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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3355/2022

ATA/1023/2024 du 27.08.2024 sur JTAPI/1004/2023 ( ICC ) , REJETE

Recours TF déposé le 04.10.2024, 9C_554/2024
Descripteurs : DROIT DES SUCCESSIONS;ÉMOLUMENT;INVENTAIRE;FARDEAU DE LA PREUVE;PREUVE;FORCE PROBANTE
Normes : LDS.11.al1; LDS.11.al2
Résumé : Rejet du recours d’une contribuable, co-héritière en tant que conjointe survivante du de cujus, contre un émolument inventaire calculé sur la base de l’actif de la succession, composé du capital-actions d’une société anonyme détentrice d’un immeuble et de créances à l’égard d’un tiers pour des sommes prêtées par le de cujus que le couple avait déclarées en tant que telles dans le cadre de taxations fiscales antérieures entrées en force. La contribuable n’a pas produit d’élément probant permettant de remettre en cause ni la valeur vénale dudit immeuble retenue par l’autorité fiscale sur la base d’un rapport d’expertise établi par un expert de l’immobilier de manière détaillée, ni l’insolvabilité dudit débiteur et le caractère irrécouvrable desdites créances. Confirmation de l’émolument inventaire litigieux.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3355/2022-ICC ATA/1023/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 août 2024

4ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE intimée

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 septembre 2023 (JTAPI/1004/2023)


EN FAIT

A. a. A______, née en 1953, a épousé en 2003 feu B______, décédé le ______ 2018 et père de trois filles majeures issues d’une précédente union.

b. Par décision du 26 août 2019, la Justice de Paix a désigné C______, avocat, aux fonctions de représentant de la communauté héréditaire de feu B______, sur requête de ses trois filles, en raison d’une mésentente au sein de l’hoirie.

B. a. Par décision sur réclamation du 9 septembre 2022, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a confirmé le bordereau de droits de succession du 19 novembre 2020 concernant l’hoirie de feu B______.

Selon ce bordereau, la contribuable, veuve de ce dernier, s’est vu attribuer un avoir imposable de CHF 2'401'255.50 sur un montant total de CHF 4'802'511.- et imposer un émolument d'inventaire à hauteur de CHF 1'837.50. La somme totale de cet émolument était fixée à CHF 3'675.- et répartie entre la contribuable et les trois filles du défunt. Selon l’avis de taxation y relatif, l’actif brut de la succession s’élevait à un montant total de CHF 16'076'244.-, dont CHF 12'952'414.- à titre de « créances / titres », auquel deux sommes étaient déduites pour arriver à l’avoir net imposable précité de CHF 4'802'511.-. Ces déductions concernaient la somme totale de liquidation du régime matrimonial fixée à CHF 7'906'854.- et de celle du passif de la succession évalué à CHF 3'366'879.-.

b. Dans son argumentation, l’AFC-GE a relevé ne pas pouvoir porter pour mémoire les créances à l’encontre de D______ tant qu’un tribunal n’aurait pas constaté leur nullité.

À ce sujet, dans sa réclamation, la contribuable s’était référée à la rubrique « créances et titres » de l’actif de la succession en expliquant que feu son époux avait prêté la somme totale de CHF 10'726'743.45 à D______. Après son décès, Me C______ s’était adressé à l’avocat de ce débiteur, qui lui avait répondu dans un courrier du 18 mai 2020, joint à sa réclamation, que les créances revendiquées par l'hoirie de feu B______ à l’encontre de D______ n’étaient pas dues et qu’elles étaient contestées. Cela conduisait la contribuable à considérer que ladite somme était partiellement, voire totalement perdue. L’issue d’une « plainte civile » était compromise compte tenu du processus long et coûteux, la succession ne disposant pas des moyens financiers. Elle sollicitait ainsi que seule une valeur symbolique de CHF 1.- soit retenue.

c. Dans un courrier du 27 juillet 2020, l’AFC-GE a informé la contribuable qu’après contrôle de la valeur déclarée de la société E______SA (ci-après : la SA) représentant 100 actions, elle estimait sa valeur à CHF 4'260'000.- compte tenu de son bilan au 31 décembre 2017, du bien immobilier s’y rattachant ainsi que des 9éances chirographaires et prêts hypothécaires détenus par le défunt contre ladite 0société. Un délai de 30 jours lui était fixé pour se déterminer à ce sujet.

Ce courrier faisait suite à une demande de renseignements du 11 mai 2020 adressée par l’AFC-GE au représentant de la communauté héréditaire. Pour se prononcer sur la valeur de ladite société, elle avait besoin des actes constitutifs de la SA, de l’attestation fiscale de 2017, des bilans et états locatifs aux 31 décembre des années 2015 à 2017 ainsi que d’expertises détaillées, à la valeur vénale au jour du décès, des biens immobiliers détenus par cette société. Ledit représentant y a donné suite à la fin du mois de juin 2020, en fournissant entre autres les bilans de la SA et les comptes de résultat y relatifs ainsi qu’un rapport d’expertise du 20 mars 2019 sur la maison détenue par la SA, effectué à la demande de l’office des poursuites. Les données contenues dans ces documents seront reprises en tant que de besoin dans la partie en droit.

C. a. Par jugement du 18 septembre 2023, notifié à la contribuable le 27 septembre 2023, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a rejeté le recours de la contribuable contre la décision sur réclamation précitée, dans lequel elle contestait deux éléments : la prise en compte des créances de feu son époux contre D______ (EUR 1'700'000.- et CHF 4'235'365.-) et la valeur de la SA fixée par l’AFC-GE (CHF 4'260'000.-).

S’agissant des créances litigieuses, la contribuable se prévalait uniquement du courrier susmentionné du 18 mai 2020 de D______, qui déclarait ne pas en être débiteur, afin de démontrer qu’au jour du décès de feu son époux, le 9 février 2018, ces dernières étaient irrécouvrables. Or, il avait déjà été jugé par le TAPI, dans un jugement du 19 décembre 2022 (JTAPI/1427/2022, confirmé par l’arrêt ATA/405/2023 du 18 avril 2023), que ce document ne constituait pas une preuve démontrant que ces créances étaient devenues irrécouvrables, en tout cas pas avant 2020. La contribuable n’avait fourni aucun autre élément de preuve permettant de retenir qu’au jour du décès de feu B______, ces créances étaient définitivement perdues. Dans ces conditions, elles devaient être comprises dans l’actif successoral déterminant pour le calcul des émoluments prévus par l’art. 4 al. 2 du règlement sur l’inventaire au décès du 23 décembre 1960 (RInDé -
D 3 25.05).

Quant à la valeur des titres de la SA, la contribuable se limitait à indiquer ne pas comprendre la différence entre la valeur qu’elle avait déclarée (CHF 100'000.-) et celle retenue par l’AFC-GE (CHF 4'260'000.-), de sorte que le TAPI n’était pas en mesure d’examiner son grief. Elle n’expliquait pas en quoi l’évaluation de l’autorité intimée serait irrégulière et ne correspondrait pas à la valeur vénale de cette société. En tout état, le montant déclaré de CHF 100'000.- ne représentait que le capital social de cette dernière. Or, en vertu de l’art. 11 al. 1 de la loi sur les droits de succession du 26 novembre 1960 (LDS - D 3 25), c’était bien la valeur vénale au jour du décès qui était déterminante. Dans sa réponse, l’AFC-GE avait par ailleurs expliqué comment elle avait déterminé cette valeur, à savoir sur la base du bilan 2017 de cette société, de son bien immobilier et de ses dettes envers le défunt, ce qui apparaissait conforme à l’art. 11 al. 1 LDS. La contribuable, qui n’avait pas répliqué, n’avait pas remis en cause ces explications. Ainsi, la valeur de CHF 4'260'000.- retenue par l’AFC-GE pour lesdits titres devait également être comprise dans l’actif successoral déterminant pour le calcul des émoluments prévus par l’art. 4 al. 2 RInDé.

Enfin, l’AFC-GE avait, à bon droit, notifié le bordereau litigieux à la contribuable, puisqu’elle avait déposé la déclaration de succession concernée. La décision sur réclamation était donc confirmée.

D. a. Par acte expédié le 27 octobre 2023, la contribuable a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, en concluant à son annulation et à celle de la décision sur réclamation, ainsi qu’au renvoi de la cause, principalement à l’AFC-GE et subsidiairement au TAPI, pour nouvelle décision.

Feu son époux avait, entre 2009 et 2011, prêté à D______, son partenaire d’affaires de l’époque, les sommes de USD 3'200'000, EUR 1'700'000.- et CHF 4'235'365.-. Ces trois transactions avaient été mentionnées dans leurs déclarations fiscales. À la suite du décès de son époux, la fiduciaire, ayant effectué la déclaration de la succession, avait procédé à des abattements des montants des prêts pour les indiquer à la valeur symbolique de CHF 1.- avec la mention « pour mémoire ». L’échange entre Me C______ et l’avocat de D______ ainsi que le courrier du 18 mai 2020 de ce dernier étaient ensuite rappelés. Après avoir évoqué la situation de feu son époux et celle de D______, qui aurait été spolié de ses actifs – à défaut de quoi il les aurait remboursés avant le décès de son mari –, elle avait obtenu, grâce à l’épouse de D______, à la fin de l'année 2022 un document, produit en annexe, qui démontrerait que le précité avait perdu toute sa fortune dès les années 2012-2013. Dès lors, elle estimait évident qu’il ne pourrait pas rembourser la somme d’environ CHF 10'000'000.-. En outre, le représentant de la succession, Me C______, considérait que feu B______ avait fait don de cette somme à D______ en raison de sa situation financière difficile, information qu’elle supposait être connue de l’AFC-GE. Sa fiduciaire avait donc raison d’indiquer la valeur symbolique précitée pour lesdits prêts avec la mention « pour mémoire » compte tenu de l’insolvabilité complète ou partielle du débiteur en application de l’art. 11 al. 2 LDS.

S’agissant de la valeur de la SA retenue par l’AFC-GE, elle a demandé la production des documents adressés par Me C______, car elle ignorait que feu son époux détiendrait des prêts hypothécaires contre la SA. Elle avançait que le prêt hypothécaire avait été dénoncé et que le commandement de payer adressé en 2017 à la SA permettait de calculer le montant réclamé par rapport au prêt hypothécaire au moment du décès de feu son époux, à savoir le montant de CHF 3'750'390.55. Seule la moitié de ce prêt de la valeur de la SA devait être prise en compte dans la succession, car elle détenait l’autre moitié elle-même selon une convention de « donation/partage » conclue avant le décès. Ainsi, elle-même et la SA devaient également être contactées pour établir la valeur de la SA. De plus, la valeur de l’actif mentionnée dans le bilan ne correspondait pas à la valeur vénale du bien immobilier. La valeur de l’expertise effectuée en mars 2019 à la demande de l’office des poursuites, devait prendre en compte que le prêt avait été dénoncé, et ce dans le cadre d’une vente aux enchères, de sorte qu’il était, selon la contribuable, difficile d’estimer la valeur du bien immobilier. Sa fiduciaire avait donc à raison indiqué au titre de la valeur du capital-actions sa valeur nominale, dont seule la moitié concernait les droits de successions.

La taxation litigieuse était ainsi fondée sur des montants dont ni feu son époux, ni elle ne disposaient depuis 2009 et 2011. Cela avait eu des conséquences « dramatiques » sur sa vie. Veuve, retraitée, avec une santé fragile, elle avait été obligée de quitter son logement en août 2022, sans avoir de solution de relogement, ce qui avait généré de l’instabilité et d’énormes contraintes. Elle avait pu depuis peu retrouver un logement mais sa situation financière était toujours catastrophique en raison des problèmes liés à sa situation fiscale. Elle invoquait une violation des art. 8, 11 al. 1 et 11 al. 2 LDS, faute d’une correcte évaluation fondée sur des éléments factuels exacts, ainsi qu’une violation de l’interdiction de l’arbitraire et du formalisme excessif. Elle estimait qu’on avait omis de prendre en compte sa situation personnelle, notamment le fait qu’elle n’avait pas les compétences nécessaires vu la complexité du dossier.

b. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

c. La recourante a répliqué en maintenant sa position. Elle a produit quelques extraits d’un arrêt de la chambre civile de la Cour de justice du 31 octobre 2023, qui seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit. Elle estimait que cet arrêt confirmait la position de Me C______, selon laquelle feu son époux avait fait « don » de la somme litigieuse à D______ en 2013.

d. Les parties ont ensuite été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente par la destinataire de la décision litigieuse et héritière en tant que conjointe survivante, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 60 al. 1 let. a et b et 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             L’objet de la décision litigieuse porte sur le prélèvement d’un émolument « inventaire » d’un montant total de CHF 3'675.-, réparti entre la contribuable, conjointe survivante, et les trois filles majeures du défunt issues d’une précédente union. Seule la somme de CHF 1'837.50 réclamée à la recourante, veuve du défunt, est donc litigieuse.

2.1 Les droits de succession sont un impôt qui frappe toute transmission de biens résultant d’un décès ou d’une déclaration d’absence, à quelque titre que cette transmission ait lieu (art. 1 al. 2 let. a LDS). Ils sont dus par ceux qui, à la suite d’un décès ou d’une déclaration d’absence, acquièrent des biens ou en sont bénéficiaires (art. 2 al. 1 LDS). Sont exemptes de tous droits les transmissions et attributions de biens au sens de l’art. 1 al. 2 en faveur du conjoint survivant et des parents en ligne directe (art. 6A al. 1 let. a et b LDS).

2.2 Selon l’art. 4 al. 1 LDS, pour les successions ouvertes dans le canton de Genève, les droits sont dus sur tous les biens qui en dépendent, quelle que soit leur nature et dans quelque lieu qu’ils soient situés, à une exception près non déterminante in casu. Le passif est réparti proportionnellement à l’actif imposable dans chacun des cantons intéressés (art. 4 al. 3 LDS). Cette répartition se fait sur la base d’une attestation fournie par l’autorité fiscale du canton où s’ouvre la succession (art. 4 al. 4 LDS).

À teneur de l’art. 8 LDS, quel que soit le mode de liquidation de la succession, l’estimation des biens délaissés s’établit d’après leur valeur au jour du décès (al. 1). Cette estimation, sous réserve de l’expertise prévue par la présente loi, est établie : a) par la déclaration des parties ; b) par toutes pièces justificatives (al. 3). L’art. 10 LDS dispose que les immeubles et droits immobiliers sont estimés à leur valeur vénale au jour du décès.

2.3 Les titres et créances sont réglés par l’art. 11 LDS. Son al. 1 précise que les actions, obligations, parts sociales et autres titres sont estimés au cours ou à leur valeur au jour du décès. En ce qui concerne les actions de sociétés anonymes immobilières, leur estimation est effectuée en prenant comme base la valeur vénale des biens immobiliers et autres actifs de ces sociétés, sous déduction du passif dont il est justifié.

Selon l’art. 11 al. 2 LDS, les créances sont estimées au pair, à moins qu’à raison de l’insolvabilité plus ou moins complète du débiteur, il n’y ait lieu de les considérer comme partiellement ou totalement perdues.

2.3.1 Les critères posés par la jurisprudence pour juger de la difficulté de recouvrer une créance sont restrictifs : il faut que le débiteur apparaisse comme définitivement insolvable pour que la créance ne soit pas imposable (ATA/1376/2015 du 21 décembre 2015 consid. 6b ; ATA/44/2011 du 25 janvier 2011 consid. 4c ; ATA/325/2008 du 18 juin 2008 consid. 7b). La perte est certaine lorsque le contribuable démontre qu’il a mis en œuvre les procédures et démarches que l’on peut raisonnablement attendre d’un créancier ou d’un porteur de droit à l’égard de son bien. Les pertes sur créances deviennent effectives au moment où l'insolvabilité est constatée officiellement par un acte de défaut de biens (ATA/1351/2017 du 3 octobre 2017 consid. 5a ; ATA/1376/2015 précité consid. 6b).

2.3.2 Selon la jurisprudence constante en matière fiscale, il appartient à l'autorité fiscale de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation fiscale. S'agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_89/2014 du 26 novembre 2014 consid. 7.2 ; 2C_319/2014 du 9 septembre 2014 consid. 2.2 ; ATA/1309/2015 du 8 décembre 2015 ; ATA/234/2015 du 3 mars 2015). Ces règles s'appliquent également à la procédure devant les autorités de recours (arrêt du Tribunal fédéral 2C_47/2009 du 26 mai 2009 consid. 5.4 ; ATA/1309/2015 précité).

2.4 Selon l’art. 43 LDS, l’autorité compétente notifie un bordereau au liquidateur de la succession, au déclarant ou à tout autre redevable (al. 1). Le bordereau mentionne le montant des droits à payer et le délai dans lequel le paiement doit être effectué (al. 2).

2.5 Parmi les mesures de sûreté, figure l’inventaire au décès au sens des art. 62 à 67 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17 ; art. 44 al. 1 let. b LDS). Selon l’art. 62 al. 1 LPFisc, un inventaire officiel est établi dans les deux semaines qui suivent le décès du contribuable (1ère phr.). Les frais, débours, émoluments et vacations, soit pour les inventaires dressés par le département, soit pour les inventaires dressés par le notaire, sont supportés par la succession (art. 62 al. 11 LPFisc). L’inventaire comprend la fortune du défunt et celle de son conjoint, quel que soit le régime matrimonial, estimées au jour du décès (art. 63 al. 1 LPFisc). Les faits revêtant de l’importance pour la taxation sont établis et mentionnés dans l’inventaire (art. 63 al. 2 LPFisc).

2.5.1 Selon l’art. 1 al. 1 let. a RInDé, l’inventaire comprend tous les biens meubles et immeubles de la succession, ainsi que l’énumération détaillée et l’estimation des valeurs mobilières et immobilières au jour du décès ; il mentionne les dettes dont la succession est grevée. Les héritiers appelés à l’ouverture de l’inventaire sont invités à fournir tous les renseignements propres à établir l’actif et le passif de la succession (art. 2 al. 1 RInDé). L’agent public compétent peut exiger la production de tous documents pour établir l’actif de la succession et les biens assujettis aux droits (art. 3 al. 1 RInDé).

En vertu de l’art. 4 al. 1 RInDé, les frais, débours, émoluments et vacations dus soit pour les inventaires dressés par le fonctionnaire délégué du département, soit pour ceux dressés par le notaire sont supportés par les débiteurs des droits mentionnés à l’article 53 LDS. Parmi ces derniers figurent entre autres les héritiers légaux et institués (art. 53 al. 1 LDS).

2.5.2 À teneur de l’art. 4 al. 2 RInDé, l’émolument pour l’inventaire au décès dressé par le fonctionnaire délégué du département est fixé dès que l’actif net imposable dépasse 25 000 francs :

a) de 25 001 francs à 50 000 francs 25 francs

b) de 50 001 francs à 100 000 francs 75 francs

c) dès 100 001 francs 150 francs

d) plus 75 francs par tranche ou fraction de tranche de 100 000 francs, sans toutefois pouvoir dépasser 10 000 francs.

L’émolument d’inventaire au sens de l’art. 4 al. 2 et 3 RInDé est perçu de la même manière que les droits de succession (art. 4 al. 4 RInDé). Après la clôture de l’inventaire, les héritiers sont tenus de signaler à l’administration de l’enregistrement et du timbre ou au notaire tout fait nouveau pouvant modifier la consistance de la succession (art. 6 RInDé).

3.             En l’espèce, la recourante remet en cause la prise en compte de deux éléments dans la détermination de l’actif de la succession, qui sert de fondement au calcul des émoluments dus en vertu de l’art. 4 RInDé. Elle invoque essentiellement une violation de l’art. 11 al. 1 et 2 LDS, les griefs tirés d’une violation des principes de l’interdiction de l’arbitraire et du formalisme excessif s’y confondant.

3.1 Dans son argumentation concernant la détermination de la valeur de la SA, dont il n’est pas contesté qu’elle détient l’immeuble décrit dans le rapport d’expertise susmentionné du 20 mars 2019, la recourante semble omettre qu’elle a déjà été invitée par l’AFC-GE à y collaborer, au travers du représentant de la communauté héréditaire désigné judiciairement, Me C______, comme le démontre la demande de renseignement du 11 mai 2020.

La comptabilité de la SA, produite par le représentant de la succession à la demande de l’AFC-GE, comporte les états financiers répertoriant les dettes bancaires, l’hypothèque et les dettes à court terme portant intérêt ainsi que les intérêts hypothécaires et les charges financières. Ils font état pour l’immeuble détenu par la SA d’une valeur de CHF 4'470'000.-, tandis que les charges financières sont estimées à un montant total de CHF 108'408.- dans le compte de résultat 2017. Le bilan au 31 décembre 2017 prévoyait, dans la rubrique « passif », une hypothèque à hauteur de CHF 3'094'000.- et des dettes bancaires à court terme à hauteur de CHF 20'129.-, ce qui représentait un total de CHF 3'114'129.-. L’hypothèque et la valeur dudit immeuble étaient évaluées en 2018 aux mêmes montants que ceux précités de 2017, les intérêts hypothécaires pour 2018 s’élevant à CHF 371'280.- et les charges financières à CHF 96.- selon le compte de résultat de la SA au 31 décembre 2018. En outre, ledit rapport d’expertise, non contesté par la recourante, a fixé, en mars 2019, à CHF 7'180'000.- la valeur vénale de l’immeuble détenu par la SA, dans son état actuel, en tant que parcelle avec maison de maître, considéré pour un usage propre et non à des fins de rendement. Cette valeur était basée principalement sur la valeur intrinsèque, qui était composée de la valeur de remplacement (CHF 2'924'700.-) et de la valeur du terrain (CHF 4'256'665.-).

Compte tenu des éléments précités, les documents produits par la recourante dans la présente procédure de recours ne sont pas déterminants. Il s’agit d’une réquisition de poursuite en réalisation du gage immobilier datée du 15 décembre 2016 au sujet d’un prêt hypothécaire relatif à l’immeuble détenu par la SA pour une créance en capital de CHF 3'094'000.- et des intérêts, sous certaines déductions, ainsi que d’un commandement de payer y afférent daté du 13 mars 2017. Ces documents sont antérieurs à la date de la demande de renseignements du 11 mai 2020 adressée par l’AFC-GE au représentant de la succession. Il en résulte deux hypothèses : soit ils ont déjà été produits par le représentant de la succession invité à se déterminer sur la valeur de la SA, soit ils n’étaient alors pas pertinents, étant précisé que la recourante allègue l’existence d’une vente aux enchères, tout en expliquant avoir dû retrouver une solution de relogement en août 2022, contrainte de quitter son logement situé dans l’immeuble de la SA. Le fait que la réalisation dudit prêt ait conduit à la vente forcée de l’immeuble de la SA après le décès du de cujus ne change rien à l’élément pertinent en l’espèce, à savoir l’estimation de cet immeuble qui se trouvait dans la fortune du de cujus, même si seulement pour moitié, au jour de son décès. Quant à la pièce n° 9 produite par la recourante concernant un calcul d’intérêts sur la somme précitée du 1er mars 2017 au 9 février 2018, soit une période antérieure au décès du de cujus, elle n’est ni datée ni signée, de sorte qu’elle n’a pas de force probante.

Dans ces circonstances, il y a tout d’abord lieu de constater que ce n’est pas la valeur du capital-actions de la SA qui est déterminante, comme le soutient la recourante, mais bien la valeur vénale de l’immeuble de la SA, comme l’a indiqué le TAPI, en vertu de l’art. 11 al. 1 LDS, et ce au jour du décès (art. 8 al. 1 in fine et 10 LDS), soit in casu le 9 février 2018. Le fait qu’il puisse être difficile d’établir la valeur d’un bien immobilier n’empêche pas en soi d’y parvenir, y compris en cas d’hypothèque, notamment par le biais d’un rapport d’expertise comme celui du 20 mars 2019, commandé en l’espèce par l’office des poursuites. Il n’y a ainsi pas de raison de douter de la valeur probante de ce rapport, détaillé et établi par un expert de l’immobilier, qui s’inscrit au surplus de manière cohérente avec le contexte d’une réquisition en réalisation du gage immobilier alléguée par la recourante. Le fait que celle-ci serait propriétaire, pour moitié, dudit immeuble n’y change rien compte tenu du décès de feu son époux impliquant la liquidation de leur régime matrimonial, comme l’a à raison expliqué l’AFC-GE devant le TAPI.

En conséquence, la valeur vénale de l’immeuble de la SA au jour du décès, retenue par l’AFC-GE à concurrence de CHF 4'260'000.-, correspond, selon ledit rapport d’expertise, à la seule valeur du terrain. Le fait qu’un prêt hypothécaire de CHF 3'094'000.- ait, au jour du décès du de cujus, affecté cet immeuble n’a pas été omis par l’AFC-GE qui prend en compte, à titre du passif de la succession, une somme totale de CHF 3'366'879.-. Il s’agit d’un montant d'environ CHF 280'000.- supérieur à l’hypothèque mentionnée dans les états financiers précités de la SA. Cela permet d’y intégrer les éventuelles charges y afférentes au jour du décès du de cujus intervenu le 9 février 2018, étant précisé que les dettes bancaires à court terme de CHF 878'364.- mentionnées dans le bilan de la SA au 31 décembre 2018 englobent un montant complémentaire de CHF 506'829.- pour les intérêts hypothécaires 2016 et 2017, comme cela ressort du compte de résultat de la SA au 31 décembre 2018. Les intérêts hypothécaires se montent à CHF 371'280.- pour toute l’année 2018. Dès lors, l’AFC-GE a tenu compte du fait que ledit immeuble était grevé d’une hypothèque à hauteur de CHF 3'094'000.- et de charges de près de CHF 280'000.- dans l’actif de la succession établi au 9 février 2018, jour du décès du de cujus. Le recours de la contribuable doit donc être rejeté sur ce point et la valeur vénale dudit immeuble fixée à CHF 4'260'000.- par l’AFC-GE confirmée.

3.2 L’autre élément contesté par la recourante est la prise en compte, dans l’actif de la succession, des trois prêts susévoqués accordés par feu son époux à D______, correspondant aux trois montants suivants : USD 3'200'000.-, EUR 1'700'000.- et CHF 4'235'365.-.

Conformément au jugement du TAPI et aux pièces versées à ce sujet par l’AFC‑GE, le couple a déclaré ces montants dans leurs taxations 2009 à 2013, entrées en force, comme étant des créances qu’ils avaient à l’encontre de D______. Depuis 2014, le couple a déclaré ces créances mais dans une part réduite, ce qui a été refusé par l’AFC-GE qui les a retenues dans leur intégralité à titre de fortune mobilière. Les contribuables ont, sans succès, tenté de remettre en cause les taxations de 2009 à 2016, entrées en force, sur ce point par une demande de révision fondée sur le courrier susmentionné du 18 mai 2020 de l’avocat de D______. Le refus de cette demande par l’AFC-GE a été confirmé par jugement JTAPI/1427/2022 du TAPI rendu le 19 décembre 2022, suivi par la chambre administrative dans son arrêt ATA/405/2023 du 18 avril 2023.

Comme l’ont relevé ces juridictions, le fait ressortant dudit courrier du 18 mai 2020, à savoir que les créances des époux A______ B______ à l’encontre de D______ étaient irrécouvrables, a déjà été invoqué par ce couple dans le cadre de leurs taxations entre 2014 et 2016 et dans le cadre de leur demande de révision susmentionnée, mais sans parvenir à l’établir faute de preuve concluante. En effet, le couple perdait de vue qu’une perte sur créance était certaine lorsque le contribuable démontrait qu’il avait mis en œuvre les procédures et démarches que l’on pouvait raisonnablement attendre d’un créancier à l’égard de son bien et qu’elle devenait effective seulement au moment où l'insolvabilité du débiteur était constatée officiellement par un acte de défaut de biens. La seule affirmation de
D______, à travers le courrier du 18 mai 2020 de son avocat, ne suffisait pas à démontrer l’insolvabilité de ce débiteur entre 2009 et 2015, ni à établir que ces créances étaient définitivement perdues (JTAPI/1427/2022 précité consid. 9 et ATA/405/2023 précité consid. 2f).

Contrairement à ce qu’elle soutient, la recourante échoue, en l’espèce, à nouveau à démontrer que lesdites créances à l’égard de D______ sont irrécouvrables. D’une part, elle reconnaît, dans sa réclamation, ne pas avoir intenté d’action civile tendant au remboursement de ces prêts, dans la mesure où il s’agissait, selon ses propres termes, d’un processus long et coûteux, estimant que la succession n’en avait pas les moyens financiers. D’autre part, la pièce n° 5 qu’elle produit est un extrait qui semble émaner de la police valaisanne et avoir été imprimé en novembre 2021, selon lequel D______ « aurait perdu l’entier de sa fortune et bien qu’il soit à la retraite, il se serait retrouvé contraint de travailler pour subvenir à ses besoins ». Il ne s’agit ainsi pas d’un document prouvant l’insolvabilité de ce dernier, compte tenu de l’usage du conditionnel, qui semble avoir été alléguée devant son auteur. Il en va de même de la pièce n° 6 produite par la recourante, qui constitue un extrait d’un document qui n’indique ni l’auteur ni son destinataire.

Enfin, l’extrait de l’arrêt de la chambre civile de la Cour de justice du 31 octobre 2023 ne lui est d’aucune aide non plus. À sa lecture, s’agissant des différents prêts accordés à D______, « il s’avère que le représentant de l’hoirie a tenté de recouvrer lesdits prêts en introduisant une poursuite à l’encontre de [ce débiteur] ainsi qu’une action judiciaire, laquelle est toujours pendante ». Par ailleurs, la recourante contesterait les documents écrits, qui auraient été signés par feu son époux et produits par D______, selon lesquels ce dernier ne serait plus débiteur desdits prêts, ceux-ci ayant été convertis en actions d’une autre société anonyme évoquée dans cet extrait. Cette position de la recourante n’est, selon ladite juridiction civile, pas suffisante « pour permettre au représentant de l’hoirie de procéder au recouvrement de ces prêts ». En l’état du dossier, on ignore l’issue de l’action civile précitée qu’aurait intentée le représentant de la succession pour recouvrer lesdits prêts. Il semble en outre que l’attitude qu’aurait adoptée la recourante dans ladite affaire civile apparaît peu cohérente avec la présente procédure, où elle persiste à soutenir que D______ serait insolvable alors que lesdits prêts auraient, selon l’extrait dudit arrêt civil, était convertis en actions d’une société anonyme tierce. Cela reviendrait à maintenir un actif dans la succession ici en cause d’une valeur, en l’état, équivalente aux créances susmentionnées figurant dans les taxations précitées, entrées en force.

Par conséquent, le recours sera rejeté, étant précisé que le calcul de l’émolument litigieux n’est pour le surplus pas contesté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge de la recourante et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 octobre 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 septembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1’000.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la demanderesse, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______, à l'administration fiscale cantonale, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Eleanor McGREGOR, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :