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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1237/2021

ATA/1030/2022 du 11.10.2022 sur JTAPI/1152/2021 ( ICC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1237/2021-ICC ATA/1030/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 octobre 2022

4ème section

 

dans la cause

 

Madame A______

contre


ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

_________




Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 novembre 2021 (JTAPI/1152/2021)


EN FAIT

1) Madame A______, née le ______ 1939, est veuve de Monsieur A______, décédé le ______ 2009.

2) Suite au décès de M. A______, la contribuable et ses deux fils, B______ et C______, ont hérité de plusieurs immeubles en propriété commune.

3) Par acte notarié du 8 février 2010, Mme A______ a reçu en donation de ses deux fils les parcelles nos 1______ et 2______ sises sur la commune D______. La valeur déclarée par les parties de ces parcelles était de CHF 600.- le m2. Lesdites parcelles totalisant 1’921 m2, la valeur totale de la donation était de CHF 1'152'600.-.

4) Par acte notarié du 29 mars 2012, Mme A______ a acquis pour le prix de CHF 1'775'000.- un appartement de 7.5 pièces et un box dans un immeuble soumis au régime de la propriété par étages (ci-après : PPE) sis sur la parcelle n° 3______ de la commune de E______.

5) Par acte notarié des 11, 25, 26 et 28 juin 2012, la parcelle n° 1______ de la commune D______ a fait l’objet d’une division. Mme A______ était désormais propriétaire de la parcelle n° 4______ de 534 m2. Le prix de cession s’élevait à CHF 600.- le m2.

6) Par courrier adressé au service immobilier de l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) le 18 février, Mme A______ a – en dehors de toute réclamation – contesté les valeurs retenues par l'AFC-GE et sollicité des explications précises sur leur mode de détermination. Le bien loué à D______ était en effet estimé au-dessus de son prix d'achat, soit CHF 1'428'472.60 en 2011. L'autre terrain sis à D______, hérité et totalement en friche et non bâti, était estimé à CHF 820'800.-, ce qui était à ses yeux « particulièrement énorme ». Enfin, le bien sis à E______, où elle habitait, était estimé par l'AFC-GE à CHF 1'775'000.-, ce qui lui semblait complètement irréaliste.

7) Dans sa déclaration fiscale 2019 datée du 25 juin 2020, Mme A______ a indiqué être propriétaire de plusieurs biens immobiliers sis en Suisse et en France, dont les valeurs déclarées des immeubles loués étaient les suivantes :

-          D______, parcelle n° 1______ [recte : n° 4______], CHF 1'096'873.- ;

-          D______, parcelle n° 2______, CHF 100'000.- ;

-          E______, parcelle n° 3______, CHF 1'400'000.-.

Elle était en outre propriétaire de trois autres biens immobiliers qu'elle occupait, soit un appartement à E______ (au ch. F______, parcelle n° 5______) et deux autres biens sis respectivement à G______ (France) et à H______ (Valais).

8) Par bordereau du 17 septembre 2020, l'AFC-GE a fixé l’ICC 2019 à CHF 58'486.15 sur la base d’un revenu imposable de CHF 89'164.-, au taux de CHF 73'944.-, et d’une fortune imposable de CHF 4'381'078.- au taux de CHF 5'237'460.-.

Selon l’avis de taxation annexé, l’AFC-GE a retenu les valeurs fiscales des immeubles loués susmentionnés suivantes :

-          D______, parcelle n° 1______ [recte : n° 4______], CHF 1'502'638.- au lieu de CHF 1'096'873.- ;

-          D______, parcelle n° 2______, CHF 820'800.- au lieu de CHF 100'000.- ;

-          E______, parcelle n° 3______, CHF 1'775'000.- au lieu de CHF 1'400'000.-.

9) Par réclamation du 24 septembre 2020, Mme A______ a contesté ces valeurs en se référant notamment au courrier, resté sans réponse, qu’elle avait adressé à l’AFC-GE le 18 février 2020.

10) Par lettre du 8 décembre 2020, l’AFC-GE a répondu que la parcelle n° 4______ avait été estimée fiscalement lors de la donation du 8 février 2010 à CHF 331'800.-, conformément à l’art. 52 al. 3 de la loi genevoise sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP – D 3 08). Cette valeur avait ensuite été réduite à CHF 320'400.- lors d’une mutation parcellaire intervenue le 28 juin 2011 [recte : 2012]. Après édification d’une villa contiguë d’un coût de construction de CHF 1'182'238.25 en 2011, l’estimation fiscale totale de la parcelle s’élevait à CHF 1'502'638.- (CHF 320'400.- + CHF 1'182'238.25).

La valeur de la parcelle n° 2______ avait également été fixée en application de l’art. 52 al. 3 LIPP, soit CHF 820'800.-, lors du partage intervenu en février 2010.

Quant à la parcelle n° 3______ de la commune de E______, son estimation fiscale correspondait au prix d’achat tel qu’il ressortait de l’acte de vente du 29 mars 2012, soit CHF 1'775'000.-.

Mme A______ était priée de lui faire savoir si elle maintenait sa réclamation et, le cas échéant, de la motiver.

11) Par courrier reçu le 15 janvier 2021 par l’AFC-GE, Mme A______ a complété sa réclamation.

12) Par décision sur réclamation du 11 mars 2021, l’AFC-GE a admis la réclamation portant sur l’estimation de biens immobiliers en construction en France, mais l’a rejetée concernant la valeur fiscale des biens immobiliers sis sur les communes D______ et de E______.

Une expertise privée concernant l’immeuble de E______ n’était pas « opposable aux bases légales » citées dans la lettre du 8 décembre 2020. La baisse des valeurs immobilières due à la conjoncture ne constituait pas un motif de réévaluation de l’estimation fiscale d’un bien immobilier.

13) Selon le bordereau rectificatif joint à cette décision, l’ICC 2019 s’est élevé à CHF 58'261.70 sur la base d’un revenu imposable de CHF 89'008.-, au taux de CHF 73'944.-, et d’une fortune imposable de CHF 4'368'195.-, au taux de CHF 5'139'637.-.

14) Par acte posté le 9 avril 2021, Mme A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision sur réclamation, qu’elle alléguait avoir reçue le 15 mars 2021, concluant à son annulation « dans les parties contestées portant sur l'imposition des biens immobiliers à D______ et à E______ ».

L’AFC-GE avait constaté les faits de manière incomplète et inexacte. L’estimation de la valeur de l’immeuble de D______ sis sur la parcelle n° 1______ [recte : n° 4______] n’avait pas tenu compte du fait que le produit de la location de l’appartement avait été réduit de moitié en raison de la résiliation du bail par le locataire en juin 2019. De plus, ayant acquis cet appartement par héritage, elle aurait dû bénéficier d’un abattement de 36 %, soit 4 % par an depuis 2010, en raison de la continuité de la propriété. La valeur initiale du terrain de CHF 320'400.-, en sus de la valeur du bâtiment, ne devait pas être prise en compte.

L’immeuble de E______ avait fait l’objet d’importants travaux de rénovation qui auraient dû bénéficier d’un abattement pour le montant des travaux effectués, en compensation de l’augmentation de la valeur de l’appartement, conformément à l’art. 50 let. e, dernier paragraphe, LIPP. L’estimation de ce bien par la société I______ était parfaitement valable.

15) Le 11 juin 2021, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Les immeubles mis en location par Mme A______ ne pouvaient pas être qualifiés d’immeubles locatifs au sens de l’art. 50 let. a LIPP, étant donné que cette disposition visait essentiellement les constructions comprenant plus de deux logements. Les frais de rénovation pouvaient être déduits de la valeur locative s’il s’agissait de frais d’entretien. En revanche, s’ils apportaient une plus-value à l’immeuble, ils étaient ajoutés à la valeur fiscale.

La valeur de la parcelle n° 4______ de la commune de D______ était basée sur un prix de CHF 600.- le m2 lors de sa donation en 2010. Sa surface étant de 534 m2, la valeur fiscale du terrain s’élevait à CHF 320'400.-. Le coût de construction des habitations contiguës bâties sur la parcelle s’étant élevé à CHF 1'182'238.- pour Mme A______, l’estimation fiscale était de CHF 1'502'638.-, soit CHF 320'400.- + CHF 1'182'238.25. Aucun abattement ne pouvait être accordé à Mme A______, dès lors qu’elle n’y habitait pas.

La parcelle n° 2______ de la commune de D______ était également estimée à CHF 600.- le m2 lors de sa donation en 2010. Sa surface étant de 1’368 m2, la valeur fiscale du terrain se montait à CHF 820'800.-. Aucun abattement ne pouvait être accordé sur le terrain. L’évaluation de cette parcelle était fondée sur les art. 50 let. d et 52 al. 3 LIPP.

L’appartement de E______ était quant à lui estimé en application de l’art. 50 let. e LIPP, à savoir sur la base de son prix d’acquisition de CHF 1'775'000.- à la date du 29 mars 2012. La recourante n’habitant pas dans ce logement, aucun abattement ne pouvait lui être accordé.

De plus, une expertise privée ne se justifiait pas en l’occurrence, faute de changements importants survenus dans la valeur du bien immobilier de E______. Une telle demande aurait quoi qu'il en soit dû être préalablement soumise à l’AFC-GE.

16) Le 3 juillet 2021, Mme A______ a maintenu les conclusions de son recours.

La villa de D______ constituait un bien de nature à rapporter un produit de location, de sorte qu’elle constituait un immeuble locatif au sens de l’art. 50 let. a LIPP, sans être un immeuble initialement destiné à la location.

Le remplacement des sanitaires et la pose d’un nouveau papier peint dans l’appartement de E______, lequel datait de 1980, correspondait à des frais d’entretien déductibles selon l’art. 34 let. d LIPP. En outre, cet appartement étant mis en location, il s’agissait d’un immeuble locatif. Partant, l’art. 52 al. 1 LIPP devait s’appliquer. L’évaluation ayant été faite avec un expert immobilier (I______), elle devait être prise en compte par l’AFC-GE.

17) Le 16 juillet 2021, l’AFC-GE a persisté intégralement dans les considérants et conclusions de sa réponse du 11 juin 2021.

18) Par jugement du 15 novembre 2021, le TAPI a rejeté le recours.

La parcelle n° 4______ de la commune D______ correspondait à un bâtiment accueillant un logement sis sur une parcelle de 534 m2. S’agissant d’une location d’un seul logement, ce bien ne pouvait pas être considéré en tant qu’immeuble locatif au sens de l’art. 50 let. a LIPP, ce qui excluait que sa valeur puisse être calculée en capitalisant son état locatif. Conformément aux art. 50 let. d et e et 52 al. 3 LIPP, il y avait lieu de déterminer sa valeur, comme l’avait fait l’AFC-GE, en prenant en compte le prix du terrain au moment de la donation, lequel était resté le même lors de la division parcellaire, et le coût de construction du logement. Le prix du terrain et sa surface étant respectivement de CHF 600.- le m2 et de 534 m2, sa valeur se montait à CHF 320'400.-. Compte tenu du coût de construction de CHF 1'182'238.-, la valeur fiscale de la parcelle n° 4______ s’élevait à CHF 1'502'638.-, ce qui correspondait au montant retenu par l’AFC-GE.

La parcelle n° 2______, dépourvue de tout bâtiment, devait être qualifiée de terrain improductif ou à bâtir au sens de l’art. 50 let. d LIPP. Sa valeur fiscale pouvait dès lors être estimée sur la base de la valeur retenue lors de la donation de 2010, conformément à l’art. 52 al. 3 LIPP, soit CHF 820'800.-, compte tenu d’un prix au m2 de CHF 600.- et d’une surface de 1'368 m2. L’art. 50 let. d LIPP ne prévoyait aucun abattement.

La valeur fiscale de l’appartement de E______ correspondait au prix d’acquisition payé par la contribuable en mars 2012, conformément à l’art. 50 let. e LIPP. S’agissant également d’une location d’un seul logement, ce bien ne pouvait pas être considéré en tant qu’immeuble locatif au sens de l’art. 50 let. a LIPP. Mme A______ n’occupant pas cet appartement, elle ne pouvait pas non plus bénéficier d’un abattement de 4 % par année. La valeur fiscale de CHF 1'775'000.- pour ce bien immobilier était donc confirmée. Enfin, Mme A______ n'avait invoqué aucun changement important survenu dans la valeur de l’appartement de E______ pouvant justifier une estimation de ce bien immobilier. Au surplus, une telle demande aurait dû être préalablement déposée auprès de l’AFC-GE.

19) Par acte posté le 15 décembre 2021, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation « dans les parties contestées portant sur l'imposition des biens immobiliers à D______ et à E______ » ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Le jugement reposait sur une constatation incomplète des faits sur deux points, à savoir qu'il ne retenait pas que malgré les mutations subséquentes à l'héritage de la parcelle n° 4______, son statut de bien hérité ne changeait pas ; et l'AFC-GE passait sous silence le fait que l'appartement de E______, en raison de sa vétusté, avait dû être rénové sans pour autant générer de plus-value. L'AFC-GE adoptait en outre une attitude contradictoire, en ce qu'elle refusait le statut de bâtiment loué à la maison de D______, tout en comptant néanmoins comme revenu le produit de sa location.

Aux termes de l'art. 52 al. 1 LIPP, l'évaluation des immeubles locatifs était faite par le contribuable lui-même, dans sa déclaration pour l'impôt. En l'espèce, l'AFC-GE se substituait à son « effort déclaratif » et contrevenait à cette disposition, procédant à la correction des valeurs et en imposant sa propre vision de la valeur de ses biens, ceci en les classant dans une catégorie convenable, soit celle des immeubles non locatifs, et lui déniait le droit d'évaluer ses biens à ses frais et à sa guise. La demande préalable citée dans le jugement n'était pas fondée sur une base légale mais uniquement des sources jurisprudentielles et doctrinales. Aucun avertissement dans ce sens ne lui avait été adressé, si bien qu'elle avait demandé une évaluation privée faite dans les règles de l'art.

Il ressortait de l'art. 34 LIPP a contrario que les frais d'entretien qui ne représentaient pas des plus-values ne pouvaient être ajoutés à la valeur fiscale du bien immobilier. Ces frais devaient même être déductibles de la valeur du bien vu sa mise en location et la diminution de son revenu locatif en raison du coût des travaux.

Elle devait de plus bénéficier de l'abattement de 4 % par an sur la valeur des deux parcelles de D______. Sur la parcelle bâtie, la continuité de la propriété était confirmée de plein droit. L'autre parcelle étant occupée par son propriétaire, elle devait également bénéficier de l'abattement.

20) Le 25 janvier 2022, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Elle avait pris connaissance du recours, mais aucun argument nouveau susceptible d'influer sur l'issue du litige n'était avancé, ni aucune pièce déterminante produite. Elle se référait donc à sa décision sur réclamation et à ses écritures de première instance.

21) Le 8 février 2022, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 4 mars 2022 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

22) Le 11 février 2022, l'AFC-GE a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations complémentaires.

23) Mme A______ ne s'est quant à elle pas manifestée.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige concerne l'ICC de la recourante pour l'année 2019, plus précisément la valeur fiscale de trois immeubles que la recourante n'occupe pas, à savoir les parcelles 2______ et 4______ de la commune de D______, et la parcelle n° 3______ de la commune de E______.

a. La loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) désigne les impôts directs que les cantons doivent prélever et fixe les principes selon lesquels la législation cantonale les établit (art. 1 al. 1 LHID). Les cantons doivent prélever un impôt sur la fortune des personnes physiques (art. 2 al. 1 let. a LHID).

Selon l’art. 13 al. 1 LHID, l’impôt sur la fortune des personnes physiques a pour objet l’ensemble de la fortune nette. Celle-ci est estimée en principe à la valeur vénale, la valeur de rendement pouvant être prise en compte de façon appropriée (art. 14 al. 1 LHID).

b. L’art. 14 al. 1 LHID laisse une importante liberté aux cantons pour élaborer et mettre en œuvre leur réglementation, aussi bien quant au choix de la méthode de calcul applicable pour estimer la valeur vénale que pour déterminer compte tenu du caractère potestatif de l'art. 14 al. 1, 2ème phrase LHID dans quelle mesure le critère du rendement doit, le cas échéant, également être intégré dans l’estimation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_120/2022 du 10 juin 2022 consid. 2.1 ; 2C_953/2019 du 14 avril 2020 consid. 4.1). Un certain schématisme est admis en la matière, pourvu que l’évaluation ne soit pas fondée sur le seul critère du rendement et qu’elle n’aboutisse pas à des résultats qui s’écartent par trop de la valeur vénale (ATF 134 II 207 consid. 3.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_874/2010 du 12 octobre 2011 consid. 3.1 ; ATA/1401/2021 du 21 décembre 2021 consid. 4a ; ATA/1728/2019 du 26 novembre 2019 consid. 3b et les références citées). Les cantons ne peuvent ainsi pas prévoir des règles d’évaluation tendant de manière générale à une sur- ou sous-estimation des immeubles, par exemple en instituant un abattement automatique de leur valeur vénale pour en déterminer la valeur fiscale, ou en fondant l’imposition sur un pourcentage de la valeur vénale (ATF 134 II 207 consid. 3.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_194/2018 du 1er octobre 2018 consid. 5.1).

c. La valeur vénale correspond à la valeur du marché objective d'un immeuble, à savoir la valeur qui serait vraisemblablement obtenue lors d'une aliénation dans les conditions usuelles des affaires (ATF 128 I 240 = RDAF 2003 II 219 ; 124 I 193 c. 4b ; Ernst BLUMENSTEIN/Peter LOCHER, System des schweizerischen Steuerrechts, 6ème éd., Zurich 2002, p. 235 ; Felix RICHNER/Walter FREI/
Stefan KAUFMANN, Kommentar zum harmonisierten Zürcher Steuergesetz, Zurich 1999, n. 5 ad § 39).

La valeur vénale au sens du droit fiscal ne correspond pas à une valeur que l’on peut déterminer exactement de manière mathématique mais, en règle générale, à une valeur d’estimation ou de comparaison. Lorsque la valeur vénale d’un élément de fortune est donnée par le résultat d’une transaction ayant eu lieu sur le marché libre, elle devient la valeur fiscale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_442/2012 du 14 décembre 2012 consid. 4.4).

Dans la mesure où toute estimation, quelle que soit la méthode utilisée, aboutit à une certaine marge, variable, d’inexactitude, il est admissible de fixer la valeur déterminante pour l’impôt sur la fortune des immeubles sur la base d’estimations prudentes, schématiques, même si cela a pour conséquence que les valeurs ainsi déterminées divergent dans une certaine mesure des valeurs effectives du marché (ATF 128 I 240 consid. 3.2.2 ; ATA/1401/2021 précité consid. 4b ; ATA/394/2008 du 29 juillet 2008 consid. 4b).

3) a. Un impôt sur la fortune est perçu, chaque année, dans le canton de Genève (art. 1 let. a ch. 3 de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre l887 - LCP - D 3 05). L'impôt sur la fortune est régi par la LIPP, en particulier aux art. 46 à 60 LIPP, lesquels forment le chapitre IV.

b. Selon l'art. 47 al. 1 let. a LIPP, les immeubles sont soumis à l'impôt sur la fortune. Aux termes de l'art. 49 LIPP, l'état de la fortune mobilière et immobilière est établi au 31 décembre de l'année pour laquelle l'impôt est dû (al. 1). La fortune est estimée, en général, à la valeur vénale (al. 2).

c. L’art. 50 LIPP établit les principes d’évaluation des immeubles situés dans le canton, qui ont été jugés conformes à l’art. 14 LHID (ATF 134 II 2017 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_194/2018 du 1er octobre 2018 consid. 5.3).

La valeur des immeubles locatifs est calculée en capitalisant l'état locatif annuel aux taux fixés chaque année par le Conseil d'État, sur proposition d'une commission d'experts, composée paritairement de représentants de l'administration fiscale et de personnes spécialement qualifiées en matière de propriétés immobilières et désignées par le département (let. a). Les immeubles servant exclusivement et directement à l'exploitation d'un commerce ou d'une industrie sont évalués en tenant compte de la valeur actuelle du terrain, des constructions et des installations qui en sont les accessoires (let. b). Les immeubles servant à l'exploitation agricole et sylvicole, y compris la partie de logement nécessaire au propriétaire et à sa famille, sont évalués à leur valeur de rendement calculée selon le droit fédéral (let. c). Les terrains improductifs ou à bâtir sont estimés en tenant compte de leur situation, des servitudes ou autres charges foncières les grevant, de prix d'achats récents ou d'attributions ensuite de succession ou de donation et des prix obtenus pour d'autres terrains de même nature qui se trouvent dans des conditions analogues, à l'exception des ventes effectuées à des prix de caractère spéculatif (let. d).

L'art. 50 let. e LIPP indique que « les autres immeubles » situés dans le canton, notamment les villas, parcs, jardins d'agrément, ainsi que les immeubles en copropriété par étage, sont estimés en tenant compte du coût de leur construction, de leur état de vétusté, de leur ancienneté, des nuisances éventuelles, de leur situation, des servitudes et autres charges foncières les grevant, de prix d'achats récents ou d'attribution ensuite de succession ou de donation et des prix obtenus pour d'autres propriétés de même nature qui se trouvent dans des conditions analogues, à l'exception des ventes effectuées à des prix de caractère spéculatif. Cette estimation est diminuée de 4 % par année d'occupation continue par le même propriétaire ou usufruitier, jusqu'à concurrence de 40 %. Il est également tenu compte de la durée d'occupation continue par le précédent propriétaire, lorsqu'il s'agit, en cas de liquidation du régime matrimonial, de donation, d'acquisition par avancement d'hoirie ou par succession, du conjoint, de ses parents en ligne directe ou de ses frères et sœurs.

d. L'évaluation des immeubles locatifs est faite par le contribuable lui-même, dans sa déclaration pour l'impôt (art. 52 al. 1 let. a LIPP).

L'art. 52 let. b LIPP, portant le titre « immeubles estimés », prévoit que l'évaluation des « autres immeubles » est faite par des commissions d’experts et vaut pour une période décennale (al. 2). Lorsque pendant cette période, un immeuble est aliéné à titre onéreux ou gratuit, ou dévolu pour cause de mort, la valeur d'aliénation ou la valeur de succession retenue par le département pour la perception des droits d'enregistrement et de succession se substitue à la valeur d'estimation pour le reste de la période décennale (al. 3).

Le Conseil d'État, comme le contribuable, ont, en tout temps, la faculté de faire procéder à de nouvelles estimations si des changements importants dans la valeur des immeubles le justifient (art. 52 al. 5 LIPP).

e. Selon la jurisprudence de la chambre de céans, l’immeuble locatif est une construction comprenant plus de deux logements, par opposition à une villa, soit un immeuble dès qu'il a la capacité objective d'être loué, ceci en vertu de sa surface, de la distribution de ses pièces, de la situation, de ses équipements et de son état par rapport à sa destination (ATA/1222/2018 du 13 novembre 2018 consid. 12b ; ATA/71/2018 consid. 8 ; ATA/477/2008 du 16 septembre 2008 consid. 5b, arrêt confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_820/2008 du 23 avril 2009). Il ne faut pas confondre la notion d'immeuble locatif avec l'usage courant qui en est fait, désignant un logement utilisé pour l'habitation ou la location. Fiscalement, le terme « immeuble locatif » désigne tout bien immobilier comportant plus de deux appartements ou deux locaux commerciaux, indifféremment de son type d'affectation, pouvant objectivement être loués. Il en va ainsi d’un bâtiment destiné – hormis trois arcades commerciales louées à des magasins – pour l'essentiel à du parking, si bien que sa valeur fiscale doit être déterminée par capitalisation de l’état locatif.

Cette définition correspond à celle donnée par l'intimée dans ses explications aux contribuables. Il est ainsi mentionné dans le Guide fiscal 2019 (point 15.20, p. 43), pertinent pour l'exercice litigieux, qu'« un immeuble est considéré comme locatif lorsqu'il comprend plus de deux logements destinés à la location ».

f. Selon une jurisprudence constante de la chambre de céans, confirmée par le Tribunal fédéral, en matière d'estimation des immeubles, le contribuable n'a pas la faculté de substituer sa propre appréciation à celle de l'administration ou de la commission d'experts (arrêts du Tribunal fédéral 2C_67/2019 du 31 janvier 2019 consid. 4.3 ; 2C_734/2008 du 29 janvier 2009 consid. 4 ; ATA/1401/2021 du 21 décembre 2021 consid. 4c ; ATA/223/2019 du 5 mars 2019 consid. 6 ; ATA/71/2018 du 23 janvier 2018 consid. 7b).

S'il considère que la valeur de son bien immobilier a été mal estimée, il doit former une demande de nouvelle estimation. Il est tenu de motiver sa requête et d'indiquer en quoi consistent le ou les changements survenus dans la valeur de sa propriété. Une expertise ne peut être requise pour la première fois devant la juridiction de recours, car la demande en ce sens doit être présentée préalablement à l'administration. De plus, pour avoir une incidence sur l'impôt d'une année déterminée, la demande d'expertise doit avoir été formée avant la date déterminante pour la situation du contribuable et la fixation de la matière imposable, en l'occurrence le 31 décembre de ladite année (ATA/1401/2021 précité consid. 4c ; ATA/45/2018 précité consid. 4b ; ATA/960/2014 consid. 5b ; RDAF 2000 II p. 280). Saisi d'un recours invoquant le défaut de base légale de cette dernière règle, le Tribunal fédéral l'a rejeté (arrêt du Tribunal fédéral 2C_120/2022 précité, not. consid. 3).

La notion de « changements importants » de la valeur d'un immeuble doit être interprétée de manière restrictive. Elle ne couvre que les changements objectifs, matériels et importants dans la valeur de la propriété. Tel n'est notamment pas le cas des modifications conjoncturelles du marché immobilier (ATA/71/2018 précité consid. 7b ; ATA/618/2014 du 12 août 2014 consid. 2e).

g. Tout propriétaire qui fait construire un bâtiment nouveau ou qui, par des travaux quelconques, augmente la valeur d'un bâtiment ou d'une propriété, est tenu de faire au département, dans les douze mois qui suivent l'achèvement de la construction ou des travaux, une déclaration indiquant la nature, l'importance et la valeur des modifications ou des nouvelles constructions (art. 51 al. 1 LIPP). Le coût de ces constructions et travaux est intégré à la valeur fiscale (art. 51 al. 2 LIPP).

4) En l'espèce, les estimations faites par l'intimée et confirmées par le TAPI ne prêtent pas le flanc à la critique. La parcelle n° 2______ de D______ est encore dénuée de construction, et les deux autres biens immobiliers (parcelles n° 4______ de D______ et n° 3______ de E______) sont des habitations à un seul logement (de type villa pour l'une, et appartement pour l'autre), si bien qu'elles ne constituent pas des immeubles locatifs au sens technique selon la jurisprudence citée plus haut (qui découle également de l'art. 50 let. e LIPP a contrario, puisque dans les exemples donnés par cette disposition d'« autres immeubles » figurent les villas et les immeubles en copropriété par étages), reprise par l'intimée dans son guide fiscal à l'intention des contribuables. L'art. 50 let. a LIPP – et donc la prise en compte du rendement dans le calcul de la valeur du bien immobilier – n'est donc pas applicable.

L'argument de la recourante au sujet d'une pratique prétendument contradictoire de l'intimée ne saurait être accueilli, dans la mesure où le caractère de chose louée n'est pas nié mais qu'il s'agit simplement de classer dans quel type d'estimation fiscale l'immeuble est placé, étant rappelé que selon le Tribunal fédéral, les cantons jouissent d'une grande liberté pour déterminer dans quelle mesure le critère du rendement doit éventuellement être intégré dans l’estimation d'un immeuble.

Dès lors, la parcelle n° 2______ de D______ doit être évaluée à l'aune de l'art. 50 let. d LIPP, tandis que les parcelles n° 4______ de D______ et n° 3______ de E______ doivent l'être sur la base de l'art. 50 let. e LIPP, ce qui rend sans objet les critiques de la recourante sur la violation éventuelle de l'art. 52 al. 1 LIPP, étant rappelé cependant que selon la jurisprudence, cette disposition ne saurait conférer au contribuable la faculté de substituer sa propre appréciation à celle de l'administration ou de la commission d'experts.

S'agissant de la parcelle n° 2______ de D______, la prise en compte du prix au m2 retenu lors de la dernière donation en 2010, multiplié par les 1'368 m2 de la parcelle, est conforme à l'art. 50 let. d LIPP. L'abattement de 4 % par année n'est pas applicable à un double titre, soit d'une part car il relève de la let. e de l'art. 50 LIPP, et d'autre part cette dernière le prévoit uniquement en cas d'occupation continue par le propriétaire, ce qui n'est pas possible en l'occurrence puisqu'il s'agit d'un terrain non encore construit.

Pour la parcelle n° 4______ de D______, il est comme déjà vu conforme à l'art. 50 let. e LIPP de ne pas prendre en compte le rendement de l'immeuble et donc les baisses de loyer ou les périodes sans revenu locatif. La recourante n'indique aucune base légale ou jurisprudentielle lui permettant de prétendre à l'absence de prise en compte du prix du terrain, étant précisé qu'il découle logiquement de l'art. 51 al. 1 LIPP que la construction s'ajoute au prix du terrain. L'estimation de ce dernier est par ailleurs conforme aux art. 50 let. e et 52 al. 3 LIPP. Quant à la prise en compte du prix de construction de la villa contiguë, elle n'apparaît pas contestée et correspond aux dispositions légales précitées. Enfin, l'abattement de 4 % n'est pas applicable dès lors que la recourante n'occupe pas elle-même le bien ; à cet égard, que ce dernier ait été obtenu par voie de succession importe peu.

Enfin, pour la parcelle n° 3______ de E______, la prise en compte comme valeur fiscale du montant de la dernière transaction n'est pas critiquable et correspond à ce que prévoit l'art. 52 al. 3 LIPP. Il ne saurait être tenu compte de la vétusté de l'immeuble ni des travaux d'entretien effectués pour modifier cette valeur. Sur ce dernier point, si les travaux engendrant une plus-value entraînent une augmentation de la valeur de l'immeuble selon l'art. 51 LIPP, les travaux d'entretien ont par définition pour but de maintenir la valeur de l'immeuble, et ne sauraient dès lors engendrer une moins-value ; ils sont par ailleurs déductibles du revenu selon l'art. 34 let. d LIPP.

Il découle de ce qui précède que le jugement attaqué est entièrement conforme au droit, si bien que le recours sera rejeté.

5) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 décembre 2021 par Madame A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 novembre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Madame A______ un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______, à l'administration fiscale cantonale ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :