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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1859/2020

ATA/929/2020 du 22.09.2020 ( FPUBL ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1859/2020-FPUBL ATA/929/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 septembre 2020

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Christian Bruchez, avocat

contre

TRANSPORTS PUBLICS GENEVOIS
représentés par Me Malek Adjadj, avocat



EN FAIT

1) Par arrêt ATA/480/2020 du 19 mai 2020, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après: chambre administrative) a partiellement admis le recours formé par Monsieur A______ contre la décision de résiliation des rapports de service pour le 31 mars 2019 rendue le 19 décembre 2018 par les Transports publics genevois (ci-après : TPG), proposé la réintégration de celui-ci et ordonné aux TPG, en cas de refus de réintégration, de transmettre leur décision à la chambre administrative pour fixation d'une indemnité.

La décision retenait trois motifs de résiliation, à savoir 1) une attitude ayant contribué à rompre le lien de confiance avec la supérieure hiérarchique et les collègues 2) des rapports relationnels compliqués, dénigrants voire méprisants, la difficulté à travailler en équipe, malgré plusieurs fixations d'objectifs et 3) l'irrégularité de la présence du recourant en raison d'absences dues à la maladie.

L'employeur reprochait à l'intéressé de ne pas avoir prévu une absence pour incapacité de travail qu'il avait subie, d'une durée d'une journée, et, de façon plus générale, d'avoir, en lien avec ses incapacités de travail, des absences de taux et de durée variables. Or, il n'était pas possible pour l'employé malade de déterminer sa capacité de travail pour le futur. Son médecin avait régulièrement attesté du taux d'activité résiduel en fonction de l'évolution de la maladie. L'intéressé subissait des crises sur son lieu de travail ce qui démontrait le caractère imprévisible de sa capacité résiduelle de travail pendant cette affection. Les reproches portant sur cet état de fait, retenus par l'employeur comme démontrant une attitude de l'employé propre à rompre le lien de confiance, tombaient dès lors à faux.

Le reproche d'avoir demandé un congé de deux jours pour déménager, alors que l'employé avait déjà bénéficié d'un tel congé au cours de la même année, était également infondé. Il ne pouvait lui être reproché de déménager, même plusieurs fois par année, et la question du congé octroyé par l'employeur était clairement réglée par le Statut du personnel des TPG du 1er janvier 1999 (ci-après : SP).

Les reproches d'avoir postulé à l'interne pour des postes à 100 % alors que l'intéressé n'avait pas encore retrouvé sa pleine capacité de travail, étaient « sans substance ». La reprise à 100 % était déjà envisagée par le médecin traitant, et un plan de reprise avait été communiqué aux TPG en août 2018 déjà.

Le reproche d'avoir entretenu des relations compliquées, dénigrantes voire méprisantes avec ses collègues ainsi qu'une difficulté à travailler en équipe, était soit contredit par les faits établis par témoignages durant l'instruction, soit dénué de toute précision et de substance.

Le troisième motif de licenciement résidait dans les absences de l'employé pour raison de santé, qui auraient entravé le bon fonctionnement de l'entreprise. Or, ces absences étaient terminées au moment de la résiliation. En outre, l'assurance-invalidité avait refusé d'intervenir, en l'absence de séquelles liées à l'affection subie. Enfin, le SP prévoyait une fin des rapports de travail spécifique pour raison médicale, procédure qui n'avait pas été suivie par les TPG.

En définitive, la résiliation n'était pas fondée sur un motif dûment justifié. Les TPG ne s'étant pas prononcés sur la possibilité d'une réintégration, celle-ci était proposée. En cas de refus de réintégration, les TPG devaient transmettre leur décision à la chambre administrative pour que celle-ci fixe l'indemnité due.

Il ressort pour le surplus de l'arrêt que M. A______, né le ______ 1978, avait été engagé par les TPG le 17 août 2009 en qualité d'« employé service client ». À compter du 1er janvier 2015, il avait occupé le poste de « gestionnaire constats ». Ses problèmes de santé avaient entraîné une incapacité de travail, à des taux variables, à partir de mars 2016. Les certificats de travail intermédiaires des 14 novembre 2011, 12 juin 2014 et 14 janvier 2016 avaient été élogieux. Le rapport d'évaluation couvrant la période du 1er avril 2014 au 31 décembre 2016 retenait que les prestations professionnelles dépassaient les exigences et les prestations personnelles répondaient à ces dernières. L'évaluation du 18 mai 2018 avait également été globalement positive.

2) Lors de l'entretien qui a eu lieu le 22 juin 2020 entre l'employé et les TPG, ceux-ci l'ont informé qu'ils ne souhaitaient pas le réintégrer. Il n'existait plus de poste « fourre-tout », à savoir un poste pouvant être occupé par un généraliste ; chaque poste exigeait désormais des compétences spécifiques. En outre, il y avait également « une question de confiance » liée, notamment, aux absences répétées de l'employé et à l'insécurité qu'elles avaient engendrées. Une réintégration dans un autre service n'était pas non plus possible, l'intéressé ne disposant pas des compétences requises. Aucun poste répondant au profil professionnel de M. A______ n'était disponible. Il était rappelé que ce dernier avait refusé un « assessment » proposé par les TPG. Les parties sont convenues que leurs avocats respectifs se chargeraient de la question de l'indemnité à fixer.

3) Par courrier du 26 juin 2020, les TPG ont informé la chambre administrative du fait qu'ils avaient refusé la réintégration de M. A______ et sollicitaient de celle-ci, en exécution du dispositif de l'arrêt précité, de fixer une indemnité en application du SP.

4) M. A______ a conclu à la fixation d'une indemnité de huit mois de salaire, soit CHF 65'832.- avec intérêts à 5 % dès la fin des rapports de travail.

Il avait eu l'intention de faire carrière au sein des TPG et avait apprécié son activité et son entourage, « qui le lui rendait bien ». Ses recherches d'emploi avaient été compliquées par l'attitude des TPG. Le certificat de travail, finalement établi en février 2020, ne reprenait pas le projet établi le 18 octobre 2018 par son dernier supérieur hiérarchique ; il portait atteinte à son employabilité et ne reflétait pas ses appréciations durant les rapports de travail. Il n'avait toujours pas reçu un certificat de travail « conforme à ses appréciations ». À l'exception d'un remplacement de trois mois qu'il avait pu effectuer, il n'avait pas retrouvé d'emploi.

Le motif de refus de réintégration, à savoir le fait que son poste n'était plus disponible et qu'il avait subi des incapacités de travail, était infondé.

5) Les TPG ont relevé que l'incapacité de travail de M. A______ totalisant 1'336 jours, dont 962 jours entre mars 2016 et fin 2018, avait eu un impact sur le bon fonctionnement du service. Compte tenu de ce nombre de jours d'absence, ils avaient été fondés à penser que la reprise de travail le 17 novembre 2018, intervenue après la convocation à un entretien destiné à ouvrir la procédure de licenciement, ne serait pas durable. Quand bien même la chambre administrative avait retenu que le motif du licenciement n'existait plus au moment de celui-ci - ce que les TPG ne contestaient pas - ils avaient eu, de bonne foi, des préoccupations quant au bon fonctionnement du service lorsqu'ils avaient pris leur décision.

Par ailleurs, M. A______ avait bénéficié d'un traitement très favorable, grâce au régime transitoire mis en place par les TPG en lien avec le versement du salaire en cas de maladie, de sorte que son salaire avait continué à être versé jusqu'au 30 avril 2019 et non jusqu'au 28 février 2018. Au moment de son licenciement, l'employé était âgé de 40 ans ; son âge ne constituait donc pas un frein pour retrouver un nouvel emploi. Les bons certificats de travail et bonnes références étaient de nature à favoriser un retour à l'emploi. Le dernier certificat de travail, se rapportant à la période d'avril 2017 au 31 mars 2019, était conforme aux exigences légales et à l'appréciation des prestations de travail par les TPG. Par ailleurs, les éventuelles difficultés de trouver un nouvel emploi qui seraient liées à la pandémie sévissant actuellement ne sauraient être imputées aux TPG.

Au vu de ces éléments, l'indemnité devait être fixée à trois mois du dernier salaire mensuel.

6) Dans sa réplique, M. A______ a relevé que la durée de son emploi ne saurait être relativisée au regard du nombre de jours pendant lesquels il avait été en incapacité partielle ou totale de travail. Les motifs de la résiliation avaient été écartés par la chambre administrative. Les TPG ne pouvaient ainsi s'en prévaloir pour refuser sa réintégration. Il convenait également de tenir compte de cet élément dans la fixation de l'indemnité.

7) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) La saisine de la chambre administrative fait suite à l'arrêt du 19 mai 2020 (ATA/480/2020), constatant que le licenciement ne reposait pas sur un motif justifié et proposant la réintégration de l'intéressé.

2) Selon l'art. 72 ch. 1 SP, s'il retient que le licenciement ne repose pas sur un motif justifié, le juge peut proposer à l'entreprise la réintégration du salarié. Si l'entreprise s'y oppose ou s'il renonce à une telle proposition, le juge fixera une indemnité dont le montant ne peut être inférieur à un ni supérieur à huit salaires mensuels.

Il convient donc de fixer le montant de l'indemnité.

a. Le SP ne prévoit pas les critères applicables à la fixation de celle-ci. Dans sa jurisprudence en matière de fixation d'une indemnité en cas de licenciement d'agents publics, la chambre de céans tient compte de l'ensemble des circonstances et les apprécie sans donner une portée automatiquement prépondérante à certains aspects (ATA/112/2019 précité consid. 4f ; ATA/587/2018 du 12 juin 2018 consid. 6a). Cette jurisprudence a été confirmée par le Tribunal fédéral (arrêts du Tribunal fédéral 8C_472/2014 du 3 septembre 2015 consid. 11.2 ; 8C_421/2014 du 17 août 2015 consid. 3.4.2 ; 8C_436/2014 du 16 juillet 2015 consid. 9.2).

b. Dans sa casuistique, la chambre administrative a octroyé à l'employé d'un établissement public autonome une indemnité de deux mois de traitement dans une situation où le licenciement, intervenu en période probatoire après deux ans et trois mois de service, était contraire au droit en raison d'une violation du droit d'être entendu, mais où l'intéressé avait pu s'exprimer plusieurs fois. Pour le surplus, il n'avait pas les compétences pour continuer à travailler à son poste, et la résiliation de ses rapports de service n'était pas critiquable sur le fond (ATA/590/2016 du 12 juillet 2016).

Dans une autre espèce, les TPG n'avaient pas respecté le droit d'être entendu de l'intéressé avant son licenciement. L'employé avait plus de onze ans de service à son acquis. Les TPG avaient respecté la procédure du reclassement. L'indemnité avait été fixée à trois mois (ATA/112/2019 précité).

Enfin, l'indemnité maximale de huit mois a été octroyée à une employée dont le licenciement n'était pas fondé, les critiques de son travail résultant de sa position hiérarchique floue et de l'absence de consultation en temps voulu au sujet d'un rapport d'audit. La restructuration de son poste avait impliqué une perte de responsabilités et, finalement, de son emploi. L'intéressée était âgée de 56 ans au moment du licenciement et n'avait pas eu accès à l'entier de son dossier, au demeurant particulièrement mal tenu. Elle avait travaillé au sein des TPG pendant sept ans et ceux-ci avaient, par deux fois, tenté de trouver une solution, en ayant soumis des offres à l'intéressée (ATA/109/2018 du 6 février 2018).

c. En l'espèce, il convient de tenir compte du fait que l'intéressé a été employé des TPG pendant onze ans, était âgé de 40 ans au moment de son licenciement et n'a, sous réserve d'un emploi temporaire de trois mois, pas retrouvé de travail. Les certificats de travail intermédiaires ont été élogieux et ses deux évaluations positives. L'ensemble des motifs invoqués à l'appui du licenciement a été considéré par la chambre de céans comme étant infondé. Si les problèmes de santé de l'employé et les absences en résultant ont pu induire, pour l'employeur, des mesures de réorganisation et des inquiétudes relatives au bon fonctionnement du service auquel le travailleur était affecté, il n'en demeure pas moins que la chambre de céans a retenu que ce motif de licenciement n'existait plus au moment de celui-ci. En outre, celle-ci a relevé dans son arrêt que l'employeur n'avait pas suivi la procédure relative à la fin des rapports de travail pour raisons médicales. Enfin, le refus de réintégration a été, partiellement, motivé par la perte de confiance de l'employeur due aux problèmes de santé du travailleur, soit l'un des motifs invoqués à la base du licenciement précisément écarté par la chambre de céans.

Au vu de l'ensemble de ces circonstances, l'indemnité sera fixée au maximum prévu par le SP, soit à huit mois du dernier salaire brut de l'employé, calculé sur le traitement annuel, à l'exclusion de tout autre élément de rémunération, étant relevé que ni le contrat de travail ni le chapitre IV A du statut, relatif au traitement, ne prévoient de treizième salaire. L'indemnité n'est pas soumise à la déduction des cotisations sociales (ATA/112/2019 précité consid. 4h ; ATA/55/2018 du 23 janvier 2018 consid. 10c et les arrêts cités). La créance portera intérêts dès le 1er avril 2019 au vu des conclusions prises sur ce point (art. 69 al. 1 LPA ; ATA/744/2014 du 23 septembre 2014).

3) Compte tenu de l'issue de la présente procédure, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée au recourant, à la charge des TPG (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

fixe l'indemnité due par les Transports publics genevois à Monsieur A______ pour refus de réintégration à huit mois du dernier salaire brut avec intérêts à 5% dès le 1er avril 2019 ;

condamne en tant que de besoin les Transports publics genevois au paiement de ce montant ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge des Transports publics genevois ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christian Bruchez, avocat de Monsieur A______, ainsi qu'à Me Malek Adjadj, avocat des Transports publics genevois.

 

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Lauber et Tombesi, juges.

 

 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :