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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1512/2019

ATA/1298/2022 du 20.12.2022 sur JTAPI/181/2021 ( ICCIFD ) , ADMIS

Descripteurs : DROIT FISCAL;IMPÔT;REVENU;DÉDUCTION DU REVENU(DROIT FISCAL);OBLIGATION D'ENTRETIEN;HONORAIRES;AVOCAT
Normes : LIFD.25; LIFD.16.al1; LIFD.23; LIFD.23.letf; LHID.9.al2.letc; LIPP.29; LIPP.33
Résumé : Application des principes dégagés par l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_382/2021 du 23 septembre 2022 selon lesquels les frais d'avocat déboursés pour obtenir une contribution d'entretien ne constituent pas des frais d'acquisition du revenu déductibles. Recours admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1512/2019-ICCIFD ATA/1298/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 décembre 2022

4ème section

dans la cause

 

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

contre

Madame A______
représentée par Monsieur Alfred Girod, mandataire

et

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 février 2021 (JTAPI/181/2021)


EN FAIT

1) Par jugement du 22 février 2021, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a partiellement admis, dans le sens des considérants, le recours formé par Madame A______ contre les décisions sur réclamations de l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) du 13 mars 2019 et annulé ces décisions.

Le litige concernant l’année fiscale 2014 était circonscrit à la question de savoir si Mme A______ pouvait déduire les honoraires d’avocat engagés dans la procédure matrimoniale l’ayant opposée à son époux. Le TAPI a admis cette déduction, renvoyant cependant le dossier à l’AFC-GE afin que soit déterminée la part des honoraires directement en lien avec l’obtention de la contribution d’entretien perçue par la contribuable en 2014.

2) Le 24 mars 2021, l’administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice contre ce jugement, concluant à son annulation et à la confirmation des décisions sur réclamation. Toute déduction des frais d’avocat invoqués devait être refusée.

3) L’AFC-GE a indiqué ne pas avoir de remarques particulières à formuler, si ce n’était que, par souci d’harmonisation tant verticale qu’horizontale, la solution devait être la même en impôt fédéral direct (ci-après : IFD) et en impôt cantonal et communal (ci-après : ICC).

4) Mme A______ a conclu au rejet du recours et à la confirmation du jugement.

5) La chambre administrative a suspendu la cause, le 26 août 2021, dans l’attente d’un arrêt de principe à rendre par le Tribunal fédéral dans le dossier 2C_382/2021 relatif à la question de la déductibilité des honoraires d’avocat engagés dans les procédures de droit matrimonial.

6) Par arrêt du 23 septembre 2022 rendu dans la cause précitée, le Tribunal fédéral, se penchant sur cette question, a retenu que ni le crédirentier ni le débirentier ne pouvaient déduire les frais d’avocat engagés en lien avec la contribution d’entretien issue du droit de la famille.

7) Les parties ont été informées qu’à défaut de détermination de leur part dans le délai imparti, la chambre administrative appliquerait ces principes tels quels à la présente procédure.

8) Aucune des parties ne s’étant manifestée dans le délai imparti, celles-ci ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le seul point litigieux est la question de savoir si l’intimée pouvait déduire les frais d’avocat engagés dans le cadre du litige l’ayant opposée à son époux au sujet des contributions d’entretien dus par celui-ci.

a. À teneur de l'art. 25 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus imposables les déductions générales et les frais mentionnés aux art. 26 à 33a LIFD. On distingue les déductions dites organiques (frais d'acquisition du revenu ; art. 26 à 32 LIFD), les déductions générales (dites aussi anorganiques ; art. 33 et 33a LIFD) ainsi que les déductions sociales (art. 35 LIFD). L'art. 25 LIFD ne mentionne pas les déductions autorisées sur les revenus qui tombent sous le coup de la clause générale de l'art. 16 al. 1 LIFD ainsi que sur les revenus décrits à l'art. 23 LIFD. L'art. 25 LIFD doit être compris comme une clause générale, qui permet la déduction des frais d'acquisition (soit des déductions organiques) pour les revenus pour lesquels une déduction n'est pas explicitement mentionnée aux art. 26 ss LIFD.

Sont des frais d'acquisition du revenu les frais que le contribuable ne peut éviter et qui sont essentiellement dus ou causés par la réalisation du revenu, lequel doit être imposable. Il y a lieu de vérifier dans le cadre d'un examen d'ensemble des circonstances concrètes l'existence d'un lien suffisamment étroit entre la dépense dont la déduction est demandée et le revenu imposable. Il doit s'agir d'une dépense qui présente un rapport direct et étroit avec le revenu imposable concerné.

b. La jurisprudence rendue en application de l'art. 25 LIFD admet que des frais d'avocat puissent constituer des frais d'acquisition du revenu déductibles. Le Tribunal fédéral ne l'a cependant jamais reconnu en pratique, faute de lien de connexité suffisant entre les frais d'avocat invoqués et l'acquisition d'un revenu.

Dans l’arrêt précité, le Tribunal fédéral a considéré que des frais d'avocat déboursés pour obtenir une contribution d'entretien ne constituent pas des frais d'acquisition du revenu déductibles en application de l'art. 25 LIFD. Les procédures de droit matrimonial ont pour spécificité de régler l'ensemble des questions soulevées par la fin de la vie commune, et la variété des objets qui y sont traités empêche l'établissement d'un lien de connexité direct et étroit entre les frais d'avocat et la réalisation du revenu que représentent les contributions d'entretien. Dans de telles procédures, il est impossible de distinguer les frais afférents aux contributions d'entretien et ceux concernant des questions non pécuniaires (attribution du logement de famille, sort des enfants), respectivement des aspects pécuniaires qui ne sont pas appréhendés comme des revenus sous l'angle du droit fiscal (liquidation du régime matrimonial, répartition des avoirs de prévoyance professionnelle). Rien ne justifie d'opérer une distinction et de traiter différemment sous l'angle de l'art. 25 LIFD les procédures de droit matrimonial au motif qu'elles se limitent aux pensions alimentaires et aux contributions d'entretien. Admettre, dans de telles procédures, la déductibilité des frais d'acquisition d'une pension alimentaire ou d'une contribution d'entretien visée à l'art. 23 let. f LIFD aurait pour conséquence de relativiser le principe de concordance entre les deux ex-époux, puisque le créancier pourrait déduire ses frais d'avocats à titre de frais d'acquisition du revenu, mais pas le débiteur, l'activité déployée par son avocat n'ayant pas pour but de générer des revenus ou d'obtenir leur augmentation (2C_382/2021 consid. 6 et les très nombreuses références citées).

c. Le système de déduction et d'imposition des contributions d'entretien est identique en matière d'IFD et en matière d'ICC (arrêts du Tribunal fédéral 5A_298/2015 du 30 septembre 2015 consid. 2.1.1 ; 2C_435/2010 du 16 septembre 2010 consid. 5.2.1). Les principes juridiques précités qui concernent la déductibilité des frais d’avocat liés à la contribution d'entretien trouvent donc leur parallèle en matière d'ICC (art. 9 al. 2 let. c de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14)). Les art. 28 et 29 à 37 loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) sont le pendant en droit genevois des art. 25 et 26 à 33a LIFD.

d. En l’espèce, il n’y a pas lieu de s’écarter de l’analyse opérée par le Tribunal fédéral. Son arrêt est récent et se prononce pour la première fois, de manière circonstanciée, sur la question de la déductibilité des frais d’avocat engagés par un contribuable dans le cadre d’un litige de droit de la famille ayant notamment pour objet la fixation de la contribution d’entretien. Il ressort clairement de l’arrêt précité que de tels frais d’avocat ne sont pas déductibles au titre des frais engagés par le crédirentier en vue de l’acquisition du revenu.

Partant, le recours de l’AFC-CH doit être admis, le jugement querellé annulé et la décision sur réclamation rétablie.

3) Malgré l’issue du litige, il n’y a pas lieu à perception d’un émolument, le jugement du TAPI s’inscrivant dans la jurisprudence cantonale suivie jusqu’alors. Il n’y a pas non plus lieu à l’allocation d’une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 mars 2021 par l’administration fédérale des contributions contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 février 2021 ;

préalablement :

ordonne la reprise de la procédure ;

au fond :

admet le recours et annule le jugement précité ;

rétablit les décisions sur réclamation du 13 mars 2019 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé, s’il est formé avant le 1er janvier 2023 au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, s’il est formé après le 1er janvier 2023 au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de l’intimée, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à administration fédérale des contributions, à M. Girod, représentant de l'intimée, à l'administration fiscale cantonale ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :