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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3893/2022

ATA/590/2024 du 14.05.2024 sur JTAPI/721/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3893/2022-PE ATA/590/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 mai 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Marco CRISANTE, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 juin 2023 (JTAPI/721/2023)


EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : le requérant), né le ______ 1985, est ressortissant du Kosovo.

b. D’après ses déclarations à la police, il s’est marié au Kosovo le 25 juillet 2021.

c. Par ordonnance pénale du 16 février 2022, le Ministère public genevois
(ci-après : MP) l’a condamné à une peine pécuniaire de 120 jours-amende, avec sursis et délai d’épreuve de trois ans, pour faux dans les titres (art. 251 ch. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), infractions aux
art. 115 al. 1 let. b et c de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et tentative d’infraction à l’art. 118 al. 1 LEI cum art. 22 al. 1 CP.

d. Il a sollicité des visas de retour les 11 juillet 2017, 7 décembre 2017, 9 juillet et 6 décembre 2018, 3 juillet et 2 décembre 2019, 6 juin et 13 novembre 2021 et le 25 juin 2022, afin de se rendre au Kosovo pour « raisons familiales ».

B. a. Le 21 juin 2017, la société B______ Sàrl a saisi l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) d’une demande d’autorisation de séjour avec activité lucrative en faveur du requérant, précisant l’avoir engagé à plein temps le 21 avril 2017 en qualité de maçon.

b. Le 28 juin 2017, l’OCPM a autorisé le requérant à travailler auprès de la société B______ Sàrl jusqu’à droit connu sur sa demande d’autorisation de séjour.

c. Le 30 janvier 2018, le requérant a produit diverses pièces, dont :

-          son curriculum vitae ;

-          une liste des membres de sa famille vivant au Kosovo, soit ses parents, deux sœurs, un frère, un oncle, trois tantes, avec lesquels il entretenait des contacts par le biais d’un logiciel de messagerie et d’appels et, à Genève, soit un frère ;

-          ses contrats de travail pour des postes à 100% auprès de C______ SA (entrée en fonction le 3 avril 2017) et de D______ Sàrl (entrée en fonction le 12 janvier 2015) ;

-          un contrat de bail à loyer signé le « 08.06.2017 » portant sur la location d’un appartement sis 1______ avenue E______, dès le « 01.08.2014 » (sic) ;

-          des lettres de recommandation.

d. Le 20 février 2018, il a transmis à l’OCPM un formulaire M complété par la société F______ Sàrl, indiquant qu’elle souhaitait l’engager en qualité de manœuvre/ferrailleur, un contrat de travail de durée déterminée entre la société et le requérant avec entrée en fonction le 31 janvier 2018, ainsi qu’une attestation de connaissances de la langue française de niveau A2.

e. L’OCPM a autorisé le requérant à travailler auprès de la société F______ Sàrl jusqu’à droit connu sur sa demande d’autorisation de séjour, précisant qu’il s’agissait d’une autorisation, révocable en tout temps, délivrée jusqu’à droit connu sur la demande d’autorisation de séjour.

C. a. Le 11 octobre 2019, le requérant a transmis à l’OCPM le formulaire de « Demande de reconnaissance d’un cas individuel d’une extrême gravité », à teneur duquel il était arrivé à Genève en 2009.

b. Par courrier du 12 décembre 2019, l’OCPM a informé le requérant qu’il était disposé à faire droit à sa demande d’autorisation de séjour. Cette décision était toutefois soumise à l’approbation du secrétariat d'État aux migrations
(ci-après : SEM).

c. Le même jour, il a transmis son dossier au SEM avec un préavis positif, indiquant notamment que l’intéressé résidait en Suisse depuis dix ans et qu’il démontrait d’une bonne intégration et d’un comportement irréprochable.

d. Par courrier du 14 avril 2020, le SEM a informé le requérant qu’il retournait son dossier à l’OCPM pour nouvel examen de sa situation.

e. Le 2 juin 2020, l’OCPM a dénoncé le requérant au MP, au motif notamment que l’intéressé avait travaillé auprès de diverses entreprises « litigieuses », soit G______ SA et D______ Sàrl qui apparaissaient dans de nombreux « dossiers Papyrus ».

f. Le 15 février 2022, le requérant a été entendu par la police, assisté d’un interprète. Il a notamment déclaré qu’il était né au Kosovo où il avait fréquenté le gymnase jusqu’en deuxième année. Il avait ensuite travaillé dans le domaine de la construction. En sa qualité d’aîné, il devait subvenir aux besoins de la famille. Il était venu en Suisse pour y travailler car il ne gagnait que EUR 1'000.- par an au Kosovo. Il était arrivé à Genève le 16 février 2009 et n’avait pas quitté la Suisse jusqu’en 2017. Il avait d’abord vécu auprès d’amis et de connaissances, puis chez son frère. Entre 2009 et 2012, il était employé par G______ SA, puis de 2012 à 2013 par H______ qui avait fait faillite. Il avait ensuite travaillé auprès de I______ SA en 2013, puis auprès de J______ Sàrl jusqu’en 2014. Après la faillite de cette société, il avait travaillé auprès de D______ Sàrl de 2015 à 2016, mais elle avait également fait faillite. En 2017, il avait été engagé par B______ Sàrl. Depuis 2018, il travaillait auprès de F______ Sàrl. Il avait toujours été employé à plein temps. Il disposait d’une assurance-maladie depuis quatre ans. La maison familiale au Kosovo était « pour l’instant » à son père. Son épouse vivait au Kosovo où ils s’étaient mariés le 25 juillet 2021.

g. Par courrier du 10 juin 2022, l’OCPM a fait part à l’intéressé de son intention de refuser de préaviser favorablement son dossier auprès du SEM en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse.

Dans la mesure où il avait produit des documents falsifiés pour induire l’OCPM en erreur et obtenir frauduleusement une autorisation de séjour, l’intéressé ne répondait pas aux critères de l’« Opération Papyrus ».

Il ne remplissait pas non plus les conditions de l’autorisation pour cas de rigueur. Il n'avait pas démontré une très longue durée de séjour en Suisse ni aucun élément permettant de déroger à cette exigence. Une partie des pièces produites pour justifier sa présence en Suisse étant falsifiée, il n’avait pas prouvé à satisfaction une présence de dix ans. En outre, la condamnation pénale du 26 mai 2021 démontrait un comportement frauduleux envers les autorités helvétiques. Il ne pouvait ainsi se prévaloir d’une intégration réussie ni du comportement pouvant être attendu de tout étranger souhaitant régulariser ses conditions de séjour. Sa situation familiale ne justifiait pas non plus une exemption des mesures de limitation. Au contraire, depuis juillet 2017, il avait sollicité et obtenu huit visas de retour afin de rendre visite à sa famille au Kosovo, de sorte que ses centres d'intérêts se trouvaient dans son pays d’origine. Enfin, il n’avait pas démontré que sa réintégration au Kosovo aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place.

Un délai de 30 jours (ultérieurement prolongé au 23 juillet 2022) lui était imparti pour exercer son droit d’être entendu par écrit.

h. Le 18 juillet 2022, le requérant a contesté avoir produit des documents falsifiés dans le but d’induire en erreur l’OCPM et d’obtenir frauduleusement une autorisation de séjour. Il n’était pas assisté d’un avocat lorsqu’il avait été entendu par la police. Or, une ordonnance de condamnation lui avait été notifiée dès le lendemain, laquelle avait été rendue « comme souvent dans ce type de dossiers de manière expéditive par le MP ». Il n’avait pas formé opposition contre cette ordonnance car il n’en avait pas saisi la portée. Cette absence de réaction ne devait en aucun cas être considérée comme une reconnaissance de responsabilité ou de culpabilité car il n’avait rien à se reprocher. Il n’avait produit aucun document falsifié pour obtenir une autorisation de séjour. Il résidait en Suisse depuis plus de dix ans et avait fait preuve d’une bonne intégration et d’un comportement irréprochable, étant précisé qu’il avait été injustement condamné par le MP. Il répondait ainsi aux critères de l’« Opération Papyrus »et demandait à ce que son dossier soit à nouveau préavisé favorablement auprès du SEM.

Il a produit un extrait de compte individuel AVS établi par la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : CCGC) le 8 mars 2022, faisant notamment état de revenus auprès de D______ Sàrl de janvier à février (CHF 5'674.-) et de mai à octobre 2015 (CHF 13'442.-), de C______ SA en liquidation en avril 2017 (CHF 857.-), de B______ Sàrl d’avril à décembre 2017 (CHF 40'659.-) et en mars 2018 (CHF 5'737.-), F______ Sàrl de novembre à décembre 2018 (CHF 5'228.-), d’K______ d’avril à novembre 2018 (CHF 29'422.-) et en décembre 2018 (6'940.-) et de F______ Sàrl en 2019 (CHF 69'882.-), en 2020 (CHF 62'034.-) et en 2021 (CHF 72'350.-).

i. Par décision du 20 octobre 2022, l’OCPM a refusé de préaviser favorablement son dossier auprès du SEM, en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour, et a prononcé son renvoi, lui impartissant un délai au 20 décembre 2022 pour quitter la Suisse.

Dans sa détermination du 18 juillet 2022, il s’était borné à contester les faits qui lui étaient reprochés et qui avaient mené au prononcé de l’ordonnance pénale du 16  février 2022 à son encontre. Or, il allait de soi que l’OCPM ne pouvait remettre en cause le jugement du MP et que le requérant aurait dû contester les accusations faites à son encontre par les voies de droit d’usage. Pour le surplus, il n’apparaissait pas que l’exécution de son renvoi ne serait pas possible, illicite ni raisonnablement exigible.

D. a. Par acte du 21 novembre 2011, le requérant a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

Après avoir rappelé son parcours et l’historique du dossier, il a reproché à l’OCPM d’avoir « changé son fusil d’épaule » en se basant, sans aucune analyse complémentaire, sur l’ordonnance pénale erronée rendue le 16 février 2022 par le MP. Or, dans la mesure où il avait été injustement condamné, cette ordonnance pénale ne changeait en rien le fait qu’il avait fait preuve d’un comportement irréprochable.

Pour le surplus, il a repris les arguments invoqués dans sa détermination du 18 juillet 2022 et souligné la durée de son séjour de treize ans en Suisse, ainsi que sa parfaite intégration socio-professionnelle.

b. Par jugement du 26 juin 2023, le TAPI a rejeté le recours.

Le requérant n’avait pas apporté la preuve qu’il séjournait de manière continue à Genève depuis février 2009. L’extrait de compte individuel AVS de la CCGC datée du 1er juin 2017 ne suffisait pas à prouver, à satisfaction, sa présence continue à Genève entre 2009 et 2014. Le contrat de bail portant sur la location par le recourant de l’appartement situé au 1______, avenue E______, comportait plusieurs incohérences et sa valeur probante devait être fortement mise en doute. Compte tenu des pièces produites et, dans l’hypothèse qui lui était la plus favorable, il y avait lieu de considérer que la présence continue du recourant à Genève était établie depuis 2015. Il ne totalisait ainsi pas dix ans de séjour continu à Genève que ce soit au moment du dépôt de sa demande d’autorisation de séjour du 21 juin 2017, ni même le 11 octobre 2019, date à laquelle le formulaire « Papyrus » avait été transmis à l’OCPM. Partant, il ne remplissait pas au moins l’un des critères stricts et cumulatifs de l’« Opération Papyrus », dont il ne pouvait par conséquent pas se prévaloir, ce d’autant plus qu’il avait été condamné pénalement le 16 février 2022.

Son intégration professionnelle n’était pas exceptionnelle et il ne pouvait pas non plus se prévaloir d’une intégration sociale remarquable. Son comportement n’était pas irréprochable, compte tenu de l’ordonnance pénale dont il a fait l’objet le 16 février 2022, entrée en force.

Né au Kosovo, où il avait passé son enfance et son adolescence, soit les périodes cruciales pour l’intégration socio-culturelle, ainsi qu’une partie de sa vie d’adulte, il avait manifestement conservé de fortes attaches avec sa patrie, où vivaient, à tout le moins, son épouse, ses parents, deux sœurs, un frère, un oncle, ainsi qu’une tante. Depuis 2017, il avait sollicité huit visas de retour afin de se rendre au Kosovo, pour raisons familiales

E. a. Par acte du 28 août 2023, le requérant a recouru devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à ce que son dossier soit transmis au SEM en vue de la délivrance d’une autorisation de séjour en sa faveur. Il a également sollicité son audition ainsi que celle de L______.

L’instance précédente avait procédé à une constatation manifestement inexacte des faits en retenant qu’il n’avait pas démontré avoir séjourné en Suisse pendant au moins dix ans au moment de sa demande d’autorisation de séjour. Il avait touché des montants bien plus importants que ceux déclarés sur son compte individuel. L’intégralité de ses revenus n’avait pas été déclarée à l’AVS, ce dont il n’était pas responsable. Il avait produit diverses attestations et lettres de recommandation de personnes l’ayant côtoyé depuis 2019, ainsi qu’une attestation d’achat d’abonnement TPG, démontrant une présence continue à tout le moins depuis 2011. Sa réussite professionnelle était, en outre, remarquable, de par ses très bonnes connaissances techniques dans son activité de ferrailleur. Il avait un cercle d’amis important et participait activement à la vie sociale de Genève. Le fait que son épouse résidait au Kosovo ne changeait rien au fait que son centre de vie se situait à Genève. L’ordonnance pénale du 16 février 2022 était infondée, aucun document falsifié n’ayant été produit à l’appui de sa requête « Papyrus ».

Il a notamment produit des lettres de recommandation.

b. Le 21 septembre 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Le 24 novembre 2023, le recourant a persisté et produit des nouvelles pièces.

d. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant sollicite son audition ainsi que celle d’un témoin.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit à une audition orale (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_51/2018 du 17 janvier 2019 consid. 4.1 ; ATA/1173/2020 du 24 novembre 2020 consid. 3a).

2.2 En l'espèce, le recourant a eu l'occasion d'exposer ses arguments et de produire des pièces, tant devant l'OCPM, le TAPI que la chambre de céans. Son audition n’est pas à même d’apporter d’éclairage supplémentaire à ses allégations, telles que figurant déjà à la procédure.

L’audition de L______ n’apparaît pas non plus déterminante pour l’issue du litige, étant précisé qu’un seul témoignage de proche ne saurait suffire pour démontrer un séjour continu depuis 2009. En tant que le recourant cherche à démontrer que l’erreur de date du contrat de bail ne lui était pas imputable, il perd de vue que l’ordonnance pénale du 16 février 2022 est définitive, de sorte qu’il ne peut plus contester le caractère frauduleux de son comportement. Dans ces conditions, la chambre de céans ne voit pas quels éléments supplémentaires l'audition de cette personne pourrait amener. Il ne sera donc pas donné suite aux actes d’instruction sollicités par le recourant.

3.             Le litige porte sur la conformité au droit du jugement confirmant la décision de l'OCPM de refuser de transmettre au SEM le dossier du recourant avec un préavis favorable, et prononçant son renvoi de Suisse.

3.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit.

L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

3.2 La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

Aux termes de l'art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son intégration.

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

En l'absence de liens d'une certaine intensité avec la Suisse, l'aspect médical et les éventuelles difficultés de réintégration de la personne concernée dans le pays d'origine ne sauraient justifier, à eux seuls, l'octroi d'un permis humanitaire pour cas de rigueur ; le cas échéant, ces critères ne peuvent en effet être pris en considération que dans le cadre de l'examen de la licéité et de l'exigibilité de l'exécution du renvoi (arrêts du Tribunal administratif fédéral
[ci-après : TAF] C-2712/2012 du 9 juillet 2014 consid. 5.7 ; C-3216/2010 du
29 janvier 2014 consid. 3.6 ; C-5710/2011 du 13 décembre 2013 consid. 5.1). En d'autres termes, une grave maladie (à supposer qu'elle ne puisse pas être soignée dans le pays d'origine) ne saurait justifier, à elle seule, la reconnaissance d'un cas de rigueur au sens des dispositions précitées, l'aspect médical ne constituant qu'un élément parmi d'autres (durée du séjour, intégration socio-professionnelle et formations accomplies en Suisse, présence d'enfants scolarisés en Suisse et degré de scolarité atteint, attaches familiales en Suisse et à l'étranger, etc.) à prendre en considération (ATF 128 II 200 consid. 5.4 ; arrêts du TAF F-4125/2016 du
26 juillet 2017 consid. 5.4.1 ; C-912/2015 du 23 novembre 2015 consid. 4.3.2 ;
C-5450/2011 du 14 décembre 2012 consid. 6.4). Les motifs médicaux constituent avant tout un obstacle à l'exécution du renvoi au sens de l'art. 83 al. 4 LEI et une personne qui ne peut se prévaloir que d'arguments d'ordre médical ne se distingue pas de ses compatriotes restés dans son pays d'origine et souffrant de la même maladie (arrêts du TAF F-4125/2016 précité consid. 5.4.1 ; C-912/2015 précité consid. 4.3.2 ; C-5450/2011 précité consid. 6.4).

3.3 L'« Opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes de l’UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » disponible sous https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

L'« Opération Papyrus » n'emporte aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c).

Ces conditions devaient être remplies au moment du dépôt de la demande d’autorisation de séjour (ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8b).

3.4 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

3.5 Devant la chambre de céans, le recourant fait valoir qu’il remplit tous les critères pour l’octroi d’un permis de séjour dans le cadre de l’« Opération Papyrus » : il a un emploi, est indépendant financièrement, n’a pas de dettes, a séjourné à Genève de manière continue depuis quinze ans et fait preuve d’une intégration réussie.

S’agissant d’abord de la durée de son séjour en Suisse, il n’est pas possible, sur la base des pièces au dossier, de retenir que le recourant remplissait la condition du séjour ininterrompu de dix ans requise au moment du dépôt de sa demande, le 11 octobre 2019. Dans son formulaire de demande, l’intéressé a indiqué qu’il était arrivé en Suisse en 2009. Or, aucune pièce au dossier ne permet d’étayer un séjour continu en Suisse depuis cette date. L’extrait de son compte individuel atteste de brefs emplois auprès de la société G______ SA en 2009. L’enquête menée par le MP a toutefois permis d’établir que les revenus figurant sur le compte individuel ne correspondaient pas au taux d’activité déclaré selon le contrat de travail fourni, étant précisé que cette société apparaissait dans de nombreux « dossiers Papyrus ». Dans ces conditions, les seules déclarations de connaissances, attestant d’une première rencontre avec le recourant en 2009, ne suffisent pas pour démontrer un séjour continu en Suisse depuis 2009.

Quoi qu’il en soit, même à retenir un séjour continu de dix ans en Suisse, exigé dans le cadre de l’« Opération Papyrus », le recourant ne remplit pas la condition de l’absence de condamnation pénale, étant précisé que la condamnation pour faux dans les titres ne relève pas d’une infraction à la LEI. Il résulte des éléments qui précèdent que le recourant ne remplit pas les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour sous l’angle de l’« Opération Papyrus ».

C’est également à juste titre que l’OCPM puis le TAPI ont retenu que le recourant ne remplissait pas les conditions du cas de rigueur.

Le recourant peut certes se prévaloir d’un séjour de longue durée. Les pièces au dossier, en particulier l’attestation d’achat d’abonnement des TPG et la facture médicale du 29 février 2012, permettent de retenir une présence continue depuis, tout au plus, avril 2011, soit depuis treize ans. L’intégralité de ce séjour s’est toutefois déroulée dans l’illégalité, voire, depuis sa demande de régularisation, au bénéfice d’une simple tolérance. Or, conformément à la jurisprudence précitée, la durée d'un séjour illégal, ainsi qu'un séjour précaire, ne doivent normalement pas être pris en considération, ou seulement dans une mesure très restreinte. Il y a donc lieu d'examiner si des critères d'évaluation autres que la seule durée du séjour en Suisse seraient de nature à faire admettre qu'un départ de ce pays placerait l'intéressé dans une situation excessivement rigoureuse.

Tel n’est toutefois pas le cas en l’occurrence. Le recourant, qui a exercé l’activité de ferrailleur, n’établit pas qu’il aurait réalisé une intégration professionnelle exceptionnelle. Il a certes travaillé, n’a pas recouru à l’aide sociale et n’a pas fait l’objet de dettes. Il ne soutient toutefois pas avoir acquis en Suisse des connaissances si spécifiques qu’il ne pourrait les mettre en œuvre ailleurs. Il n’établit pas non plus s’être investi dans la vie associative, culturelle ou sportive de la Suisse. Les lettres de soutien produites au dossier ne permettent pas de mettre en évidence une intégration exceptionnelle, étant rappelé qu'il est normal qu'une personne ayant effectué un séjour prolongé dans un pays tiers s'y soit créé des attaches et se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays. Il a certes démontré qu’il disposait d’un niveau de français A2. Or, lors de son audition devant la police le 15 février 2022, un interprète a été nécessaire, alors même qu’il est retenu qu’il était en Suisse depuis 2011. Enfin, il a fait l’objet d’une condamnation pénale, pour avoir cherché à tromper l’OCPM. Cet élément trahit un mépris certain pour l’ordre juridique suisse qui exclut à lui seul une intégration, a fortiori exceptionnelle, et partant la réalisation d’un cas de rigueur. Dans la mesure où ladite condamnation est définitive, le recourant n’ayant pas formé opposition à l’ordonnance pénale, c’est en vain qu’il cherche à contester le caractère frauduleux de son comportement, étant d’ailleurs précisé qu’il ressort de l’ordonnance pénale qu’il avait partiellement reconnu les faits reprochés.

Pour le reste, le recourant apparaît avoir gardé des liens étroits avec le Kosovo, où résident son épouse, ses parents, deux sœurs, un frère, un oncle et trois tantes. Il a formulé neuf demandes de visa pour le Kosovo depuis 2017, ce qu’il admet. Il a passé au Kosovo son enfance, son adolescence, soit la période essentielle pour la formation de sa personnalité, ainsi que les premières années de sa vie d’adulte. Il maîtrise la langue et les codes culturels du pays. S’il se heurtera sans doute à des difficultés, il ne soutient pas que sa réintégration sera impossible et il pourra compter sur l’appui de sa famille et tirer profit des connaissances professionnelles et linguistiques acquises lors de son séjour en Suisse.

C’est partant à juste titre que tant l’autorité intimée, qui n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation, que le TAPI, ont retenu que les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour n’étaient pas remplies.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             La décision querellée prononce le renvoi du recourant.

4.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation.

4.2 Le recourant ne fait pas valoir que son renvoi serait impossible, illicite ou ne pourrait être exigé. Il ne ressort par ailleurs pas de la procédure que tel serait le cas, de sorte que le prononcé du renvoi apparaît conforme au droit.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 août 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 juin 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Marco CRISANTE, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. WERFFELI BASTIANELLI

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.