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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2505/2024

ATA/1277/2024 du 30.10.2024 ( EXPLOI ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2505/2024-EXPLOI ATA/1277/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 30 octobre 2024

sur restitution de l'effet suspensif et mesures provisionnelles

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

DIRECTION DE LA POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimée



Attendu, en fait, que, le 8 décembre 2023, le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir, devenu depuis lors la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : la PCTN), a délivré à B______, en application des art. 8 ss de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22) et 18 ss du règlement d'exécution de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement du 28 octobre 2015 (RRDBHD - I 2 22.01), l'autorisation d'exploiter le café-restaurant « C______ » (ci‑après : l'établissement), sis D______ à Genève, appartenant à la société E______ ;

que, par lettre recommandée du 21 mai 2024, B______ a informé la PCTN que la société E______ et elle-même avaient cessé d'exploiter l'établissement le 17 mai 2024 ;

que, par décision du 3 juin 2024 adressée par pli recommandé à B______, la PCTN a constaté la caducité de l'autorisation délivrée le 8 décembre 2023 ; qu'elle a précisé que cette décision, déclarée exécutoire nonobstant recours au sens de l'art. 66 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), avait pour conséquence que l'établissement ne pouvait plus être exploité ;

que cette décision n'a fait l'objet d'aucun recours ;

que, le 11 juin 2024, la société A______, indiquant être propriétaire de l'établissement, et F______, en qualité de nouvel exploitant, ont déposé auprès de la PCTN une requête de changement d'exploitant (formulaire F) ;

que, le 14 juin 2024, la PCTN a retourné à F______ le formulaire F et les pièces annexées au motif que, la caducité de la précédente autorisation d'exploiter ayant été constatée le 4 juin 2024 (recte : le 3 juin 2024), la requête ne pouvait tendre à un changement d'exploitant mais devait porter sur la création d'un nouvel établissement (formulaire A) ; que la PCTN a précisé à cette occasion que, si les requérants souhaitaient que la non-entrée en matière sur leur requête du 11 juin 2024 fasse l'objet d'une décision formelle avec indication des voie et délai de recours, ils pouvaient en faire la demande dans les trois semaines ; qu'F______ et A______ n'ont pas fait usage de cette possibilité ;

qu'F______ et A______ ont déposé, le 24 juillet 2024, une requête en délivrance d'une autorisation d'exploiter un nouvel établissement (fomulaire A) ; que cette requête est aujourd'hui en cours d'instruction par la PCTN, cette dernière indiquant à cet égard, sans être contredite, que les requérants n'avaient en l'état pas fourni l'ensemble des pièces qui leur avaient été demandées ;

que, constatant que l'établissement continuait à être exploité, la PCTN a remis en mains propres le 9 juillet 2024 à F______ et A______ un courrier daté du même jour par lequel, après leur avoir rappelé qu'une telle exploitation supposait la délivrance préalable d'une autorisation, elle les informait envisager de leur adresser une sommation de fermeture au sens de l'art. 61 al. 1 LRDBHD ainsi que de leur infliger une amende administrative, et les invitait à s'exprimer sur ces points d'ici au 20 juillet 2024 ;

que, constatant le 22 juillet 2024 que l'établissement était toujours exploité, la PCTN a remis en mains propres à F______ et A______, le 26 juillet 2024, une sommation datée du même jour leur intimant l'ordre de cesser immédiatement l'exploitation de l'établissement, lequel devrait ensuite demeurer fermé jusqu'à l'obtention d'une autorisation d'exploiter ; que cette sommation était stipulée exécutoire nonobstant recours en application de l'art. 66 al. 1 LPA ;

que, par acte déposé le 29 juillet 2024 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), A______ a recouru contre la sommation du 26 juillet 2024, concluant implicitement à son annulation ; que, dans une motivation très succincte, elle a fait valoir exploiter elle-même l'établissement depuis plusieurs années en association avec E______, de telle sorte que, contrairement à ce qu'avait retenu à tort la PCTN, sa requête ne devait pas viser la création d'un nouvel établissement mais un simple changement d'exploitant ; qu'elle avait par ailleurs déféré aux instructions de la PCTN en déposant le formulaire requis par celle-ci ;

que, par courrier du 5 août 2024, A______ a requis que l'effet suspensif soit accordé à son recours ;

que, dans sa détermination sur effet suspensif du 26 août 2024, la PCTN s'est opposée à la restitution de l'effet suspensif au recours : l'art. 8 al. 1 LRDBHD subordonnait l'exploitation d'une entreprise vouée à la restauration à l'obtention d'une autorisation préalable, dont la recourante ne disposait en l'état pas ; or la restitution de l'effet suspensif ne pouvait conduire à accorder à la partie recourante le bénéfice d'un régime juridique qu'elle n'avait jamais eu ; la cessation de l'exploitation d'un établissement pour lequel aucune autorisation n'avait été octroyée répondait par ailleurs à un intérêt public important ;

qu'en l'absence de réplique de la part de la recourante, la cause a été gardée à juger sur effet suspensif le 22 octobre 2024 ;

Considérant, en droit, que, selon l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020, les décisions sur effet suspensif sont prises par le président de ladite chambre ou par la vice-présidente, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par un juge ;

qu'aux termes de l'art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

que l’autorité peut, d’office ou sur requête, ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA) ;

que, selon la jurisprudence constante, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/844/2023 du 10 août 2023 ; ATA/503/2018 du 23 mai 2018) ; qu'elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265); que par ailleurs l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_377/2023 du 7 décembre 2023 consid. 4.1) ;

que l’effet suspensif ne peut être restitué lorsque le recours est dirigé contre une décision à contenu négatif ; que la fonction de l’effet suspensif est en effet de maintenir un régime juridique prévalant avant la décision contestée (ATF 127 II 132 ; 126 V 407 ; 116 Ib 344) ;

qu'en particulier l’exploitant d’un établissement public ne peut se voir accorder par le biais de mesures provisionnelles un régime juridique dont il n’a pas bénéficié auparavant, le maintien d'une situation antérieure illégale n'apparaissant pas comme un intérêt digne d'être protégé et donc prépondérant ; qu'accorder une telle autorisation reviendrait en effet à admettre à titre préjudiciel que les conditions de l'autorisation sont satisfaites, ce qui n'est possible qu'à l'issue du litige, un éventuel préjudice financier ne pouvant du reste faire échec à ce constat (ATA/844/2023 précité ; ATA/418/2018 du 3 mai 2018 consid. 9) ; qu'ont ainsi été rejetées les requêtes de mesures provisionnelles de restaurants fermés par ordre de la PCTN dans des cas où celle-ci avait révoqué l'autorisation d'exploiter du précédent exploitant – décision non contestée –, où l’établissement avait continué à être exploité et où les requêtes d'autorisation déposées par le nouvel exploitant étaient incomplètes (ATA/844/2023 précité ; ATA/1313/2017 du 21 septembre 2017) ;

que l’art. 8 LRDBHD soumet l'exploitation de toute entreprise vouée à la restauration et au débit de boissons, à l'obtention préalable d'une autorisation d'exploiter délivrée par le département (al. 1) ; que, dans des cas exceptionnels et sur demande dûment motivée, la PCTN peut rendre une décision à caractère provisoire ; qu'une telle autorisation provisoire cesse de déployer ses effets à l’échéance du délai fixé par la PCTN, si elle n’est pas confirmée avant son échéance (art. 31 al. 16 RRDHBD) ;

qu'en l’espèce, la décision intimant l'ordre de fermer l’établissement public n'a pas en soi un contenu négatif mais plutôt un contenu positif défavorable à l'administrée ; qu'elle découle d'un constat d'absence d'autorisation, si bien qu'un effet suspensif demeurerait sans portée ; qu'en effet le maintien du statu quo, à savoir l'absence d'autorisation d'exploiter, ne permettrait pas à la recourante d'obtenir ce qu'elle souhaite, soit d'exploiter son établissement ; qu'ainsi, la requête de restitution de l'effet suspensif doit s'examiner comme une demande de mesures provisionnelles visant l’autorisation d’exploiter le café-restaurant durant la procédure de recours ;

qu'à cet égard, il apparaît certes que la fermeture de l'établissement est susceptible d’emporter pour la recourante un préjudice financier non négligeable ; que toutefois, à la suite de la caducité de l’autorisation d’exploiter accordée au précédent exploitant, la recourante ne dispose depuis le 3 juin 2024 plus d'une telle autorisation, de sorte que la chambre de céans ne saurait, par voie de mesures provisionnelles, la lui accorder ; que cela reviendrait en effet à admettre à titre préjudiciel que les conditions de sa délivrance sont satisfaites, point qui ne fait cependant pas l’objet du litige et relève, dans un premier temps et sous réserve d'un éventuel recours, de la compétence de la PCTN ;

que par ailleurs l’admission de la requête reviendrait à maintenir une situation illégale, ce qui ne saurait constituer un intérêt digne d'être protégé ;

qu'il sera pour le surplus relevé que l'argumentation principale de la recourante, consistant à soutenir que la situation relevait d'un changement d'exploitant et non de la création d'un nouvel établissement, ne paraît à première vue pas de nature à remettre en cause la sommation contestée dès lors que, dans un cas comme dans l'autre, elle ne dispose en l'état d'aucune autorisation d'exploiter ; qu'elle s'est au demeurant abstenue de solliciter de la PCTN qu'elle rende une décision formelle sur ce point, ce qui lui aurait permis de la contester ;

qu'enfin, n'ayant produit aucune pièce autre que la sommation contestée, elle ne rend pas vraisemblable le caractère complet de la requête d'autorisation dont elle se prévaut ;

qu'au vu de ce qui précède, la requête de restitution d'effet suspensif, respectivement de mesures provisionnelles, sera rejetée ;

qu'il sera statué sur les frais de la présente décision avec l’arrêt au fond.

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête de restitution de l'effet suspensif, respectivement de mesures provisionnelles, formée par A______ ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à A______ ainsi qu'à la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

 

 

Le président :

 

 

 

C. MASCOTTO

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :