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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3647/2023

ATA/1256/2024 du 29.10.2024 sur JTAPI/48/2024 ( AMENAG ) , REJETE

Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;PROTECTION DE LA NATURE ET DU PAYSAGE;PATRIMOINE NATUREL;BIOTOPE;DROIT D'OBTENIR UNE DÉCISION
Normes : Cst.78; Cst.79; LPN.5; LPN.6.al1; LPN.14; LPN.18; LPN.18a; LPN.18b.al1; LPN.18c.al1; OPN.14.al5; OPN.20; LAT.17; LPMNS.35; LPMNS.36; LPMNS.38; RPPMF.3.al1.letb; RPPMF.5.al1; RPPMF.6; RPPMF.7; RPPMF.16; RPPMF.17; RPPMF.18; LFaune.1.letb; LFaune.12; LFaune.14
Résumé : Recours d’organisations actives dans la protection de la nature contre l’absence de prise de décision par le département du territoire ensuite de la demande de ces organisations de constater le caractère digne de protection d’un biotope. Rejet du recours, le département n’étant pas tenu de constater par une décision la nature digne de protection de ce biotope. Le silence du département ne peut être qualifié de déni de justice.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3647/2023-AMENAG ATA/1256/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 octobre 2024

 

dans la cause

 

A______

B______

C______

D______ recourantes
représentées par Me Alain MAUNOIR, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OCAN intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 janvier 2024 (JTAPI/48/2024)


EN FAIT

A. a. L’association A______ (ci-après : A______) est une association d'importance nationale fondée en 1909.

L’association B______, créée en 1928, est la section cantonale de A______ et est une association d'importance cantonale à but idéal dont l'objectif est notamment de protéger l'environnement afin de préserver les bases naturelles des conséquences nuisibles des activités humaines, entretenir des réserves naturelles pour la faune et la flore et assurer la sauvegarde de sites particuliers.

L’association C______ est une association d'importance nationale fondée en 1961.

L’association D______, créée en 1972, est la section cantonale du C______, soit une association d'importance cantonale à but idéal dont les objectifs tendent notamment à la préservation de la biodiversité locale, la prise en compte de l'environnement dans l'aménagement du territoire, la promotion de la transition énergétique, la lutte contre la surconsommation et la protection du climat.

b. Le 23 mai 2023, B______ et D______ ont adressé à l’office cantonal de l'agriculture et de la nature (ci-après : OCAN) auprès du département du territoire (ci-après : le département) une demande de constatation de biotopes dignes de protection portant sur les parcelles nos 914, 27, 936, 2’184, 2’185, 3’718, 5’979, 5’980, 7’620, 7’621, 7’645, 7’646 et 7’732 de la commune de E______ (ci-après : la commune), au lieu-dit « F______ » comprenant les bois et le nant de G______.

La partie supérieure du nant de G______, située sur une partie des parcelles nos 7’721 et 7’645 correspondait à plusieurs habitats de la salamandre tachetée, espèce d'amphibien protégée et recensée comme vulnérable par l’office fédéral de l’environnement (ci-après : OFEV) et elles rappelent les obligations du canton en matière de protection des biotopes d’importance locale et régionale.

c. Le 13 juillet 2023, A______, B______, C______ et D______ (ci-après : les associations) ont imparti au département un délai au 31 août 2023 pour rendre une décision de mise sous protection en application de l'art. 14 al. 5 de l’ordonnance du 16 janvier 1991 sur la protection de la nature et du paysage (OPN - RS 451.1).

d. Le 19 juillet 2023, le service de la biodiversité du département a répondu que le dossier était en traitement depuis la réception de la première demande et qu'au vu de la complexité du sujet, une décision ne pourrait être prise dans le délai imparti. D’ici là, des pistes pourraient, au mieux, être évoquées et proposées.

e. Le 21 septembre 2023, les associations ont imparti au département un ultime délai au 3 octobre 2023 pour statuer, faute de quoi elles saisiraient l'autorité de recours pour déni de justice.

f. Par courrier du 3 octobre 2023, le service de la biodiversité du département a rappelé que le secteur F______ faisait l'objet de diverses études en vue de construire une demi-bretelle de sortie d'autoroute et la route qui permettrait le lien en direction de la zone industrielle F______ (ci-après : F______), connue sous l'appellation « barreau H______ ». Comme ces ouvrages impacteraient certaines des parcelles concernées par la demande de mise sous protection et changeraient sensiblement les caractéristiques du lieu, il s'efforçait, avec les autres services concernés, notamment ceux de l'office cantonal des transports (ci-après : OCT) et de l’office cantonal du génie civil (ci-après : OCGC), qui pilotaient le dossier, de faire minimiser les emprises et d'intégrer des remplacements et compensations de qualité dans les projets en amont, par exemple des micro-habitats favorables aux espèces identifiées sur place et le rétablissement des corridors biologiques sous forme de passage à faune quand cela était possible et pertinent. À cet égard, il priorisait un accompagnement fort lors de cette phase projet, puis lors de celle de la mise en œuvre des constructions pour éviter les effets collatéraux néfastes et, surtout, il s'assurerait que les compensations, notamment l'amélioration de la qualité des habitats par la plantation de forêts claires favorables à la salamandre, seraient bien réalisées. C’était une fois l'ensemble des constructions terminées et les entretiens mis en place, qu'il conviendrait de réévaluer le gain et la nécessité d'une mise sous protection étant précisé que les intéressées étaient intégrées dans les discussions relatives aux minimisations et compensations.

B. a. Par acte du 6 octobre 2023, A______, B______, C______ et D______ ont formé recours au Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) pour déni de justice, concluant à ce qu’il soit constaté que le DT avait refusé de statuer au sujet de la demande de mise sous protection des milieux naturels dignes de protection, respectivement de biotopes, au sens des art. 18 et suivants de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage du 1er juillet 1966, (LPN - RS 451), situés sur les parcelles concernées, à ce qu’il soit condamné à engager, dans un délai de quatre semaines dès réception du jugement à rendre, une procédure de constatation de milieux naturels sur les parcelles susmentionnées, par exemple en appliquant par analogie les dispositions relatives à la mise à l'inventaire prévues aux art. 7 ss de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05), puis à statuer par une décision administrative conforme à l'art. 46 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Subsidiairement, le courrier du 3 octobre 2023 du département devait être annulé dans l'hypothèse où il devrait être qualifié de décision administrative et le dossier renvoyé au département pour qu'il constate l'existence de biotopes dignes de protection sur les parcelles susmentionnées. Plus subsidiairement, la présence de biotopes d'importance locale ou régionale, au sens de l'art. 18b al. 1 LPN notamment, devait être constatée sur tout ou partie des parcelles susmentionnées.

Depuis de nombreuses années, mais en tout cas depuis 2018, la partie supérieure du Nant de G______, située notamment sur les parcelles nos 7’621 et 7’645 correspondait à plusieurs habitats de la salamandre tachetée. Ces périmètres comprenaient notamment une zone de reproduction, une zone de chasse et d'hivernage, ainsi qu'une zone de vie terrestre. La parcelle n° 7’645 accueillait par ailleurs un site prioritaire pour les plantes vasculaires, listé (n° 336) dans le tableau des sites prioritaires établi notamment par le Conservatoire et Jardin botaniques de la Ville de Genève, ainsi qu’un site prioritaire flore, compte tenu de la présence de prairies grasses. On retrouvait également sur lesdites parcelles, ainsi que sur les parcelles à proximité la lisière de forêts, respectivement des forêts (notamment parcelles nos 7’621, 927, 7’645, 7’646, 5’979, 914, 2’184 et 2’185), des zones humides au sens de la convention de RAMSAR (notamment parcelles nos 914, 2’184, 2’185, 5’979, 936, 5’980 et 7’646), des zones de repos et de nourriture au sens de l'ordonnance sur les réserves d'oiseaux d'eau et de migrateurs d'importance internationale et nationale (OROEM - RS 922.32 ; notamment parcelles nos 914, 2’184, 2’185, 5’979, 936, 5’980 et 7’646), des périmètres visant à permettre la conservation des habitats spécifiques des espèces particulièrement menacées au sens de l'ordonnance sur la protection des sites de reproduction de batraciens d'importance nationale du 15 juin 2001 (OBat - RS 451.34 ; notamment parcelles nos 914, 2’184, 2’185, 5’979, 936, 5’980, 7’645 et 7’646), des zones catégorisées en site émeraude (notamment parcelles nos 914, 2’184, 2’185, 5’979, 936, 5’980, 7’645 et 7’646) et des périmètres appartenant au réseau écologique national (REN) - zones humides.

Les cantons avaient l'obligation de mettre en œuvre le mandat impératif qui leur était assigné par la législation fédérale, en désignant les biotopes d'importance locale ou régionale par le biais d'une décision administrative formelle. En effet, la protection des biotopes d'importance régionale et locale impliquait tout d'abord que le canton désigne les biotopes entrant en ligne de compte et qu'il fixe les buts visés par leur protection, car ceux-ci ne ressortaient tout simplement pas des notions imprécises dont se servait la loi. À la différence de ce qui se passait pour les biotopes d'importance nationale, les cantons étaient tenus d'assumer leur devoir de protection. Il leur incombait à cet égard de réglementer la procédure, étant précisé qu'ils devraient le plus souvent pouvoir recourir à celles dont ils disposaient déjà. Ils disposaient également d'instruments tels que la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700).

Selon l'art. 18b al. 1 LPN, les cantons veillaient à la protection et à l'entretien des biotopes d'importance régionale et locale. Par ailleurs, selon l'art. 14 al. 3 OPN, les biotopes étaient désignés comme étant dignes de protection sur la base notamment : de la liste des milieux naturels dignes de protection figurant à l'annexe 1, caractérisés notamment par des espèces indicatrices (let. a) ; des espèces de la flore et de la faune protégées en vertu de l'art. 20 OPN (let. b) ; des espèces végétales et animales rares et menacées, énumérées dans les listes rouges publiées ou reconnues par l'office fédéral de l'environnement (OFEV - let. d).

Au sens de l'art. 20 al. 2 1re phr. OPN, en plus des animaux protégés figurant dans la loi fédérale sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages du 20 juin 1986 (Loi sur la chasse, LChP - RS 922.0), les espèces désignées dans l'annexe 3 étaient considérées comme protégées, ainsi notamment les amphibia, soit tous les batraciens, dont la salamandre.

L'art. 14 al. 5 OPN précisait que les cantons prévoyaient une procédure de constatation appropriée pour prévenir toute détérioration de biotopes dignes de protection et toute violation des dispositions de protection des espèces figurant à l'art. 20.

b. Le 23 novembre 2023, le département a conclu au rejet du recours.

Faute d'obligation de rendre une décision, il ne pouvait avoir commis de déni de justice.

Le biotope à salamandres était connu, identifié et évalué (rapport du service de la biodiversité du DT-OCAN du 20 octobre 2022) ; il ne courait pas de danger imminent en l'état et bénéficiait de plus de la protection de la forêt qui l'abritait.

Le service de la biodiversité veillait à sa prise en considération dans le cadre des études relatives aux ouvrages routiers en cours et s'efforçait de faire minimiser les emprises.

Au stade des études en cours dans le secteur F______, le meilleur moyen de protéger le biotope n'avait pas encore été arrêté, car les impacts potentiels n’étaient pas définitivement évalués.

L'adéquation de l'instrument de protection à adopter dépendrait des circonstances précises du cas particulier. Ce faisant, le canton accomplissait le mandat impératif dont il était chargé.

En lien avec la procédure de modification des limites de la F______, laquelle découlait du grand projet de zones industrielles I______ (ci-après : I______), il lui avait été demandé, courant 2018, de se déterminer quant à la nature forestière ou non forestière des boisés situés sur les parcelles nos 927, 7’621, 7’645, 7’646 et 7’721 de la commune (levé des boisés du 17 octobre 2002 selon l'état des lieux du 7 février 2018) et que, dans ce cadre, il avait relevé la présence des salamandres dans la forêt à proximité du Nant de G______, espèce qui, à l’instar d'autres espèces présentes sur place, conférait une valeur biologique significative à la forêt qui les abritait (rapport du service de la biodiversité du DT‑OCAN du 20 octobre 2022).

c. Le 14 décembre 2023, les associations ont persisté dans leurs conclusions.

La présence des biotopes situés sur la partie supérieure du Nant de G______ ainsi que les éléments mentionnés en lien avec l'intérêt digne de protection de ces derniers n’étaient pas contestés par l'OCAN. Tous les critères fixés par les art. 18b LPN et 14 OPN étaient réunis pour procéder à une constatation appropriée du ou des biotopes présents sur place.

L'instrument prévu par le droit cantonal genevois en vue de protéger un site présentant un intérêt biologique était selon l’OCAN le plan de site, tel que défini par les art. 38 ss LPMNS ou la mise en réserve naturelle (art. 18 ss du règlement sur la protection du paysage, des milieux naturels et de la flore du 25 juillet 2007 - RPPMF - L 4 05.11). Il lui appartenait dès lors, ou au département, d'engager une de ces deux procédures et, par conséquent, de faire établir un projet de plan, assorti d'un règlement, fixant notamment les mesures propres à assurer la sauvegarde et l'amélioration des biotopes dignes de protection (notamment art. 38 al. 2 let. a LPMNS et/ou 18 ss RPPMF).

La liberté dont disposaient les cantons dans le choix des instruments de protection des biotopes dignes d'intérêt, cette liberté ne permettait pas à l'autorité cantonale compétente de simplement reporter sa décision jusqu'au moment où la quasi-totalité du site naturel visé aurait été détruit. En procédant de la sorte, l'OCAN commettait un déni de justice. En effet, le fait de reporter dans le temps l'engagement d'une procédure de protection adéquate, jusqu'au jour où les milieux naturels existant sur place auraient disparu, revenait, matériellement, à refuser d'appliquer la législation en vigueur. Il importait donc d'inviter le DT-OCAN à lancer rapidement la procédure de constatation des biotopes existants, par exemple en engageant la procédure d'adoption d'un plan de site, en application des art. 38 ss LPMNS.

d. Par jugement du 22 janvier 2024, le TAPI a rejeté le recours.

La présence de biotopes à salamandres situés sur la partie supérieure du Nant de G______ n’était pas contestée par le département qui, se référant au rapport de son service de la biodiversité du 20 octobre 2022, avait relevé que le biotope à salamandre était connu, identifié et évalué. Cela étant, le département expliquait, sans être contredit, qu’il ne courait pas de danger imminent en l'état, bénéficiant par ailleurs de la protection de la forêt qui l'abritait. Il ressortait pour le surplus des explications du département que le service de la biodiversité veillait à sa prise en considération dans le cadre des études relatives aux ouvrages routiers en cours dans le secteur F______ et s'efforçait de faire minimiser les emprises. Il expliquait enfin qu’au stade des études en cours, le meilleur moyen de protéger le biotope n'avait pas encore été arrêté, car les impacts potentiels n’étaient pas définitivement évalués et que, par conséquent, l'adéquation de l'instrument de protection à adopter dépendrait des circonstances précises du cas particulier.

Il devait être admis que le canton accomplissait le mandat impératif de protection dont il était chargé. Les mesures d’ores et déjà entreprises faisaient manifestement partie du catalogue d’instruments à sa disposition pour ce faire et son choix de ne pas rendre une décision de mise sous protection à ce stade entrait sans conteste dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation. Les mesures apparaissaient également dictées par le principe de la proportionnalité, vu les spécificités et inconnues du cas d’espèce. Au demeurant, ni le droit fédéral ni le droit cantonal n’obligeait le DT‑OCAN à rendre la décision de constatation sollicitée étant à nouveau rappelé que celui-ci était libre dans le choix de la procédure comme dans celui des instruments de protection.

Il était cependant rappelé au DT - OCAN qu’il lui appartenait de veiller à la mise en œuvre effective du mandat impératif de protection découlant du droit fédéral qui lui incombait afin de préserver les biotopes concernés ainsi que leur importance spatiale et fonctionnelle. Comme il le laissait entendre, l’opportunité d’une mise sous protection serait réévaluée une fois les constructions envisagées dans le secteur réalisées. Dans l’intervalle, il lui était donné acte de son engagement, avec les services concernés, à poursuivre ses efforts pour faire minimiser les emprises sur les parcelles en question et d’intégrer des remplacements et compensations de qualité dans les projets en amont.

L'autorité intimée n'ayant pas d'obligation de rendre une décision formelle, le recours pour déni de justice était rejeté, tout comme la conclusion subsidiaire des recourantes tendant à ce qu’il soit constaté la présence de biotopes d’importance locale ou régionale, au sens de l’art. 18b al. 1 LPN notamment, sur tout ou partie des parcelles susmentionnées, pour autant qu’une telle conclusion fût recevable. Au vu de cette solution, la qualification juridique du courrier du 3 octobre 2023 pouvait rester ouverte.

C. a. Par acte remis au greffe le 23 février 2024, A______, B______, C______ et D______ ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation, au constat que le département avait refusé de statuer au sujet de la demande de mise sous protection, au renvoi de la cause au département pour qu’il engage dans une délai de quatre semaines dès réception de l’arrêt une procédure de constatation de milieux naturels en appliquant par exemple par analogie les dispositions du droit cantonal sur la mise à l’inventaire ou celles relatives à l’adoption d’un plan de site, puis rende une décision. Subsidiairement, le courrier du département du 3 octobre 2023 devait être annulé dans la mesure où il constituait une décision et la cause devait être renvoyée au département pour qu’il constate l’existence de biotopes dignes de protection. Plus subsidiairement, la présence de biotopes d’importance locale ou régionale devait être constatée.

Le jugement violait les art. 78 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), 18b al. 1 LPN, 14 OPN, 35 et 38 LPMNS et 6 RPPMF.

L’existence d’un biotope digne de protection était incontestable et reconnue tant par l’OCAN que le TAPI.

La constatation d’un biotope d’importance régionale ou locale était imposée au canton par le droit fédéral. Au plan cantonal, le RPPMF prévoyait des mesures de protection.

Le TAPI ne pouvait dès lors conclure que le biotope ne courait pas de danger immédiat, que le meilleur moyen de le protéger n’avait pas encore été arrêté, que les mesures déjà entreprises faisaient partie du catalogue d’instruments à disposition du département, que le choix de ce dernier de ne pas rendre une décision de mise sous protection à ce stade entrait dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation et était dicté par le principe de proportionnalité et que ni le droit fédéral ni le droit cantonal ne l’obligeaient à rendre la décision de constatation sollicitée – ce d’autant qu’un projet de construction était en cours de préparation, dont la réalisation d’une semi-bretelle d’autoroute et de la route devant relier celle‑ci à la I______, connu sous le nom de « Barreau H______ », et que les atteintes qu’il porterait au biotope existant étaient reconnues.

À défaut de convention avec le propriétaire, le RPPMF prévoyait la mise en œuvre de mesures de la LPMNS ou du droit cantonal de l’aménagement du territoire. Le TAPI admettait que ces mesures correspondaient d’une part à l’établissement d’un plan de site éventuellement en concours avec une procédure de modification de zone et d’autre part à la mise en réserve naturelle. Or, aucune de ces mesures, que les recourants avaient sollicité, n’avait été mise en œuvre.

En refusant d’ordonner ces mesures, l’OCAN avait commis un excès de son pouvoir d’appréciation, que le TAPI aurait dû constater.

La décision violait enfin l’art. 18 al. 1ter LPN. Selon cette disposition un raisonnement en trois étapes devait être conduit. La première étape consistait à déterminer l’existence d’un biotope digne de protection. L’intimé l’avait « court‑circuitée ».

b. Le 28 mars 2024, le département a conclu au rejet du recours.

Le TAPI avait retenu que le biotope à salamandres était connu du département, identifié et évalué, qu’il ne courait pas de danger imminent en l’état et bénéficiait de plus de protection que la forêt qui l’abritait. Le service de la biodiversité veillait à sa prise en considération dans le cadre des études relatives aux ouvrages routiers en cours et s’efforçait de faire minimiser les emprises, le meilleur moyen de le protéger n’étant pas encore arrêté, les impacts potentiels n’étant pas définitivement évalués.

Le TAPI avait admis que le choix du département de ne pas rendre de décision de mise sous protection à ce stade entrait dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation.

La procédure ne portait pas sur la qualification de biotope ni sur la nécessité de le protéger mais sur la question de savoir si le département avait l’obligation de prendre une mesure de protection dans le délai imparti par les recourantes.

c. Le 6 mai 2024, les recourantes ont persisté dans leurs conclusions.

L’OCAN refusait curieusement de concrétiser le raisonnement auquel il souscrivait en s’abstenant de prendre la moindre décision constatant l’existence d’un biotope.

C’était à tort qu’il invoquait l’absence de danger imminent, puisque le projet de tronçon routier n’était pas abandonné et devrait passer par le cœur du biotope. Cela étant le danger imminent n’était pas un critère pour la constatation.

d. Le 7 mai 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

e. Il sera revenu en tant que de besoin dans la partie en droit sur les arguments et pièces produits par les parties.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige a pour objet l’absence de prise de décision par le département ensuite de la demande des recourantes de constater le caractère digne de protection du biotope du lieu-dit « F______ ».

Le département soutient, certes, dans sa réponse que la procédure ne porte ni sur la qualification de biotope ni sur la nécessité de protéger celui-ci mais sur la question de savoir si le DT-OCAN avait l’obligation de prendre une mesure de protection dans le délai que les recourantes lui avaient imparti.

Cependant, la demande initiale des recourantes au département portait bien sur la constatation de la nature de biotope digne de protection (courrier du 23 mai 2023) et sur la mise sous protection en application de l’art. 14 al. 5 OPN (courrier du 13 juillet 2023). Or, selon cette dernière disposition, les cantons prévoient une procédure de constatation appropriée pour prévenir toute détérioration de biotopes dignes de protection et toute violation des dispositions de protection des espèces figurant à l’art. 20 OPN.

Le recours conclut quant à lui à l’annulation du jugement du TAPI, au constat d’un déni de justice et au renvoi de la cause au département afin qu’il constate la qualité de biotope des parcelles visées.

C’est ainsi bien la question de savoir si le département devait constater la nature de biotope digne de protection, et si son silence doit être considéré comme un déni de justice, qui est l’objet de la procédure.

3.             Les recourantes soutiennent qu’il appartenait au département de constater la nature de biotope des parcelles visées.

3.1 Une partie peut recourir en tout temps pour déni de justice ou retard non justifié si l’autorité concernée ne donne pas suite rapidement à la mise en demeure prévue à l’art. 4 al. 4 LPA (art. 62 al. 6 LPA).

Une autorité qui n’applique pas ou applique d’une façon incorrecte une règle de procédure, de sorte qu’elle ferme l’accès à la justice au particulier qui, normalement, y aurait droit, commet un déni de justice formel. Il en va de même pour l’autorité qui refuse expressément de statuer, alors qu’elle en a l’obligation. Un tel déni constitue une violation de l’art. 29 al. 1 Cst. ; ATF 135 I 6 consid. 2.1).

En cas de recours contre la seule absence de décision, les conclusions ne peuvent tendre qu’à contraindre l’autorité à statuer (ATA/595/2017 du 23 mai 2017 consid. 6c). En effet, conformément à l’art. 69 al. 4 LPA, si la juridiction administrative admet le recours pour déni de justice ou retard injustifié, elle renvoie l’affaire à l’autorité inférieure en lui donnant des instructions impératives (ATA/373/2020 du 16 avril 2020 consid. 6a).

La reconnaissance d’un refus de statuer ne peut être admise que si l’autorité mise en demeure avait le devoir de rendre une décision ou, vu sous un autre angle, si le recourant avait un droit à en obtenir une de sa part (ATF 135 II 60 consid. 3.1.2 ; ATA/7/2020 du 7 janvier 2020 consid. 3b). Au stade de l’examen de la recevabilité, la chambre de céans doit examiner si la décision dont l’absence est déplorée pourrait faire l’objet d’un recours devant elle au cas où ladite décision avait été prise et si le recourant disposerait de la qualité pour recourir contre elle (ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 2d).

3.2 Selon l’art. 78 Cst., la protection de la nature et du patrimoine est du ressort des cantons (al. 1). Dans l’accomplissement de ses tâches, la Confédération prend en considération les objectifs de la protection de la nature et du patrimoine. Elle ménage les paysages, la physionomie des localités, les sites historiques et les monuments naturels et culturels; elle les conserve dans leur intégralité si l’intérêt public l’exige (al. 2). Elle peut soutenir les efforts déployés afin de protéger la nature et le patrimoine et acquérir ou sauvegarder, par voie de contrat ou d’expropriation, les objets présentant un intérêt national (al. 3). Elle légifère sur la protection de la faune et de la flore et sur le maintien de leur milieu naturel dans sa diversité. Elle protège les espèces menacées d’extinction (al. 4). Les marais et les sites marécageux d’une beauté particulière qui présentent un intérêt national sont protégés. Il est interdit d’y aménager des installations ou d’en modifier le terrain. Font exception les installations qui servent à la protection de ces espaces ou à la poursuite de leur exploitation à des fins agricoles (al. 5).

Selon l’art. 79 Cst., la Confédération fixe les principes applicables à la pratique de la pêche et de la chasse, notamment au maintien de la diversité des espèces de poissons, de mammifères sauvages et d’oiseaux.

3.3 La LPN a été adoptée le 1er juillet 1966 en application de l’art. 78 al. 4 Cst.

L’art. 5 LPN prévoit que le Conseil fédéral établit, après avoir pris l’avis des cantons, des inventaires d’objets d’importance nationale. Il peut se fonder à cet effet sur des inventaires dressés par des institutions d’État ou par des organisations œuvrant en faveur de la protection de la nature, de la protection du paysage ou de la conservation des monuments historiques. Les critères qui ont déterminé le choix des objets seront indiqués dans les inventaires (al. 1). Les inventaires ne sont pas exhaustifs. Ils seront régulièrement réexaminés et mis à jour; le Conseil fédéral décide de l’inscription, de la modification ou de la radiation d’objets, après avoir pris l’avis des cantons. Les cantons peuvent, de leur propre chef, proposer un nouvel examen (al. 2).

L’art. 6 al. 1 LPN prévoit que l’inscription d’un objet d’importance nationale dans un inventaire fédéral indique que l’objet mérite spécialement d’être conservé intact ou en tout cas d’être ménagé le plus possible, y compris au moyen de mesures de reconstitution ou de remplacement adéquates.

Au chapitre 3 consacré à la protection de la faune et de la flore du pays, et sous la note marginale « protection d’espèces animales et végétales », l’art. 18 LPN prévoit que la disparition d’espèces animales et végétales indigènes doit être prévenue par le maintien d’un espace vital suffisamment étendu (biotopes), ainsi que par d’autres mesures appropriées. Lors de l’application de ces mesures, il sera tenu compte des intérêts dignes de protection de l’agriculture et de la sylviculture (al. 1). Il y a lieu de protéger tout particulièrement les rives, les roselières et les marais, les associations végétales forestières rares, les haies, les bosquets, les pelouses sèches et autres milieux qui jouent un rôle dans l’équilibre naturel ou présentent des conditions particulièrement favorables pour les biocénoses (al. 1bis). Si, tous intérêts pris en compte, il est impossible d’éviter des atteintes d’ordre technique aux biotopes dignes de protection, l’auteur de l’atteinte doit veiller à prendre des mesures particulières pour en assurer la meilleure protection possible, la reconstitution ou, à défaut, le remplacement adéquat. (al. 1ter).

Selon l’art. 18a LPN, le Conseil fédéral, après avoir pris l’avis des cantons, désigne les biotopes d’importance nationale. Il détermine la situation de ces biotopes et précise les buts visés par la protection (al. 1). Les cantons règlent la protection et l’entretien des biotopes d’importance nationale. Ils prennent à temps les mesures appropriées et veillent à leur exécution (al. 2).

Sous la note marginale « biotopes d’importance régionale et locale et compensation écologique », l’art. 18b al. 1 LPN prévoit que les cantons veillent à la protection et à l’entretien des biotopes d’importance régionale et locale.

Sous la note marginale « situation des propriétaires fonciers et des exploitants », l’art. 18c al. 1 LPN prévoit que la protection des biotopes et leur entretien seront, si possible, assurés sur la base d’accords conclus avec les propriétaires fonciers et les exploitants et par l’adaptation des modes d’exploitation agricole et sylvicole.

3.4 Sous la note marginale « protection des biotopes », l’art. 14 OPN, dans sa version en vigueur depuis le 1er août 2000, prévoit que la protection des biotopes doit assurer, notamment de concert avec la compensation écologique (art. 15 OPN) et les dispositions relatives à la protection des espèces (art. 20 OPN), la survie de la flore et de la faune sauvage indigènes (al. 1).

La protection des biotopes est notamment assurée par : (a) des mesures visant à sauvegarder et, si nécessaire, à reconstituer leurs particularités et leur diversité biologique ; (b) un entretien, des soins et une surveillance assurant à long terme l’objectif de la protection ; (c) des mesures d’aménagement permettant d’atteindre l’objectif visé par la protection, de réparer les dégâts existants et d’éviter des dégâts futurs ; (d) la délimitation de zones tampon suffisantes du point de vue écologique ; (e) l’élaboration de données scientifiques de base (al. 2).

Les biotopes sont désignés comme étant dignes de protection sur la base : (a) de la liste des milieux naturels dignes de protection figurant à l’annexe 1, caractérisés notamment par des espèces indicatrices ; (b) des espèces de la flore et de la faune protégées en vertu de l’art. 20 OPN ; (c) des poissons et écrevisses menacés, conformément à la législation sur la pêche ; (d) des espèces végétales et animales rares et menacées, énumérées dans les Listes rouges publiées ou reconnues par l’OFEV ; (e) d’autres critères, tels que les exigences des espèces migratrices ou la connexion des sites fréquentés par les espèces (al. 3). Les cantons peuvent adapter les listes aux spécificités régionales selon l’al. 3 let. a à d OPN (al. 4).

Les cantons prévoient une procédure de constatation appropriée pour prévenir toute détérioration de biotopes dignes de protection et toute violation des dispositions de protection des espèces figurant à l’art. 20 OPN (al. 5).

Une atteinte d’ordre technique qui peut entraîner la détérioration de biotopes dignes de protection ne peut être autorisée que si elle s’impose à l’endroit prévu et qu’elle correspond à un intérêt prépondérant ; pour l’évaluation du biotope lors de la pesée des intérêts, outre le fait qu’il soit digne de protection selon l’al. 3, les caractéristiques suivantes sont notamment déterminantes : (a) son importance pour les espèces végétales et animales protégées, menacées et rares ; (b) son rôle dans l’équilibre naturel ; (c) son importance pour la connexion des biotopes entre eux ; (d) sa particularité ou son caractère typique (al. 6).

L’auteur ou le responsable d’une atteinte doit être tenu de prendre des mesures optimales pour assurer la protection, la reconstitution ou, à défaut, le remplacement adéquat du biotope (al. 7).

3.5 Dans sa version en vigueur jusqu’au 1er août 2000, l’art. 14 aOPN disposait que la désignation des biotopes dignes de protection et l'estimation de leur valeur se feraient notamment à l'aide de la liste des espèces indicatrices des milieux naturels, énumérées à l'annexe 1. Les cantons pouvaient adapter cette liste aux conditions régionales. Les espèces de la flore et de la faune protégées en vertu de l'art. 20 OPN ainsi que les espèces végétales et animales menacées et rares, énumérées dans les listes rouges publiées ou reconnues par l'office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage (OFEFP), servaient également d'espèces indicatrices des milieux naturels. Suivant le type de biotope ou le but visé par la protection, par exemple pour tenir compte des exigences des espèces migratrices, d'autres critères devaient être pris en considération (al. 3). Les cantons prévoyaient une procédure de constatation appropriée, permettant de prévenir d'éventuelles atteintes aux biotopes dignes de protection ou violations des dispositions de l'art. 20 aOPN relatives à la protection des espèces (al. 4).

3.6 La Confédération a adopté le 29 mars 2017 l’ordonnance concernant l’inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels (OIFP - RS 451.11). L’inventaire (ou IFP) est accessible en ligne (art. 2 al. 1). Les cantons doivent en tenir compte lors de l’établissement de leurs planifications (art. 8 al. 1).

3.7 Selon la doctrine, la constatation d’un biotope ne nécessite pas obligatoirement une procédure de décision, ou de classement préalablement à l’adoption d’une zone à protéger au sens de l’art. 17 LAT, une telle zone pouvant constituer une procédure de constatation appropriée au sens de l’art. 14 al. 5 OPN. La protection des biotopes peut être assurée de différentes manières, parmi lesquelles les mesures d’aménagement du territoire, mais aussi les autres mesures adéquates réservées par l’art. 17 al. 2 LAT, notamment les inventaires, les procédures de classement, l’édiction de prescriptions dans les règlements des zones et des constructions, la conclusion de contrats ou de conventions. Différentes mesures conservatoires sont également possibles selon l’urgence. L’adéquation de la procédure de constatation dépend des circonstances. La législation cantonale peut instaurer l’institution de la décision de constatation en matière de biotopes. En matière de haies situées dans la zone à bâtir, un intérêt digne de protection à une telle décision peut être reconnu au propriétaire désireux de construire même en l’absence de projet de construction concret. Lorsque le droit cantonal prévoit qu’une procédure d’inventaire est décisive pour fixer le statut d’un biotope, le respect du droit d’être entendu des particuliers implique une procédure de constatation semblable à celle requise en matière forestière. L’inventaire doit par ailleurs être motivé et délimiter le périmètre de protection. Lorsque l’inventaire interne aux autorités cantonales obtient force légale grâce à la procédure de constatation, la haie est définitivement protégée. Une autorisation exceptionnelle ultérieure de porter atteinte à cet objet ne sera accordée qu’au terme d’une balance des intérêts et peut être liée à des mesures de compensation au sens de l’art. 18 al. 1ter LPN (Anne-Christine FAVRE/Fabia JUNGO, La protection de la forêt, des biotopes et du paysage, RDAF 2008 I 307 ss., 328).

3.8 Selon la jurisprudence, l’inscription d'un objet d'importance nationale dans un inventaire fédéral indique que l'objet mérite spécialement d'être conservé intact ou en tout cas d'être ménagé le plus possible, y compris au moyen de mesures de reconstitution ou de remplacement adéquates. Lorsqu'il s'agit de l'accomplissement d'une tâche de la Confédération la règle suivant laquelle un objet doit être conservé intact dans les conditions fixées par l'inventaire ne souffre d'exception que si des intérêts équivalents ou supérieurs, d'importance nationale également, s'opposent à cette conservation (art. 6 al. 2 LPN). Cette disposition accorde un poids prioritaire à la conservation des objets d'importance nationale inventoriés. Cela ne signifie cependant pas qu'aucune pesée des intérêts ne soit nécessaire, mais seuls des intérêts d'importance nationale peuvent entrer en considération pour justifier une dérogation à l'art. 6 al. 1 LPN (arrêts du Tribunal fédéral 1C_116/2020 du 21 avril 2021 consid. 4.4.1 ; 1C_347/2016 du 5 septembre 2017 consid. 3.1 ; 1C_360/2009 du 3 août 2010 consid. 3.1 ; 1A.185/2006 du 5 mars 2007 consid. 7.1).

Le Tribunal fédéral a jugé en 2006 que l'art. 14 al. 5 OPN mentionne simplement que les cantons doivent prévoir une procédure de constatation « appropriée ». En créant, pour protéger une rivière, une zone à protéger selon l'art. 17 al. 1 LAT, soit une zone comprenant les biotopes des animaux et des plantes dignes d'être protégés, l’autorité communale a pris une mesure parfaitement conforme à la LPN, la procédure d'approbation du plan d'affectation apparaissant comme une procédure de constatation appropriée au sens de l'art. 14 al. 5 OPN (arrêt du Tribunal fédéral 1A.143/2006 du 20 décembre 2006 consid. 4 et les références citées).

Dans un arrêt de 2005, le Tribunal cantonal vaudois a constaté que le canton de Vaud n'avait pas encore adopté une procédure claire permettant de désigner les biotopes dignes de protection alors même que la procédure de l'inventaire prévue par les art. 12 ss de la loi vaudoise sur la protection de la nature, des monuments et des sites du 10 décembre 1969 (LPNMS-VD - RS/VD 450.11 - aujourd’hui loi sur la protection du patrimoine naturel et paysager du 20 août 2022 - LPrPNP) se prêtait à la procédure de constatation de biotopes d'importance régionale et locale, exigée par la jurisprudence et aussi par l'art. 14 al. 5 OPN. Il a jugé que si le canton ne satisfait pas à son obligation de désigner les biotopes d'importance régionale et locale ou si la désignation de ces biotopes est incomplète ou encore si elle ne peut, en raison de la diversité des situations, être exhaustive, cela ne signifie pas que la protection voulue par législateur fédéral ne s'applique pas. Les autorités sont simplement privées de l'instrument de coordination permettant de prévenir les éventuelles atteintes à des biotopes qui n'ont pas été répertoriés ni identifiés comme étant digne de protection et soumis à la protection du droit fédéral. Dès lors, nonobstant le fait que les cantons n’ont pas délimité de manière anticipée des zones à considérer comme biotopes d’importance régionale ou locale, c’est lors de l’octroi d’autorisation particulière que leur existence et leur emplacement doivent être déterminés au moyen d’une pesée des intérêts en jeu (arrêt du Tribunal cantonal vaudois AC.1999.0027 du 30 septembre 2005 consid. 3c et les références citées).

Dans un arrêt récent, le Tribunal cantonal vaudois a constaté que le Canton de Vaud n'avait (toujours) pas réglementé la procédure de désignation des biotopes, comme le lui commande l’art. 14 al. 5 OPN, et en a déduit les mêmes conséquences : nonobstant le fait que les cantons n’ont pas délimité de manière anticipée des zones à considérer comme biotopes d’importance régionale ou locale, c’est lors de la procédure de planification ou encore au stade de la procédure d'autorisation de construire que leur existence et leur emplacement doivent être déterminés au moyen d’une pesée des intérêts en jeu. Lorsque la réalisation d’une construction ou d’une installation pourrait porter atteinte à un biotope protégé, la pesée des intérêts prévue à l’art. 18 al. 1ter LPN peut s’effectuer dans le cadre de la procédure d’autorisation ordinaire (arrêt du Tribunal cantonal vaudois AC.2022.0016 du 25 avril 2023 consid. 3.aa et les références citées).

En 2023, le Tribunal fédéral a rappelé que la protection des sites protégés ou des biotopes peut se faire soit par la délimitation de zones à protéger par le biais d'un plan d'affectation (art. 17 al. 1 LAT), soit au moyen d'autres mesures adéquates au sens de l'art. 17 al. 2 LAT. Tel était le cas de la mesure de classement adoptée par le canton de Vaud concernant le Creux du Van, objet classé dans un inventaire national, en application des art. 20 ss de la LPNMS-VD. Cette mesure a été préférée à celle d'un plan d'affectation (tel qu'adopté dans le même contexte par les autorités neuchâteloises) en raison du fait que le périmètre était restreint et qu'il ne comportait qu'une seule affectation de base (zone agropastorale). Selon l'art. 20 LPNMS-VD, pour assurer la protection d'un objet digne d'intérêt au sens de l'art. 4 de la loi, il peut être procédé à son classement, par voie de décision, assorti au besoin d'un plan de classement. Selon l'art. 21 LPNMS-VD, la décision de classement définit : l'objet classé et l'intérêt qu'il présente (a) ; les mesures de protection déjà prises (b) ; les mesures de protection prévues pour sa sauvegarde, sa restauration, son développement et son entretien (c). La procédure est la même que pour l'adoption d'un plan d'affectation (art. 24 LPNMS-VD). Une telle mesure impose, conformément à l'art. 3 OAT, une pesée d'intérêts tenant compte de l'importance des atteintes prévisibles, de l'intérêt public lié à la réalisation du projet et de l'efficacité des mesures de compensation (arrêt du Tribunal fédéral 1C_131/2021 du 4 janvier 2023 consid. 3.2 et les références citées).

3.9 Dans le canton de Genève, la LPMNS a entre autres pour but d’assurer la sauvegarde de la nature, en ménageant l’espace vital nécessaire à la flore et à la faune, et en maintenant les milieux naturels (art. 1 let. c).

Au chapitre V consacré à la nature et aux sites, elle prévoit que sont protégés conformément à la présente loi les sites et paysages, espèces végétales et minéraux qui présentent un intérêt biologique, scientifique, historique, esthétique ou éducatif (art. 35 al. 1 LPMNS). Le Conseil d’État édicte les dispositions nécessaires à la protection, la conservation et l’aménagement des sites visés à l’art. 35 LPMNS (art. 36 al. 1 LPMNS) et peut n’autoriser que sous conditions ou même interdire la modification ou la suppression de cours d’eau, de leur fond, de leurs rives ou de leurs abords immédiats, ainsi que d’étangs, de marais, ruisseaux et anciens lits de cours d’eau qui sont le siège d’associations végétales naturelles, telles que roselières et jonchères (art. 36 al. 2 let. b LPMNS), la circulation et le stationnement des véhicules(art. 36 al. 2 let. h LPMNS) ainsi que tout acte ayant pour effet de modifier l’aspect, le caractère ou l’accessibilité d’un site, d’un point de vue ou secteur de vue (art. 36 al. 2 let. i LPMNS).

À la section 2 consacrée aux plans de site, l’art. 38 LPMNS prévoit que le Conseil d’État peut édicter les dispositions nécessaires à l’aménagement ou à la conservation d’un site protégé par l’approbation d’un plan de site assorti, le cas échéant, d’un règlement (al. 1). Ces plans et règlements déterminent notamment : (a) les mesures propres à assurer la sauvegarde ou l’amélioration des lieux, telles que : maintien de bâtiments existants, alignement aux abords de lisières de bois et forêts ou de cours d’eau; angles de vue, arborisation ; (b) les conditions relatives aux constructions, installations et exploitations de toute nature (implantation, gabarit, volume, aspect, destination) ; (c) les cheminements ouverts au public ainsi que les voies d’accès à un site ou à un point de vue ; (d) les réserves naturelles.

La procédure d’adoption des plans de site est réglée aux art. 39 et 40 LPMNS.

3.10 Selon son art. 1, le RPPMF a notamment pour but : (a) de prévoir des mesures afin de ménager l'aspect caractéristique du paysage et des curiosités naturelles, et de promouvoir leur conservation et leur entretien durable ; (b) d'assurer la pérennité des milieux naturels par l'établissement de plans de protection et de gestion, ainsi que par la lutte contre les espèces exotiques envahissantes (ci-après : néophytes) ; (c) de soutenir le suivi et la gestion des milieux naturels par l'établissement de partenariats ; (d) de favoriser la compensation écologique, au sens de l'article 18b de la loi fédérale, par la reconstitution et la revitalisation des milieux naturels, et la mise en réseau de ceux-ci, y compris en milieu urbain ; (e) de préserver les espèces sauvages indigènes, rares ou menacées, en particulier celles de la flore, par une gestion appropriée et le maintien de leur espace vital fonctionnel ; (f) de sensibiliser la population à l'état et à l'importance du paysage, des milieux naturels et de la flore.

Selon l’art. 3 al. 1 let. b, le RPPMF s’applique entre autres, pour les milieux naturels : (1°) aux biotopes d'importance nationale compris dans les inventaires fédéraux, au sens de l'art. 18a LPN, ainsi qu'aux biotopes d'importance régionale et locale, au sens de l'art. 18b LPN ; (2°) aux biotopes dignes de protection, au sens de l'art. 14 al. a 3 l’OPN ; (3°) aux réserves naturelles, au sens de l'art. 38 LPMNS ; (4°) aux réserves forestières.

L’OCAN veille à l'intégrité des objets visés à l'art. 3 RPPMF, en collaboration avec les communes, les propriétaires et les exploitants (art. 4 al. 1 RPPMF).

Lorsqu'elle nécessite des mesures particulières d'entretien ou des restrictions d'exploitation, la protection des biotopes, des géotopes et de la flore est assurée, si possible, par une convention conclue avec le propriétaire et l'exploitant (art. 5 al. 1 RPPMF).

Sous la note marginale « protection par voie d’autorité », l’art. 6 RPPMF prévoit que si aucune convention ne peut être conclue, ou si la nature du bien-fonds ou de l'objet à protéger l'exige, la mise sous protection durable s'opère conformément aux dispositions prévues par la législation fédérale et cantonale sur la protection de la nature et du paysage, ainsi que celle relative à l'aménagement du territoire (al. 1). En cas de nécessité, un biotope peut être acquis, au besoin en application des art. 64 et 65 de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991 (LDFR - RS 211.412.11 ; al. 2). Les restrictions touchant une parcelle à la suite de mesures de protection arrêtées par voie d'autorité sont mentionnées au registre foncier (al. 3).

Au nombre des dispositions générales et sous la note marginale « mesures conservatoires », l’art. 7 RPPMF prévoit qu’en cas de danger imminent ou d'atteinte à l'un des objets décrits à l'art. 3 RPPMF, l’OCAN fait établir un constat des risques encourus ou de l'étendue des dommages et peut prendre, outre les mesures prévues à l'art. 50 LPMNS, toute mesure temporaire ou disposition nécessaire afin de protéger l'objet et d’assurer sa conservation. Il peut être recouru aux travaux d'office, au sens de l'art. 53 LPMNS (al. 1). Si une mesure de protection durable est envisagée, l’OCAN doit engager une procédure de protection par voie conventionnelle ou d'autorité dans un délai de deux ans suivant la prise des mesures conservatoires; à défaut, celles-ci deviennent caduques (al. 2).

Au chapitre III consacré aux milieux naturels, l’art. 16 RPPMF qualifie de biotopes dignes de protection les espaces spécialement favorables à la vie des espèces animales et végétales indigènes, notamment celles qui sont rares ou menacées de disparition, qui jouent un rôle important dans l'équilibre naturel, en particulier en tant que maillon d'un réseau écologique, ou qui présentent un intérêt particulier pour la science, l'enseignement et la population genevoise en général (al. 1). Sont qualifiés de milieux naturels protégés les biotopes faisant l'objet : (a) d'une désignation en tant que biotope d'importance nationale ; (b) d'une mesure de protection cantonale, à savoir mise à ban, réserve naturelle ou classement (al. 2). Sont qualifiées de zones tampon les surfaces attenantes aux biotopes et destinées à protéger ces derniers, ainsi que leur faune et leur flore spécifiques, des atteintes environnantes (al. 3).

Selon l’art. 17 RPPMF, afin d’assurer la protection des milieux naturels, l’OCAN : (a) répertorie les biotopes dignes de protection ; (b) veille à leur conservation ; (c) prend les dispositions de protection pour les objets prioritaires, en veillant notamment à leur affectation adéquate dans les plans d'aménagement ; (d) fixe les mesures d'entretien et de gestion pour les biotopes dignes de protection et les réserves naturelles ; (e) encourage la prise en compte des biotopes dignes de protection dans le cadre de la gestion agricole, forestière, des espaces verts et des aménagements extérieurs en milieu urbain, ainsi que la plantation d'arbres et de haies ; (f) favorise le maintien et la reconstitution de corridors biologiques par la mise en réseau des objets visés à l'art. 16 RPPMF ; (g) informe, au besoin, la Confédération sur le maintien des biotopes d’importance nationale.

Dans la section 3 consacrée à la protection, l’art. 18 RPPMF prévoit que l’OCAN fixe, au besoin, les limites précises des réserves naturelles en y incluant des zones tampon suffisantes du point de vue écologique, en accord avec les propriétaires et les exploitants (al. 1). Les réserves naturelles doivent répondre aux critères cumulatifs suivants : (a) présence d'espèces de la faune ou de la flore, qui, par leur nombre, leur rareté ou leur qualité doivent être protégées ; (b) localisation judicieuse par rapport à leur environnement et leur importance pour la connexion des biotopes entre eux ; (c) étendue suffisante ; (d) danger imminent ou menace potentielle (al. 2). Les réserves naturelles sont désignées par voie d'arrêté du Conseil d'État (al. 3).

Dans les réserves, toutes activités sont proscrites, sauf celles liées à la gestion et à l'entretien, de même que les travaux agricoles et sylvicoles compatibles avec le but de protection (art. 19 al. 2 RPPMF), et il est interdit d’y pénétrer à l'exception des piétons sur les cheminements prévus à cet effet et signalés (art. 19l a. 3 RPPMF), ou moyennant dérogation (art. 20 RPPMF) ou autorisation (art. 21 RPPMF).

3.11 La loi sur la faune du 7 octobre 1993 (LFaune - M 5 05) a pour but notamment de conserver et de créer les biotopes nécessaires à la faune et de favoriser la communication entre eux (art. 1 let. b).

Au chapitre III consacré à la conservation des biotopes, et sous la note marginale « biotopes », l’art. 11 prévoit que le département prend toutes mesures pour maintenir les biotopes des diverses espèces indigènes, notamment par la conservation d’un nombre suffisant de haies vives, de boqueteaux, buissons, rideaux de verdure, zones humides, rives de cours d’eau et prés secs. Dans la mesure où ce maintien s’avère impossible, il en exige le remplacement avant leur destruction.

L’art. 12 prévoit, sous la note marginale « mesures conservatoires », que toute atteinte à un biotope qui risque de porter préjudice à la faune doit faire l’objet d’une autorisation du département. L’autorisation peut être assortie de conditions (al. 1). Lorsqu’un projet de construction est susceptible d’avoir une influence notable sur la faune, un descriptif détaillé de celui-ci peut être demandé au requérant. En fonction de ce descriptif, le département communique à l’autorité compétente, cas échéant, la nature des mesures conservatoires, correctives ou compensatoires qui doivent être prises dans le cadre de la réalisation du projet (al. 2).

L’art. 13 prévoit qu’en accord avec les propriétaires concernés, le département crée ou encourage la création de secteurs protégés et la liaison entre ceux-ci par des mesures de protection à caractère permanent ou momentané.

Sous la note marginale « réserves et zones d’importance international, nationale et régionale », l’art. 14 prévoit que la réserve d’oiseaux d’eau et de migrateurs d’importance internationale comprenant la rade et le cours du Rhône, avec ses abords, jusqu’aux embouchures de l’Allondon et du nant des Crues, fait l’objet de mesures particulières de protection et d’observation dans l’esprit de l’art. 6 de l’ordonnance fédérale sur les réserves d’oiseaux d’eau et de migrateurs d’importance internationale et nationale du 21 janvier 1991 (al. 1). Les zones alluviales d’importance nationale et les bas-marais d’importance nationale et régionale font l’objet de mesures de protection et d’aménagement en faveur de la faune indigène (al. 2).

Le règlement d’application de la loi sur la faune du 13 avril 1994 (RFaune - M 5 05.01) consacre un chapitre (III) à la conservation des biotopes. Il définit les atteintes à un biotope (art. 11), les mesures compensatoires (art. 12) et les mesures de protection (art. 13) et règle l’information devant figurer dans la réserve d’oiseaux et de migrateurs d’importance internationale Rade/Rhône (art. 14).

3.12 Sous la note marginale « constatation de la nature forestière et délimitation des forêts », l’art. 4 de la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10) prévoit que quiconque prouve un intérêt digne d'être protégé peut demander à l'inspecteur cantonal des forêts de décider si un bien-fonds doit être considéré comme forêt ou non. Les communes et les associations d'importance cantonale, qui, aux termes de leurs statuts, se vouent par pur idéal à la protection des monuments, de la nature et des sites, ainsi qu'à la protection de l'environnement, ont également qualité pour déposer une telle demande (al. 1). Il appartient à l’inspecteur rattaché au département compétent (ci-après : département) de procéder à la constatation de la nature forestière afin de déterminer si un bien-fonds doit être considéré comme forêt, de façon : (a) à dresser le cadastre des forêts ; (b) à permettre à l'autorité compétente de délimiter la zone des bois et forêts ; (c) à délimiter les forêts lors de l'édiction et de la révision des plans d'affectation au sens de la LAT (1°) là où des zones â bâtir confinent ou confineront à la forêt et (2°) là où, en dehors des zones à bâtir, le canton veut empêcher une croissance de la surface forestière (al. 2). Les nouveaux peuplements à l’extérieur des limites de forêts visées à l’al. 2 let. b et c ne sont pas considérés comme forêt (al. 3). Un réexamen des limites de forêts est toutefois réservé lors de la révision de plans d'affectation si les conditions effectives se sont sensiblement modifiées (al. 4). Outre les cas prévus par les al. 1 et 2 qui sont à la charge du canton, l'inspecteur peut ordonner une procédure de constatation de la nature forestière, aux frais des propriétaires, lorsque la conservation de la forêt l'exige, en cas de situation illicite (al. 5). Lors d'une demande de défrichement, la constatation de la nature forestière relève de la compétence de l'autorité habilitée à se prononcer sur le défrichement (al. 6). Lorsque la constatation de la nature forestière est liée à une demande d’autorisation de construire, l’art. 3A de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) ne s’applique pas (al. 7).

L’art. 9 du règlement d’application de la LForêts du 18 septembre 2019 (RForêts - 5 10.01) prévoit que les décisions de constatation de la nature forestière sont publiées dans la Feuille d’avis officielle et comportent l’indication des délais et voies de recours (al. 1) et que les parties sont informées par avis (al. 2)

3.13 D’autres cantons connaissent une procédure de constatation de la nature de biotope ou de recensement des biotopes.

3.13.1 L’ordonnance bernoise sur la protection de la nature du 10 novembre 1993 (OPN - RS/BE 426.111) règle la protection des biotopes et des objets (art. 2 à 14) et prévoit que le service de protection de la nature tient une liste, accessible au public, des réserves naturelles d'importance nationale, régionale ou locale, ainsi que des objets d'importance nationale ou régionale.

3.13.2 La loi fribourgeoise sur la protection de la nature et du paysage du 12 septembre 2012 (LPNat - RS/FR 721.0.1) prévoit que les biotopes dignes d'être protégés doivent préalablement être désignés comme tels ; ils font ensuite l'objet de mesures de protection, comprenant une mise sous protection formelle et des mesures complémentaires (art. 8 al. 1). La désignation des biotopes d'importance cantonale ou locale est effectuée sur la base des critères définis dans la législation fédérale, adaptés et complétés au besoin par le Conseil d'État ; celui-ci définit en particulier les principales catégories de biotopes concernés (art. 8 al. 2). La mise sous protection formelle des biotopes d'importance nationale, cantonale et locale ainsi que des sites marécageux d'importance nationale a lieu en principe à l'aide des plans d'affectation prévus par la législation sur l'aménagement du territoire ; elle comprend la fixation des limites précises de l'objet et la détermination des buts particuliers visés par la protection (art. 8 al. 3). Les communes établissent un inventaire préalable des biotopes sis sur leur territoire qui ne sont pas d'importance nationale mais leur paraissent néanmoins dignes d'être protégés; l'inventaire peut également être établi dans un cadre intercommunal ou régional (art. 9 al. 1). Le Conseil d'État désigne les biotopes d'importance cantonale par voie d'ordonnance ; la liste des objets concernés est établie notamment sur la base des inventaires préalables, et les buts généraux de la protection sont fixés pour chaque catégorie de biotopes (art. 10 al. 1). Les inventaires à établir par les communes et la désignation des biotopes d’importance cantonale sont réglés par les art. 9 à 11 du règlement sur la protection de la nature et du paysage du 27 mai 2014 (RPNat - RS/FR 721.0.11).

3.13.3 L’art. 11 de la loi tessinoise sur la protection de la nature du 12 décembre 2001 (RS/TI 480.100) prévoit, au chapitre de la protection des espaces naturels, des éléments naturels émergents, des biotopes et des géotopes, que le Conseil d’État élabore les inventaires cantonaux des objets particulièrement dignes de protection. L’art. 12 al. 1 du règlement du 23 janvier 2013 (RCLN - RS/TI 480.110) prévoit que l’office de la nature et du paysage élabore et tient à jour les inventaires cantonaux de nature informative dans lesquels sont recensés les espaces naturels, les éléments naturels émergents, les biotopes et les géotopes particulièrement dignes de protection et d’importance cantonale et ceux pour lesquels est proposée une protection au niveau local. L’art. 15 prévoit la protection par décret notamment des biotopes d’importance national ou cantonale.

3.13.4 Sous la note marginale « inventaire cantonal », l’art. 16 de la loi grisonne sur la protection de la nature et du paysage du 19 octobre 2010 (LNCP - RS/GR 496.000) prévoit qu’en application de la LPN, le canton crée et tient un inventaire des biotopes dignes de protection d’importance régionale et locale (al. 1). Celui-ci tient compte des inventaires et plans sectoriels de la Confédération, des plans directeurs et des plans d’utilisation du canton et des communes, ainsi que des projets (al. 2).

3.13.5 L’art. 8 de la loi valaisanne sur la protection de la nature, du paysage et des sites du 13 novembre 1998 (LcPN - RS/VS 451.1) prévoit qu’en collaboration avec les communes, le service compétent établit l’inventaire des objets dignes de protection d’importance cantonale (al. 1bis). En collaboration avec le service compétent, les communes établissent l’inventaire des objets dignes de protection d’importance communale (al. 1ter). Les inventaires décrivent l’importance des objets pour la protection de la nature, du paysage, des sites bâtis, des monuments historiques et du patrimoine archéologique et leur rapport avec le paysage environnant. Ils déterminent les buts visés par la protection, les conflits potentiels, les mesures nécessaires à la mise sous protection et leurs conséquences (al. 2). Les art. 9 ss. LcPN règlent la procédure de classement. L’art. 11 al. 1 LcPN indique que la description dans les inventaires et la justification du classement constituent une base pour l’évaluation du degré de protection nécessaire, la pesée des intérêts et le calcul des subventions. Le canton du Valais a par exemple déclaré le 18 mai 2005 le biotope humide d’importance cantonale de Brigerbad site naturel protégé, défini les buts de la protection et réglé la mise en valeur et les interdictions (RS/VS 451.343), ou encore le 17 décembre 1997 le site de Finges site protégé, avec entre autres buts la conservation des biotopes (art. 2 al. 2 let. f - RS/VS 451.120).

3.13.6 Sous la note marginale « délimitation des biotopes, zones-tampon, régénération », l’art. 45 de la loi jurassienne sur la protection de la nature et du paysage du 16 juin 2010 (LPNP - RS/JU 451) prévoit que l’État, respectivement les communes dans le cadre de leur plan d'aménagement local, délimitent des zones tampon suffisantes du point de vue écologique, fixent les limites précises des objets et règlent le mode d’utilisation du sol ainsi que les mesures de régénération à prendre, après avoir pris l’avis des propriétaires fonciers et des exploitants concernés.

3.13.7 Le canton de Neuchâtel a adopté le 19 novembre 1969 un décret désignant les biotopes, définissant les objectifs et établissant des interdictions (RS/NE 461.21).

3.14 Il ressort du site d’information du territoire genevois (SITG) les éléments suivants :

Le canton a cartographié et délimité plusieurs sites « prioritaires faune » concernant essentiellement les oiseaux, les reptiles, les chiroptères et les insectes.

Une surface de 1'910 m2 de la parcelle n° 7'645, référencée « Bois G______ » mais ne comprenant pas le Nant de G______ lui-même, est recensée comme site « prioritaire flore » en raison de ses prairies grasses.

L’ensemble des parcelles que traverse le Nant de G______ est couvert par la convention internationale de RAMSAR relative aux zones humides d’importance internationale particulièrement comme habitats des oiseaux d’eau du 2 février 1971 (RS 0.451.45) approuvée par arrêté fédéral du 19 juin 1975 (RS 451.41). Les parcelles ne sont par contre pas référencées comme sites prioritaires faune ou flore.

L’intégralité du Nant de G______, de sa source au Rhône, est indiquée comme zone inconstructible au sens de l’art. 15 al. 1 de la loi sur les eaux du 5 juillet 1961 (LEaux-GE - L 2 05) et son annexe appliquant la loi fédérale sur la protection des eaux du 24 janvier 1991 (LEaux - RS 814.20).

4.             En l’espèce, le TAPI a considéré que la législation genevoise garantissait au biotope du Nant de G______ une protection suffisante au regard des exigences du droit fédéral.

Ce raisonnement peut être approuvé, avec les précisions qui suivent.

Certes, l’art. 14 al. 5 OPN prescrit aux cantons de prévoir une procédure de « constatation appropriée » pour prévenir toute détérioration de biotopes dignes de protection et toute violation des dispositions de protection des espèces figurant à l’art. 20 OPN, et il est vrai qu’une telle procédure spécifique de constatation des biotopes dignes de protection fait défaut en droit genevois, alors même que celui-ci a par exemple prévu une procédure de constatation de la nature forestière (art. 4 LForêts) ou encore une procédure d’inventaire des immeubles dignes de protection (art. 7 ss. LPMNS).

Il n’est pas douteux que la prescription de l’art. 14 al. 5 OPN d’instituer une procédure de désignation des biotopes s’impose aux cantons, comme semble le reconnaître le Tribunal cantonal vaudois dans ses arrêts de 2005 et 2023 précités. Nombre de cantons ont d’ailleurs institué des procédures d’établissement de listes ou d’inventaires de biotopes dignes de protection au plan cantonal, ainsi qu’il a été vu plus haut.

Les recourantes peuvent par ailleurs être suivies lorsqu’elles soutiennent que la protection des biotopes se compose d’une première phase spécifique d’identification de ces derniers et que la protection n’est mise en œuvre que dans un second temps.

À cet égard, cependant, le service de la biodiversité de l’OCAN a établi le 20 octobre 2022 un rapport sur le « valeur biologique des surfaces forestières des constats 2021-27c_01_02_03_04 / E______ parcelles n° 7621 et 7645 ». Ce rapport relève la présence de chevreuils, de rossignols philomèles et de salamandres tachetées, ainsi que d’une mosaïque de milieux forestiers, avant de conclure que celles-ci confèrent assurément aux surfaces des constats une valeur biologique significative. Il peut être considéré comme une constatation appropriée de la nature de biotope digne de protection au sens de l’art. 14 al. 5 OPN.

L’absence de recensement systématique, et surtout de publicité – le département ne soutenant pas que les constats en matière de biotopes seraient intégralement recensés et par exemple représentés sur le SITG – peut sans doute être regrettée.

Il reste que, ainsi que l’a relevé le TAPI et que l’admet le Tribunal fédéral, la protection prescrite par l’art. 18a LPN est convenablement assurée au stade de la planification ou de l’autorisation de construire, voire à tout moment par les mesures conservatoires prévues à l’art. 7 RPPMF en cas de danger imminent – les impératifs de protection des biotopes pouvant en telles circonstances être invoqués par les associations de protection de l’environnement et devant en toute hypothèse être pris en compte par le département.

Il suit de là qu’en l’absence de procédure cantonale de constatation de la nature de biotope digne de protection, il ne peut être déduit du droit fédéral une obligation du canton de prendre une décision de constatation ni d’ouvrir une procédure spécifique en vue de la constatation.

Le département n’étant pas tenu de constater par une décision la nature digne de protection du biotope du Bois de G______, son silence ne peut être qualifié de déni de justice.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 900.- sera mis à la charge solidaire des recourantes, qui ne peuvent se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 février 2024 par les associations A______, B______, C______ et D______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 janvier 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge solidaire des associations A______, B______, C______ et D______ un émolument de CHF 900.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Alain MAUNOIR, avocat des recourantes, au département du territoire - OCAN, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu’à l’office fédéral de l’environnement - OFEV.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Claudio MASCOTTO, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :