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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4158/2021

ATA/51/2022 du 20.01.2022 ( MARPU ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4158/2021-MARPU ATA/51/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 20 janvier 2022

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______ SA
représentée par Me Bastien Geiger, avocat

contre

B______ SA
représentée par Me Patrick Fontana, avocat

 

VILLE DE LANCY
représentée par Me Steve Alder, avocat



Vu le recours interjeté le 6 décembre 2021 devant la chambre administrative de la Cour de justice par A______ SA (ci-après : A______) contre la décision de la ville de Lancy du 18 novembre 2021 adjugeant à B______ SA (ci-après : B______) le marché public relatif à la réalisation de travaux d’installations sanitaires dans le groupe scolaire en construction dans le secteur de Lancy Pont-Rouge ;

que la recourante, qui conclut à l’annulation de cette décision et à l’adjudication en sa faveur du marché public en question, estime qu’elle aurait dû obtenir pour le critère évaluant son organisation pour exécuter le marché public la note de 5 plutôt que de 4 et que la note de 3 pour son « organisation de base » était trop sévère ; de même, les notes relatives aux critères 2 et 4 étaient sous-évaluées ; l’intimée l’avait fait dans le but de pouvoir conclure avec B______ ; or, B______ ne disposait que de trente collaborateurs pour assumer ses activités dans les cantons de Fribourg, Valais, Vaud et Genève, avec un seul chef de chantier diplômé dans ce dernier canton ; le critère n° 4 aurait, en outre, dû être noté avec des demie-notes ;

qu’il se justifiait de restituer l’effet suspensif, dès lors que l’adjudicatrice avait volontairement déprécié l’offre de la recourante pour adjuger le marché à la soumissionnaire dont le prix était de 25 % inférieur à celui de ses concurrentes, mais dont le dossier n’était pas satisfaisant ;

que B______ conclut au rejet de la requête d’effet suspensif, relevant que son offre n’était pas anormalement basse, qu’elle ne recourait pas à des sous-traitants, qu’elle assemblait une grande partie des installations en atelier ; les travaux portant sur la fabrication et la pose d’installations sanitaires, l’octroi de l’effet suspensif était de nature à bloquer le chantier ; par ailleurs, les chances de succès du recours étaient faibles, la ville de Lancy ayant clairement expliqué les notes attribuées à A______ et le prix de B______ n’étant pas anormalement bas ;

que la ville de Lancy conclut également au rejet de la requête d’effet suspensif ; qu’elle avait interrogé B______ sur le prix proposé (CHF 753'547.25), nettement plus bas que celui articulé par A______ (CHF 915'410.10) ; que celui-ci s’expliquait par l’application d’un prix forfaitaire, valable jusqu’à la fin du chantier ; que l’analyse de l’évaluation des offres avait attribué 380 points à B______ et 370.51 à A______ ; que A______ avait obtenu pour le premier sous-critère du critère n° 2 la note maximale, pour le second sous-critère la note de 4 sur 5 et pour le troisième sous-critère la note maximale ; que pour le critère n° 4, relatif à l’exigence du type ISO 9000 ou équivalent et au plan d’hygiène et de sécurité, la recourante n’avait pas fourni tous les documents attendus, de sorte qu’elle avait obtenu la note de 3 sur 5 ;

que la ville de Lancy a encore relevé que les travaux de construction de l’école allaient durer une année et demie et que l’école devait ouvrir en été 2023 ; les premiers travaux d’induction d’eau devaient avoir lieu le 17 janvier 2022 ;

que dans sa réplique sur effet suspensif, A______ a contesté que B______ ait donné des explications quant au prix proposé ; rien ne justifiait de limiter la notation à 3 pour le sous-critère 3, alors que l’échelle allait jusqu’à 5 ; son organisation répondait à l’exigence du type ISO 9000 et son plan d’hygiène à celui édicté par la CNA ; l’organisation de B______ ainsi que son expérience dans ce type de travaux étaient insuffisantes ; il convenait, comme l’ensemble des autres soumissionnaires l’avaient retenu, de mobiliser en tout cas neuf personnes en moyenne pour le chantier, alors que A______ n’en prévoyait que 4,7 et que son effectif à Genève ne comptait que 4 unités de personnes ; le sous-effectif expliquait le prix, mais soulevait aussi des questions quant au respect des horaires de travail et du planning ; il était rappelé que les autorités genevoises en charge de la protection des travailleurs étaient plus actives et mieux dotées que leurs homologues valaisannes, canton dans lequel B______ réalisait la plus grande partie de ses engagements ; enfin, le type de travaux à réaliser ne permettait que dans une faible mesure des travaux préparatoires en atelier ;

que, sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif ;

Considérant, en droit, que, le recours a été interjeté en temps utile devant l'autorité compétente (art. 15 al. 2 de l'accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d'État à adhérer à l'accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 – RMP - L 6 05.01) ;

que les mesures provisionnelles sont prises par la présidente ou le vice-président de la chambre administrative ou, en cas d'empêchement de ceux-ci, par une autre juge (art. 21 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - GE  - E 5 10  ; art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020 ;

qu'aux termes des art. 17 al. 1 AIMP et 58 al. 1 RMP, le recours n'a pas d'effet suspensif ; toutefois, en vertu des art. 17 al. 2 AIMP et 58 al. 2 RMP, l'autorité de recours peut, d'office ou sur demande, octroyer cet effet pour autant que le recours paraisse suffisamment fondé et qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose ;

que l'examen de la requête suppose une appréciation prima facie du bien-fondé du recours ; l'effet suspensif doit être refusé au recours manifestement dépourvu de chances de succès et dont le résultat ne fait aucun doute ; inversément, un diagnostic positif prépondérant ne suffit pas d'emblée à justifier l'octroi d'une mesure provisoire, mais suppose de constater et de pondérer le risque de préjudice (ATA/1106/2021 du 20 octobre 2021 ; ATA/987/2021 du 24 septembre 2021 ; ATA/217/2021 du 1er mars 2021 consid. 2 ; Benoît BOVAY, Recours, effet suspensif et conclusion du contrat, in Jean-Baptiste ZUFFEREY/Hubert STÖCKLI, Marchés publics 2010, Zurich 2010, p. 317) ;

que lorsqu'une autorité judiciaire se prononce sur l'effet suspensif ou d'autres mesures provisoires, elle peut se limiter à la vraisemblance des faits et à l'examen sommaire du droit (examen  prima facie), en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles, tout en ayant l'obligation de peser les intérêts respectifs des parties (ATF 139 III 86 consid. 4.2 ; 131 III 473 consid. 2.3) ;

que l'octroi de l'effet suspensif constitue cependant une exception en matière de marchés publics et représente une mesure dont les conditions ne peuvent être admises qu'avec restriction (ATA/1349/2019 précité ; ATA/446/2017 précité consid. 2 ; ATA/62/2017 du 23 janvier 2017 consid. 2 ; ATA/793/2015 du 5 août 2015 consid. 2) ;

que l'AIMP a pour objectif l'ouverture des marchés publics (art. 1 al. 1 AIMP) ; il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l'égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l'impartialité de l'adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP) et assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) ;

qu’en présence d'une offre anormalement basse, l'autorité adjudicatrice doit demander au soumissionnaire de justifier ses prix, selon la forme prévue à l'art. 40 al. 2 RMP (art. 41 RMP) ; que selon la jurisprudence, une offre est anormalement basse lorsque le prix s'écarte de plus de 30 % de la moyenne des offres rentrées ou du prix « juste » déterminé d'avance par le pouvoir adjudicateur (ATA/1389/2019 du 17 septembre 2019 consid. 7a et les références citées) ;

qu’en l’espèce, il apparaît, à teneur du dossier, que le pouvoir adjudicateur a interpellé l’intimée au sujet du prix auquel elle a soumissionné et consigné les réponses obtenues dans un procès-verbal ; qu’il en ressort en particulier que B______ propose un prix forfaitaire pour certaines prestations ;

que celle-ci a, par ailleurs, indiqué dans la présente procédure qu’elle procédait à l’assemblage de ses installations en atelier et ne recourait pas à l’aide de sous-traitants, ce qui expliquait son prix inférieur à celui de ses concurrentes ;

qu’en outre, la différence de prix entre l’offre de l’adjudicataire et celle des autres soumissionnaires n’apparaît, prima facie et sans préjudice de l’examen au fond, pas atteindre le pourcentage retenu par la jurisprudence pour retenir que celle-ci serait anormalement basse ;

que, par ailleurs, le pouvoir adjudicateur dispose dans la notation des différents critères d’évaluation d’un large pouvoir d’appréciation ; qu’il a expliqué pour quels motifs il avait attribué les différentes notes à la recourante pour le critère n° 4, en particulier celle relative au critère de répondre à une exigence de type ISO 9000 et de présenter un plan d’hygiène et de sécurité ; qu’à première vue, ces éléments ne rendent pas vraisemblable de manière manifeste une notation excessivement sévère de l’offre de la recourante plaidant en faveur de chances de succès évidentes du recours ;

que les critiques de surévaluation de certains critères de l’offre de B______ n’apparaissent, prima facie et sans préjudice de l’examen au fond, pas non plus d’emblée à ce point bien fondées qu’elles justifieraient l’octroi de l’effet suspensif, étant relevé que pour le critère du prix, qui emporte la pondération la plus importante (40 %), l’adjudicataire a obtenu 200 points alors que la recourante en a obtenu 135.51 ;

qu’au vu de la pondération à 15 % du critère n° 4, seule une importante modification de la notation serait de nature à influer le résultat global de points  ;

qu’enfin, l’adjudicataire ayant obtenu la note de 3 pour le critère no  2 relatif à son organisation et la recourante la note de 4, il apparaît, à première vue et sous l’angle de la vraisemblance, que l’adjudicatrice a tenu compte des faiblesses pointées par la recourante dans l’organisation de B______ ; qu’il ne peut ainsi, à ce stade, être retenu que le pouvoir adjudicateur aurait, à l’évidence, commis un abus ou excès du large pouvoir d’appréciation qui lui est reconnu en matière d’appréciation des critères et sous-critères ;

que pour le surplus, l’intérêt public de la collectivité publique à pouvoir réaliser, dans les délais escomptés, l’école et, notamment, ses installations sanitaires doit l’emporter sur l’intérêt privé de la recourante à se voir adjuger le marché public en question ;

qu’au vu de ce qui précède, la requête d’effet suspensif sera rejetée ;

qu’il sera statué ultérieurement sur les frais de la présente décision ;

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête d’effet suspensif ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF-RS 173.110) la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

si elle soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Bastien Geiger, avocat de la recourante, à Me Patrick Fontana, avocat de l’adjudicataire, à Me Steve Alder, avocat de l’adjudicatrice, ainsi qu’à la commission fédérale de la concurrence.

 

 

La présidente :

 

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :