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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2645/2022

ATA/925/2022 du 15.09.2022 sur JTAPI/870/2022 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2645/2022-MC ATA/925/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 septembre 2022

en section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Magali Buser, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________



Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 août 2022 (JTAPI/870/2022)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1974, est originaire du Cameroun.

2) M. A______ est arrivé en Suisse le 21 février 2002.

Il a déposé le même jour une demande d'asile, laquelle a été rejetée par le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : le SEM) le 8 octobre 2002, décision assortie d'un renvoi de Suisse. La prise en charge de M. A______ et l'exécution de son renvoi ont été confiées au canton du Tessin.

3) À une date restée indéterminée, le canton du Tessin a accordé à M. A______ une autorisation de séjour en raison de son mariage avec une Suissesse.

Cette autorisation a été régulièrement prolongée jusqu'au 19 décembre 2011.

4) Le 12 avril 2012, M. A______ s'est vu notifier une interdiction d'entrée en Suisse (ci-après : IES) prononcée par le SEM et valable jusqu'au 5 avril 2027, au motif qu'il avait fait l'objet d'une condamnation, le 15 septembre 2010, par le Tribunal d'assise tessinois à une peine privative de liberté de deux ans et neuf mois pour infraction à l'art. 19 al. 2 de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121). L’interdiction d’entrée était étendue à l'ensemble de l'espace Schengen.

5) Entre 2012 et 2015, M. A______ a été condamné à trois reprises par les instances pénales argoviennes, vaudoises, respectivement zurichoises, pour faux dans les certificats (art. 252 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 – CP - RS 311.0), entrée et séjour illégal (art. 115 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20) et usage abusif de permis et de plaques (art. 97 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 - LCR - RS 741.01).

6) Le 12 mai 2016, il a été placé en détention administrative par les autorités du canton de Zurich pour une durée de quatre-vingt-six jours en application de l'art. 76 LEI, avant d'obtenir un laissez-passer et être renvoyé au Cameroun le 5 août 2016.

7) M. A______ est revenu en Suisse le 11 avril 2018.

8) Il a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public vaudois le 21 janvier 2019 pour entrée illégale (art. 115 al. 1 LEI).

9) Le 30 juin 2018, il a été placé en détention administrative par les autorités vaudoises pour une durée de 101 jours en vertu de l'art. 76 LEI avant d'obtenir un laissez-passer et d’être renvoyé au Cameroun le 8 octobre 2018.

10) De retour en Suisse, M. A______ a été condamné à deux reprises par ordonnances pénales des ministères publics fribourgeois et genevois les 18 novembre 2019 et 14 août 2020, pour entrée illégale (art. 115 al. 1 LEI).

11) Le 31 mai 2022, M. A______ a été arrêté par les gardes-frontière au passage frontière de Thônex, lors de son entrée en Suisse. Les contrôles ont permis de mettre en évidence qu’il faisait l'objet d'un signalement dans la base de données RIPOL comme étant sous IES et dans l'ensemble de l'espace Schengen jusqu'au 5 avril 2027. Il faisait également l'objet d'une non-admission de ressortissant tiers sur le territoire Schengen émanant des autorités françaises.

Entendu par les gardes-frontières, M. A______ a déclaré qu'il se savait faire l'objet d'une IES mais qu'il était venu à Genève pour prendre des médicaments pour sa mère et les envoyer en Afrique. Il n'était pas en possession d'un document d'identité. Au sujet de sa situation personnelle, il a expliqué qu'il résidait en France et n'avait ni adresse à Genève ni lien particulier avec la Suisse.

Prévenu d’entrée illégale en Suisse, il a été mis à disposition du Ministère public genevois sur ordre du commissaire de police.

12) Par ordonnance pénale du 1er juin 2022, le Ministère public genevois a condamné M. A______ pour entrée illégale (art. 115 LEI).

M. A______ a été écroué à la prison de Champ-Dollon en vue de purger deux écrous judiciaires.

13) Par décision déclarée exécutoire nonobstant recours du 8 juin 2022, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : l'OCPM) a prononcé le renvoi de Suisse de M. A______, en application de l’art. 64 LEI, et a chargé les services de police de procéder à l’exécution de cette mesure dès sa remise en liberté.

14) Le 16 juin 2022, les services de police ont déposé auprès du SEM une demande de soutien tendant à l'identification et à la délivrance d'un laissez-passer en faveur de M. A______, celui-ci étant démuni de documents d'identité.

15) Le 13 juillet 2022, le SEM a informé la police genevoise que l'ambassade du Cameroun ne s'était pas encore déterminée sur la question de savoir si un laissez-passer pourrait être établi en faveur de M. A______ sans audition préalable par l'autorité camerounaise lors d'une audition centralisée.

16) Le 18 juillet 2022, le SEM a indiqué à l'OCPM que l'ambassade du Cameroun avait assuré qu'un nouveau laissez-passer pourrait être obtenu sans audition ultérieure de M. A______ et qu'une réservation de vol (avec un délai d'au moins 3-4 semaines) pouvait être effectuée.

17) Le même jour, les services de police ont procédé à la réservation auprès de swissREPAT d'une place à bord d'un avion de ligne à destination de Yaoundé, au Cameroun.

18) Le 19 juillet 2022, le SEM a soumis une demande formelle à l'ambassade de Cameroun en vue de l'obtention d'un laissez-passer.

19) Le 20 juillet 2022, l'ambassade de Cameroun a délivré un laissez-passer en faveur de M. A______ valable jusqu'au 18 septembre 2022.

20) Le vol devant assurer le refoulement de ce dernier au Cameroun a été confirmé pour le 7 août 2022 à 12h55 au départ de Genève.

21) Le 7 août 2022, M. A______ a été extrait de la prison de Champ-Dollon et acheminé à l'aéroport de Genève en vue du vol.

Il a toutefois refusé d'embarquer suite à quoi il a été réincarcéré à la prison de Champ-Dollon.

22) Au terme de sa détention pénale, M. A______ a été mis à disposition des services de police le 8 août 2022.

23) Le 8 août 2022, à 15h15, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de deux mois sur la base de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI en lien avec l'art. 75 al. 1 let. c LEI et de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI, précisant que les démarches en vue de l'organisation d'un nouveau vol, cette fois-ci avec escorte policière, seraient entamées dans les meilleurs délais.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi au Cameroun. Il suivait un traitement médical contre le diabète et il était accusé dans son pays d'appartenir au groupement B______.

Le même jour, le commissaire de police a soumis l’ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

24) Entendu le 11 août 2022 par le TAPI, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi au Cameroun. Il risquait la prison dans ce pays dès lors qu'il était soupçonné, à tort, de participer au financement du groupement islamiste B______. Lors de son renvoi en 2018 au Cameroun, il avait été incarcéré pendant une durée d'environ six mois et avait subi des violences de la part des autorités de son pays. Par l'intermédiaire d'amis, il avait été exfiltré et s'était rendu au Nigéria. Il avait ensuite rejoint la France où il était arrivé au début de l'année 2021. Il souhaitait déposer une demande d'asile dans ce pays. Vu l'interdiction prononcée à son encontre par les autorités françaises, il allait tenter d'obtenir l'asile dans un autre pays européen, comme l'Italie ou la Belgique. À ce jour, il ne disposait d'aucune autorisation de séjour dans un pays européen. Il avait bien compris les différences entre l'exécution d'un départ à bord d'un vol de ligne ou sous escorte policière tel que les avait rappelées le représentant du commissaire de police. Toutefois, selon l'expérience de ses précédents renvois à bord d'un vol de ligne, le commandant de bord de l'avion avait été informé de sa situation et à l'arrivée au Cameroun, il avait été le dernier à sortir de l'avion pour être remis en mains des autorités de son pays.

Le conseil de M. A______ a indiqué qu'après le prononcé de l'ordre de mise en détention administrative le 8 août 2022, son client avait été une nouvelle fois entendu par la police, le 10 août 2022 sans qu'elle ne l'en ait informée ni invitée à l’assister. Elle n'avait pas non plus reçu de procès-verbal de cette audition.

Le représentant du commissaire de police a déclaré qu'il n'était pas au courant de cette audition en particulier mais a expliqué que la brigade migration-retour entendait régulièrement les personnes faisant l'objet d'une mesure de contrainte au sujet des modalités de leur refoulement. Si le TAPI le demandait, il pourrait transmettre le procès-verbal dès l'issue de l’audience.

Le TAPI a invité le représentant du commissaire de police à faire en sorte que les avocats nommés d'office pour la défense des personnes faisant l'objet d'une mesure de contrainte soient dûment informés des auditions par la police de leurs clients.

Le représentant du commissaire de police a ajouté que les démarches en vue de la réservation d'un vol avec escorte policière à destination du Cameroun étaient en cours. Le SEM requérait toutefois au préalable l'établissement d'un rapport médical concernant M. A______. Le médecin de Favra était ainsi chargé de l'examiner. Le rapport du médecin devait être établi dans la semaine puis selon son résultat, l'organisation du vol sous escorte proprement dit devait prendre environ trois semaines. Pour le surplus, il a conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative tant sur son principe que sa durée.

Le conseil de M. A______ a plaidé. Son client s'opposait à sa détention administrative en vue de son renvoi, lequel n'était manifestement pas exécutable en raison du risque qu'il courait dans son pays. Elle s'en est rapportée à justice concernant la durée de la détention administrative.

25) Par jugement du 11 août 2022, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 7 octobre 2022.

26) Par requête du 23 août 2022, reçue par le TAPI le lendemain, M. A______ a formé une demande de mise en liberté, car la durée de sa détention était disproportionnée et injuste. Il souhaitait récupérer sa liberté afin de quitter la Suisse.

27) Lors de l’audience du 30 août 2022 devant le TAPI, M. A______ a déclaré maintenir sa demande de mise en liberté. Celle-ci était également motivée par le fait que l’on voulait le renvoyer au Cameroun où il risquait la torture. Il n’avait pas recouru contre le jugement du TAPI du 11 août 2022 et n'était pas en mesure de fournir des pièces à l’appui de ses allégations, car les tortures et mauvais traitements étaient faits de manière illégale et personne n’était à même d’en attester. Il n’y avait pas de fait nouveau depuis sa dernière audition devant le TAPI. Il n’avait pas déposé de demande d’asile dans un autre pays que la Suisse.

Son conseil s’en est rapportée à justice quant à la demande de mise en liberté, relevant que les craintes de son client lui apparaissaient légitimes et fondées.

La représentante de l'OCPM a indiqué que les démarches étaient en cours en vue du refoulement de l’intéressé au Cameroun. Un vol DEPA était en voie d’organisation et devrait avoir lieu le 14 septembre 2022. Elle a versé à la procédure un document en attestant. L’intéressé était par ailleurs préinscrit sur un vol spécial qui pourrait avoir lieu d’ici la fin de l’année. Elle a demandé le rejet de la demande de mise en liberté de M. A______ et, en tant que de besoin la confirmation de sa détention administrative.

28) Par jugement du 30 août 2022, le TAPI a rejeté la demande de mise en liberté et confirmé en tant que besoin la détention administrative jusqu’au 7 octobre 2022.

Le respect des conditions légales de la détention de M. A______ avait été constaté par jugement du TAPI du 11 août 2022, et les circonstances ayant conduit à la détention n’avaient pas changé. La durée de la détention avait également été confirmée par le TAPI, et ce dernier avait constaté que les autorités procédaient dans le respect du principe de célérité. Le vol devait avoir lieu le 14 septembre 2022, et M. A______ était par ailleurs préinscrit sur un vol spécial. En l’absence d’éléments nouveaux, il n’y avait toujours pas lieu de considérer que l’exécution du renvoi serait impossible, illicite ou non raisonnablement exigible.

29) Par acte remis à la poste le 7 septembre 2022, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à sa mise en liberté immédiate.

Il avait déposé une demande d’asile le 5 septembre 2022. Il avait subi des actes de torture dans son pays lorsqu’il y avait été renvoyé la seconde fois en 2018. En 2014, sa famille avait payé une rançon au groupe B______ pour la libération de ses deux frères, de son oncle et de son cousin. L’État camerounais considérait depuis lors qu’il finançait ce groupe terroriste. Toujours en 2014, B______ avait attaqué la maison de sa famille et tiré à trois reprises sur lui. Dans le cadre de la même attaque, un liquide corrosif avait été jeté sur la maison et une explosion s’était produite, qui l’avait blessé à l’arrière du crâne. Des photographies de ses cicatrices avaient été prises pour en attester et il produirait un certificat médical. Lors de son renvoi au Cameroun en 2016, la police avait gardé ses papiers et lui avait demandé de se présenter, mais il n’avait pas obéi à la convocation et préféré fuir le pays. Lors de son second renvoi en 2018, la police l’attendait à l’aéroport et l’avait interrogé, torturé et incarcéré, mais il était parvenu à fuir avec la complicité d’un gardien lors d’un transfert, et avait à nouveau fui le pays. Il souhaitait être entendu oralement au sujet de ces événements, en particulier des actes de torture. Il craignait pour sa vie et on intégrité corporelle s’il rentrait au pays, et c’était pourquoi il avait demandé sa mise en liberté le 23 août 2022 et l’asile le 5 septembre 2022.

Il n’avait pas déposé de demande d’asile auparavant car il craignait que les autorités de son pays soient informées de ses motifs. Il se rendait compte que son renvoi était imminent et ses craintes se concrétisaient. Il n’avait d’autre choix que de déposer une demande d’asile. Il exposerait en détail au SEM les tortures subies et se tenait prêt à les décrire devant la chambre administrative. Son renvoi n’était manifestement pas exigible.

30) Le 9 septembre 2022, M. A______ a versé à la procédure un certificat médical établi le 7 septembre 2022 par le Docteur C______, spécialiste FMH en médecine interne générale, en charge de celui-ci au sein de l’établissement de Frambois.

Selon le Dr C______, M. A______ était connu depuis 2013 pour un diabète non insulino-requérant, dont le contrôle semblait satisfaisant sous un traitement associant Metformine 2 x 500 mg/j et Diamicron 60 mg/j. Il nécessitait une visite par un médecin généraliste à raison d’une ou deux consultations par année au minimum, et la poursuite de son traitement médicamenteux.

Par ailleurs, M. A______ présentait trois cicatrices basi-thoraciques gauches qu’il expliquait être consécutives à des plaies par balles survenues en 2014 dans son pays lors d’une attaque de sa maison par le groupe B______. La partie postérieure de son crâne présentait une alopécie d’aspect cicatriciel qu’il expliquait avoir été produite par l’exposition à un liquide corrosif jeté sur sa maison lors de la même attaque.

31) Le 12 septembre 2022, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

La demande d’asile serait traitée par le SEM. Les photographies produites n’attestaient nullement les sévices prétendument infligés par les autorités de son pays en 2018.

Le recourant contestait en réalité la décision de renvoi prononcée le 8 juin 2022, entrée en force et qui était soustraite à l’examen de la chambre administrative dans la procédure de demande de mise en liberté, sous réserve d’être manifestement inadmissible, soit arbitraire ou nulle. Il appartenait au SEM de se prononcer sur sa qualité de réfugié. Tant que celle-ci ne lui aurait pas été reconnue, son renvoi demeurerait possible dans un délai prévisible ou raisonnable avec une probabilité suffisante.

32) Le 13 septembre 2022, M. A______ a répliqué, et persisté dans ses conclusions.

Les deux procédures étaient liées et il était « totalement malvenu de tenter de renvoyer une personne qui alléguait avoir subi des actes de torture lors du dernier renvoi forcé par la Suisse ». L’instruction devait être faite et le maintien en détention durant cette instruction n’apparaissait pas proportionné, la durée de cette dernière ne pouvant être déterminée.

Il n’avait des antécédents pénaux uniquement pour entrée et séjour illégal et l’intérêt public à le voir quitter la Suisse n’était « pas si évident ».

33) Le 13 septembre 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

Il sera revenu en tant que de besoin sur les arguments et les pièces du recourant dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l'art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 9 septembre 2022 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3) Le recourant propose d’être entendu par la chambre de céans pour exposer oralement les agressions et les menaces subies et les dangers encourus au Cameroun.

a. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit de produire des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite aux offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1). Cela n’implique pas une audition personnelle de l’intéressé, celui-ci devant simplement disposer d’une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l’issue de la cause (art. 41 LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1003/2017 du 21 juin 2018 consid. 3 et les arrêts cités ; ATA/723/2018 du 10 juillet 2018 et les arrêts cités). L'autorité peut renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

b. En l'espèce, le recourant a eu l’occasion de s’exprimer oralement devant le commissaire de police puis le TAPI et par écrit devant la chambre de céans, et de produire toute pièce utile. Il n’expose pas quels éléments supplémentaires utiles à la solution du litige, qu’il n’aurait pas pu décrire ou produire par écrit, son audition permettrait d’apporter.

Il ne sera pas donné suite à sa demande.

4) Le recours a pour objet la conformité au droit du jugement du 30 août 2022 par lequel le TAPI a rejeté la demande de mise en liberté formée par le recourant.

À teneur de l’art. 10 LaLEtr, la chambre de céans est compétente pour apprécier l'opportunité des décisions portées devant elle en cette matière
(al. 2 2ème phr.) ; elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; le cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l'étranger (al. 3 1ère phr.).

5) a. La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101 ; ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 précité consid. 4.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

b. En vertu de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI en lien avec l'art. 75 al. 1 LEI, après notification d'une décision de première instance d'expulsion au sens de la LEI ou des art. 66a ou 66abis CP, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, notamment si des éléments concrets font craindre que la personne concernée entende se soustraire à son renvoi ou à son expulsion, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer ou si son comportement permet de conclure qu'elle refuse d’obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4), mettre en détention la personne concernée, notamment si elle a été condamnée pour crime (art. 75 al. 1 let. h LEI). Les chiffres 3 et 4 de l'art. 76 LEI décrivent tous deux les comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition (arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).

6) En l'espèce, les conditions d'une détention administrative sont remplies, notamment vu la condamnation du recourant en 2010 pour infraction à l’art. 19 al. 2 LStup, soit un crime au sens de l'art. 10 al. 2 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0). Le recourant a par ailleurs été condamné à de nombreuses reprises pour entrée ou séjour illégal. Il s’est vu notifier le 8 octobre 2002 un renvoi de Suisse, le 12 avril 2012 une interdiction d’entrée en Suisse et dans l’espace Schengen valable jusqu’en 2027 et le 8 juin 2022 un renvoi de Suisse. Il a effectivement été renvoyé au Cameroun les 5 août 2016 et 8 octobre 2018 mais est à chaque fois revenu en Suisse sans droit. Il a refusé d’embarquer dans le vol de ligne du 7 août 2022 et déclaré à plusieurs reprises qu’il refusait de retourner au Cameroun.

Le recourant ne conteste d’ailleurs pas que les conditions de la détention administrative sont réunies sous cet angle. Il n’a attaqué ni la décision de renvoi du 8 juin 2022 ni le jugement du TAPI du 11 août 2022 confirmant l’ordre de mise en détention administrative du 8 août 2022 pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 7 octobre 2022.

7) a. La détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité. Ce principe, garanti par l'art. 36 al. 3 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé – de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).

b. En l’espèce, la détention est nécessaire pour assurer le renvoi du recourant en temps voulu. Elle est apte à atteindre ce but et est proportionnée au sens étroit, l’intérêt de ce dernier à être libéré devant céder le pas à l’intérêt public à son renvoi au vu de ses nombreuses condamnations, par les instances pénales tessinoises, argoviennes, zurichoises, vaudoises et genevoises, pour infraction grave à la LStup et infractions à la LEI, du mépris affiché pour les décisions de renvoi et de la volonté manifestée de se soustraire à leur exécution. La durée de la détention, qui a commencé le 8 août 2022, est proportionnée au vu de l’ensemble des circonstances et est compatible avec la durée maximale prévue par l’art. 79 LEI. La célérité des autorités suisses, qui n’ont pas désemparé pour organiser le renvoi du recourant, ne prête pas flanc à la critique.

8) Le recourant demande sa mise en liberté. Il convient d’examiner si sa situation a évolué depuis la confirmation par le TAPI de sa détention le 11 août 2022.

Le 8 août 2022, devant le commissaire de police, le recourant a déclaré qu’il était accusé au Cameroun d'appartenir au groupement B______.

Le 11 août 2022, devant le TAPI, il a indiqué qu’il était soupçonné à tort de participer au financement du groupement islamiste B______, et que lors de son renvoi de 2018 il avait été incarcéré pendant une durée d'environ six mois et avait subi des violences de la part des autorités de son pays.

Le 30 août 2022, devant le TAPI, le recourant a soutenu qu’il « risqu[ait] la torture au Cameroun », ajoutant toutefois qu’il n’était pas en mesure de fournir des pièces à l’appui de ses allégations, car les tortures et les mauvais traitements étaient faits de manière illégale et personne n’était à même d’en attester.

Au vu des déclarations successives du recourant et des pièces dont il disposait, le TAPI a retenu sans excès ni abus de son pouvoir d’appréciation que la situation du recourant n’avait pas changé depuis le précédent jugement du 11 août 2022. Il lui appartenait dans ces circonstances de rejeter la demande de mise en liberté formée par ce dernier.

9) Le recourant soutient toutefois depuis lors, devant la chambre de céans, que son renvoi ne serait pas exigible, car son exécution l’exposerait à un danger pour sa vie et son intégrité physique, et il allègue avoir subi d’autres violences.

a. La détention doit être levée notamment si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). Dans ce cas, la détention dans l'attente de l'expulsion ne peut en effet plus être justifiée par une procédure d'éloignement en cours; elle est, de plus, contraire à l'art. 5 par. 1 let. f CEDH (ATF 130 II 56 consid. 4.1.1. ; 122 II 148 consid. 3). Les raisons juridiques ou matérielles doivent être importantes (« triftige Gründe »), l'exécution du renvoi devant être qualifiée d'impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêt du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.1 et les arrêts cités). Il s'agit d'évaluer la possibilité d'exécuter la décision de renvoi en fonction des circonstances de chaque cas d'espèce. Le facteur décisif est de savoir si l'exécution de la mesure d'éloignement semble possible dans un délai prévisible respectivement raisonnable avec une probabilité suffisante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_597/2020 du 3 août 2020 consid. 4.1). La détention viole l'art. 80 al. 6 let. a LEI, ainsi que le principe de proportionnalité, lorsqu'il y a de bonnes raisons de penser que tel ne pourra pas être le cas (ATF 130 II 56 consid. 4.1.3 et les arrêts cités). Sous l'angle de l'art. 80 al. 6 let. a LEI, la détention ne doit être levée que si la possibilité de procéder à l'expulsion est inexistante ou hautement improbable et purement théorique, mais pas s'il y a une chance sérieuse, bien que mince, d'y procéder (ATF 130 II 56 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_597/2020 du 3 août 2020 consid. 4.1).

b. Selon l’art. 80 al. 4 LEI, l’autorité judiciaire qui examine la décision de détention administrative, de maintien ou de levée de celle-ci, tient compte de la situation de la personne détenue et des conditions d’exécution de la détention. Celle-là doit en particulier être levée lorsque son motif n’existe plus ou si, selon l’art. 80 al. 6 LEI précité, l’exécution du renvoi ou de l’expulsion s’avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles, ou qu’elle ne peut être raisonnablement exigée, cette dernière disposition légale renvoyant à l’art. 83 al. 1 à 4 LEI.

Selon cette disposition, l'exécution n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut pas quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyé dans un de ces États (al. 2). L'exécution n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son État d'origine, dans son État de provenance ou dans un État tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (al. 3). L'exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (al. 4).

10) En l’espèce, le recourant fait valoir dans son recours devant la chambre de céans que des militants de Boko-Haram lui auraient tiré dessus à trois reprises lors d’une attaque de sa maison familiale au Cameroun en 2014, lors de laquelle son crâne aurait par ailleurs subi des brûlures, et produit des illustrations ainsi qu’un certificat médical qui établiraient les blessures.

La chambre de céans observe que le certificat médical établi le 7 septembre 2022 par le Dr C______ se limite à reproduire les allégations du recourant et les constatations médicales sans se prononcer sur les compatibilités des secondes avec les premières.

La demande d’asile formée le 5 septembre 2022 est constituée d’un courrier d’une page au centre fédéral d’hébergement de Perreux à Boudry, dans laquelle le recourant indique « vouloir déposer une demande d’asile en Suisse, car [il] ne peu[t] pas retourner dans son pays », sans autre précision.

Le recourant ne soutient pas avoir évoqué ses blessures depuis 2014, alors même qu’il a été entendu à de nombreuses reprises en Suisse par des autorités pénales et administratives. Lors de son audition par le TAPI le 30 août 2022, il s’est limité à affirmer qu’il risquait la torture s’il était renvoyé au Cameroun. Dans sa demande initiale de mise en liberté du 23 août 2022, il critique le caractère injuste et disproportionné de sa détention et indique vouloir récupérer sa liberté pour quitter la Suisse, sans mentionner aucunement les violences subies ni les menaces de torture en cas de retour au pays.

En l’absence de précisions et d’autres éléments probants, s’agissant d’une atteinte aussi grave, les photographies et le certificat médical produits sont inaptes à rendre vraisemblables les allégations du recourant concernant l’attaque de 2014 – étant observé que les trois cicatrices visibles sur les illustrations, qui seraient selon le recourant la preuve d’autant d’impacts de balles, se trouvent dans la partie latérale gauche du torse, soit dans la région du cœur, et que le recourant n’a fourni aucune information sur les soins qu’il aurait alors reçus.

L’enlèvement et le versement de la rançon en 2014, allégués eux aussi pour la première fois devant la chambre de céans, ainsi que les représailles que le recourant aurait subies en 2016 et 2018 de la part des autorités camerounaises, ne sont quant à eux aucunement documentés ni détaillés, de sorte qu’ils ne peuvent pas non plus être retenus comme vraisemblables.

Le recourant explique avoir tardé à former une demande d’asile, de peur que les autorités camerounaises soient informées. Cette explication paraît peu vraisemblable compte tenu de la gravité des atteintes et des risques allégués et de l’intérêt corrélatif du recourant d’obtenir l’asile, et du fait que les autorités camerounaises sont en toute hypothèse informées de son renvoi puisqu’elles ont été appelées à lui délivrer un laissez-passer. La crainte qu’il fait valoir n’a par ailleurs pas empêché le recourant de déclarer le 11 août 2022 qu’il envisageait de demander l’asile en France. Sa demande d’asile en Suisse du 5 septembre 2022 devrait quoi qu’il en soit être détaillée. Enfin, il ne soutient pas que ses craintes l’auraient empêché de faire valoir les agressions prétendument subies au Cameroun et le risque actuel de représailles allégué à tout le moins dans le cadre de la procédure de mesures de contrainte devant la police et l’OCPM.

Il sera encore observé qu’entre 2012 et 2015 le recourant a été condamné en Suisse à trois reprises dans différents cantons, sans qu’il n’explique quand, par quels moyens et pour quelle raison il aurait alors quitté la Suisse pour se trouver au Cameroun lors de l’attaque qu’il soutient avoir subi, sans autre précision de date, « en 2014 ».

Il résulte de ces éléments que le recourant ne rend pas vraisemblable qu’il subirait un risque grave et concret pour sa vie ou sa santé en cas de retour au Cameroun, qui rendrait l’exécution de son renvoi illicite, impossible ou non raisonnablement exigible, et partant priverait de fondement sa détention en vue de renvoi.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

11) La procédure étant gratuite (art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 septembre 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 août 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Magali Buser, avocate du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations ainsi qu'au centre Frambois LMC, pour information.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes McGregor et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. Marinheiro

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :