

Le licenciement est nécessaire au vu de la gravité de la faute commise, par sa fréquence, le cercle des personnes visées et l’inadéquation du comportement avec la formation et la fonction de policier. Le licenciement est proportionné au sens étroit : si l’intérêt du recourant à conserver sa place au sein de l’académie est indéniable pour son avenir, l’intérêt public à ne former, en qualité d’aspirants policiers, que des personnes se montrant aptes à scrupuleusement respecter les règles clairement définies et acceptées en début de formation, dans l’intérêt des collègues, de la hiérarchie et à terme du public, prime l’intérêt privé précité. Le non-respect des collègues et le dénigrement des femmes est totalement incompatible avec la fonction de policier.

En tous points mal fondé, le recours sera rejeté. Il n’y a donc pas lieu de statuer sur la conclusion subsidiaire du recourant en allocation d’une indemnité correspondant à six mois de son traitement.

6.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et il ne lui sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

Compte tenu des conclusions du recours, la valeur litigieuse est supérieure à CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 avril 2024 par A______ contre la décision de la commandante de police du 28 février 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les
trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé, au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Daniel KINZER, avocat du recourant, ainsi qu'à la commandante de la police.

Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Eleanor McGREGOR, Philippe KNUPFER, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

P. CHENAUX

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :