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Décisions | Assistance juridique

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AC/1725/2024

DAAJ/124/2024 du 21.10.2024 sur AJC/4036/2024 ( AJC ) , RENVOYE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/1725/2024 DAAJ/124/2024

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU LUNDI 21 OCTOBRE 2024

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Madame A______, domiciliée ______, France,

 

contre la décision du 23 juillet 2024 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 

 

 

 


EN FAIT

A.           a. A______ (ci-après : la recourante), infirmière, divorcée, vit en France voisine avec sa fille B______, âgée de 21 ans, laquelle est étudiante à C______ (Belgique).

b. Par décision du 19 février 2024, les D______ ont infligé un blâme à la recourante, à la suite d'un conflit au sein du personnel.

c. Le 14 mai 2024, la recourante a déféré cette sanction par-devant la Chambre administrative de la Cour de justice, dont la procédure est en cours (A/1______/2024).

Le 27 mai 2024, la recourante a payé l'avance de frais de 500 fr.

B.            a. Le 25 juin 2024, la recourante a sollicité l'assistance juridique, limitée aux frais, à l'appui de son recours auprès de la Chambre administrative de la Cour.

b. Par courrier du 28 juin 2024, le greffe de l'Assistance juridique (ci-après : le GAJ) a imparti à la recourante un délai au 18 juillet 2024 pour :

-          fournir les preuves des paiements des assurances-maladie obligatoires pour elle-même et sa fille durant les trois derniers mois;

-          expliquer la somme de 1'300 fr. mentionnée dans la rubrique "Pensions alimentaires" du formulaire;

-          exposer les études entreprises par sa fille à C______ et expliquer en quoi celles-ci ne pouvaient pas avoir lieu dans une ville française plus proche de leur domicile;

-          remettre une copie de la sanction et des griefs à son encontre.

c. Par courriel du 17 juillet 2024, la recourante a transmis de nombreuses pièces au GAJ, a expliqué que la somme de 1'300 EUR correspondait au loyer de sa fille à C______ et que celle-ci avait entrepris des études en Bachelor (sciences psychologiques et de l'éducation) à C______, car elle n'avait pas obtenu de notes suffisantes pour suivre des études en France ou en Suisse.

Elle a ajouté qu'elle ferait parvenir par courriel au GAJ la sanction et ses arguments y relatifs.

Par courrier du 18 juillet 2024, reçu le lendemain par le GAJ, la recourante a remis la copie de la sanction et ses griefs, en le remerciant d'avoir accepté par téléphone une prolongation du délai jusqu'au 7 août 2024.

d. Le 18 juillet 2024, le GAJ a adressé deux courriers à la recourante, lesquels ne figurent pas au dossier de l'Autorité de première instance :

- dans l'un, il a persisté à vouloir être renseigné sur les trois premiers points de son courrier du 28 juin 2024 sus évoqué et a nouvellement requis des explications sur un montant de 1'942 fr. allégué à titre de charge, justificatifs à l'appui, y compris celui de paiement, et a aussi demandé la remise des relevés détaillés du compte de la recourante auprès de [la banque] E______, avec mention du solde, et durant les trois derniers mois;

- l'autre courrier s'est limité à prolonger le délai imparti à la recourante jusqu'au 7 août 2024 pour qu'elle fournisse les pièces et/ou informations complémentaires relatives à sa requête d'assistance juridique.

C.           Avant l'échéance du délai précité, la vice-présidence du Tribunal civil a, par décision du 23 juillet 2024, notifiée le 12 août 2024, rejeté la requête d'assistance juridique.

Selon cette décision, les revenus mensuels nets de la recourante et de sa fille totalisaient 7'727 fr. (revenu de la recourante : 7'312 fr.; allocations familiales : 415 fr.), pour des charges mensuelles de 5'554 fr. (base mensuelle d'entretien pour elle : 1'148 fr., respectivement sa fille : 510 fr., après décote de 15% en raison de leur domicile en France, loyer de la recourante comprenant 2 places de parking, à bien plaire : 1'412 fr., primes d'assurance-maladie : 427 fr., retenues à bien plaire car seul le paiement de 286 fr. avait été prouvé, transports publics pour la famille : 115 fr., et autres dépenses "nécessaires" en 1'942 fr., admises à bien plaire, car la nature de ces frais et leur paiement n'avait pas été instruits plus en détail).

Le loyer de 1'300 fr. [recte : EUR] de l'appartement de la fille de la recourante à C______ a été écarté, parce que la poursuite de ses études en Belgique en raison de notes insuffisantes pour être immatriculée à Genève procédait d'un choix personnel.

De même, les dettes mensuelles de la recourante, en 3'698 fr., n'ont pas été prises en compte, puisqu'elle n'avait pas démontré les avoir contractées pour des "objets" de stricte nécessité.

Ainsi, le disponible mensuel de la recourante et de sa fille dépassait de 2'173 fr. son minimum vital strict, respectivement de 1'759 fr. son minimum vital élargi, après augmentation de 25% de leurs bases mensuelles d'entretien.

Selon la vice-présidence du Tribunal civil, la recourante pouvait assumer par ses propres moyens les frais juridiques, voire les honoraires d'avocat, précisant que celle-ci avait déjà payé la somme de 500 fr. et que l'assistance juridique ne pouvait pas être accordée avec effet rétroactif.

D.           a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 30 août 2024 à la Présidence de la Cour de justice.

La recourante, qui conclut implicitement à l'annulation de la décision de la vice-présidence du Tribunal civil du "31 juillet 2024" [recte : 23 juillet 2024], persiste à solliciter l'octroi de l'assistance juridique.

La recourante produit des pièces nouvelles (pièce n° 6 : loyer trimestriel d'une place de parc à Genève; n° 7 : décision du 22 février 2024 de la Commission de surendettement des particuliers de F______, France; nos 9 à 11 : relevés de son compte auprès de [la banque] E______; n° 12 : note d'honoraires de son conseil et n° 13 : impôts sur les revenus 2023 de la Direction générale française des finances publiques).

b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1. La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 10 al. 3 LPA), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours dans un délai de 30 jours (art. 10 al. 3 LPA, 130, 131 et 321 al. 1 CPC, applicables par renvoi des art. 10 al. 4 LPA et 8 al. 3 RAJ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_171/2011 du 15 juin 2011 consid. 2.2).

1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 10 al. 3 LPA), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_171/2011 précité). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

1.4. Compte tenu de l'issue du litige, il ne se justifie pas de procéder à l'audition de la recourante, que cette dernière ne sollicite au demeurant pas (art. 10 al. 3 LPA; arrêt du Tribunal fédéral 2D_73/2015 du 30 juin 2016 consid. 4.2).

2.             A teneur de l'art. 326 al. 1 CPC, les conclusions et les allégations de faits nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'une procédure de recours.

Par conséquent, les allégués de faits dont la recourante n'a pas fait état en première instance et les pièces nouvelles (nos 6, 7, 9 à 11, 12 et 23) ne seront pas pris en considération.

3.             La recourante reproche à la vice-présidence du Tribunal civil d'avoir rendu sa décision avant l'échéance du délai imparti pour la remise des documents demandés.

3.1.
3.1.1
Selon l'art. 29 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite.

L'assistance judiciaire consiste à rendre possible également à la personne indigente l'accès aux tribunaux et la défense convenable de ses droits de partie (ATF 131 I 350 consid. 3.1; 120 Ia 14 consid. 3d).

Selon la jurisprudence, les conditions d'octroi de l’assistance judiciaire gratuite sont réalisées si le requérant est indigent, si l'assistance d'un avocat est nécessaire ou du moins indiquée et si les conclusions du recours ne paraissent pas d'emblée vouées à l'échec (ATF 125 V 371 consid. 5b et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_628/2013 du 14 janvier 2014 consid. 2.1).

Selon l’art. 10 al. 2 LPA, le président du Tribunal civil accorde l'assistance juridique à toute personne physique dont la fortune ou les revenus ne sont pas suffisants pour couvrir les frais d'une procédure administrative ou pour lui assurer l'aide et les conseils d'un avocat ou d'un avocat-stagiaire lorsque ceux-ci sont nécessaires. L'assistance juridique peut être refusée si les prétentions ou les moyens sont manifestement mal fondés (al. 2).

Aux termes de l'art. 7 RAJ, auquel renvoie l’art. 10 al. 4 LPA, la personne requérante doit fournir les renseignements et pièces nécessaires à l'appréciation des mérites de sa cause et de sa situation personnelle (al. 1). Si la personne requérante ne respecte pas ces obligations ou ne fournit pas dans les délais impartis les renseignements ou pièces qui lui sont réclamés, sa requête sera déclarée infondée (al. 3).

Selon les dispositions du CPC, applicables à l’instruction des requêtes d’assistance juridique en matière administrative (cf. art. 10 al. 4 LPA et 8 al. 3 RAJ), le requérant doit justifier de sa situation de fortune et de ses revenus et exposer l’affaire et les moyens de preuve qu’il entend invoquer (cf. art. 119 al. 2 1re phr. CPC).

Applicable à la procédure portant sur l'octroi ou le refus de l'assistance judiciaire, la maxime inquisitoire est limitée par le devoir de collaborer des parties, lequel ressort notamment de l’art. 119 al. 2 CPC. Il appartient à l’intéressé de motiver sa requête s'agissant des conditions d'octroi de l’assistance juridique et d'apporter, à cet effet, tous les moyens de preuve nécessaires et utiles (arrêt du Tribunal fédéral 5A_984/2022 du 27 mars 2023 consid. 3.2 et les références citées).

Selon l'art. 119 al. 4 CPC, l'assistance judiciaire est exceptionnellement accordée avec effet rétroactif.

3.1.2 Eu égard à sa nature formelle, la violation du droit d'être entendu dénoncée par le recourant doit être examinée en premier lieu (arrêt du Tribunal fédéral 5A_662/2022 du 17 novembre 2022 consid. 3.3.1 et les références citées).

Conformément aux art. 29 al. 2 Cst. et 6 par. 1 CEDH, les parties ont le droit d'être entendues. Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable, le droit d'être entendu comprend en particulier le droit, pour une partie à un procès, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit et qu'elle soit ou non concrètement susceptible d'influer sur le jugement à rendre. Il appartient aux parties, et non au juge, de décider si une prise de position ou une pièce nouvellement versée au dossier contient des éléments déterminants qui appellent des observations de leur part. Toute prise de position ou pièce nouvelle versée au dossier doit dès lors être communiquée aux parties pour leur permettre de décider si elles veulent ou non faire usage de leur faculté de se déterminer (ATF 146 III 97 consid. 3.4.1 et les références; 138 I 154 consid. 2.3.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_939/2023 du 8 juillet 2024 consid. 3.1 et la référence citée).

En principe, la violation du droit d'être entendu entraîne l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. Toutefois, le droit d'être entendu n'est pas une fin en soi; il doit permettre d'éviter qu'une procédure judiciaire ne débouche sur un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure, notamment à l'administration des preuves. Lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_939/2023 du 8 juillet 2024 consid. 3.1 et la référence citée).

La jurisprudence admet en outre qu'un manquement au droit d'être entendu puisse être considéré comme réparé lorsque la partie lésée a bénéficié de la faculté de s'exprimer librement devant une autorité de recours, pour autant que celle-ci dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure et puisse ainsi contrôler librement l'état de fait et les considérations juridiques de la décision attaquée (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 et les références citées). Une telle réparation doit rester l'exception et n'est en principe admissible que si l'atteinte aux droits procéduraux n'est pas particulièrement grave (arrêts du Tribunal fédéral 4A_558/2021 du 28 février 2022 consid. 3.1; 4A_216/2021 du 2 novembre 2021 consid. 4.1).

En présence d'un vice grave, l'effet guérisseur de la procédure de recours peut également être reconnu lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_558/2021 du 28 février 2022 consid. 3.1; 4A_216/2021 du 2 novembre 2021 consid. 4.1).

3.2 En l'espèce, la vice-présidence du Tribunal civil a rendu sa décision le 23 juillet 2024, alors que le GAJ avait imparti à la recourante un délai jusqu'au 7 août 2024 pour fournir les relevés détaillés de sa banque, avec mention du solde pour les trois derniers mois, respectivement pour qu'elle puisse produire les pièces et/ou informations complémentaires à l'appui de sa requête d'assistance juridique.

Par conséquent, le droit d'être entendu de la recourante a été violé.

La Cour ne disposant pas du même pouvoir d'examen que l'Autorité de première instance, puisqu'elle ne peut pas connaître des pièces nouvellement produites, la violation du droit d'être entendu ne peut pas être réparée dans le cadre de ce recours.

De plus, la présente cause n'est pas devenue sans objet, au motif que la recourante a déjà payé l'avance de frais, le 27 mai 2024, avant de solliciter l'octroi de l'assistance juridique le 25 juin 2024, puisqu'elle pourrait encore devoir encourir des frais de procédure et émoluments (art. 87 al. 1 LPA), à l'issue de la décision que rendra la Chambre administrative de la Cour sur le blâme contesté.

Enfin, exiger le respect du droit d'être entendu en l'occurrence ne représente pas une fin en soi, puisque l'Autorité de première instance devait statuer en connaissance de cause, sur la base d'un dossier complet, ce d'autant plus qu'elle a elle-même demandé à la recourante des explications sur le montant de 1'942 fr., allégué à titre de charge, et requis la production de relevés bancaires.

Le recours est fondé, de sorte que la décision du 23 juillet 2024 de la vice-présidence du Tribunal civil sera annulée et la cause renvoyée en première instance pour fixation d'un nouveau délai à la recourante afin de lui permettre de produire les pièces requises, ainsi que celles qu'elle entendait remettre au GAJ, et nouvelle décision.

4.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 30 août 2024 par A______ contre la décision rendue le 23 juillet 2024 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/1725/2024.

Au fond :

Annule la décision entreprise.

Cela fait :

Renvoie la cause à la vice-présidence du Tribunal civil pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ (art. 327 al. 5 CPC et 8 al. 3 RAJ).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les
art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un
recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.