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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1122/2022

ATA/504/2022 du 16.05.2022 ( ANIM ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1122/2022-ANIM ATA/504/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 16 mai 2022

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Romain Jordan, avocat

contre

SERVICE DE LA CONSOMMATION ET DES AFFAIRES VÉTÉRINAIRES



Vu, en fait, la décision du du service de la consommation et des affaires vétérinaires (ci-après : SCAV) du 17 mars 2022 1) ordonnant à Madame A______ la surveillance vétérinaire officielle du chien de race ______, né le ______ 2021, nommé « B______ », pour une durée de cent jours dès le 26 février 2022 jusqu’au 6 juin 2022, 2) de le maintenir à domicile et d’éviter tout contact avec les personnes extérieures à son lieu de résidence, la disparition ou la mort du chien devant être signalées dans les plus brefs délais au SCAV, 3) de le maintenir isolé de tout autre animal vivant d’espèce sensible à la rage, 4) de déplacer « B______ » dans un panier de transport ou muni d’une muselière lors de ses sorties, durant toute la durée de la surveillance vétérinaire ; 6, 7 et 8) de présenter le chien à son vétérinaire traitant deux fois par mois ainsi qu'à l'issue de la période de surveillance vétérinaire pour un contrôle sanitaire et transmettre au SCAV le rapport après chaque contrôle et à l'issue de ladite période, 5) interdit à Mme A______ de quitter le territoire suisse avec « B______ » ; 9) déroge à la vaccination antirabique obligatoire dès l’âge de cinq mois et à l'issue de la période de surveillance vétérinaire tant que le chien est sous isolement, celle-ci étant réalisée à la fin de l’isolement, 10) ordonne la mise à mort du chien en cas d’apparition de signes cliniques ne pouvant être rattachés avec certitude à une autre maladie que la rage ainsi que l’envoi immédiat du cadavre au laboratoire de référence pour analyse aux frais et risque de Mme A______, toute apparition d’un signe de maladie, d’un changement de comportement ou la mort du chien devant être signalés sans délai au vétérinaire traitant, 11) informe la propriétaire que la présentation du chien ou de son cadavre à un vétérinaire est à ses frais 12) interdit à celle-ci de céder le chien jusqu’à la fin de la période de surveillance, 13) informe l’intéressée que la levée de la mesure lui sera notifiée le moment venu, 14) met un émolument de CHF 220.- à sa charge, 15) lui impute les frais de notification de la décision de CHF 2.40, 16) l’informe qu’un rapport sera transmis au service des contraventions pour les suites pénales à donner en raison des manquements observés, 17) informe Mme A______ de son obligation de se conformer à la décision, sous la menace de faire l’objet d’une dénonciation pénale pour infraction à l’art. 48a de la loi sur les épizooties du 1er juillet 1996 (LFE – RS 916.40) et 18) prononce l’exécution immédiate de la décision ;

vu le recours interjeté le 8 avril 2022 par Mme A______ auprès de la chambre administrative de la Cour de justice contre cette décision, concluant à son annulation et à la levée immédiate de la surveillance vétérinaire ; qu’à titre préalable, elle requiert la restitution de l’effet suspensif et la levée de l’obligation de maintenir le canidé isolé de tout autre animal vivant d’espèce sensible à la rage et de toute personne extérieure à son lieu de résidence ainsi que de le déplacer en panier de transport ou muni d’une muselière (ch. 2, 3, 4), subsidiairement de lever les obligations précitées, sous réserve de celle du port de la muselière à l’occasion de contacts avec des personnes ou animaux, plus subsidiairement, d’autoriser Mme A______ à suivre des cours d’éducation canine ;

qu’elle expose avoir acquis le chien auprès d’une éleveuse professionnelle en France, pays indemne de rage urbaine ; qu’elle s’était fiée par erreur à l’indication de la venderesse que l’importation du chiot sans vaccin antirabique était possible s’il était âgé de moins de trois mois et non de moins de 12 semaines ; qu’elle avait importé le chien alors qu’il avait 12 semaines et 6 jours ; que l’éleveuse avait attesté qu’il n’avait pas été en contact avec des animaux sauvages ; que la recourante avait déjà produit deux attestations de son vétérinaire attestant que le chien était en bonne santé ; que le chien devait avoir des contacts suffisants avec des êtres humains et si possible d’autres chiens ; qu’aucun danger avéré ni urgence ne justifiait l’exécution immédiate de la décision ; le risque de rage du chien, né auprès d’une éleveuse professionnelle, était exclu ; l’intérêt du chiot à pouvoir socialiser était ainsi prépondérant ; l’isolation prescrite était de nature à compromettre son développement et sa socialisation ; il convenait ainsi de lever la mesure consistant à maintenir le chien isolé de tout autre animal et de toute personne extérieure à son domicile ainsi que l’obligation du port de la muselière ; subsidiairement, le port de la muselière lors de contacts avec ses congénères et avec des individus extérieurs au foyer pouvait être maintenu ; plus subsidiairement, la recourante devait être autorisée à suivre les cours d’éducation canine ;

que la décision était disproportionnée et excessive, le risque que l’animal soit porteur du virus de la rage étant nul ;

que le SCAV a conclu au rejet de la requête, exposant que la rage, qui se transmettait par la salive, était une maladie mortelle pour l’être humain et que 99 % des cas de rage de celui-ci étaient provoqués par des morsures de chiens ; qu’il s’agissait d’une maladie à éradiquer ; que le site du SCAV renseignait précisément sur les conditions d’importation d’animaux ; bien que l’Union Européenne et, singulièrement la France, soient considérées comme indemnes de la rage, des animaux avaient été déclarés atteints du virus en France ; il ne fallait pas négliger non plus les problèmes de traçabilité des animaux importés illégalement ; certes, le risque lié à l’importation du canidé paraissait faible en l’espèce ; les mesures ordonnées étaient cependant prises pour écarter tout risque résiduel afin de pouvoir procéder à la vaccination du chien conformément aux bonnes pratiques et légaliser son statut ; la socialisation du chiot avait eu lieu les huit premières semaines avec sa mère, puis désormais avec sa propriétaire, raison pour laquelle la surveillance à domicile avait été prononcée et non sa mise en fourrière ; les mesures prises limitaient les contacts directs, mais pas les sorties nécessaires ni les cours d’éducation canine, qui pouvaient être dispensés de manière individuelle ; enfin, la recourante, bien que n’étant pas de langue maternelle, avait parfaitement saisi les mesures prononcées, qu’elle avait immédiatement mises en œuvre, comme en témoignait son courriel du 28 février 2022 dans lequel elle prenait « ces mesures sanitaires au sérieux, et [comprenait] qu’elles [étaient] dans notre intérêt à tous et dans celui des animaux avec lesquels nous vivons » ;

que dans sa réplique sur effet suspensif, la recourante a relevé que même si les informations pertinentes relatives à l’importation de chiots étaient disponibles sur le site du SCAV, toute autre personne raisonnable se serait également fiée aux informations fournies par l’éleveuse professionnelle ; elle prenait acte du fait qu’elle pouvait suivre les cours d’éducation canine ; le dispositif de la décision ne lui avait pas permis une telle interprétation ; l’impact de la décision sur la socialisation du chiot ne devait pas être minimisé ; « B______ » devait être exposé à un « environnement dense autant de sons, d’odeurs, de personnes et d’autres chiens que possible » ; sa vétérinaire avait d’ailleurs estimé qu’il avait « un besoin urgent de commencer les cours d’éducation, et de socialisation » ; la mesure devait donc être levée au plus vite ; pour le surplus et à titre subsidiaire, il se justifiait de faire droit à ses conclusions tendant à la levée de l’obligation de tenir le chien isolé de tout autre animal vivant sensible à la rage et de toute personne extérieure à la résidence de la détentrice, sous réserve du port de la muselière à l’occasion de ces contacts ;

que, sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif ;

Considérant, en droit, l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative de la Cour de justice du 26 mai 2020, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre, respectivement par le vice-président, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par une juge ;

qu'aux termes de l'art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA- E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/795/2021 du 4 août 2021 ; ATA/1043/2020 du 19 octobre 2020 ; ATA/303/2020 du 19 mars 2020) ;

qu'elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265) ; que, par ailleurs, l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3) ;

que lors de l'octroi ou du retrait de l'effet suspensif, l'autorité de recours dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que selon l'art. 3 let. c de l'ordonnance sur les épizooties du 27 juin 1995 (OFE - 916.401), la rage fait partie des épizooties à éradiquer ; que l'art. 145 OFE précise que les animaux domestiques qui ont été blessés par un animal suspect ou atteint de rage ou ont été en contact avec un tel animal doivent être tués ou isolés pendant au moins cent jours de telle façon qu'ils ne puissent mettre en danger ni des personnes ni des animaux (let. a) et doivent subir un examen vétérinaire officiel à la fin de la mise à l'isolement (let. c) ;

que l'ordonnance concernant l'importation, le transit et l'exportation d'animaux de compagnie du 28 novembre 2014 (OITE - AC - RS 916.443.14) s'applique à l'importation, au transit et à l'exportation d'animaux de compagnie qui accompagnent leur détenteur ou une personne autorisée par ce dernier et ne sont pas destinés à faire l'objet d'un transfert de propriété (art. 1 al. 1 OITE - AC) ; que l'art. 11 al. 1 OITE – AC prévoit l’obligation de la vaccination antirabique, les chiens provenant d'un État membre de l'UE devant être accompagnés d'un passeport pour animal de compagnie (art. 12 al. 1 et 2 OITE - AC) ; seuls les chiens âgés de moins de douze semaines sans vaccination antirabique et les animaux âgés de douze à seize semaines ayant reçu une vaccination antirabique peuvent être importés moyennant une déclaration du détenteur attestant que les animaux n'ont pas eu de contacts depuis leur naissance avec des animaux sauvages d'espèces sensibles à la rage (art. 12 al. 3 let.a OITE - AC) ;

qu’en l'espèce, il convient, en premier lieu, de constater que le chef de conclusions de la recourante tendant à être admise à suivre des cours d’éducation canine est devenu sans objet, l’intimé ayant exposé que sa décision n’y faisait pas obstacle ;

qu’il n’est pas contesté que le chiot ne remplissait pas les conditions susmentionnées d’importation, étant à son arrivée en Suisse âgé de plus de douze semaines sans être vacciné contre la rage ;

qu’il n’est pas non plus contesté que les mesures prises se fondent sur une base légale ;

que la question de savoir si elles respectent le principe de la proportionnalité mérite un examen minutieux ;

qu’il n’apparait cependant, a priori et sans préjudice de l’examen au fond, pas manifeste que ce principe aurait été violé ;

qu’en effet, si certes le risque que le chiot soit porteur du virus de la rage paraît faible, il ne peut, sous l’angle de la vraisemblance, pas être exclu, étant relevé que cette zoonose est mortelle pour l'homme en cas de transmission à une personne non vaccinée ;

que, par ailleurs, le chiot n’a pas été retiré à sa détentrice, permettant de la sorte la création d’un lien et une socialisation avec la personne en charge de l’animal ; qu'en outre l'isolation prescrite et le port de la muselière sont, a priori et sous l’angle de la vraisemblance, des mesures paraissant adéquates pour éviter l’éventuelle transmission de la maladie à l’être humain ou à des animaux sensibles à la rage ;

que la durée de la mesure semble, à première vue, avoir été limitée au minimum au regard du temps d’incubation du virus – non contesté – de 100 jours et que la surveillance vétérinaire semble, prima facie, de nature à s’assurer de manière adéquate que si l’animal devait présenter des signes de rage, les mesures idoines puissent être prises rapidement ;

qu’en outre, l'intérêt public à la lutte contre la propagation d’un virus mortel pour l’être humain prime, sous l’angle de la vraisemblance, l’intérêt privé de la recourante à pouvoir élever son chiot et celui de l'animal à pouvoir évoluer sans les mesures prononcées, qui prendront, au demeurant, fin le 6 juin prochain ;

qu’au vu de ces éléments, il ne peut être retenu, sous l’angle de la vraisemblance applicable aux mesures provisionnelles, que la décision querellée serait manifestement infondée et qu’ainsi ses chances de succès justifieraient de restituer l’effet suspensif au recours ;

que, partant, la requête sera rejetée ;

qu’il sera statué sur les frais de la présente décision avec la décision au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête de restitution de l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ; voie de recours à insérer ;

communique la présente décision à Me Romain Jordan, avocat de la recourante, ainsi qu'au service de la consommation et des affaires vétérinaires.

 

 

La juge :

 

 

 

F. Krauskopf

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :