Skip to main content

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1390/2024

ATA/963/2024 du 20.08.2024 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1390/2024-FPUBL ATA/963/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 août 2024

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

CONSEIL D'ÉTAT intimé



EN FAIT

A. a. A______ a été engagé, le 21 septembre 1984, en qualité d’enseignant primaire. Il a été nommé le 1er septembre 1988.

b. Un important litige le divise de la mère de ses deux enfants depuis de nombreuses années.

c. À teneur du dossier, A______ a, depuis février 2022, régulièrement adressé des courriers et courriels notamment au Conseil d’État (ci-après : CE), à son président et ses membres, au Ministère public, au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : TPAE) et au directeur des Hôpitaux universitaires de Genève, dans lesquels il dénonçait l’injustice subie par lui-même et ses enfants, parlant en particulier de la violence, de « ultra maltraitance », d’inhumanité, de torture, de cruauté et de la souffrance que les institutions de l’État et les personnes qui les représentaient lui infligeaient ainsi qu’à ses deux enfants.

Ces écrits et leur teneur se sont intensifiés à partir d’avril 2023.

d. A______ a été en arrêt de travail pour cause de maladie du 26 août 2021 au 1er juin 2023, soit pendant 706 jours.

e. Il a repris son travail le 7 juin 2023, en binôme avec son remplaçant qui avait suivi sa classe depuis la rentrée scolaire 2023/2024.

f. Compte tenu de son absence de longue durée, de la teneur et du nombre préoccupants des courriels et courriers de A______, qui faisaient fi des réponses reçues, du fait qu’il s’était présenté auprès de l’école de son fils le 10 juillet 2023 en inquiétant la direction et du fait qu’il se présentait régulièrement à l’accueil du secrétariat général du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP), celui-ci a demandé au service de santé du personnel de l’État (ci-après : SPE) d’évaluer l’état de santé de A______.

g. Par courrier du 21 juillet 2023, la secrétaire générale du DIP en a informé A______, exposant les inquiétudes au sujet de son état de santé et de la potentielle interférence de celui-ci avec l’exercice de sa fonction, en particulier la responsabilité des élèves qui lui étaient confiés. Bien que sensible à sa souffrance, le DIP était très préoccupé par le nombre et la teneur des courriels et courriers qu’il adressait de manière récurrente, en particulier. Il était prié de se présenter à la convocation du SPE. Dans l’intervalle, il n’était pas autorisé à reprendre son activité professionnelle.

h. A______ ne s’est pas présenté aux rendez-vous fixés par le SPE les 6 et 25 septembre ainsi que le 9 octobre 2023, de sorte que le SPE a clos le dossier.

i. Compte tenu de son absence à ces rendez-vous, A______ a été convoqué à un entretien de service le 5 février 2024, la convocation précisant que cette absence pouvait conduire à une sanction disciplinaire.

j. L’intéressé ne s’est pas présenté à l’entretien de service non plus.

k. Invité, par deux courriers séparés, à se déterminer par écrit sur l’entretien de service et sur son éventuelle libération de son obligation de travailler tant qu’il ne se serait pas soumis à un examen par le SPE, il a répondu par deux courriers du 2 mars 2024.

l. L’un, adressé à la directrice des ressources humaines (ci-après : RH) du DIP, exposait que sa directrice d’école devait être tenue à l’écart de ce qui ne la regardait pas, car il avait un très grand respect pour elle. Sa priorité était l’avenir de ses enfants. Il avait peur pour eux. Il était un bon père et un bon enseignant. Il aurait pu être le maître de la classe d’accueil du président du CE. Ce dernier racontait que, comme lui‑même, sa vie avait été injustement dévastée.

m. L’autre courrier, adressé au président du CE, indiquait qu’il n’abandonnerait pas ses enfants. Il lui écrivait en réponse aux procédures mises en place par le DIP, dont la conseillère d’État lui avait pris les enfants de sa classe.

n. Par décision du 19 mars 2024, la directrice de l’école primaire dans laquelle A______ enseigne lui a infligé un blâme, au motif qu’en ne se présentant pas aux rendez-vous du SPE, sans justification, il avait violé son devoir d’agir dans l’intérêt de l’État, son obligation de fidélité et les règles de la bonne foi. Elle l’informait qu’il allait être reconvoqué par le SPE et que s’il ne répondait pas à cette convocation, il s’exposait à une sanction plus lourde, voire à une résiliation des rapports de service.

Il ne s’était pas déterminé au sujet de son éventuelle libération de son obligation de travailler. Elle transmettait cette information à sa hiérarchie, qui en informerait l’autorité compétente pour rendre une décision en la matière.

o. Par arrêté du 17 avril 2024, le CE a libéré A______ de son obligation de travailler depuis la rentrée 2023 « jusqu’à nouvel avis », autorisé la conseillère d’État en charge du DIP à lever la mesure si un préavis médical du SPE établissait que les conditions d’une reprise de travail étaient réalisées, dit que la mesure était sans incidence sur son traitement, que son droit aux vacances était compensé par la libération de l’obligation de travailler et que l’arrêté était déclaré immédiatement exécutoire nonobstant recours.

Étaient rappelées les obligations d’observer une attitude digne et de se soumettre aux convocations du SPE, qui après une absence de plus de 45 jours pouvait prendre toute mesure utile pour respecter la mission du médecin traitant et l’intérêt de l’État. La réglementation prévoyait que l’absence aux convocations du SPE pouvait entraîner une sanction disciplinaire. La longue absence de A______, son défaut de se présenter aux convocations du SPE, sans justification, ses différents courriels et courriers adressés aux membres du TPAE, du Ministère public, du CE et à différents fonctionnaires concernant sa vie privée ainsi que leur teneur pouvaient interpeller sur son aptitude à exercer sa profession ainsi que sur la confiance que l’État pouvait placer en lui. Cette mesure s’imposait afin de ne pas exposer des enfants mineurs à un collaborateur dont on ignorait s’il était apte à reprendre son activité sans condition.

B. a. Par acte déposé à la chambre administrative de la Cour de justice le 25 avril 2024, A______ a demandé l’annulation de l’arrêté précité.

Dans une partie intitulée « En fait », sous-divisée en chapitres (« A. La chambre de surveillance de justice suit ce dossier effroyable depuis plus de 10 ans qui concerne le mandat de l’État de protection d’enfants et adultes », « B. le conseil d’Etat », « C. Le conseil d’État, comme pour B______ (affaire dite de « C______ », passe par la secrétaire générale de D______, E______ », « D. Quinze années de mensonges, d’injustices, d’ultra maltraitances, violence devant témoin Une justice civile (TPAE) qui ne nous respecte pas ne respecte pas nos droits. », « E. E______ me reproche d’avoir été à l’école de mon fils. Nous sommes des victimes si graves. », « F. Je demande réparation pour le bien des enfants. », « G. Tout est dit. C’est à eux que je m’adresse pour qu’ils permettent de réparer urgemment des vies d’enfants, à défaut de s’excuser. », « H. Une grande famille, tous unis, jamais condamnés », il a fait état de sa situation familiale, de décisions et attitudes en lien avec celle-ci, de « scandales autour de la maltraitance d’enfants », de l’insuffisance de l’État qui devait protéger les enfants, du fait qu’il subissait depuis quinze ans de la maltraitance qu’il dénonçait, qu’il était un bon père et un bon enseignant. La procédure civile avait commencé en 2010 et « ne cessait de faire souffrir affreusement une famille, des enfants, leur papa, qu’ils ne demandaient qu’à vivre ensemble ». Après le courrier de la conseillère d’État du 17 juillet 2023, il n’avait plus eu de nouvelles du TPAE, du service de protection des mineurs (ci-après : SPMi), de l’office cantonal de la jeunesse (ci‑après : OEJ), de ses enfants.

Le DIP l’avait convoqué en été 2023. La cheffe du département et sa secrétaire générale savaient le mal qu’elles feraient. Il était encore « debout pour [s]es enfants, pour leur bon avenir ». Il avait rencontré F______, conseillère d’État, « qui en [était] consciente ». Il n’avait pas été convoqué pour que l’État « répare », mais pour le mettre à l’écart des élèves. Il était un enseignant sans problème, un des mieux formés pour les classes d’accueil. Face à cette nouvelle procédure, il « avait écrit ». Il ne pouvait lui être reproché d’avoir écrit au président du CE. Celui-ci avait été victime, comme lui. Il lui était reproché à tort de s’être rendu à l’école de son fils H______. La Docteure G______ avait ri de ses propos en audience, sans qu’aucune personne présente ne réagisse. L’enquête demandée par le conseiller d’État et le directeur des HUG à l’encontre de cette médecin avait été mise en cause pour une irrégularité. Des responsables, comme la Dre G______, demeuraient impunis, alors que lui et ses enfants continuaient de souffrir.

Les députés parlaient de centaines d’enfants et parents qui se plaignaient d’être victimes. Le CE devait s’excuser et penser à son mandat de protection des enfants. Les institutions se muraient dans le silence. Il aimait sa profession et ses élèves. Il avait toujours bien séparé sa vie privée de sa vie professionnelle. Le DIP avait informé de sa vie privée sa directrice d’école, pour qui il avait beaucoup de respect.

Il était humain, mais faisait face à l’inhumanité depuis quinze ans. Il était séparé de ses enfants depuis huit ans. Sa résilience avait des limites. Il avait dénoncé les tortures et faits graves qui étaient avérés. Il avait peur pour ses enfants. L’école était une grande partie de sa vie.

L’on avait tendu la main au président du CE, l’enfant venu d’Argentine. Il lui avait demandé de lui tendre la sienne, « d’arrêter de tirer sur une ambulance avec des enfants dedans avec leurs armes illégales ».

b. Invité par la chambre administrative à indiquer les raisons pour lesquelles il estimait que l’arrêté qui le libérait de son obligation de travailler jusqu’à ce qu’il se présente au SPE était infondé, l’intéressé a déposé un acte, intitulé « recours ».

Il y revient sur son désarroi face aux procédures de droit de la famille et à son souci pour ses enfants.

Il devait désormais faire face à une nouvelle procédure. L’État mettait à pied un enseignant qualifié. Il lui retirait son droit d’enseigner « parce qu’il n’a[vait] pas respecté son mandat de protection ». L’État ne protégeait ni ses enfants ni lui-même et continuait à leur faire vivre « le pire ». Il avait eu des bonnes qualifications en tant qu’enseignant. L’État n’ouvrait pas les yeux « sur ce qu’il y a[vait] à permettre pour urgemment REPARER ces vies ». L’État le stigmatisait aux yeux de ses enfants qu’il aimait. L’État lui avait menti il y a deux ans. Il devait alors retrouver ses enfants, après des années de souffrance et d’injustices.

Il avait repris son activité professionnelle, en suivant la procédure prescrite. Son remplaçant était resté, car il était « sous contrat » jusqu’à la fin de l’année scolaire. Sa reprise s’était passée à la satisfaction de sa direction. Près d’une année après le courrier de la conseillère d’État indiquant qu’il appartenait au TPAE d’examiner à nouveau son droit à des relations personnelles avec ses enfants, il n’avait toujours pas reçu de décision. Il est ensuite revenu sur la procédure pendante devant le TPAE, les injustices et scandales déjà évoqués dans son recours.

Il n’avait pas pu répondre à une élève, croisée par hasard en avril 2024, qui lui avait demandé pourquoi il avait quitté l’école. Comment lui expliquer qu’il ne pouvait mentir « pour quelque chose de si important que la confiance, le respect. L’État parlait de santé. Il avait une grande responsabilité de celle de ses enfants, qui souffraient et de leur père, qui restait debout ».

Il ne savait pas ce qu’il devait motiver. Il avait répondu à l’État de se rendre à un rendez-vous en juillet 2023, car il pensait que ce serait bien pour ses enfants. Ses démarches auprès des différentes institutions ne pouvaient lui être reprochées. Il avait de bonnes évaluations. Il appartenait à l’État et non à lui de s’expliquer. Il revenait sur les injustices subies par lui et ses enfants et demandait des excuses et réparation.

Il demandait à retrouver ses enfants, ses élèves, sa situation professionnelle.

c. Le DIP a transmis son dossier. Aucune détermination n’a été requise.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

e. À réception de cette information, le recourant a sollicité son audition.

f. Lors de l’audience de comparution personnelle des parties, qui s’est tenue devant la chambre administrative le 1er juillet 2024, le recourant a déclaré qu’il ne pouvait s’exprimer, étant sous le choc d’une décision qu’il venait de recevoir du TPAE. Il a demandé à être reconvoqué.

g. a. À l’occasion de la nouvelle audience, qui s’est tenue devant la chambre de céans le 24 juillet 2024, le recourant a exposé que le SPE faisait partie des quatorze années de harcèlement qu’il subissait. La précédente conseillère d'État en charge du DIP l’avait laissé enseigner, avec d'excellentes évaluations d'ailleurs, malgré les nombreux courriels qu’il avait adressés à de nombreuses personnes les six années précédentes. À l'arrivée de la nouvelle conseillère d'Etat, il lui avait demandé d'agir en faveur de ses enfants. Sa réponse du 17 juillet 2023 avait été extrêmement méprisante. Il lui avait répondu le 19 juillet 2023 qu’il désapprouvait son courrier. Peu après, il avait été invité à se présenter aux RH sans savoir pourquoi. Il s'attendait à recevoir des excuses ou à ce qu'une solution lui soit présentée. Il avait trouvé avec le président du CE une écoute et lors d'un entretien avec un secrétaire général de son département et d'un représentant des RH, ils avaient évoqué une retraite anticipée ou une autre solution, notamment au regard de la situation de ses enfants. Il avait ainsi été d'autant plus choqué que lorsqu’il s’était présenté aux RH du DIP, la lettre de mise à pied lui avait été remise. L'État cherchait à lui imputer des fautes, susceptibles d'avoir des répercussions énormes sur la situation avec ses enfants. Il avait aussi compris que le DIP avait eu accès à des informations détenues par le TPAE.

Interrogé sur les raisons pour lesquelles il n’avait pas donné suite aux invitations du SPE, il a déclaré qu'un médecin-conseil n'était pas en mesure d'apprécier la situation dans laquelle pouvait se trouver une personne qui, depuis quatorze ans, subissait autant d'injustices et de souffrances. Il s'agissait d'une invitation et non d'une obligation. Tant sa directrice que le responsable RH avaient validé son retour à l'école en juin 2023. Son enseignement avait été fait à la satisfaction de la directrice, des élèves et des parents d'élèves, selon les retours qu’il avait eus par oral et son sentiment.

Il ne s’était également pas présenté aux rendez-vous du SPE car il avait tellement souvent été déçu des services de l'État, voire s’était senti trahi. L'année écoulée avait été terrible. La mise à pied l'avait énormément affecté.

Il avait mis deux ans à se remettre ou à tenter de se remettre des violences infligées par la Dre G______.

g.b La représentante du CE a précisé que la procédure prévoyant une visite au SPE était suivie pour tous les employés de l'État qui avaient accusé une longue absence. La procédure suivie pour le recourant relevait donc d'un processus usuel. Le fonctionnaire était tenu de se présenter ; à défaut, il s'exposait à une sanction disciplinaire.

g.c Le recourant a déclaré qu’il était convaincu que la procédure choisie par le DIP constituait une réponse à son courrier du 18 juillet 2023. La personne qui lui avait remis la lettre de mise à pied lui avait d'ailleurs dit qu'« on allait [lui] faire extrêmement mal avec ce courrier ».

Sa directrice lui avait dit qu'il était envisagé de lui retirer la titularité de maître de classe ou qu’il serait maître d'appui. Il ne se souvenait plus de la formulation précise mais que cela avait été discuté.

Ce qu’il avait voulu exprimer dans ses courriers, était « l'attitude criminelle » de la Dre G______ et le parallèle qui était fait entre ses qualités de père et d'enseignant d'enfants du même âge que les siens.

g.d La cause a été gardée à juger à l’issue de l’audience.

h. Il ressort du dossier que le recourant ne s’est pas non plus présenté au nouveau rendez-vous fixé par le SPE le 15 avril 2024, malgré une première convocation envoyée en mars 2024, un rappel en avril 2024 et une tentative du SPE de le joindre par téléphone.

i. Le 14 mai 2024, il a été convoqué à un entretien de service prévu le 4 juin 2024. La convocation, rappelant la durée de son incapacité de travail et sa persistance à ne pas se présenter aux rendez-vous fixés par le SPE, précisait qu’il serait entendu au sujet de sa situation en regard d’une éventuelle insuffisance de prestations. Ces faits, s’ils étaient avérés pouvaient conduire à la résiliation des rapports de service.

EN DROIT

1.             Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             L’objet du litige porte sur la décision incidente de libérer le recourant de son obligation de travail. Se pose ainsi la question de sa recevabilité.

2.1 Selon l'art. 57 let. c in initio LPA, les décisions incidentes peuvent faire l'objet d'un recours si elles risquent de causer un préjudice irréparable. Selon la même disposition in fine, elles peuvent également faire l'objet d'un tel recours si cela conduirait immédiatement à une solution qui éviterait une procédure probatoire longue et coûteuse.

2.2 L'art. 57 let. c LPA a la même teneur que l'art. 93 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Le préjudice irréparable visé par l’art. 93 al. 1 let. a et b LTF suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée (ATF 138 III 46 consid. 1.2). Un préjudice est irréparable lorsqu'il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant. Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l'économie de la procédure peut constituer un tel préjudice. Le simple fait d'avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas en soi un préjudice irréparable. Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 147 III 159 consid. 4.1 ; 142 III 798 consid. 2.2).

2.3 La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l'art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/1622/2017 du 19 décembre 2017 consid. 4c ; cette interprétation est critiquée par certains auteurs qui l'estiment trop restrictive : Stephan GRODECKI/Romain JORDAN, Questions choisies de procédure administrative, SJ 2014 II p. 458 ss).

2.4 Lorsqu'il n'est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d'expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4 ; ATA/1622/2017 précité consid. 4d ; ATA/1217/2015 du 10 novembre 2015 consid. 2d).

2.5 Le fait que le membre du personnel conserve son traitement pendant sa libération de l’obligation de travailler exclut une quelconque atteinte à ses intérêts économiques (ATA/313/2023 du 28 mars 2023 consid. 2e et les arrêts cités).

2.6 S’agissant de l’atteinte à la réputation et à l’avenir professionnel, une décision de libération de l’obligation de travailler n'est en soi pas susceptible de causer un préjudice irréparable puisqu’une décision finale entièrement favorable au recourant permettrait de la réparer (ATA/184/2020 du 18 février 2020 consid. 4 ; ATA/1020/2018 du 2 octobre 2018 consid. 4b).

2.7 La seconde hypothèse de l’art. 57 let. c LPA suppose cumulativement que l’instance saisie puisse mettre fin une fois pour toutes à la procédure en jugeant différemment la question tranchée dans la décision préjudicielle ou incidente et que la décision finale immédiate qui pourrait ainsi être rendue permette d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (ATF 133 III 629 consid. 2.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_413/2018 du 26 septembre 2018 consid. 3).

2.8 Aux termes de l’art. 28 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), dans l'attente du résultat d'une enquête administrative ou d'une information pénale, le Conseil d'État peut, de son propre chef ou à la demande de l'intéressé, suspendre provisoirement un membre du personnel auquel il est reproché une faute de nature à compromettre la confiance ou l'autorité qu'implique l'exercice de sa fonction (al. 1). Cette décision est notifiée par lettre motivée (al. 2). La suspension provisoire peut entraîner la suppression de toute prestation à la charge de l’État ou de l’établissement (al. 3). À l’issue de l’enquête administrative, il est veillé à ce que l’intéressé ne subisse aucun préjudice réel autre que celui qui découle de la décision finale. Une décision de révocation avec effet immédiat peut cependant agir rétroactivement au jour de l'ouverture de l'enquête administrative (al. 4).

2.9 Une suspension provisoire peut être justifiée soit par les besoins de l'enquête administrative, soit en tant qu'exécution anticipée, à titre provisionnel, de la fin des rapports de service en raison d'une faute alléguée de nature à rompre la confiance qu'implique l'exercice de la fonction de l'intéressé (ATA/219/2022 du 1er mars 2022 consid. 6b les arrêts cités). Dans ce dernier cas, la mesure n'est justifiée que si 1) la faute reprochée est de nature à justifier une cessation immédiate de l'exercice de sa fonction ; 2) la prévention de faute à l'encontre de l'intéressé doit être suffisante, même si, s'agissant d'une mesure provisionnelle, une preuve absolue ne peut évidemment pas être exigée ; 3) la suspension devra apparaître comme globalement proportionnée, compte tenu de la situation de l'intéressé et des conséquences de sa suspension, de la gravité de la faute reprochée, de la plus ou moins grande certitude de sa culpabilité ainsi que de l'intérêt de l'État à faire cesser immédiatement tant les rapports de service que, s'il y a lieu, ses propres prestations (ATA/510/2017 du 9 mai 2017 consid. 6).

Selon la jurisprudence, la libération de travailler, en tant qu’exécution anticipée, ne constitue pas un préjudice irréparable, la question de savoir si les reproches formulés sont justifiés pouvant, le cas échéant, être traitée dans le cadre d’un recours contre la résiliation des rapports de service (ATA/1169/2022 du 22 novembre 2022 consid. 4).

2.10 En l’espèce, la décision querellée libère le recourant de son obligation de travailler depuis la rentrée scolaire 2023 « jusqu’à nouvel avis », cette mesure étant levée si un préavis positif du SPE devait établir l’aptitude du recourant à reprendre son activité ou si les conditions de reprise émises par le SPE étaient réalisées. Il ressort de la décision attaquée que celle-ci peut être révoquée en tout temps si le SPE estime que le recourant est apte à reprendre son activité. Il s’agit donc d’une décision, qui revêt un caractère temporaire. Ce constat est d’ailleurs renforcé par le fait que le recourant a été informé que s’il devait persister dans son refus de se présenter aux rendez‑vous fixés par le SPE, cela pouvait conduire à une résiliation des rapports de service. Une convocation à un entretien de service dans ce sens lui a, au demeurant, été adressée à la suite d’un nouveau refus de se présenter au SPE.

Le recourant ne subit aucun préjudice financier, son traitement n’ayant pas été suspendu. Par ailleurs, l’éventuelle atteinte à sa réputation professionnelle ne constitue, de jurisprudence constante, pas un préjudice irréparable au sens de l’art. 57 let. c LPA.

Dès lors que l’intimé a engagé une procédure en vue de résilier les rapports de service du recourant en le convoquant à un entretien de service en juin 2024, l’admission du présent recours ne serait pas de nature à mettre fin à la procédure administrative en cours. La seconde hypothèse de l’art. 57 let. c LPA n’est donc pas non plus réalisée.

Il est encore précisé que, comme le retient la jurisprudence précitée, la question de savoir si les reproches formulés au recourant, à savoir sa persistance à ne pas donner suite à l’examen médical sollicité par son employeur, étaient justifiés pourra, le cas échéant, être examinée à l’occasion du contrôle judiciaire de la résiliation des rapports de service.

Au vu de ce qui précède, les conditions de recevabilité d'un recours contre une décision incidente au sens de l'art. 57 let. c LPA ne sont pas remplies. Le recours est ainsi irrecevable, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’examiner les griefs de fond soulevés par le recourant.

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

Compte tenu des conclusions du recours, la valeur litigieuse est a priori inférieure à CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 25 avril 2024 par A______ contre la décision du Conseil d’État du 17 avril 2024 ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'au Conseil d'État.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Patrick CHENAUX, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :