Skip to main content

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/166/2022

ATA/41/2023 du 17.01.2023 sur JTAPI/757/2022 ( PE ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DES ÉTRANGERS;RESSORTISSANT ÉTRANGER;AUTORISATION DE SÉJOUR;AUTORISATION DE TRAVAIL;ACTIVITÉ LUCRATIVE;INTÉRÊT ÉCONOMIQUE
Normes : LPA.61; LEI.1; LEI.2; LEI.11.al1; LEI.18.leta; LEI.19.leta; LEI.3.al1; LEI.62.al1.letd; LEI.96; LEI.23
Résumé : Confirmation du refus de l'autorisation de séjour avec activité lucrative sous l'angle des art. 18 ou 19 LEI. Les éléments avancés par la recourante sont insuffisants pour permettre de considérer que l’octroi de l'autorisation de séjour avec activité lucrative servirait les intérêts économiques du pays au sens de la loi et de la jurisprudence et que les conditions financières et les exigences relatives à l’exploitation de la société seraient garanties. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/166/2022-PE ATA/41/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 janvier 2023

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______ recourante
représentée par Me Daniela Linhares, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 juillet 2022 (JTAPI/757/2022)


EN FAIT

A. a. Madame A______, née au Brésil le ______ 1995, est ressortissante de ce pays.

b. Elle a épousé au Brésil Monsieur B______, né le ______ 1984, ressortissant brésilien. Ils ont un enfant commun, C______, né le ______ 2016, également ressortissant du Brésil.

B. a. Le 15 novembre 2021, la requérante, qui résidait en Suisse depuis une date qui ne ressort pas du dossier, a sollicité de l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : l’OCIRT) la délivrance d’une autorisation de séjour avec activité lucrative indépendante.

Des demandes d’autorisations de séjour pour son époux et leur enfant avaient également été déposées auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

Elle était diplômée au Brésil dans le domaine de l’esthétique et souhaitait ouvrir une entreprise de services d’onglerie et sourcils dans un institut qu’elle allait créer. Elle souhaitait également œuvrer à domicile. Elle envisageait d’employer deux à trois collaborateurs dans un délai de trois ans maximum. S’il y avait déjà des esthéticiennes à Genève, il n’y avait pas de « Nail’s bar », sauf deux marques. Il s’agissait d’un marché en plein essor.

Plusieurs membres de sa famille, dont ses parents, résidaient en Suisse. Ses casiers judiciaires suisse et brésilien étaient vierges. Ni elle-même ni son époux n’avaient de dettes. Ils disposaient d’un appartement en sous-location à Genève et n’avaient jamais bénéficié de l’aide sociale.

b. Par décision du 15 décembre 2022, après l’examen du dossier par la commission tripartite, l’OCIRT a refusé d’octroyer à la requérante une autorisation de séjour avec activité lucrative indépendante. La condition de l’art. 19 let. a de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) n’était pas remplie. La demande en vue de l’exercice d’une activité lucrative indépendante ne présentait pas un intérêt économique suffisant. Il n’était pas démontré que le marché suisse du travail profiterait de l’implantation de l’entreprise de la requérante. Cette dernière n’avait pas démontré disposer d’une source suffisante et autonome de revenus (art. 19 let. c LEI) et ne présentait pas les qualifications personnelles requises au sens de l’art. 23 al. 1 LEI.

C. a. Par acte du 17 janvier 2022, Mme A______ a interjeté recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI), concluant à son annulation et à la délivrance d’une autorisation de séjour avec activité lucrative indépendante. Préalablement, elle a requis la comparution personnelle des parties.

Son droit d’être entendue avait été violé. La décision entreprise n’était pas suffisamment motivée. On ignorait les raisons pour laquelle l’OCIRT estimait qu’elle ne présenterait pas les qualifications personnelles requises. Elle avait produit ses diplômes et il n’y avait pas de « sources de revenus nécessaires », dès lors que son époux pouvait subvenir aux besoins de la famille.

Les preuves avaient été appréciées arbitrairement et l’art. 23 al. 1 LEI n’avait pas été respecté. En outre, l’art. 19 LEI avait été violé par l’OCIRT, qui avait retenu que son entreprise ne servait pas les intérêts économiques locaux. Son admission pour une période de deux ans, afin de laisser à son entreprise le temps de se développer, servait de tels intérêts. En outre, s’il était vrai que les entreprises d’onglerie existaient déjà à Genève, seule l’une d’entre elles proposait un service onglerie et sourcils, mais ne prévoyait pas la possibilité de soins à domicile. Elle comptait pouvoir engager du personnel après déjà un an d’activité et acheter les produits nécessaires à son activité sur le territoire suisse. Il existait une demande durable et importante pour les services qu’elle souhaitait créer.

b. Par jugement du 21 juillet 2022 (JTAPI/757/2022), le TAPI a rejeté le recours.

Le droit d’être entendue de l’intéressée n’avait pas été violé, dès lors que la décision litigieuse faisait état des dispositions légales applicables, de la position de la recourante et des motifs de refus. La décision était claire. Ces éléments avaient par ailleurs permis à l’intéressée de motiver son recours de manière complète. En outre, elle avait pu se déterminer sur les observations de l’autorité, de sorte qu’une éventuelle violation de son droit d’être entendue aurait été réparée.

L’intéressée n’avait pas démontré que son activité d’esthéticienne revêtait une originalité particulière pour l’économie genevoise. Même si cette dernière offrait des services combinés de sourcils et d’onglerie, ceux-ci existaient déjà en surabondance sur le territoire genevois, même de manière séparée. Dans ce contexte, combiner des prestations déjà présentes n’avait pas pour conséquence de générer une nouvelle prestation et ne contribuait donc pas à la diversification de l’économie régionale.

La condition de la création de places de travail n’était pas non plus réalisée. Aucun élément du dossier ne permettait d’étayer son affirmation quant à l’engagement de collaborateurs. Il ne pouvait donc être considéré que son activité allait permettre la création d’emplois significatifs, ayant des retombées durables positives sur le marché suisse du travail.

La requérante n’avait en outre apporté aucun élément permettant de retenir qu’elle comptait créer de nouveaux mandats pour l’économie. Le fait de s’approvisionner sur le marché genevois en produits usuels, dans une mesure modeste, ne pouvait être considéré comme suffisant à remplir cette condition.

La délivrance de l’autorisation requise ne servait donc pas les intérêts économiques suisses, au sens de l’art. 19 let. a LEI. Cette condition n’étant pas réalisée, il n’était pas nécessaire d’examiner les autres conditions cumulatives prévues par cette disposition.

D. a. Par acte du 12 septembre 2022, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI précité, concluant à son annulation.

Le TAPI avait apprécié les faits arbitrairement, s’agissant notamment de l’abondance des services envisagés existants à Genève. Les prestations qu’elle souhaitait offrir n’existaient pas sous la forme indiquée par l’OCIRT. Il n’existait en effet qu’une seule entreprise offrant le même type de services. En outre, le premier juge avait erré en retenant que les employés seraient occupés à temps partiel, peu qualifiés et peu rémunérés. En effet, il existait un contrat-type de travail avec salaire minimum, qu’elle allait respecter, dont il ressortait que le revenu des personnes qualifiées avec CFC s’élevait à CHF 4'134.- bruts par mois. Son but était de développer son entreprise. Selon son business plan revu par son avocate, et affiné par son comptable, les chiffres plus réalistes présentés lui permettraient d’engager deux employés à plein temps en l’espace de deux ans.

L’art. 19 let. a LEI avait été violé, son admission pour deux ans, le temps que la société se développe servant les intérêts économiques du pays. En effet, l’implantation de son entreprise lui permettait de répondre à une demande durable. Elle entendait offrir des prestations tant au domicile qu’en institut. Tous les produits dont elle avait besoin seraient en outre achetés sur le territoire suisse, générant par conséquent de nouveaux mandats pour la Suisse. Il fallait retenir environ CHF 100'000.- d’investissements. Les montants initialement indiqués dans le business plan étaient provisionnels et ne tenaient pas compte de tous les autres paramètres. Le chiffre d’affaires estimé était désormais de CHF 1'584'000.- par an, en tenant compte d’une durée de huit heures par jour, six jours par semaine, onze mois par an, pour une seule personne.

b. L’OCIRT a conclu au rejet du recours.

On ne pouvait reprocher au TAPI d’être tombé dans l’arbitraire en considérant que les possibles futurs engagements concernaient des postes peu qualifiés et peu rémunérés. Cette affirmation était basée sur les chiffres présentés par la recourante elle-même dans son business plan. Les salaires minimaux prévus par le contrat-type de travail représentaient une rémunération « minimale », et il s’agissait de facto d’emplois « peu rémunérés ». La recourante ne précisait pas quelles qualifications ses futurs employés présenteraient, indiquant simplement à cet effet souhaiter engager des « prothésiste ongulaire ou esthéticienne spécialisée dans les sourcils ». Elle-même ne présentait aucune qualification particulière, hormis ses certificats brésiliens attestant qu’elle avait suivi cent six heures de cours dans le domaine, alors qu’il s’agissait d’un domaine disposant d’une formation certifiante (CFC). Les emplois envisagés étaient donc bien « peu qualifiés ».

Le business plan déposé à l’appui de la demande misait sur un chiffre d’affaires de CHF 50'000.- la première année et la recourante estimait désormais au stade du recours que le chiffre d’affaires qu’elle allait générer, à elle seule, s’élèverait à CHF 1'584'000.- par an, ce qui n’était pas réaliste.

Le fait qu’elle souhaitait offrir ses services tant dans une arcade qu’au domicile de ses clientes ne modifiait pas fondamentalement sa demande, dont l’intérêt économique restait insuffisant, au regard du domaine d’activité et de l’exiguïté du contingent cantonal des autorisations de séjour. La commission tripartite, qui avait une très bonne compréhension du tissu économique genevois et de la réalité du marché, avait examiné la demande et considéré que le projet ne présentait pas un intérêt économique suffisant pour le canton.

c. Dans sa réplique du 14 novembre 2022, la recourante a souligné que ce qui différenciait son entreprise de celles déjà existantes était qu’elle prévoyait de travailler tant à domicile que dans une arcade. Les prévisions budgétaires proposées étaient réalistes, car la plupart des instituts du canton étaient ouverts selon de tels horaires. Les prévisions basées sur huit heures par jour n’étaient pas fantaisistes et les prix annoncés représentaient les prix du marché.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le présent litige porte sur le refus de l'OCIRT de délivrer à la recourante une autorisation de séjour avec activité lucrative indépendante (permis B), contingentée. La recourante soutient que les conditions de l'art. 19 LEI seraient réalisées. L’autorité intimée et le TAPI auraient versé dans l'arbitraire en retenant le contraire.

2.1 Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, celle-ci ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario ; ATA/12/2020 du 7 janvier 2020 consid. 3).

2.2 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI, et de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées avant le 1er janvier 2019 sont régies par l'ancien droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

2.3 En l'espèce, dès lors que la demande d'autorisation de séjour avec activité lucrative en faveur de la recourante a été déposée le 15 novembre 2021, de telle sorte que ce sont la LEI et l'OASA dans leur nouvelle teneur au 1er janvier 2019 qui s'appliquent.

3.             La recourante invoque une violation de la LEI.

3.1 La LEI et ses ordonnances, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et
2 LEI) (ATA/1289/2019 du 27 août 2019 consid. 4).

Selon l'art. 11 al. 1 LEI, tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d'une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour ; il doit la solliciter auprès de l'autorité compétente du lieu de travail envisagé.

Lorsqu’un étranger ne possède pas de droit à l’exercice d’une activité lucrative, une décision cantonale préalable concernant le marché du travail est nécessaire pour l’admettre en vue de l’exercice d’une activité lucrative (art. 40 al. 2 LEI). Dans le canton de Genève, la compétence pour rendre une telle décision est attribuée à l'OCIRT (art. 6 al. 4 du règlement d'application de la loi fédérale sur les étrangers, du 17 mars 2009 - RaLEtr - F 2 10.01). L’OCPM reçoit et traite les demandes d'autorisation d'admission pour d'autres motifs que ceux relevant de l’exercice d’une activité lucrative (art. 8 RaLEtr).

3.2 L'art. 19 LEI prévoit qu'un étranger peut être admis en vue d'exercer une activité lucrative indépendante aux conditions suivantes : son admission sert les intérêts économiques du pays (let. a) ; les conditions financières et les exigences relatives à l'exploitation de l'entreprise sont remplies (let. b) ; il dispose d'une source de revenus suffisante et autonome (let. c) ; les conditions fixées aux art. 20 et 23 à
25 LEI sont remplies (let. d).

3.3 Les autorités compétentes bénéficient d'un large pouvoir d'appréciation. En raison de sa formulation potestative, les art. 18 et 19 LEI ne confèrent aucun droit à l'autorisation sollicitée (ATA/361/2020 du 16 avril 2020 ; ATA/1660/2019 du 12 novembre 2019, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 2C_30/2020 du
14 janvier 2020 consid. 3.1). De même, un employeur ne dispose d'aucun droit à engager un étranger en vue de l'exercice d'une activité lucrative en Suisse (arrêts du Tribunal fédéral 2D_57/2015 du 21 septembre 2015 consid. 3 ; 2D_4/2015 du
23 janvier 2015 consid. 3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] C- 5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 3)

3.4 Selon le ch. 4.3.1 des Directives du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM), domaine des étrangers, 2013, état au 1er novembre 2021
(ci-après  : Directives LEI) – qui ne lient pas le juge, mais dont celui-ci peut tenir compte pour assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré et pourvu qu'elles respectent le sens et le but de la norme applicable (ATA/1660/2019 précité consid. 4c) – l'autorité doit apprécier le cas en tenant compte en particulier de la situation sur le marché du travail, de l'évolution économique durable et de la capacité de l'étranger concerné de s'intégrer.

3.4.1 S'agissant de l'implantation d'une entreprise, il est admis que le marché suisse du travail tire durablement profit de l'implantation lorsque la nouvelle entreprise contribue à la diversification de l'économie régionale dans la branche concernée, obtient ou crée des places de travail pour la main-d'œuvre locale, procède à des investissements substantiels et génère de nouveaux mandats pour l'économie helvétique (Directives LEI ch. 4.7.2.1).

3.4.2 La notion d'« intérêts économiques du pays » est formulée de façon ouverte. Elle concerne au premier chef le domaine du marché du travail. Il s'agit, d'une part, des intérêts de l'économie et de ceux des entreprises. D'autre part, la politique d'admission doit favoriser une immigration qui n'entraîne pas de problèmes de politique sociale, qui améliore la structure du marché du travail et qui vise à plus long terme l'équilibre de ce dernier (Message du Conseil fédéral du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers, FF 2002 3469 ss, p. 3485 s. et 3536). En particulier, les intérêts économiques de la Suisse seront servis lorsque, dans un certain domaine d'activité, il existe une demande durable à laquelle la main-d'œuvre étrangère en cause est susceptible de répondre sur le long terme (arrêt du TAF C- 8717/2010 du 8 juillet 2011 consid. 5.1 ; ATA/1147/2018 du 30 octobre 2018 consid. 7c ; ATA/1018/2017 du 27 juin 2017 consid. 4c ; Marc SPESCHA/ Antonia KERLAND/Peter BOLZLI, Handbuch zum Migrationsrecht, 2ème éd., 2015, p. 173 et ss ; art. 23 al. 3 LEtr). L'art. 3 al. 1 LEI concrétise le terme en ce sens que les chances d'une intégration durable sur le marché du travail suisse et dans l'environnement social sont déterminantes (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. 2 : LEtr, 2017, p. 145 et les références citées). L'activité économique est dans l'intérêt économique du pays si l'étranger offre par là une prestation pour laquelle il existe une demande non négligeable et qui n'est pas déjà fournie en surabondance (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 146 et les références citées).

3.4.3 On considère que le marché suisse du travail tire durablement profit de l'implantation lorsque la nouvelle entreprise contribue à la diversification de l'économie régionale dans la branche concernée, obtient ou crée des places de travail pour la main- d'œuvre locale, procède à des investissements substantiels et génère de nouveaux mandats pour l'économie helvétique (arrêts du TAF C- 2485/2011 du 11 avril 2013 et C-7286/2008 du 9 mai 2011).

3.4.4 Il convient de tenir compte en particulier de la situation sur le marché du travail, de l’évolution économique durable et de la capacité de l’étranger concerné à s’intégrer. Il ne s’agit pas de maintenir une infrastructure avec une main-d’œuvre peu qualifiée disposée à travailler pour de bas salaires, ni de soutenir des intérêts particuliers. Par ailleurs, les étrangers nouvellement entrés dans le pays ne doivent pas faire concurrence aux travailleurs en Suisse en provoquant, par leur disposition à accepter de moins bonnes conditions de rémunération et de travail, un dumping salarial et social (arrêt du TAF F-4226/2017 du 8 octobre 2019 consid. 4.5.1 ; ATA/1280/2015 du 1er décembre 2015 consid. 12 ; Directives LEI, ch. 4.3.1).

3.4.5 L’autorisation doit également s’inscrire dans les limites du contingent fixé par le Conseil fédéral (art. 20 LEI), selon un nombre maximum fixé dans l’annexe 2 OASA. L’art. 20 al. 1 1ère phr. LEI prévoit plus particulièrement que le Conseil fédéral peut limiter le nombre d’autorisations de séjour initiales (art. 32 et 33 LEI) octroyées en vue de l’exercice d’une activité lucrative. Cette compétence se trouve mise en œuvre aux art. 19, 20 et 21 OASA. Plus particulièrement, l’art. 20 al. 1 OASA dispose que les cantons peuvent délivrer des autorisations pour des séjours en vue d’exercer une activité lucrative d’une durée supérieure à un an, dans les limites des nombres maximums fixés à l’annexe 2 ch. 1 let. a OASA (arrêt du TAF C-5420/2012 du 15 janvier 2014 consid. 7.1). Compte tenu du contingent restreint accordé aux cantons, les autorités du marché de l’emploi sont contraintes de se montrer restrictives dans l’appréciation des demandes dont elles sont saisies et ne peuvent retenir que celles qui traduisent un intérêt pour la collectivité.

3.5 Une décision est arbitraire au sens de l'art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable. Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 144 I 113 consid. 7. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_743/2020 du 30 juin 2021 consid. 2.2).

3.6 En l’espèce, il doit être déterminé en premier lieu si en l'espèce l'admission de la recourante en Suisse servirait les intérêts économiques du pays (art. 19 let. a) avant d’examiner, si, cumulativement les conditions financières et les exigences relatives à l'exploitation de l'entreprise sont remplies (art. 19 let. b).

3.6.1 Il ressort du dossier, comme l’OCIRT et le TAPI l’ont correctement exposé, qu’il existe une surabondance d’offres d’esthéticiennes spécialisées dans les soins des sourcils et dans l’onglerie à Genève. Il existe aussi plusieurs sociétés offrant une combinaison des deux. Le fait que la recourante souhaite offrir une partie des soins à domicile n’est pas déterminant ; en effet, cela ne modifie pas les prestations offertes de telle manière qu’il faille considérer autrement l’activité envisagée. En outre, les projections financières réalisées sont très variables, la recourante envisageant tout d’abord un chiffre d’affaires de CHF 50'000.-, avant d’articuler le montant de CHF 1'584'000.-, qui serait réalisable par une seule personne travaillant huit heures par jour, six jours par semaine durant onze mois. Aucun document ne permet de justifier les chiffres avancés, qui varient pourtant nettement. La recourante n’a ainsi pas démontré que son activité contribuerait à la diversification du paysage économique genevois.

La condition de la création de places de travail n’est pas non plus réalisée. En effet, si la recourante allègue qu'à l'avenir elle compte engager deux à trois collaborateurs, aucun élément du dossier ne permet d'étayer son affirmation. Au demeurant, son domaine d’activité est essentiellement personnel et ne nécessite pas forcément l’engagement de tiers pour être mené à bien. On ne saurait donc considérer que l’activité de la recourante permettra la création d’un nombre d’emplois significatif qui aurait des retombées durables positives sur le marché suisse du travail.

La condition des investissements substantiels n’est pas davantage remplie puisque la précitée n’a apporté aucun élément permettant de retenir qu’elle réalisera effectivement de tels investissements. Au contraire, elle a articulé des montants très variables, qui serviraient notamment à aménager les locaux prévus, alors même que l’OCIRT a indiqué, sans être contredit, que le business plan ne faisait initialement pas état de location de locaux pour les deux premières années et que la recourante indique souhaiter exercer au domicile de ses clients. Les chiffres articulés à cet égard ne sont donc pas démontrés et ne peuvent par conséquent pas être considérés comme réalistes.

Enfin, la condition des nouveaux mandats pour l'économie n’est, elle non plus, pas remplie puisque la recourante n’a apporté aucun élément permettant de retenir qu’elle aurait un volume suffisant d’affaires ou de clientèle pour retenir la création effective de nouveaux mandats. La recourante n'a nullement démontré en quoi sa future société générera de nouveaux mandats. Elle explique à ce sujet de manière contradictoire que les nouveaux mandats s’élèveront soit à CHF 110'000.- soit à CHF 200'000.-, sans étayer de tels chiffres. Elle évoque l’idée de commander ses fournitures sur le marché local, sans apporter d’éléments appuyant cette volonté (contact avec des fournisseurs, prix moyens envisagés, volumes de commandes, etc.).

3.6.2 Dans ces circonstances, il n'a pas été démontré à satisfaction de droit que la création de cette société représenterait un intérêt économique suffisant pour le canton de Genève, tant au vu de la création de places de travail et d'investissements que de la diversification de l'économie genevoise. Les arguments invoqués par l’OCIRT et retenus par le TAPI, détaillés et convaincants, relativisent fortement les considérations et explications de la recourante, lesquelles ne reposent sur aucune preuve.

Compte tenu de ces considérations, les éléments que fait valoir la recourante sont insuffisants pour de considérer que l'octroi d'une autorisation de séjour avec activité lucrative indépendante servirait les intérêts économiques du pays au sens de la loi et de la jurisprudence et que les conditions financières et les exigences relatives à l'exploitation de la société seraient garanties.

Dès lors que les conditions prévues à l'art. 19 LEI ne sont pas réalisées, tant l'OCIRT que le TAPI ont correctement appliqué la loi. L'OCIRT n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en refusant de donner une suite favorable à la demande de la recourante et on ne voit pas sur quels éléments le TAPI aurait fait preuve d’arbitraire.

Dans la mesure où les conditions des art. 19 ss LEI devaient être remplies de manière cumulative, il n’y a pas lieu d'analyser plus en avant si les autres conditions à l'octroi d'une autorisation de séjour en vue d'exercer une activité lucrative indépendante sont remplies (arrêt du TAF du 16 août 2021 F_968/2019 et références).

Mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité ne sera allouée (art. 87
al. 2 LPA).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 septembre 2022 par Madame A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 juillet 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Daniela Linhares, avocate de la recourante, à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail, au Tribunal administratif de première instance et au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Marmy

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.