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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1145/2022

ATA/650/2022 du 23.06.2022 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1145/2022-AIDSO ATA/650/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 juin 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1) Monsieur A______, né en 1988, a bénéficié de l’aide sociale versée par l’Hospice général (ci-après : hospice) depuis le 1er novembre 2013.

Depuis 2013 et, en dernier lieu, les 15 juin 2020 et 7 juin 2021, il a signé le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général », par lequel il s’est notamment engagé à donner immédiatement et spontanément à celui-ci toute pièce nécessaire à l’établissement de sa situation personnelle, familiale et économique, tant en Suisse qu’à l’étranger, d’informer immédiatement et spontanément de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière et de se soumettre en tout temps à une enquête de l’hospice sur sa situation personnelle et économique et en autorisant en tout temps un contrôle à domicile. En signant ce document, il confirmait avoir pris acte qu’en cas de violation de la loi et des engagements précités, l’hospice se réservait de réduire ou supprimer ses prestations.

2) Lors du renouvellement de sa demande de prestation le 22 juillet 2020, M. A______ a confirmé vivre avec sa mère, Madame B______, dans un appartement de 4,5 pièces sis au boulevard ______ à Genève et ne payer aucune contribution d’entretien.

3) Par décision du 16 avril 2021, le Centre d’action sociale des Bains (ci-après : CAS) a mis un terme, dès le 1er mai 2021, au contrat d’aide sociale de M. A______, celui-ci ne s’étant pas présenté à plusieurs rendez-vous avec son assistante sociale et n’étant pas joignable.

Le pli recommandé contenant cette décision, expédié à l’adresse précitée, est revenu en retour avec la mention « le destinataire est introuvable à l’adresse indiquée ».

4) Lors de l’entretien de suivi du 7 juin 2021, auquel M. A______ s’est présenté, son assistante sociale lui a rappelé son obligation de collaborer, notamment en venant aux rendez-vous fixés.

5) Celui-ci ne s’est, cependant, à nouveau pas présenté aux rendez-vous de suivi du CAS des 14 juillet, 19 août et 19 octobre 2021.

6) Par courrier et courriel du 19 octobre 2021, l’assistante sociale a indiqué à M. A______, qui n’avait toujours pas produit les pièces nécessaires pour évaluer son droit aux prestations ni la demande de prestation, que seul l’envoi de celle-ci et des documents sollicités permettait d’examiner si et dans quelle mesure, il avait droit à des prestations.

7) Le 22 octobre 2021, M. A______ a signé une demande de prestation et remis des relevés bancaires ; il n’a fait état d’aucun changement dans sa situation.

8) Constatant qu’au regard des relevés bancaires du 1er août au 9 novembre 2021 de nombreuses transactions étaient effectuées en France, le CAS a sollicité un rapport du service des enquêtes et conformités de l’Hospice général (ci-après : service d’enquêtes).

9) Selon le rapport établi par ce service le 15 décembre 2021, les noms de M. A______ et de sa mère figuraient sur la boîte aux lettres et la porte palière à l’adresse indiquée par celui-ci. Le 16 novembre 2021, la mère de ce dernier avait répondu aux agents du service d’enquêtes qui s’étaient présentés au domicile, que son fils était chez son amie. Les convocations pour un entretien prévu les 23 et 26 novembre 2021 avec le service, envoyées par courrier postal puis déposées dans sa boîte aux lettres étaient restées vaines, étant précisé que le pli postal avait été retourné avec l’indication que le destinataire était introuvable à l’adresse en question. Un premier avertissement envoyé par pli recommandé le 2 décembre 2021 était resté sans suite, comme l’avait été la dernière convocation pour un entretien le 15 décembre 2021.

10) Par décision du 20 décembre 2021, le CAS, considérant que M. A______ avait refusé de se soumettre à une enquête de l’hospice, a mis un terme à son droit aux prestations d’aide financière dès le 1er janvier 2022. Le pli recommandé contenant la décision est également revenu en retour avec la mention « le destinataire est introuvable à l’adresse indiquée ».

11) À la demande M. A______, qui a pris contact avec son assistante sociale le 13 janvier 2022, celle-ci lui a transmis par courriel une copie de la décision précitée.

12) Le 25 janvier 2022, M. A______ a formé opposition, présentant ses « sincères excuses ». Il avait appelé le service pour prévenir son absence au premier rendez-vous le 2 décembre 2021, mais le réceptionniste n’avait pas pu lui passer la personne chargée de son dossier. Il n’avait pas reçu le second courrier du service qui fixait un rendez-vous le 15 décembre 2021. Sa mère avait réceptionné ce courrier, mais n’avait pas pu le lui transmettre ayant été hospitalisée en raison du Covid. Il avait été incarcéré depuis le 21 décembre 2021 et n’avait pu prendre connaissance de la décision que le 21 janvier 2022. Père de deux enfants, il avait un besoin vital de l’aide financière.

13) Le 22 mars 2022, M. A______ a informé par téléphone son assistante sociale qu’il était sorti de détention le 16 mars 2022 et redemandait l’aide financière dès le 1er avril 2022. L’appel provenait d’un numéro de téléphone français. Il a cependant indiqué à son interlocutrice qu’il habitait toujours chez sa mère.

14) L’hospice a octroyé à nouveau son aide financière à compter du 1er avril 2022.

15) Par décision du 4 avril 2022, l’hospice a rejeté l’opposition du 25 janvier 2022. Cette décision a été expédiée par pli simple et recommandé à l’adresse indiquée par M. A______. Le pli recommandé est revenu en retour avec l’indication « le destinataire est introuvable à l’adresse indiquée ».

16) Par acte expédié le 8 avril 2022, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice contre cette décision. Il habitait toujours chez sa mère. Celle-ci avait été retenue au Sénégal en raison du Covid et de décès dans la famille. Son appartement était situé au 1er étage et la porte était « défoncée ». Il n’avait pas de carte d’identité ni de passeport. Il était malade ; il était « un drogué ». La seule et unique personne qui l’aidait était sa mère. De retour de Sénégal, celle-ci avait eu connaissance que l’appartement du 4ème étage était inondé. Il levait le secret bancaire et fiscal à l’égard de l’hospice. Il était traumatisé par une « injustice inouïe » : on l’avait accusé d’avoir inondé l’appartement de sa mère et de tout casser. Il aimait sa mère. L’hôpital cantonal commençait à mettre en place des centres où il pouvait se soigner. Lorsque l’enquêteur était passé, il ne se sentait pas bien et avait dit à sa mère de ne pas ouvrir. Il s’était rendu au CAS, mais son assistante sociale n’y était pas. Il n’avait pas refusé de se soumettre à une enquête. La maladie de sa mère était « confidentielle » ; elle n’avait jamais eu le Covid.

17) L’hospice a conclu au rejet du recours.

18) Informé, par pli simple, qu’à défaut de réplique dans le délai fixé, la cause serait gardée à juger, le recourant ne s’est pas manifesté. Le pli a été retourné à la chambre administrative avec la mention « le destinataire est introuvable à l’adresse indiquée ».

19) Le pli a été adressé, une nouvelle fois, par pli simple et recommandé, au recourant, avec la précision que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Bien que le recourant ne prenne pas de conclusions, l’on comprend à la lecture de son courrier qu’il sollicite l’annulation de la décision du 4 avril 2022.

2) Est litigieux le bienfondé de la décision mettant fin à l'aide financière accordée au recourant avec effet au 1er janvier 2022.

a. Aux termes de l'art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.

b. En droit genevois, la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) et son règlement d'exécution du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) mettent en oeuvre ce principe constitutionnel.

À teneur de son art. 1 al. 1, la LIASI a pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel. Conformément à l'art. 9 al. 1 in initio LIASI, les prestations d'aide financière sont subsidiaires à toute autre source de revenu.

c. À teneur de l'art. 11 al. 1 LIASI, ont droit à des prestations d'aide financière prévues par cette loi, les personnes qui : ont leur domicile et leur résidence effective sur le territoire du canton de Genève (let. a) ; ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien (let. b) ; répondent aux autres conditions de la loi (let. c).

d. La LIASI impose un devoir de collaboration et de renseignement (ATA/768/2015 du 28 juillet 2015 consid. 7a ; ATA/1024/2014 du 16 décembre 2014 consid. 4 ; ATA/864/2014 du 4 novembre 2014 consid. 4).

Le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général » concrétise notamment l'obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu'il donne immédiatement et spontanément à l’hospice toute pièce nécessaire à l’établissement de sa situation personnelle et économique, tant en Suisse qu’à l’étranger, informe l’hospice immédiatement et spontanément de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière et de se soumettre en tout temps à une enquête de l’hospice sur sa situation personnelle et économique et en autorisant en tout temps un contrôle à domicile.

e. L'art. 35 LIASI décrit six cas dans lesquels les prestations d'aide financière peuvent être réduites, suspendues, refusées ou supprimées.

Tel est notamment le cas lorsque le bénéficiaire ne répond pas ou cesse de répondre aux conditions de la LIASI (art. 35 al. 1 let. a LIASI), lorsqu'il ne s'acquitte pas intentionnellement de son obligation de collaborer telle que prescrite par l'art. 32 LIASI ou lorsqu'il refuse de donner les informations requises, donne des indications fausses ou incomplètes ou cache des informations utiles (art. 35 al. 1 let. d LIASI).

f. La suppression ou la réduction des prestations d'assistance doit au surplus être conforme au principe de la proportionnalité, imposant une pesée de l'ensemble des circonstances. Il faut alors prendre en considération la personnalité et la conduite du bénéficiaire des prestations, la gravité des fautes qui lui sont reprochées, les circonstances de la suppression des prestations ainsi que l'ensemble de la situation de la personne concernée (ATF 122 II 193 ; ATA/1271/2017 du 12 septembre 2017 consid. 6c ; ATA/357/2017 du 23 mars 2017 consid. 7c).

g. En l’espèce, le recourant qui est bénéficiaire des prestations de l’hospice depuis de nombreuses années connaît ses obligations de collaboration à l’égard de celui-ci, ayant signé le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général » à de nombreuses reprises et encore en juin 2020 et juin 2021.

Malgré le rappel, lors de l’entretien de suivi du 7 juin 2021 avec son assistante sociale, de son obligation de collaborer, notamment en venant aux rendez-vous fixés, le recourant ne s’est pas présenté ni excusé aux entretiens fixés les 14 juillet, 19 août et 19 octobre 2021. Ayant sollicité de nouvelles prestations le 22 octobre 2021, le recourant a fait parvenir les relevés bancaires demandés. Il en ressortait que l’essentiel des débits et retraits avaient lieu en France. L’hospice a ainsi mandaté son service d’enquêtes afin de vérifier l’existence d’un domicile du recourant en Suisse. Or, malgré quatre convocations à un entretien avec ce service, dont deux attiraient expressément son attention sur le fait qu’en cas d’absence, des sanctions pourraient être prononcées à son encontre, le recourant n’y a donné aucune suite. Le recourant ne fournit aucune explication quant aux éventuelles causes justifiant son absence à ses entretiens. Il a par ailleurs soutenu, de manière contradictoire, que sa mère avait reçu le courrier fixant un rendez-vous avec les enquêteurs le 15 décembre 2021, mais n’avait pas pu le lui transmettre ayant été hospitalisée en raison du Covid, avant d’alléguer qu’elle avait été retenue au Sénégal en raison du Covid et de décès dans la famille, puis en exposant qu’elle n’avait jamais eu le Covid. Ces explications ne parviennent pas établir que le recourant aurait été, sans sa faute, empêché de se présenter au rendez-vous fixé le 15 décembre 2021. En outre, quand bien même un tel empêchement aurait existé, il ne ressort ni des explications du recourant ni du dossier qu’un autre motif valable aurait empêché le recourant de se présenter aux rendez-vous de suivi de juillet, août et octobre 2021 ainsi qu’aux trois autres rendez-vous du service d’enquêtes, voire de s’excuser en cas d’empêchement.

Le recourant expose avoir été chez lui lors du passage des enquêteurs, mais avoir dit à sa mère de leur indiquer qu’il n’était pas là, ne se sentant pas bien. Cette affirmation est contredite par les propos de sa mère, qui a indiqué qu’il se trouvait chez son amie, d’une part. D’autre part, le recourant aurait pu informer les enquêteurs qu’il ne se sentait pas en mesure de les recevoir ce jour-là.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, l’hospice était fondé à retenir que le comportement du recourant constituait un refus de collaborer au sens de l’art. 35 LIASI, justifiant la suppression de ses prestations. Pour le surplus, la décision respecte le principe de la proportionnalité, les prestations en faveur du recourant n’ayant été suspendues que pendant trois mois, période qui, au demeurant, selon ses allégations, comporte celle pendant laquelle il a été incarcéré.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

3) Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument. Le recourant succombant, il ne peut se voir allouer d’indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 avril 2022 par Monsieur A______ contre la décision de l’Hospice général du 4 avril 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Krauskopf et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :