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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1470/2022

ATA/926/2022 du 15.09.2022 ( EXPLOI ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1470/2022-EXPLOI ATA/926/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 septembre 2022

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Alexia Maulini, avocate

contre

VILLE DE GENÈVE



EN FAIT

1) Monsieur A______ est propriétaire de la parcelle n° 488, feuille 1______ du cadastre de la commune de B______, sur laquelle est érigé l’immeuble d’habitation sis rue C______, dans le centre-ville de Genève.

2) À teneur du registre informatisé Calvin de l’office cantonal de la population, M. A______ est domicilié route D______, à E______, dans la campagne genevoise.

3) Il est notoire à Genève que les riverains du quartier de la rue C______, domiciliés au-dessus ou à proximité directe d’établissements publics en nombre, desquels émanent des nuisances, s’en plaignent depuis plusieurs années, ce dont la presse s’est faite largement l’écho.

4) Par courrier du 27 avril 2022, la maire de la ville de Genève (ci-après : la ville), en lien avec des doléances présentées par M. A______à ce sujet, lui a dénié la qualité de partie, mais reconnu celle de dénonciateur, laquelle ne lui donnait pas le droit à ce qu’une décision soit prise ni à ce que ses demandes soient suivies d’effet.

Ses doléances concernaient quatre établissements, à savoir F______, G______, H______ et le I______, sis à la rue C______. La reconnaissance de la qualité de partie à un dénonciateur était limitée à des cas très spécifiques, en particulier lorsque le dénonciateur ne pourrait sauvegarder ses intérêts d’une autre manière par le biais d’une autre procédure. Il en était de même lorsque l’activité administrative s’en trouverait compliquée de manière excessive.

Si ses locataires se plaignaient de nuisances sonores et olfactives émanant des terrasses des établissements concernés et que cela l’exposerait à des demandes de réduction de loyer par la faute de la ville, l’existence d’une telle faute était intégralement contestée. Au demeurant, les fenêtres de son immeuble n’étaient apparemment pas conformes aux normes. En présence de nuisances en provenance de fonds voisins, il était légitimé à agir selon les règles de la protection du droit de voisinage. Il disposait donc de moyens pour sauvegarder ses intérêts.

En raison d’une multiplication des doléances des riverains dues au bruit provenant des terrasses de ces établissements, la maire de la ville avait décidé de soumettre au Conseil administratif une proposition de modification du règlement sur les terrasses des établissements publics (LC 21 314) tendant à en réduire les horaires d’exploitation.

5) M. A______ a formé un recours de quarante-deux pages contre ce courrier, qu’il a qualifié de décision, par acte expédié à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 9 mai 2022. Il a conclu préalablement à un transport sur place à la rue C______ et dans l’appartement de l’un de ses locataires, un vendredi soir vers 22h30. Principalement, il a conclu à l’annulation de la « décision » rendue le 27 avril 2022 par la ville et, cela fait, à ce que la qualité de partie lui soit reconnue dans le cadre de l’instruction de sa requête de prise de décision, à ce qu’il soit ordonné à la ville de lui transmettre le dossier relatif aux nuisances sonores provenant de la rue en question, pour déterminations, et à ce qu’il soit ordonné à la ville de rendre une décision formelle sujette à recours. Subsidiairement, le dossier devait être envoyé à la ville pour qu’elle rende une décision lui reconnaissant la qualité de partie et les droits en découlant.

Le transport sur place permettrait de constater l’environnement gravement pollué dans lequel devaient vivre les locataires de son immeuble.

Il revenait sur l’historique des établissements publics, essentiellement des débits de boissons, qui s’étaient avec le temps installés à la rue C______, pour en compter dix-sept au total entre ladite rue et le boulevard J______. L’immeuble dont il était propriétaire était entouré de bars et les fenêtres des appartements de plain-pied donnaient directement sur leurs terrasses adjacentes. Ses locataires se plaignaient régulièrement auprès de la régie des nuisances sonores en émanant. Il avait répondu à la ville, le 6 mai 2022, que l’intégralité des fenêtres de l’immeuble avait été changée dans les années 1980 et remplacée par du double vitrage, avec cadres en chêne côté rue. Il n’assumait dès lors aucune responsabilité pour les nuisances sonores, étant relevé que les nuisances olfactives n’étaient pas en lien avec la question de la conformité des fenêtres et que les locataires étaient en droit d’ouvrir lesdites fenêtres sans être dérangés tous les soirs.

Il énumérait les démarches qu’il avait entreprises auprès de la ville à la suite d’un article paru dans la Tribune de Genève le 19 juin 2021 faisant suite aux deux arrêts de la chambre administrative ATA/504/2021 et ATA/505/2021 du 11 mai 2021. Dans ce second arrêt, la chambre administrative avait notamment retenu que les locataires riverains qui s’étaient plaints de nuisances sonores disposaient, dans le cadre de l’instruction de leurs plaintes formulées auprès de la ville, d’un intérêt digne de protection et, partant, de la qualité de partie. Il s’était donc joint à la « plainte » des voisins dont il était question dans cet arrêt et demandait la fermeture des terrasses à 23 heures tous les jours, week-ends compris. Parallèlement à ses échanges avec la ville sur cette problématique, il avait, le 18 août 2021, recouru contre une décision du 6 juillet 2021 du service de police du commerce de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) retenant qu’un riverain domicilié à la rue C______ – boulevard J______, ne disposait pas d’un droit à l’ouverture d’une procédure ni à ce qu’une décision soit prise en application de l’art. 4A de de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Le PCTN avait toutefois annulé cette décision le 21 octobre 2021 et la cause A/2700/2021 avait donc été rayée du rôle, selon arrêt de la chambre administrative ATA/1296/2021 du 26 novembre 2021.

Dans un arrêt 2C_214/2018 du 7 décembre 2018, le Tribunal fédéral avait retenu que la procédure consistant en l’instruction, par le PCTN, d’une plainte provenant d’un propriétaire en propriété par étage contre un bar avec restauration situé directement en dessous, était susceptible d’aboutir à une suspension, un retrait ou à une modification de l’autorisation d’exploiter l’établissement en question en application de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22). Il énumérait les dispositions tant conventionnelles, constitutionnelles, fédérale et cantonales, que légales, de nature administrative et civile, dont les locataires pouvaient se prévaloir étant donné leur droit de vivre dans un environnement sain à leur domicile.

Dans ses courriers à la ville, dont celui du 26 juillet 2021, il avait invoqué son intérêt digne de protection de propriétaire d’un immeuble dont les locataires se plaignaient des nuisances sonores précitées. Outre le préjudice subi quant à la perte de valeur de son immeuble compte tenu desdites nuisances, il s’exposait à des procédures judiciaires initiées par ses locataires, compte tenu du défaut dont était affecté son immeuble. Les réductions de loyer accordées par la justice civile dans de telles situations étaient de l’ordre de 15 % sur toute l’année. Elles seraient certainement supérieures, dans la mesure où les terrasses des bars en question étaient bondées toute l’année et occupées bien au-delà de 21 heures tous les jours de leur ouverture. Ces nuisances avaient un impact direct sur la santé desdits locataires, puisque l’une d’elles devait se lever à 5h30 pour se rendre à son travail et ne pouvait pas bénéficier de nuits de sommeil auxquelles elle avait pourtant droit selon la réglementation applicable en la matière. Vu les tensions sur le marché du logement à Genève et les loyers pratiqués, la plupart des locataires n’étaient pas en mesure d’échapper à ces nuisances en déménageant.

Il ne pouvait donc pas pleinement exploiter son immeuble, ce qui violait les principes de la garantie de la propriété et de la liberté économique, de manière illicite, dont la perturbatrice était la ville, puisqu’elle délivrait les autorisations aux bars en question pour l’exploitation de terrasses spatialement démesurées et sans restrictions journalières et horaires.

Il avait démontré bénéficier d’un intérêt digne de protection justifiant que le statut de partie lui soit accordé. En lui déniant ce statut et les droits en découlant, la ville commettait un déni de justice et violait gravement le principe de l’égalité de traitement. Si le courrier de la ville du 27 avril de 2022 ne devait pas être considéré comme une décision, il était demandé à la chambre administrative de constater que la ville commettait un déni de justice en refusant de lui notifier une décision.

6) La ville, dans des observations expédiées à la chambre administrative le 21 juin 2022 et non datées, a conclu, à titre principal, à l’irrecevabilité du recours et, à titre subsidiaire, à son rejet.

Le statut de M. A______, qui était uniquement propriétaire de l’immeuble concerné, n’était pas comparable à celui des riverains ayant donné lieu à l’arrêt ATA/505/2021. Il ne produisait aucune pièce en lien avec une prétendue dévalorisation de son bien immobilier. Il reconnaissait qu’aucune procédure judiciaire n’avait en l’état été initiée par ses locataires. En tant que propriétaire d’immeuble, s’il estimait qu’un fonds voisin troublait sa propriété, il lui appartenait d’agir selon les règles du droit de voisinage pour faire cesser le trouble. Il devait également prendre ses propres mesures pour éliminer les défauts pouvant affecter son bien, ses locataires se plaignant d’un manque de conformité des fenêtres.

Dans son courrier du 6 juillet 2021, le PCTN avait admis la qualité de partie à des riverains, sans porter attention au fait que M. A______ n’était que propriétaire. Sa prétendue « plainte » était d’autant plus mal fondée que, contrairement aux riverains concernés par l’ATA/505/2021 précité, qui avaient fait appel aux autorités cantonales et municipales depuis 2014 déjà, il s’était adressé à la ville pour la première fois en été 2021 seulement.

Le courrier de la maire du 27 avril 2022 ne revêtait pas le caractère d’une décision, mais plutôt celui d’une prise de position d’une autorité communale. Aucune loi spéciale fédérale, cantonale ou réglementation communale n’accordait la qualité de partie à des propriétaires d’immeubles dans des cas similaires, ni ne prévoyait de procédure de plainte formalisée. Les divers courriers de M. A______ étaient donc des dénonciations.

S’agissant de l’exigence d’un intérêt digne de protection qui se devait d’être actuel, celui-ci devait être dénié, dans la mesure où M. A______ n’était ni voisin, ni riverain des établissements publics concernés, ne pouvait faire sien l’intérêt de tiers, soit en l’espèce de ses locataires, n’avait nullement démontré que son immeuble se dévaloriserait en raison des nuisances sonores en cause ni encore que des locataires auraient effectivement présenté des demandes de baisse de loyer.

L’exigence de subsidiarité faisait également défaut, dans la mesure où il avait la possibilité d’agir par une autre voie, à savoir contre les propriétaires des fonds voisins, et de se prémunir contre les plaintes des locataires selon lesquels les fenêtres de l’immeuble ne seraient pas aux normes car laissant entrer le froid, le bruit et la fumée.

Enfin, lui reconnaître la qualité de partie reviendrait à reconnaître à un propriétaire d’immeuble, n’ayant entrepris aucune démarche auprès de tiers directement responsables d’une situation pouvant lui causer un préjudice, le droit de se retourner directement contre les autorités délivrant les autorisations. Une telle situation deviendrait ingérable pour l’administration.

La ville énonçait ensuite les motifs pour lesquels, si la chambre de céans entrait sur le fond du litige, M. A______ devrait être débouté de ses conclusions.

7) M. A______ a déposé, le 25 juillet 2022, une réplique de quarante et une pages.

À titre liminaire, Monsieur K______, locataire d’un appartement de quatre pièces sis au rez-de-chaussée de son immeuble, souhaitait intervenir dans le cadre de la procédure, de sorte que son appel en cause devait être ordonné. M. K______, comme de nombreux voisins, avait signé diverses pétitions pour dénoncer d’importantes et nombreuses nuisances sonores et demander la fermeture des établissements deux fois par semaine et une fermeture complète des terrasses à 22h les autres soirs d’ouverture. Il pouvait se prévaloir des dispositions juridiques énoncées dans l’acte de recours lui permettant de vivre dans un environnement sain.

M. A______ « affinait » son argumentation selon laquelle il disposait d’un intérêt digne de protection. Quant au caractère actuel de cet intérêt, il rappelait qu’il pouvait exceptionnellement y être renoncé lorsque cette condition de recours ferait obstacle au contrôle de légalité d’un acte qui pourrait se reproduire en tout temps dans des circonstances semblables.

Il est revenu également longuement sur la problématique au fond des nuisances.

8) À la demande de la juge déléguée, la ville s’est déterminée le 16 août 2022 sur l’appel en cause de M. K______. Il devait selon elle être rejeté.

L’objet de la présente procédure était, principalement, la qualité de dénonciateur de M. A______ ou plus précisément l’absence de qualité de partie, ce qui ressortait par ailleurs de ses conclusions. Le résultat de la présente procédure ne serait alors pas opposable à M. K______. Quand bien même la chambre administrative devait admettre le recours de M. A______, l’institution de l’appel en cause ne permettait pas « de remédier à un défaut de participation des parties en étendant la procédure à des personnes qui bénéficieraient de la qualité de partie et qui auraient omis d’y participer ».

La ville s’est ensuite déterminée sur la réplique.

9) Les parties ont été informées, le 18 août 2022, que la cause était gardée à juger, y compris sur la demande d’appel en cause.

10) Les arguments de chacune d’elles seront pour le surplus discutés ci-dessous dans la mesure nécessaire au traitement du litige.

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2) L’autorité intimée soutient que son courrier du 27 avril 2022 n’est pas une décision susceptible de recours devant la chambre administrative.

a. En vertu de l'art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions au sens de l'art. 1 LPA, les mesures individuelles et concrètes prises par l'autorité dans les cas d'espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal, communal et ayant pour objet : de créer, de modifier ou d'annuler des droits ou des obligations (let. a) ; de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits, d'obligations ou de faits (let. b) ; de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations (let. c). Lorsqu'une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (art. 4 al. 4 LPA).

b. En droit genevois, la notion de décision est calquée sur le droit fédéral (ATA/599/2021 du 8 juin 2021 consid. 5b ; ATA/1656/2019 du 12 novembre 2019 consid. 2b). Il ne suffit pas que l'acte querellé ait des effets juridiques, encore faut-il que celui-ci vise des effets juridiques. Sa caractéristique en tant qu'acte juridique unilatéral tend à modifier la situation juridique de l'administré par la volonté de l'autorité, mais sur la base de et conformément à la loi (ATA/599/2021 précité consid. 5b ; ATA/1656/2019 précité consid. 2c). La décision a pour objet de régler une situation juridique, c'est-à-dire de déterminer les droits et obligations de sujets de droit en tant que tels (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2ème éd., 2015, p. 339 ss).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, en droit public, la notion de « décision » au sens large vise habituellement toute résolution que prend une autorité et qui est destinée à produire un certain effet juridique ou à constater l'existence ou l'inexistence d'un droit ou d'une obligation ; au sens étroit, c'est un acte qui, tout en répondant à cette définition, intervient dans un cas individuel et concret (ATF 135 II 328 consid. 2.1 ; 106 Ia 65 consid. 3 ; 99 Ia 518 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_282/2017 du 4 décembre 2017 consid. 2.1). La notion de décision implique donc un rapport juridique obligatoire et contraignant entre l'autorité et l'administré. De simples déclarations, comme des opinions, des communications, des prises de position, des recommandations et des renseignements n'entrent pas dans la catégorie des décisions, faute de caractère juridique contraignant (arrêts du Tribunal fédéral 1C_593/2016 du 11 septembre 2017 consid. 2.2 ; 8C_220/2011 du 2 mars 2012 consid. 4.1.2). Pour déterminer s'il y a ou non décision, il y a lieu de considérer les caractéristiques matérielles de l'acte. Un acte peut ainsi être qualifié de décision (matérielle), si, par son contenu, il en a le caractère, même s'il n'est pas intitulé comme tel et ne présente pas certains éléments formels typiques d'une décision, telle l'indication des voies de droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_282/2017 précité consid. 2.1 et les références citées).

c. Les décisions doivent en principe être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies et délais de recours (art. 46 al. 1 LPA). Elles sont notifiées aux parties, le cas échéant à leur domicile élu auprès de leur mandataire, par écrit (art. 46 al. 2 phr. 1 LPA).

Une notification irrégulière ne peut entraîner aucun préjudice pour les parties (art. 47 LPA).

Pour déterminer s'il y a ou non décision, il y a lieu de considérer les caractéristiques matérielles de l'acte. Un acte peut ainsi être qualifié de décision (matérielle), si, par son contenu, il en a le caractère, même s'il n'est pas intitulé comme tel et ne présente pas certains éléments formels typiques d'une décision, telle l'indication des voies de droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_282/2017 précité consid. 2.1 et les références citées).

d. En l’espèce la ville a, dans son courrier du 27 avril 2022, dénié la qualité de partie au recourant dans le cadre des doléances que ce dernier lui a adressées dès l’année 2021 et au terme desquelles il demandait notamment la réduction des horaires d’exploitation d’établissements publics situés dans la rue de l’immeuble dont il est propriétaire, en raison des nuisances notamment sonores. Ce faisant, elle lui dénie les droits attachés à cette qualité. Ce courrier, bien que ne mentionnant pas les voies de droit, est partant une décision au sens de l’art. 4 LPA et peut être attaqué comme tel devant la chambre de céans.

3) L’autorité intimée soutient que le recours serait irrecevable faute d’intérêt juridique direct actuel du recourant.

a. Selon l'art. 60 al. 1 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

La jurisprudence a précisé que les lettres a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/286/2018 du 27 mars 2018 et la jurisprudence citée).

b. Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1). L'intérêt invoqué, qui n'est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver, avec l'objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération (ATF 143 II 512 consid. 5.1). L'intérêt à obtenir un jugement favorable doit être personnel, direct, immédiat et actuel (MGC 1984 I 1604 ss ; 1985 III 4373 ss ; ATA/1059/2015 du 6 octobre 2015 consid. 3a).

c. Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_892/2011 du 17 mars 2012 consid. 1.2). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; ATA/286/2018 précité).

d. La dénonciation est une procédure non contentieuse par laquelle n'importe quel administré peut attirer l'attention d'une autorité hiérarchiquement supérieure sur une situation de fait ou de droit qui justifierait à son avis une intervention de l'État dans l'intérêt public. La dénonciation est possible dans toute matière où l'autorité pourrait intervenir d'office. En principe, l'administré n'a aucun droit à ce que sa dénonciation soit suivie d'effets, car l'autorité saisie peut, après un examen sommaire, décider de la classer sans suite ; le dénonciateur n'a même pas de droit à ce que l'autorité prenne une décision au sujet de sa dénonciation (ATF 133 II 468 consid. 2 ; 135 II 145 consid. 6.1 ; ATA/1123/2020 précité consid. 4c et les références citées). La dénonciation à l'autorité de surveillance ne confère pas la qualité de partie et ne donne pas droit à obtenir une décision, ni celui d'être entendu, de consulter le dossier ou d'exiger des mesures d'instruction (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 1448 p. 497).

Par conséquent, dans une procédure non contentieuse, la seule qualité de plaignant ou de dénonciateur ne donne pas le droit de recourir contre la décision prise. Pour jouir de la qualité pour recourir, le plaignant ou le dénonciateur doit non seulement se trouver dans un rapport étroit et spécial avec la situation litigieuse, mais doit encore pouvoir invoquer un intérêt digne de protection à ce que l'autorité de surveillance intervienne (ATF 135 II 145 consid. 6.1 ; 133 II 468 consid. 2). La question de savoir si un dénonciateur remplissait les conditions précitées et donc jouit de la qualité de partie doit être résolue différemment selon les matières et les circonstances d'espèce. Afin d'opérer une délimitation raisonnable avec le « recours populaire », la qualité de partie au dénonciateur n’est pas reconnue lorsque celui-ci pourrait sauvegarder ses intérêts d'une autre manière, notamment par le biais d'une procédure pénale ou civile. Il en va de même lorsque l'activité administrative s'en trouverait compliquée de manière excessive (ATF 139 II 279 consid. 2.3 et les références citées). En d'autres termes, le dénonciateur ayant un intérêt digne de protection à l'issue d'une procédure a la qualité de partie si cette procédure est le seul moyen pour lui de voir protégé son intérêt digne de protection, direct et spécial (arrêt du Tribunal fédéral 5A_422/2020 du 25 novembre 2020 consid. 1.4.3.3).

e. La chambre administrative a déclaré recevable un recours contre une autorisation accordée à un bar en vertu de la LRDBHD pour organiser une animation avec musique enregistrée dans ledit établissement, durant les heures autorisées de ce dernier, interjeté par des voisins habitant au deuxième étage du même immeuble, lesquels avaient formé une plainte auprès du service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) avant la délivrance de l'autorisation attaquée (ATA/308/2019 du 26 mars 2019 consid. 4).

Dans un arrêt plus récent, la chambre de céans a considéré que les voisins directs d'une parcelle sur laquelle était située la terrasse, dont l'exploitation avait été autorisée par la décision d'une commune, pouvaient recourir contre celle-ci. En tant qu'ils se plaignaient des nuisances sonores en émanant, les voisins pouvaient effectivement, conformément à la jurisprudence précitée, se prévaloir d'un intérêt digne de protection et ainsi avoir la qualité pour recourir (ATA/1819/2019 du 17 décembre 2019).

Il ressort de l’ATA/504/2021 précité, auquel se réfère notamment le recourant, que les voisins directs de la parcelle sur laquelle sont situées des terrasses dans le secteur rue C______/boulevard J______, se sont vu reconnaître la qualité pour recourir contre la décision de la ville autorisant l’exploitation desdites terrasses, puisque plusieurs de leurs fenêtres donnaient sur lesdites terrasses. En tant qu'ils se plaignaient des nuisances sonores en émanant, ceux-ci pouvaient effectivement se prévaloir d'un intérêt digne de protection.

Par ailleurs, les différentes mesures prises les derniers mois par les autorités cantonales et/ou fédérales à l'encontre des bars et restaurants (et de leurs terrasses) qu'elles soient restrictives (fermeture, restriction horaire, etc.) ou extensives (agrandissement temporaire des terrasses, prolongation de la période d'exploitation des terrasses, etc.) l'avaient été dans le contexte particulier de la pandémie mondiale. Ces mesures relevaient donc de circonstances exceptionnelles et ne pouvaient avoir un impact direct sur le litige et l'autorisation querellée, dès lors qu'elles étaient a priori amenées à être limitées dans le temps. Le Conseil fédéral avait d'ailleurs autorisé la réouverture des terrasses des restaurants et des bars à compter du 19 avril 2021. Les recourants disposaient ainsi toujours d'un intérêt actuel à recourir contre la décision litigieuse.

4) En l'occurrence, le raisonnement tenu par la chambre de céans dans l’arrêt ATA/505/2021 auquel le recourant se réfère peut servir de base dans la présente procédure pour examiner sa qualité pour recourir, respectivement s’il peut se prévaloir de la qualité de partie à l’égard de la ville.

Ainsi, la LRDBHD, sur laquelle le recourant s’est notamment fondé pour former sa plainte, à compter de sa lettre à la ville du 21 février 2022, vise entre autres objectifs, à protéger la tranquillité des riverains (art. 1 al. 1 et 2 LRDBHD ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_214/2018 précité consid. 4.8.3). La loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (loi sur la protection de l’environnement, LPE - RS 814.01) et l'ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB - RS 814.41), sur lesquelles se fonde également le recourant, ont de même pour but de protéger la population contre le bruit nuisible ou incommodant (art. 1 al. 1 LPE ; art. 1 al. 1 OPB). Il est par ailleurs indéniable que les éventuelles mesures qui pourraient être prises par l'autorité intimée à la suite de l'instruction de la plainte (suspension, retrait, modification de l'autorisation d'exploiter les terrasses des établissements) influenceraient directement la situation des locataires de l’immeuble du recourant, dont les chambres à coucher donneraient juste en dessus ou à proximité immédiate des terrasses litigieuses.

Pour reprendre les termes dudit arrêt, « il ressort par ailleurs du dossier que de manière générale les riverains de la rue C______et du boulevard J______ multiplient depuis 2014 les actions pour faire cesser les nuisances sonores qu'ils estiment provenir des terrasses des établissements visés par les doléances du recourant, soit notamment des plaintes, des pétitions, des courriers et courriels auprès de tous les interlocuteurs potentiellement concernés, à savoir les exploitants, la ville, le canton de Genève, la police municipale, le SABRA, le PCTN, leurs propriétaires ou régies ainsi qu'à des politiciens ou politiciennes. Selon eux, aucune de ces démarches n'a abouti à un changement de la situation. À l'exception de « L______ » contre laquelle les recourants ont agi dans le cadre d'une autre procédure, il ne ressort pas du dossier et l'autorité intimée ne le prétend d'ailleurs pas que les recourants auraient pu agir contre les établissements concernés par une autre voie, soit notamment en recourant contre une quelconque décision rendue récemment, ceux-ci étant notamment au bénéfice d'autorisations d'exploiter leur terrasse depuis plusieurs années. La chambre de céans est ainsi d'avis que dans les circonstances particulières du cas d'espèce, les recourants disposent d'un intérêt digne de protection dans le cadre de la plainte qu'ils ont formée le 25 juillet 2020 et que la qualité de parties et les droits qui en découlent doit leur être reconnue dans la cadre de l'instruction de celle-ci ».

À l’inverse et comme justement relevé par la ville, le recourant, en sa qualité de propriétaire d’un immeuble situé dans le secteur en cause, n’a en l’espèce pas d’intérêt direct lui permettant de se prévaloir de la qualité de partie. Ainsi, s’il s’estime lésé par un excès de leurs droits par les propriétaires des fonds voisins de son immeuble, il dispose d’actions judiciaires civiles pour défendre ses droits, conformément à l’art. 679 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210). En matière de baux et loyers, il aurait à se défendre contre d’hypothétiques demandes de réduction de loyer que ses locataires pourraient déposer à l’avenir pour diminution de jouissance de la chose louée (art. 259 al. 1 let. b de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), ce qui constituerait un dommage indirect en cas in fine d’octroi d’une telle réduction en raison des nuisances dénoncées. Enfin, il ne démontre nullement un préjudice actuel d’une diminution de la valeur de son immeuble causé par les nuisances sonores et olfactives dénoncées.

Dans ces conditions, c’est à juste titre que la ville ne lui a pas reconnu la qualité de partie et, partant, les droits y afférents. Ceci a pour conséquence qu’il ne dispose pas de la qualité pour recourir, de sorte que son recours est irrecevable.

Ce constat rend sans objet sa demande de transport sur place et la demande d’appel en cause de l’un de ses locataires.

5) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 9 mai 2022 par Monsieur A______ contre la décision de la Ville de Genève du 27 avril 2022 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Alexia Maulini, avocate du recourant, ainsi qu'à la Ville de Genève.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Krauskopf et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. Meyer

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :