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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1877/2012

ATA/623/2013 du 24.09.2013 ( FPUBL ) , REJETE

Descripteurs : ; DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE ; COMMUNE ; FONCTIONNAIRE ; VIOLATIONS DES DEVOIRS DE SERVICE ; RÉSILIATION IMMÉDIATE ; RÉVOCATION DISCIPLINAIRE ; JUSTE MOTIF ; FAUTE ; GRAVITÉ DE LA FAUTE ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; POUVOIR D'APPRÉCIATION ; PROPORTIONNALITÉ
Normes : Cst.29.al2 ; Statut.30 ; Statut.37 ; Statut.82 ; Statut.83 ; Statut.93 ; Statut.96
Résumé : Confirmation du licenciement avec effet immédiat d'un fonctionnaire de la Ville de Genève. Les seuls faits admis par le recourant, soit avoir jeté un classeur dans les couloirs, frappé de sa main ouverte une civière sur laquelle se trouvait un défunt puis donné une tape appuyée à deux collègues, constituent de graves manquements à ses devoirs de service, ce d'autant que son comportement avait déjà par le passé donné lieu à des rappels à l'ordre, à deux avertissements, ainsi qu'à un blâme. Le lien de confiance étant irrémédiablement rompu, la ville n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation et a respecté le principe de proportionnalité.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1877/2012-FPUBL ATA/623/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 septembre 2013

 

dans la cause

 

Monsieur B______
représenté par Me Lorenzo Paruzzolo, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE



EN FAIT

1) Monsieur B______, né le ______ 1969 et domicilié en France, a été engagé par la Ville de Genève (ci-après : la ville) en qualité d'ouvrier au sein du service des pompes funèbres et cimetières, devenu par la suite le service des pompes funèbres, cimetières et crématoire (ci-après : le service) dès le 21 février 1994. Ce contrat d'engagement temporaire a été renouvelé à deux reprises jusqu'au 30 septembre 1994.

2) Le 21 septembre 1994, le conseil administratif de la ville a nommé M. B______ au poste d'ouvrier d'entretien au sein du service, lui octroyant la qualité de fonctionnaire dès le 1er octobre 1994 pour une période d'essai de trois ans.

3) M. B______ ayant présenté sa candidature pour un poste d'ouvrier spécialisé au sein du service, le conseil administratif l'a nommé à cette fonction le 14 décembre 1994, avec effet au 1er janvier 1995.

4) Le 10 juillet 1997, le chef de service de M. B______ a préavisé favorablement la confirmation de l'intéressé dans ses fonctions, son travail et son comportement donnant entière satisfaction.

5) Par courrier du 10 septembre 1997, le conseil administratif a confirmé la nomination de M. B______ au poste d'ouvrier spécialisé au sein du service dès le 1er octobre 1997 et pour une durée indéterminée.

6) Le 20 janvier 2005, M. B______ a reçu un avertissement au motif qu'il ne respectait pas les horaires en vigueur et qu'il avait fréquenté le jeudi 23 décembre 2004 un établissement public et repris son poste de travail à 16h30 au lieu de 13h30.

Il lui était rappelé que des faits similaires lui avaient été reprochés cinq ans plus tôt et que plusieurs avertissements verbaux lui avaient déjà été signifiés par sa hiérarchie quant au non-respect des horaires du service.

7) Le 15 janvier 2008, M. B______ a reçu un second avertissement en raison d'un déplacement avec un véhicule du service non-autorisé par sa hiérarchie d'une part et, de son comportement et de ses propos inacceptables vis-à-vis de son supérieur hiérarchique d'autre part.

L'intéressé a recouru contre cette décision qui a été confirmée le 18 avril 2008.

8) Au cours de l'année 2008, M. B______ a fait l'objet de plusieurs rapports individuels rédigés par son supérieur hiérarchique et adressés à son chef de service au vu de divers incidents et différends dus notamment à son comportement. S'en est suivie une convocation pour une entrevue le 25 novembre 2008 avec le directeur du département de la cohésion sociale, de la jeunesse et des sports de la ville, devenu depuis lors le département de la cohésion sociale et de la solidarité (ci-après : le département), lequel l'a rappelé à l'ordre par courrier du 16 décembre 2008.

9) Les 10 octobre et 8 décembre 2008, M. B______ s'est vu réduire son droit aux vacances en raison d'absences non justifiées par certificats médicaux.

10) La hiérarchie du service a procédé les 29 janvier et 24 novembre 2009 à l'évaluation du comportement et du travail de M. B______. Ces entretiens ont dénoté les problèmes rencontrés entre l'intéressé et ses supérieurs ainsi que ses collègues, en particulier quant à son comportement, la situation ne s'étant guère améliorée entre les deux évaluations.

Notamment dans la rubrique intitulée « contacts humains », l'appréciateur a relevé au sujet de l'intéressé : « provocateur envers sa hiérarchie et fait selon son idée tendance aux conflits. Refuse un peu le dialogue » lors du premier entretien et, lors du second entretien, « Réfractaire à toutes formes de structure ou de hiérarchie, M. B______ s'isole. Il génère par son attitude beaucoup d'incompréhension et fait l'objet de plaintes récurrentes ».

11) Le 15 juin 2009, M. B______ s'est vu notifier un blâme pour être resté une grande partie de l'après-midi du vendredi 5 juin 2009 dans un restaurant alors qu'il devait se trouver à sa place de travail à 13h30.

12) Le 1er mars 2010, M. B______ a été victime d'un accident de moto ayant conduit à son incapacité de travailler durant plusieurs mois.

13) L'intéressé a repris son activité au sein du service le 1er avril 2011, son cahier des charges ayant été modifié par sa hiérarchie dont le souhait était de favoriser son retour dans les meilleures conditions.

M. B______ a depuis lors occupé la fonction de concierge à la réception des fleuristes du centre funéraire de Saint-Georges (ci-après : centre funéraire), tout en conservant formellement son statut d'ouvrier spécialisé.

14) Son salaire mensuel brut, versé treize fois l'an, s'élevait en mars 2012 à CHF 6'781,60 soit un salaire mensuel net de CHF 5'152.10.

15) Le 10 avril 2012 en fin d'après-midi, se sont produits au centre funéraire divers incidents impliquant M. B______.

16) Selon les déclarations de son supérieur hiérarchique et de plusieurs de ses collègues le jour même et le lendemain, M. B______ avait notamment, après avoir quitté sa place de travail, agressé verbalement l'un de ses collègues le traitant de « grand chauve » et de « chimio », puis ajouté à sa propre intention « mais je vais quand même me le faire », avant de lancer bruyamment un classeur dans les escaliers menant aux chambres mortuaires, dans la direction dudit collègue mais sans toutefois l'atteindre.

M. B______ avait ensuite asséné un violent coup de main sur la housse d'une civière fermée dans laquelle se trouvait un défunt.

Il avait encore donné un violent coup de poing sur l'épaule d'un défunt allongé dans un cercueil à l'entrée de la salle d'autopsie.

Enfin, M. B______ avait donné une tape très appuyée (sic!) sur les épaules de deux autres de ses collègues.

Son local de réception des fleurs avait été retrouvé « sens dessus dessous ».

17) Selon les explications fournies par M. B______ à sa hiérarchie le jour même et le lendemain, il avait le 10 avril en fin d'après-midi quitté le local de réception de fleurs pour aider une personne âgée à rejoindre les chapelles. Il avait discuté avec des personnes rencontrées en chemin. Il était ensuite allé chercher trois chariots au crématoire pour les amener vers la réception des corps. Il avait constaté entre temps que l'un de ses classeurs avait été vandalisé et une feuille déchirée. Jamais il n'avait jeté son classeur. Il avait retrouvé son local de réception de fleurs en mauvais état.

A sa hiérarchie, ayant attiré son attention sur le fait que ses explications étaient floues et incohérentes, que sa version des faits variait constamment et divergeait de celle de ses collègues, M. B______ avait répondu qu'il ne comprenait pas ce qui avait pu se passer, mais que ces évènements l'avaient profondément affecté.

18) Le 16 avril 2012, le chef de service a prononcé la suspension immédiate de M. B______, vu ses agissements du 10 avril 2012.

19) Le 17 avril 2012, la conseillère administrative en charge du département a prolongé la suspension de l'intéressé.

20) Par décision du 20 avril 2012, le conseil administratif a confirmé la suspension de l'activité de M. B______ et prononcé la suspension de son traitement avec effet immédiat. Son comportement du 10 avril 2012 constituait une violation grave de ses devoirs généraux de fonctionnaire et ne permettaient pas la continuation des rapports de travail dans la mesure où le lien de confiance semblait définitivement rompu. La résiliation immédiate de son contrat de travail était dès lors envisagée et la possibilité lui était offerte de s'exprimer tant oralement que par écrit d'ici au 2 mai 2012.

21) L'intéressé a perçu pour le mois d'avril 2012 un revenu net de CHF 4'856.80.

22) Par courrier du 24 avril 2012, M. B______ a sollicité de la conseillère administrative en charge du département une audition, indiquant qu'il souffrait d'un burnout qui l'affectait particulièrement et exprimant ses regrets. Il ne contestait pas sa suspension, mais ne pensait pas devoir perdre son emploi.

23) M. B______ a été entendu le 8 mai 2012 par une délégation du conseil administratif, en présence de son avocat nouvellement constitué. Le procès-verbal de cette audition ne figure pas au dossier de la présente cause.

24) Par décision du 16 mai 2012, le conseil administratif a prononcé la résiliation immédiate de l'engagement de M. B______ pour justes motifs, avec effet rétroactif au 18 avril 2012. L'intéressé avait admis lors de son audition du 8 mai 2012 les faits qui lui étaient reprochés. Il avait ainsi gravement violé ses devoirs de fonction en frappant un défunt et en agressant physiquement et verbalement certains de ses collègues dans l'après-midi du 10 avril 2012. Il avait par ailleurs déjà fait l'objet de deux avertissements et un blâme entrés en force. De tels faits ne permettaient par conséquent pas la poursuite des rapports de travail, le lien de confiance étant définitivement rompu.

25) Sous la plume de son conseil, M. B______ a indiqué le 21 mai 2012 que l'appréciation du conseil administratif, selon laquelle il avait admis les faits lors de l'audition du 8 mai 2012, ne prenait pas en considération les contestations émises, les précisions apportées, ni les circonstances des évènements. Son droit d'être entendu n'avait pas été respecté dans la mesure où aucune confrontation avec ses collègues n'avait eu lieu. Partant, la décision du 16 mai 2012 était viciée, voire disproportionnée.

26) Par courrier de son avocat du 29 mai 2012, l'intéressé a sollicité de la ville copie de son dossier. La ville a donné suite à cette requête par courrier du 1er juin 2012, mettant copie de son dossier à disposition dès le 5 juin 2012.

27) Par acte du 18 juin 2012, M. B______ a recouru par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre la décision rendue par le conseil administratif le 16 mai 2012. Il a conclu notamment préalablement à l'ouverture des enquêtes, principalement à l'annulation de la décision litigieuse, à sa réintégration dans n'importe quel poste à sa portée au sein de la ville, excepté au centre funéraire, au paiement de l'intégralité de son traitement du 18 avril 2012 au jour de sa réintégration et, subsidiairement, en cas de refus de réintégration, au paiement de six mois de salaire plus intérêts, ainsi que d'une indemnité supplémentaire en CHF 36'734.--, soit cinq mois de salaire, plus intérêts.

Il indiquait en substance que la vue quotidienne de cadavres lui était au fil des mois devenue difficile à vivre, mais qu'il n'avait pas osé s'en rapporter à sa hiérarchie, ni consulter un médecin. Le 10 avril 2012 en fin d'après-midi, il avait retrouvé son local dans un état inacceptable, l'un de ses classeurs avait été visité et des pages arrachées, par des collègues selon lui, ce qui avait exacerbé son état de burnout. Il était sorti de son local après l'avoir remis en ordre et avait jeté un classeur dans le couloir et non dans les escaliers, mais sans viser personne. Il contestait avoir agressé verbalement un collègue. Il avait ensuite croisé deux autres collègues dont le regard moqueur l'avait conduit à une réaction incontrôlée. C'est là qu'il avait frappé avec sa main ouverte une civière contenant un corps et donné une tape appuyée à ses deux collègues. Il n'avait en revanche pas frappé la civière d'un coup de poing, ni un corps dans un cercueil.

Il admettait que le fait d'avoir donné un coup sur une civière dans laquelle se trouvait un défunt constituait objectivement un acte d'une gravité certaine, toutefois cet évènement devait être replacé dans le contexte des faits. Il n'avait pas eu l'intention de viser en particulier un défunt, sa réaction incontrôlée étant due à son énervement. Il s'en était excusé et avait exprimé des regrets. Il contestait en revanche que son comportement envers ses collègues puisse être qualifié d'agression physique ou verbale, raison pour laquelle une confrontation aurait dû avoir lieu. Son licenciement immédiat représentait une sanction manifestement disproportionnée dès lors qu'il travaillait pour la ville depuis 18 ans et que son placement dans un autre service aurait dû être envisagé, ce d'autant que les faits qui lui étaient reprochés ne pouvaient avoir lieu qu'au sein du centre funéraire. Au surplus, il ne développait pas son argumentation juridique qu'il réservait pour des écritures après enquêtes.

28) Dans sa réponse du 19 juillet 2012, la ville a conclu au rejet du recours.

La résiliation immédiate du contrat de travail de M. B______ pour de justes motifs était fondée en droit dès lors qu'il était établi qu'il avait commis le 10 avril 2012 une succession d'actes inadmissibles et que la gravité de sa faute était propre à rompre définitivement le lien de confiance de la ville à son égard. Les motifs invoqués par le recourant pour justifier son comportement n'excusaient en rien ses agissements, ce d'autant qu'il avait déjà fait l'objet à plusieurs reprises au cours de sa carrière de sanctions et remises à l'ordre de sa hiérarchie. Cela étant, les faits que M. B______ se limitait à admettre dans son recours étaient à eux seuls déjà propres à rompre définitivement le lien de confiance et à justifier son licenciement immédiat.

Par ailleurs, le droit d'être entendu du recourant avait été respecté dans la mesure où il avait eu, avant que son licenciement immédiat ne soit prononcé, l'occasion de faire valoir son point de vue tant oralement que par écrit. Les faits motivant le licenciement immédiat avaient d'ailleurs été clairement exposés dans le courrier du conseil administratif du 20 avril 2012. Le dossier complet de M. B______, au demeurant assisté d'un avocat, lui était accessible en tout temps ; il n'en avait pourtant sollicité copie qu'après la décision de licenciement. La ville n'avait pas non plus violé le droit d'être entendu du recourant en n'organisant pas de confrontation avec ses collègues. Dès lors que M. B______ n'avait pas contesté les faits reprochés dans le courrier du conseil administratif du 20 avril 2012, lequel se fondait sur les déclarations concordantes de ses collègues, ni l'organisation de confrontations, ni l'ouverture d'une enquête administrative ne se justifiaient.

La décision litigieuse respectait en outre les principes de la proportionnalité, de l'interdiction de l'arbitraire et de l'égalité de traitement.

Enfin, les conclusions pécuniaires de M. B______ étaient dépourvues de tout fondement dès lors que la décision du 16 mai 2012 était conforme au droit.

29) Le 31 août 2012, le recourant a, par courrier de son avocat, sollicité de la chambre de céans qu'elle entende à titre de témoins ses collègues impliqués dans les évènements du 10 avril 2012. Son droit d'être entendu avait été violé dès lors que leurs déclarations écrites n'avaient pas été portées à sa connaissance par la ville qui aurait dû, selon lui, les lui remettre spontanément. A défaut de confrontation, il n'était pas convaincu des conditions dans lesquelles ses collègues avaient signé leurs déclarations. Les faits n'étaient dès lors pas établis et l'instruction de son dossier n'était pas terminée.

30) Le juge délégué a entendu les parties lors d'une audience de comparution personnelle le 17 janvier 2013.

a. M. B______ a persisté dans les termes de son recours. Il était au chômage. Au moment des faits, il avait souffert d'un petit burnout car il était difficile de travailler dans le secteur mortuaire. Il n'avait pas cette vocation. Sa fille étant décédée, le fait de travailler dans un tel endroit réveillait ses souvenirs. Il n'avait pas choisi sa place de travail, mais l'avait acceptée craignant de se faire licencier dès lors qu'il reprenait le travail après un accident lui ayant laissé des séquelles. Sa hiérarchie connaissait sa situation personnelle. Il avait désormais retrouvé sa capacité de travail à 100% et, dans le cadre de son éventuelle réintégration, était prêt à travailler dans n'importe quel service de la ville, pour autant que son activité ne le conduise pas sur le site du centre funéraire. Il ignorait que les déclarations de ses collègues avaient fait l'objet de comptes rendus écrits ; il en avait eu connaissance après son licenciement, mais avant la procédure de recours. Les noms de ses collègues n'avaient pas été mentionnés dans le courrier du 20 avril 2012 et leurs déclarations ne lui avaient pas été soumises lors de son audition par le conseil administratif, lequel lui avait demandé de se déterminer sur les faits exposés oralement. Les déclarations de ses collègues auraient dû lui être adressées spontanément. Enfin, aucun reproche ne lui avait jamais été fait sur la qualité de son travail au centre funéraire et il s'entendait bien avec ses collègues avec lesquels il n'avait pas de problèmes. Le coup porté sur la civière n'avait pas été intentionnel, seulement une réaction.

b. Le représentant de la ville a indiqué que celle-ci persistait dans sa décision. Elle ne réintégrerait pas M. B______ en cas d'admission du recours en raison de la gravité des faits reprochés. Le recourant avait été affecté à la réception fleuriste du centre funéraire après un arrêt de travail de plus d'une année, afin de tenir compte de ses limites physiques l'empêchant de reprendre son poste d'ouvrier spécialisé. La ville n'avait pas estimé nécessaire d'organiser des confrontations avec les personnes impliquées dans l'incident du 10 avril 2012, dans la mesure où M. B______ avait en grande partie admis les faits qui lui étaient reprochés et avait eu l'occasion de se déterminer oralement et par écrit suite au courrier du conseil administratif du 20 avril 2012. Il n'avait par ailleurs pas demandé à consulter son dossier avant que la décision litigieuse ne soit rendue, alors même qu'il connaissait la pratique du service consistant à établir un rapport écrit en cas d'incident avec les collaborateurs, ce d'autant qu'il ne s'agissait pas du premier incident l’impliquant.

31) A l'issue de l'audience, le juge délégué a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Fonctionnaire de la ville, le recourant est soumis au statut du personnel de la Ville de Genève du 29 juin 2010 (ci-après : le statut - LC 21 151.30).

3) Le recourant sollicite l'audition de huit témoins par la chambre administrative.

Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (Arrêt du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 I 279 consid. 2.3 p. 282 ; 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_552/2011 du 15 mars 2012 consid. 3.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; ATA/432/2008 du 27 août 2008 consid. 2b). Le droit d’être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge examine ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 133 II 235 consid 5.2 p. 248 ; 129 I 232 consid. 3.2 p. 236 ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C_424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2 ; 2C_514/2009 du 25 mars 2010 consid. 3.1).

En l'espèce, la chambre de céans renonce à procéder à l'acte d'instruction sollicité, dans la mesure où il n'est pas de nature à influer sur l'issue du litige et qu'elle dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer en connaissance de cause.

4) Le recourant reproche à la ville de n'avoir procédé à aucune confrontation avec ses collègues impliqués dans les évènements du 10 avril 2012, alors qu’il n'a eu connaissance du contenu de leurs déclarations écrites et signées qu'après que le conseil administratif ait prononcé son licenciement immédiat pour justes motifs le 16 mai 2012.

Ce grief est examiné à la lumière des considérations susmentionnées relatives au droit à l’administration des preuves fondé sur le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 Cst.

En l'espèce, le courrier du conseil administratif adressé au recourant le 20 avril 2012 mentionnait expressément les actes qu’il lui était reproché d’avoir commis le 10 avril 2012, de même que les intentions de la ville quant à son licenciement immédiat. Bien qu'il ait exercé ensuite son droit d'être entendu tant par son courrier du 24 avril 2012, que lors de son audition par une délégation du conseil administratif le 8 mai 2012, il ne ressort pas du dossier qu'il ait contesté la substance des faits. Il n'était dès lors pas indispensable que la ville procède à des confrontations pour établir les faits sur lesquels elle a fondé sa décision du 16 mai 2012.

D'autre part, le recourant, assisté d'un avocat, ne saurait reprocher à la ville de ne pas lui avoir transmis les déclarations écrites et signées de ses collègues dans la mesure où l'accès à son dossier lui était garanti dès le début de la procédure et qu'il ne l'a sollicité que le 29 mai 2012, soit après que son licenciement immédiat ait été prononcé, afin de s'exprimer à ce sujet dans le cadre de la procédure de recours (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_51/2013 du 9 août 2013). De plus, ayant travaillé de nombreuses années pour le service dont il connaissait la pratique de rédaction de rapports en cas d'incidents, le recourant ne pouvait ignorer l'existence desdites déclarations. Partant, son droit d'être entendu a été respecté de ce point de vue également.

5) Par conséquent, la décision litigieuse respecte la procédure de licenciement régie par les art. 96 ss du statut et par la LPA (art. 37 statut).

6) Reste à examiner si les manquements reprochés au recourant constituent une faute grave permettant la résiliation immédiate des rapports de service, avec effet rétroactif au jour de la suspension provisoire entrée en force.

a.              Les membres du personnel de la ville qui violent leurs devoirs de service intentionnellement ou par négligence peuvent se voir infliger un avertissement, un blâme ou la suppression de l’augmentation annuelle de traitement pour l’année à venir (art. 93 du statut). Quelle que soit la nature et la durée de l’engagement, l’employeur et les membres du personnel peuvent en tout temps mettre fin immédiatement aux rapports de service pour justes motifs lorsque les règles de la bonne foi ne permettent plus d’exiger de la partie qui donne le congé leur continuation (art. 30 al. 1 du statut). La résiliation par l’employeur (licenciement) fait l’objet d’une décision motivée du conseil administratif (art. 30 al. 2 du statut).

b.             Le chapitre VI du statut énonce les devoirs du personnel. Parmi les devoirs généraux, se trouvent le respect des intérêts de la ville (art. 82 statut) et l’attitude générale que doivent observer les fonctionnaires dans les relations avec leurs supérieurs, leurs collègues, leurs subordonnés et le public (art. 83 statut). Les fonctionnaires doivent par leur attitude justifier et renforcer la considération et la confiance dont le personnel de la ville doit être l’objet (art. 83 let. c statut). S’agissant de l’exécution du travail, l’art. 84 du statut dispose qu’ils doivent remplir leurs devoirs de fonction consciencieusement et avec diligence (let. a), s'abstenir de toute occupation étrangère au service pendant les heures de travail (let. c) et se conformer aux règlements et directives les concernant (let. f).

c.              En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation ; le pouvoir d’examen de la chambre de céans se limite à l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/329/2013 du 28 mai 2013 ; ATA/285/2013 du 7 mai 2013).

d.             Les communes disposent d’une très grande liberté de décision dans la définition des modalités concernant les rapports de service qu’elles entretiennent avec leurs agents (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.46/2006 du 7 juin 2006 ; F. BELLANGER, Contentieux communal genevois, in : L’avenir juridique des communes, Zurich 2007, p. 149). Ainsi, l’autorité communale doit bénéficier de la plus grande liberté d’appréciation pour fixer l’organisation de son administration et créer, modifier ou supprimer des relations de service nécessaires au bon fonctionnement de celles-ci, questions relevant très largement de l’opportunité et échappant par conséquent au contrôle de la chambre administrative. Ce pouvoir discrétionnaire ne signifie pas que l’autorité est libre d’agir comme bon lui semble. Elle ne peut ni renoncer à exercer ce pouvoir ni faire abstraction des principes constitutionnels régissant le droit administratif, notamment la légalité, la bonne foi, l’égalité de traitement, la proportionnalité et l’interdiction de l’arbitraire (B. KNAPP, Précis de droit administratif 1991, nos 161 ss, pp. 35-36). Le juge doit ainsi contrôler que les dispositions prises se tiennent dans les limites du pouvoir d’appréciation de l’autorité communale et qu’elles apparaissent comme soutenables au regard des prestations et du comportement du fonctionnaire ainsi que des circonstances personnelles et des exigences du service (ATA/707/2011 du 22 novembre 2011 ; ATA/4/2009 du 13 janvier 2009).

e.              Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu'elles ne sauraient être prononcées en l'absence d'une faute. La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n'ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l'auteur (ATA/618/2010 du 7 septembre 2010 ; ATA/320/2010 du 11 mai 2010 ; ATA/662/2006 du 12 décembre 2006, consid. 4 et les références citées ; voir aussi l'Arrêt du Tribunal fédéral 1P.133/2003 du 8 février 2005, consid. 6.1). En cas de révocation, l'existence d'une faute grave est exigée (ATA/785/2012 du 20 novembre 2012 ; ATA/531/2011 du 30 août 2011 ; MGC 2005-2006/XI A, Séance 52 du 21 septembre 2006).

En l'espèce, le recourant nie avoir, le 10 avril 2012, agressé verbalement l'un de ses collègues et donné un coup de poing à un corps dans un cercueil, mais admet avoir jeté un classeur dans les couloirs du centre funéraire, tapé avec sa main ouverte une civière contenant un défunt et exercé une tape appuyée sur deux de ses collègues. Force est de constater que l'intéressé joue sur les mots et que les seuls actes admis par le recourant constituent de graves manquements à ses devoirs de service qu'il ne saurait justifier par les difficultés émotionnelles rencontrées dans le cadre de sa fonction, ce d'autant que son comportement avait déjà par le passé donné lieu à des remises à l'ordre, à deux avertissements, ainsi qu'à un blâme. Par conséquent, la ville n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation en qualifiant les manquements reprochés au recourant de faute grave rompant irrémédiablement la relation de confiance et permettant la résiliation avec effet immédiat et rétroactif des rapports de service.

7) Si le recourant admet en partie les faits reprochés, il considère néanmoins que son licenciement immédiat avec effet rétroactif est une sanction disproportionnée au vu de ses dix-huit années de service, de la qualité de son travail et du fait que son affectation à un autre service aurait dû être envisagée.

En l’espèce, au vu de l’ensemble des circonstances, en particulier des rappels à l’ordre, avertissements et blâmes dont a fait l’objet le recourant au cours de sa carrière en raison de son comportement, avant même qu’il ne travaille au centre funéraire, ainsi que de ses agissements du 10 avril 2012, il ne peut être reproché à la ville d’avoir opté pour le licenciement immédiat, plutôt que pour une autre mesure.

Partant, la décision du 16 mai 2012 du conseil administratif respecte le principe de proportionnalité, conformément à la jurisprudence constante de la chambre de céans.

8) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 a. 1 LPA). Aucune indemnité ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 juin 2012 par Monsieur B______ contre la décision de la Ville de Genève du 16 mai 2012 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Monsieur B______ ;

dit qu'il ne lui est pas alloué d'indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Lorenzo Paruzzolo, avocat du recourant ainsi qu'à la Ville de Genève.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen et M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :