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Décisions | Chambre civile

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C/29478/2018

ACJC/1515/2023 du 14.11.2023 sur JTPI/7066/2022 ( OO ) , JUGE

Recours TF déposé le 14.12.2023, 4A_610/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/29478/2018 ACJC/1515/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 14 NOVEMBRE 2023

 

Entre

A______, sise ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par la 10ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 13 juin 2022, représentée par
Me Carlo LOMBARDINI et Me Garen UCARI, avocats, Poncet Turrettini, rue
de Hesse 8, case postale, 1211 Genève 4,

et

B______ FOUNDATION, sise ______, Liechtenstein, intimée, représentée par
Me Pascal TOURETTE, avocat, KT-Legal SA, boulevard des Philosophes 17, case postale 507, 1211 Genève 4.

 

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/7066/2022 du 13 juin 2022, reçu le 15 juin 2022 par les parties, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure ordinaire, a condamné A______ à payer à B______ FOUNDATION 650'109.50 USD avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 13 avril 2017 (chiffre 1 du dispositif) et 103'530.15 USD avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 2 mai 2017 (ch. 2), arrêté les frais judiciaires à 36'400 fr., les a partiellement compensés avec l'avance fournie par B______ FOUNDATION en 30'600 fr. et celle fournie par A______ en 2'000 fr. (ch. 3), condamné en conséquence cette dernière à payer 3'800 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du pouvoir judiciaire, à titre de solde des frais judiciaires (ch. 4) et à payer 30'600 fr. ainsi que 33'600 fr. TTC à B______ FOUNDATION à titre de remboursement de frais judiciaires, respectivement de dépens (ch. 5 et 6), ordonné en conséquence la libération, en faveur de B______ FOUNDATION, des sûretés déposées en garantie des dépens à concurrence de 33'600 fr. TTC (ch. 7) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 8).

B.            a. Par acte déposé le 16 août 2022 au greffe de la Cour de justice, A______ appelle de ce jugement, dont elle sollicite l'annulation. Elle conclut principalement au déboutement de B______ FOUNDATION de toutes ses conclusions, avec suite de frais et dépens.

b. Dans sa réponse du 12 octobre 2022, B______ FOUNDATION conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris, sous suite de frais et dépens.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Par avis du 31 janvier 2023, elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______, dont la raison sociale était précédemment C______ (ci-après : A______ ou la banque), est un établissement bancaire ayant son siège à Genève.

b. B______ FOUNDATION (ci-après : B______ ou la fondation) est une fondation de droit liechtensteinois créée en 2005 dans le but de gérer le patrimoine du ______ [titre de noblesse] D______ (ci-après : D______), ressortissant d'Arabie Saoudite né en ______.

La fondation a notamment pour but des versements à ses bénéficiaires (soit D______ et sa famille) pour leur formation et leurs besoins courants. Elle n'exploite pas d'entreprise commerciale.

Au moment de sa création, les membres du conseil de fondation étaient D______ ainsi que E______ et F______, avocats au sein de l'étude G______, sise à H______ (Liechtenstein), tous trois avec signature collective à deux.

Les pouvoirs de F______ ont été radiés en 2008 et ceux de E______ en 2016. Depuis 2016, I______, également avocat au sein de l'étude G______, est membre du conseil de fondation avec signature collective à deux, aux côtés de D______.

Le siège de B______ se trouve au Liechtenstein, à la même adresse que G______.

c. J______ est l'assistante de I______ au sein de l'étude G______.

d. K______ a fait la connaissance de D______ il y a plus de 30 ans. Il a créé L______ à M______ (Liban), qui servait de family office pour la gestion du patrimoine de D______. Il lui a conseillé la création de B______ afin de préserver son patrimoine pour ses enfants dans le cadre de sa succession et l'a mis en relation avec A______.

K______ avait une activité de conseil et ne s'occupait pas de gestion. Il a cessé cette activité en 2013, ce dont il a informé la banque, en lui demandant de ne plus lui envoyer de correspondance. S'il en recevait, il la détruisait.

e. N______, né en ______, est le comptable de D______ depuis 1973. Entendu comme témoin par le Tribunal le 8 décembre 2021, il a déclaré qu'il donnait régulièrement des instructions de paiement au nom et pour le compte de D______.

f. Le 22 mars 2007, B______ a ouvert un compte bancaire n° 1______ auprès de A______, dont D______ est l'ayant-droit économique.

f.a. Selon le formulaire d'ouverture de compte, la devise de la relation bancaire était le dollar américain, la langue de correspondance l'anglais et des relevés de compte mensuels étaient envoyés par courrier à B______ – soit auprès de l'étude G______ – avec copie au bureau de D______ en Arabie Saoudite et à L______ au Liban.

Il était précisé que la banque acceptait toute transaction transmise d'une autre manière que par l'envoi d'un document original, quelle que soit la forme, au risque du détenteur du compte.

Le formulaire renvoyait expressément aux conditions générales de la banque.

f.b. Selon l'article 7.4 de ces conditions générales, les instructions exécutées par la banque transmises par toute autre forme que par un écrit original (par exemple par oral, par téléphone, par fax, par message électronique ou par connexion informatique), sous réserve d'instruction contraire expresse du client, ne pouvaient en aucun cas être contestées par le client, même si leur forme ne permettait pas à la banque d'en tirer une preuve effective, les écritures de la banque constituant une preuve suffisante que ces instructions avaient été données telles qu'elles avaient été exécutées, sous réserve d'erreur manifeste. La banque pouvait, sans y être obligée, en suspendre l'exécution jusqu'à l'obtention d'indications plus précises, une confirmation écrite originale ou une identification valable de leur auteur par d'autres moyens, notamment si elle estimait qu'elles étaient incomplètes, confuses ou dépourvues d'authenticité suffisante et n'encourait aucune responsabilité de ce fait. Que la banque reçoive ou non une confirmation écrite originale et/ou des informations complémentaires de la part du client, ce dernier déchargeait d'ores et déjà la banque de toute responsabilité et sans restriction quant aux conséquences dommageables pouvant résulter de l'utilisation de ces formes et moyens de transmissions y compris en cas d'abus, d'imitation ou d'utilisation par des tiers non autorisés. Cette clause s'appliquait à tout type de communication entre les parties.

L'article 7.5 stipulait que l'utilisation de tout moyen de communication à distance, en particulier par courrier, téléphone, fax, message électronique, connexion informatique, comportait des risques qui n'étaient pas à la charge de la banque. Notamment, l'utilisation d'une connexion internet sans protection particulière ou d'un ordinateur insuffisamment protégé présentaient des risques accrus (tel virus, piratage, falsification du moyen d'authentification). En l'absence de preuve d'une faute grave de la banque, le client supportait tout risque de dommage de toute nature que le client ou la banque pouvait subir de l'utilisation de l'un de ces moyens de communication. En cas de différend, le client supportait la charge de la preuve.

L'article 7.17 indiquait que le client était tenu de vérifier immédiatement le contenu des documents, extraits, communications ou notifications de la banque et d'aviser immédiatement la banque de toute erreur, y compris en sa faveur, qu'ils pourraient contenir (paragraphe 1).

Toute réclamation ou objection du client concernant l'exécution ou la non-exécution d'ordres ou d'autres communications, notifications ou mesures prises par la banque devait être présentée immédiatement à la réception de l'avis en question ou, au plus tard, dans le délai fixé par la banque, faute de quoi les données qu'il contenait étaient réputées correctes et approuvées par le client, sauf en cas d'erreur évidente quant au contenu. Les cas particuliers où les circonstances exigeaient une réponse immédiate du client étaient réservés. S'il ne recevait pas un courrier, une communication ou une notification qu'il aurait dû attendre, le client était tenu d'en aviser immédiatement la banque et de présenter sa réclamation dès qu'il aurait dû normalement la recevoir (paragraphe 2).

Toutes réclamations concernant les relevés périodiques du compte et les évaluations du portefeuille devaient être transmises par écrit dans les 30 jours et celles concernant les avis dans les 5 jours à compter de leur envoi. L'approbation expresse ou implicite des relevés de compte et de dépôt et des évaluations de portefeuille impliquait l'approbation de tous les éléments et références qui y figuraient ainsi que des réserves éventuelles de la banque et, en cas de solde débiteur, la reconnaissance de la dette conformément aux dispositions légales. Les inscriptions sur un relevé ou une évaluation de portefeuille ne pouvaient être contestées lorsqu'elles correspondaient à des notifications d'opérations qui n'avaient pas été contestées en temps utile. Toute perte résultant d'une réclamation tardive était supportée par le client (paragraphe 3).

L'article 7.36 prévoyait un for à Genève et une application du droit suisse.

g. Au 31 décembre 2016, le compte présentait un solde de 754'659.53 USD.

h. Très peu de transactions ont été effectuées depuis le compte de B______. Celles-ci avaient lieu dans diverses monnaies, USD, GBP, EURO, CAD ou JPY. Il s'agissait d'achats de devises, de transferts sur d'autres comptes appartenant à D______ ou de transferts fiduciaires, notamment auprès de [la banque française] O______ (devenu depuis P______). Il n'y avait pas de transferts auprès de tiers.

D______ disposait d'un second compte bancaire personnel auprès de A______, servant à payer les charges du bien immobilier dont il était propriétaire à Q______ (VD).

i. R______, employé de A______, était en charge de la gestion du compte de B______.

S______ était également employée de la banque.

T______ était membre de la direction de A______, inscrite au registre du commerce avec signature collective à deux.

j. Le 27 février 2017 à 17h35, N______ a envoyé un courriel en anglais depuis son adresse N______@hotmail.com à J______, accompagné d'un ordre de transfert signé de D______ portant sur un montant de 1'500'000 USD à verser sur un compte dont celui-ci était titulaire auprès de [la banque] U______. Ce document portait l'en-tête du bureau de D______ et l'adresse de celui-ci en pied de page. En haut du document figuraient également des informations – partiellement coupées – propres à la transmission par fax, soit notamment la date, l'heure et un numéro de fax.

Ce courriel avait la teneur suivante (traduction libre) :

Chère J______ [prénom],

Bonjour,

Je vous prie de trouver un ordre de transfert signé de le ______ D______ [avec titre de noblesse] avec tous les détails du nom de la banque, adresse & numéro de compte, IBAN, code swift.

Tous les détails comme vous l'avez demandé.

Cordiales salutations.

k. Selon B______, la boîte de courriers électroniques de N______ a été piratée peu après l'envoi de ces instructions, le fraudeur présumé ayant pu accéder à cette instruction de transfert et à la pièce jointe comprenant la signature de D______.

La banque conteste que cette boîte électronique ait fait l'objet d'un piratage.

l. Le même jour à 18h54, le supposé fraudeur a envoyé un courriel en anglais à J______ depuis l'adresse N______@hotmail.com, annulant le précédent ordre. Ce courriel avait la teneur suivante (traduction libre) :

Chère J______ [prénom],

Bonjour,

Référence est faite à mon courriel précédent de cet après-midi, ayez la gentillesse d'ignorer l'ordre de transfert que je vous ai envoyé plus tôt D______ vient de m'informer que c'est seulement pour des paiements en EURO.

Je vais vous envoyer un ordre de transfert mis à jour signé par le ______ D______ avec tous les détails du nom de la banque, adresse & numéro de compte, IBAN, code swift pour ce paiement en USD.

Ayez la gentillesse d'accuser réception de ce courriel.

Cordiales salutations.

m. Le 28 février 2017 à 14h20, le fraudeur présumé a envoyé un courriel à J______ depuis l'adresse N______@hotmail.com, accompagné d'un document, à savoir une copie du courrier à en-tête du bureau de D______ avec sa signature, mais avec un contenu différent de l'ordre transmis par N______ la veille. Ce courriel avait la teneur suivante (traduction libre) :

Chère J______,

Bonjour,

Je vous prie de trouver l'ordre de transfert mis à jour dûment signé par le ______ D______ avec tous les détails du nom de la banque, adresse & numéro de compte, IBAN, code swift.

Comme le requiert le ______ D______ ayez la gentillesse de m'aviser au plus tôt lorsque le transfert aura été fait ?

Dans l'attente de votre prompte réponse.

Cordiales salutations.

Le document joint mentionnait un virement auprès de V______ en Suisse, avec pour bénéficiaire W______ CO LTD (Hong Kong). L'en-tête et le pied de page du bureau de D______, ainsi que la signature de ce dernier étaient identiques à ceux figurant dans le document envoyé la veille par N______. La partie centrale du document avait été remplacée par un autre texte, avec un ordre de transfert différent. Ce texte était plus net que le reste du document et apparaissait "droit", en comparaison avec l'en-tête, le pied de page et la signature qui étaient "penchés". Les informations propres à la transmission par fax, soit notamment la date, l'heure et le numéro de fax, étaient identiques à celles figurant sur le document précédent et étaient coupées aux mêmes endroits.

Entendu comme partie par le Tribunal le 24 novembre 2021, D______ a déclaré qu'il n'avait jamais donné un tel ordre, qu'il s'agissait bien de sa signature mais que ce n'était pas lui qui l'avait apposée sur ce document.

n. Le 23 mars 2017, J______ a envoyé à R______ divers documents – soit notamment des formulaires "self-certification for tax purposes" – que celui-ci avait transmis par courriel du 8 février 2017 à N______ afin qu'ils soient signés par B______ et par D______ personnellement.

L'un des documents, dont B______ allègue qu'il aurait été falsifié par le fraudeur, requérait le transfert du solde du compte à l'attention de X______ PTE LTD, auprès de la banque Y______ en Suisse.

Cette société était basée à Singapour et avait pour activité principale le commerce de divers biens sans produit dominant.

o. Le 27 mars 2017, J______ a envoyé un courriel à R______, mettant en copie T______, S______ et I______, demandant quand le transfert serait effectué.

p. Le 28 mars 2017 à 9h54, R______ a répondu à J______, avec copies à T______, S______, I______ et N______ (traduction libre) :

Chère Madame,

Je vous remercie pour votre courriel. Il semble qu'il y ait un malentendu avec les conséquences d'effectuer un transfert externe, que M. N______ a gentiment résolu.

Pour votre information, si nous transférons les actifs de la Fondation, nous ne serons plus en mesure de maintenir la relation avec notre client.

Ainsi, il nous a été demandé d'ignorer l'instruction et que nous en recevrions une autre rapidement.

Pendant ce temps-là, puis-je vous demander de rééditer l'auto-certification au nom de la FONDATION, car il n'est pas correctement signé par les signataires de la Fondation.

Avec mes remerciements et cordiales salutations.

R______

q. Ce courriel a été supprimé de la boîte de courriers électroniques de N______, de sorte que le précité n'en a jamais pris connaissance, ce qu'il a confirmé lors de son audition du 8 décembre 2021. Il a déclaré avoir reçu un appel téléphonique de R______, qui lui avait expliqué qu'il était nécessaire que D______ conserve la somme d'un million de dollars américains auprès de A______ afin de couvrir les frais relatifs à son appartement à Q______ et de maintenir la relation bancaire. Après discussion avec R______, il avait finalement été prévu que l'argent serait versé sur le compte personnel de D______ auprès de A______.

Pour N______, la discussion portait autour de l'ordre de transfert du 27 février 2017 auprès de la banque U______. Il n'avait aucune raison de penser que la discussion concernait un transfert à un autre destinataire que D______.

r. Selon la fondation, le fraudeur présumé aurait réussi à usurper l'adresse de R______ et envoyé, le 28 mars 2017 à 11h16, un courriel avec le même contenu que l'original envoyé 1h30 auparavant par le précité, adressé à N______ ainsi qu'à deux fausses adresses électroniques semblant appartenir à J______ (J______@G______.com) et à I______ (I______@G______.com), remplaçant certaines voyelles par des "______" dans leurs noms. Etait annexé à ce courriel le formulaire contenant l'ordre de transfert pour le compte de D______.

Il échappait ainsi à l'attention de N______ qu'un supposé fraudeur donnait des ordres différents des siens à la banque.

s. Le 4 avril 2017 à 12h15, le fraudeur présumé a adressé un courriel à R______ et à J______, avec S______, I______ et T______ en copie, qui avait la teneur suivante (traduction libre) :

Cher R______ [prénom],

Référence est faite au transfert externe requis par le ______ D______ [avec titre de noblesse].

Comme nouvelle instruction, pouvez-vous organiser jusqu'à 650'000 USD ?

Dans l'attente de votre réponse au plus vite.

Cordiales salutations.

N______

t. R______ a répondu à ce courriel le même jour à 14h40 (traduction libre) :

Cher Monsieur,

Merci pour votre courriel.

Sauf erreur de ma part, il n'y a pas d'instruction jointe à votre courriel.

Si je comprends bien, D______ voudrait faire un transfert interne du compte de la Fondation au compte personnel de D______, dans le but de maintenir la relation avec A______, entre autre chose. Suis-je correct ?

Si c'est le cas, nous avons besoin d'une nouvelle instruction des signataires de la Fondation, comme la dernière était en faveur de "X______ PTE LTD" auprès de [la banque] "Y______". L'instruction sera exécutée lorsque les pleins pouvoirs sur le compte par les nouvelles personnes auront été dûment enregistrés.

Je vais laisser T______ [i.e. T______] et S______ [prénoms], en copie, faire le nécessaire car je ne suis plus basé à Genève, et elles vont se charger avec la plus grande attention de la relation que AK______ [prénom] avait l'habitude d'avoir avec D______.

Avec mes remerciements et cordiales salutations.

R______

u. Le même jour, le fraudeur présumé a répondu à 19h31 par le biais de l'adresse de N______, avec J______, S______, I______ et T______ en copie (traduction libre) :

Cher R______,

Je vous remercie pour votre courriel.

Suite à votre courriel ci-dessus, oui D______ a requis plus tôt que le transfert soit envoyé sur son compte personnel mais il a de nouvelles instructions que vous allez recevoir de [l'étude] G______ signé par lui pour vos bons offices.

Aussi le ______ D______ requiert que le transfert soit fait d'ici la fin de cette semaine.

Cordiales salutations.

N______

v. Le 5 avril 2017 à 9h17, S______ a répondu, avec R______, J______, I______ et T______ en copie (traduction libre) :

Cher Monsieur,

Nous vous remercions pour vos clarifications concernant le transfert requis ; mais nous aimerions attirer votre attention sur ce qui suit :

Nous pourrons exécuter le transfert uniquement après la réception des documents manquants (pouvoir signé en faveur des nouvelles personnes autorisées, carte de signatures).

Nous avons également besoin d'une copie du passeport ou de la carte d'identité de I______.

Vous remerciant de votre compréhension,

Cordiales salutations.

w. Le même jour à 9h43, le fraudeur présumé a répondu à S______, avec les mêmes personnes en copie (traduction libre) :

Chère J______,

Suite au courriel ci-dessus de A______, veuillez le fournir dès que possible afin d'exécuter le transfert comme requis par le ______ D______ au plus vite.

Dans l'attente de votre réponse.

Cordiales salutations.

N______

x. Le même jour à 10h50, le supposé fraudeur a écrit à J______, avec I______ en copie (traduction libre) :

Chère J______,

Veuillez trouver la pièce jointe signée par le ______ D______.

Dans l'attente de la copie swift.

Cordiales salutations.

N______

y. Toujours le 5 avril 2017 à 12h36, J______ a écrit à S______, avec les mêmes personnes en copie (traduction libre) :

Chère Madame S______,

Merci pour votre courriel. Veuillez trouver ci-joint la nouvelle carte de signatures ainsi qu'une copie certifiée du passeport de Dr I______ comme requis.

Veuillez également trouver ci-joint les nouvelles instructions de transfert. Puis-je vous demander de nous fournir une copie du SWIFT.

Si vous avez des questions, veuillez nous le faire savoir.

Cordiales salutations.

Étaient joints à ce courriel une copie du passeport de I______, le carton de signatures signé par I______ et, en apparence, par D______ à deux endroits différents, ainsi qu'un ordre de paiement de B______ d'un montant de 650'000 USD à l'attention de Z______ LTD à Hong Kong, à verser auprès de la banque AA______ [à Hong Kong].

Les deux signatures de D______ sur le carton de signatures étaient identiques, y compris la croix apposée à côté indiquant les endroits où il devait signer.

La signature de D______ sur l'ordre de paiement était identique à celle figurant sur l'un des documents signés par D______ pour régulariser les documents demandés par la banque (self-certification for tax purposes), y compris la croix apposée à côté indiquant l'endroit où il devait signer.

z. Encore le même jour à 14h35, T______ a écrit à J______, avec S______, R______, I______ et N______ en copie (traduction libre) :

Chers Messieurs,

Je vous remercie pour vos messages.

Néanmoins nous serions très reconnaissants si vous pouviez fournir la raison du transfert (contrôle préalable), de plus nous aimerions attirer votre attention sur le fait que le transfert sera effectif uniquement une fois que la carte de signatures originale aura été reçue et enregistrée dans nos livres.

Enfin, nous vous rappelons que pour être en mesure de maintenir le compte ouvert, un minimum de 1'000'000 USD ou équivalent doit être déposé dans nos livres.

Nous vous remercions de confirmer votre intention et ne manquerons pas de vous informer dès que nous aurons accusé réception desdits documents originaux.

Cordiales salutations,

T______

aa. Le 10 avril 2017, N______ a envoyé un courriel à deux destinataires, dont l'un est une adresse qui ressemble à celle de J______, commençant par "J______", la seconde adresse n'étant pas visible. Ce message confirmait l'envoi de l'original du carton de signatures par AB______ [entreprise de transport et logistique] et la volonté de D______ de transférer 754'000 USD du compte de la fondation à son compte personnel auprès de A______.

Lors de son audition par le Tribunal, D______ a indiqué que la banque avait refusé d'effectuer ce transfert.

bb. Le même jour, le fraudeur présumé a écrit un courriel à J______ avec I______ en copie, recopiant partiellement le courriel envoyé plus tôt par N______ (traduction libre) :

Chère J______,

Je me réfère à votre courriel daté du 6 avril 2017.

Je voudrais vous confirmer que les originaux des formulaires signés sont envoyés ce jour par avion par AB______, quittance no 2______ du bureau de AC______ [Arabie saoudite], nom de l'expéditeur AD______

Veuillez accuser réception

Raison du transfert : ACHAT DE MACHINES. Je vous prie de nous envoyer une copie du SWIFT une fois le transfert exécuté.

Cordiales salutations.

N______

cc. Le 12 avril 2017 à 16h39, J______ a écrit à T______, avec S______, R______, I______ et N______ en copie (traduction libre) :

Chère T______,

Merci pour votre courriel. La carte de signatures originale vous est envoyée ce jour par la poste, ainsi vous serez en mesure d'effectuer le transfert demain.

La raison du transfert est l'achat de machines.

Nous attendons de recevoir la copie du SWIFT du transfert.

Avec mes remerciements et cordiales salutations.

dd. Le 13 avril à 11h59, le fraudeur présumé a adressé un courriel à R______, avec J______, S______, I______ et T______ en copie (traduction libre) :

Chers T______/R______

Je vous prie de nous fournir la COPIE SWIFT du transfert requis par D______.

Cordiales salutations

N______

ee. Le même jour, la banque recevait par AB______ le carton de signatures authentique signé par D______ et I______.

Les signatures de D______ sur le carton de signatures authentique reçu par AB______ étaient différentes de celles figurant sur le carton de signatures envoyé précédemment par courriel par le fraudeur présumé.

ff. Toujours le même jour, un montant total de 650'109.50 USD, charges comprises, a été débité du compte de B______ au profit de Z______ LTD à Hong Kong.

Le relevé de compte faisant état de ce débit est daté du 28 avril 2017 et indique que son contenu était réputé accepté sauf indication contraire de la part du client dans les 30 jours.

gg. S______ a transmis au fraudeur présumé la copie du paiement swift le 13 avril 2017 à 13h40, avec R______, J______, I______ et T______ en copie (traduction libre) :

Cher Monsieur,

Veuillez trouver ci-joint une copie du paiement swift.

Le solde actuel du compte est de 104'037.31 USD.

Comme mon collègue R______ vous en a déjà informé, le solde est insuffisant et nous allons en conséquence être incapables de procéder au paiement des futures factures que nous recevons régulièrement concernant la propriété à Q______ [VD], à moins que vous n'organisiez un nouveau versement de cash.

Avec nos cordiales salutations.

hh. Le 18 avril 2017, T______ a écrit à J______, avec S______, I______, N______ et R______ en copie (traduction libre) :

Chers Messieurs,

En attendant d'obtenir la confirmation de votre intention (augmenter les capitaux ou clôturer les comptes) nous serions très reconnaissants d'obtenir une copie du passeport valide de D______ dûment signé (copie signée scannée acceptée).

Je vous remercie par avance et vous souhaite une agréable journée.

Cordiales salutations,

T______

ii. Le 25 avril 2017, le fraudeur présumé a créé un nouvel ordre de transfert, requérant le transfert du solde du compte à l'attention de AE______ CO LTD, auprès de [la banque] AF______ à AG______ en Chine et la clôture du compte.

La signature sur ce document est identique à celle figurant sur le carton de signatures envoyé par le supposé fraudeur le 5 avril 2017.

jj. Ce jour-là, J______ a envoyé un courriel à T______, avec S______, R______, I______ et N______ en copie (traduction libre) :

Chère T______,

Veuillez trouver ci-joint les instructions du Conseil de Fondation pour transférer les fonds et ainsi clôturer le compte de la Fondation.

Puis-je vous demander de nous fournir une copie du SWIFT.

La raison du transfert est l'achat de machines.

Avec mes remerciements et cordiales salutations.

kk. Le 26 avril 2017 à 14h32, le fraudeur présumé a écrit à J______, avec T______, S______, R______ et I______ en copie (traduction libre) :

Chère T______,

Je vous prie de nous fournir la COPIE SWIFT du transfert requis par D______.

Cordiales salutations

N______

ll. Le 26 avril 2017 à 14h43, T______ a répondu à J______, avec les mêmes personnes en copie (traduction libre) :

Chère J______,

Nous avons pris bonne note de vos instructions, et serions reconnaissants, avant de clôturer le compte, de recevoir l'original de vos instructions avec la copie du passeport de D______ dûment signée.

En outre, nous vous rappelons qu'une fois les fonds transférés et le compte clôturé, nous ne serons plus en mesure de maintenir une relation avec moins de 1'000'000 USD.

Nous vous remercions.

Cordiales salutations,

T______

mm. Le 27 avril 2017 à 11h19, le supposé fraudeur a envoyé un courriel à J______, avec T______, S______, R______ et I______ en copie (traduction libre) :

Chère T______,

Je vous prie de nous envoyer une copie du swift du transfert requis.

Nous vous enverrons les originaux dès que possible.

Cordiales salutations

N______

nn. Le même jour à 11h37, T______ a répondu (traduction libre) :

Cher N______,

Nous sommes au regret de vous informer qu'étant donné qu'il s'agit d'une clôture de compte, il est absolument nécessaire que nous obtenions les instructions originales dûment signées avec la copie du passeport de D______ également dûment signée.

Nous vous remercions pour votre compréhension et votre coopération, et ne manquerons pas d'agir à réception.

Cordiales salutations,

T______

oo. Le 2 mai 2017 à 10h38, J______ a envoyé à T______ la copie du passeport de D______, avec S______, R______, N______ et I______ en copie.

pp. Le même jour à 11h07, S______ lui a répondu, avec les autres personnes précitées en copie (traduction libre) :

Chère J______,

Nous vous remercions pour votre courriel et exécutons maintenant l'instruction de transfert datée du 25 avril 2017, et clôturons ensuite le compte.

Pour le bon ordre de nos dossiers, nous avons besoin de recevoir la copie originale du passeport.

Merci et cordiales salutations.

qq. Ce jour-là, la banque a débité 103'530.15 USD, charges comprises, du compte de D______, en faveur de AE______ CO LTD.

Le relevé de compte faisant état de ce débit est daté du 31 mai 2017 et indique que son contenu était réputé accepté sauf indication contraire de la part du client dans les 30 jours.

rr. La banque allègue avoir envoyé par courrier les avis de débit relatifs aux transferts des 13 avril et 2 mai 2017 en date du 13 avril, respectivement 2 mai 2017, au siège de B______ au Liechtenstein, au bureau de D______ en Arabie Saoudite, et à L______ à M______ (réponse du 13 juillet 2020, allégués 34 et 41; cf. infra let. D.d). B______ a contesté cet allégué, précisant uniquement que les avis n'étaient pas transmis à la société L______, qui ne s'occupait plus des affaires de D______ depuis 2013 (réplique du 28 septembre 2020 ad 34 et 41; cf. infra let. D.e).

La banque allègue également que les 28 avril et 31 mai 2017, elle avait envoyé une copie des relevés du compte de B______ au siège de celle-ci, au bureau de D______ et à L______ (réponse du 13 juillet 2020, allégué 44). B______ a contesté cet allégué de la même manière que ci-dessus (réplique du 28 septembre 2020 ad 44).

A l'allégué 23 de sa réponse du 13 juillet 2020, la banque a notamment allégué que B______ essayait de rendre compliqué un litige qui était fondamentalement simple, qu'elle-même avait envoyé une confirmation des transferts effectués notamment au siège de B______, ainsi qu'aux autres adresses mentionnées dans la documentation bancaire et que la fondation avait par la suite, soit trois mois (recte : quinze mois au vu de la date de la pièce référencée, soit le courrier du 28 août 2018; cf. infra let. ww) après leur exécution, contesté lesdits ordres affirmant que la signature de D______ aurait été prétendument falsifiée. Sur cet allégué, la fondation s'est exprimée ainsi: "Contesté que la Demanderesse complique ce qui est simple. Contesté également que les avis de débits aient été communiqués à L______ (renvoi est fait au chiffre Ad. 10 à ce sujet)".

ss. Le 29 mai 2017, T______ a écrit à J______, I______ et N______, avec S______ et R______ en copie (traduction libre) :

Chère J______,

Il semble que nous n'ayons pas reçu les instructions originales dûment signées pour la clôture du compte et les deux transferts.

Nous serions reconnaissants de les obtenir ensemble à votre plus proche convenance avec une petite explication sur :

-          l'arrière-plan économique de la transaction;

-          la relation entre le client et la contrepartie ;

-          toute autre information/document pour corroborer la transaction.

Nous vous remercions.

Cordiales salutations,

T______

tt. Le 30 juin 2017, T______ a à nouveau écrit à J______, I______ et N______, avec S______ et R______ en copie (traduction libre) :


 

Chère J______,

Un petit rappel, nous n'avons toujours pas reçu les documents promis en originaux !

Pouvons-nous vous demander d'informer D______ que nous avons besoin d'entrer en contact avec lui, pouvez-vous lui demander de nous appeler ou nous communiquer son numéro de mobile ?

Nous vous remercions beaucoup et vous souhaitons un agréable week-end.

Cordiales salutations,

T______

uu. Le 19 juillet 2017, T______ relançait les mêmes personnes (traduction libre) :

Chère J______, cher I______,

Un petit rappel car nous n'avons pour l'instant pas reçu les confirmations promises en original ni un contact de D______.

Merci de votre attention.

Cordiales salutations,

T______

vv. Le 9 août 2017, D______ s'est rendu dans les locaux de la banque accompagné de son secrétaire, AH______. Devant le Tribunal, il a déclaré que cette rencontre avait porté sur les transactions litigieuses, dont il avait pris connaissance en consultant son relevé de compte environ vingt jours plus tôt. Les personnes avec qui il avait discuté à la banque avaient l'air surprises lorsqu'il les avait informées qu'il n'avait jamais donné les ordres de transfert des 5 et 25 avril 2017.

B______ allègue avoir contesté la validité des opérations litigieuses par l'intermédiaire de D______ lors de cette visite à la banque.

ww. Par courrier du 28 août 2018 adressé à la banque, B______ a émis une réclamation écrite relative aux transferts des 13 avril et 2 mai 2017, exposant qu'il s'agissait d'ordres frauduleux, la boîte de messagerie électronique de N______ ayant été piratée à la même époque.

xx. D______ a mandaté AI______ SA, plus particulièrement son département ______ Switzerland, en vue d'analyser la boîte de courriers électroniques de N______; celle-ci a rendu un rapport le 4 juin 2019.

Selon ce rapport, l'adresse N______@hotmail.com de N______ avait été piratée. Le fraudeur l'avait utilisée pour transmettre les ordres litigieux, tout en envoyant des courriels au précité afin de l'induire en erreur, et avait créé une adresse, J______G______@yahoo.com, pour lui faire croire que J______ répondait à un de ses courriels.

L'adresse de R______ avait également été piratée car les métadonnées du courriel du 28 mars 2017 émanant de son adresse électronique démontraient qu'il n'avait pas été envoyé depuis les serveurs de la banque : en effet, les deux adresses IP utilisées concernaient des fournisseurs d'accès aux Etats-Unis et au Nigéria. Toutes les adresses auxquelles ce courriel avait été envoyé étaient mal orthographiées, sauf celle de N______.

D.           a. Le 17 décembre 2018, B______ a saisi le Tribunal d'une requête de conciliation dirigée contre A______, concluant à ce que cette dernière soit condamnée à lui verser 650'109.50 USD avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 13 avril 2017 et 103'530.15 USD avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 2 mai 2017, sous suite de frais et dépens.

b. Au bénéfice d'une autorisation de procéder du 14 mars 2019, B______ a déposé une demande en paiement auprès du Tribunal le 11 juin 2019, reprenant les mêmes conclusions qu'en conciliation.

Elle a soutenu que la banque avait commis une faute grave et devait donc recréditer le compte bancaire de B______ des montants transférés indûment à des bénéficiaires frauduleux. En effet, l'activité sur le compte depuis son ouverture avait consisté en des transferts auprès de SCI françaises liées à D______ et des virements en sa faveur. Or, les deux transferts litigieux, auprès d'établissements inconnus localisés en Asie, pour acheter des machines, étaient insolites et sortaient de l'ordinaire, ce dont la banque aurait dû se rendre compte. Le but de la fondation consistait à effectuer des virements pour les besoins courants de D______, partant, l'achat de machines était incompatible avec ce but. Les changements dans les ordres de transfert concernant le premier transfert frauduleux auraient également dû éveiller des soupçons auprès de la banque. Enfin, cette dernière n'avait jamais appelé D______ pour vérifier l'authenticité des ordres de transfert.

c. Sur requête de A______, le Tribunal a, par ordonnance OTPI/105/2020 du 17 février 2020, condamné B______ à fournir des sûretés en garantie des dépens à hauteur de 33'600 fr.

B______ a versé les sûretés requises en temps utile.

d. Dans sa réponse du 13 juillet 2020, A______ a conclu au déboutement de B______ de toutes ses conclusions, avec suite de frais et dépens.

Elle a contesté l'existence du piratage de la boîte de messagerie électronique de N______ et relevé que l'expertise privée de AI______ SA était contestable, étant donné qu'elle n'était pas légitimée à donner un avis sur le système informatique de la banque.

Elle avait exécuté les transferts litigieux car elle considérait que les instructions y relatives provenant de l'étude d'avocats sise au Liechtenstein étaient valables. Elle ignorait tout des circonstances dans lesquelles l'étude avait reçu ces instructions, lesquelles étaient cosignées par I______, dûment autorisé à signer pour le compte de B______. Elle n'avait pas de raison de remettre en doute ces transferts au vu des messages échangés entre la banque et les membres de la fondation. En outre, même si la banque avait effectué un call-back, son interlocuteur habituel, soit I______, aurait confirmé les transferts. Elle était tenue de vérifier l'authenticité d'un ordre et de procéder à des vérifications supplémentaires uniquement s'il y avait des indices sérieux de falsification, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.

Par ailleurs, B______ aurait dû contester les avis dans les 5 jours dès réception ou dans les 30 jours s'agissant des relevés bancaires, conformément aux conditions générales de la banque. Elle avait envoyé des avis de ces transferts ainsi que des relevés de compte et leurs destinataires n'avaient jamais contesté ne pas les avoir reçus. Une réclamation trois mois (recte : quinze mois) plus tard était tardive.

De plus, la fondation, qui n'avait notamment pas déposé de plainte pénale contre le fraudeur supposé, avait fautivement contribué à causer le dommage et la banque pouvait donc compenser sa propre créance à l'action en restitution.

e. Dans sa réplique du 28 septembre 2020, B______ a allégué que D______, interlocuteur régulier de la banque, donnait ponctuellement des instructions de paiement, notamment concernant les charges de son appartement à Q______ payées depuis son compte personnel.

D______ s'était rendu à la banque le 9 août 2017, avec AH______, pour discuter du fait que le compte bancaire de B______ FOUNDATION avait été intégralement vidé et qu'il n'était pas à l'origine des ordres de virement.

S'agissant des délais de réclamation prévus dans les conditions générales de la banque, une réaction immédiate de D______ n'aurait rien changé, le dommage s'étant produit dès que les transactions litigieuses avaient été effectuées.

En outre, la banque n'avait pas prouvé la réception par D______ des avis et relevés de compte.

f. Le 30 octobre 2020, A______ a dupliqué, contestant les explications de la fondation.

g.a. Devant le Tribunal, D______ a déclaré que les instructions de paiement venaient toutes de son bureau en Arabie Saoudite. Il n'avait jamais donné les ordres des 5 et 25 avril 2017, ni eu de contact direct avec les gens de la banque avant l'entrevue de 2017. Interrogé à propos de I______, D______ a déclaré qu'il ne connaissait pas ce nom et n'avait jamais vu sa signature. La fondation avait déposé une action civile à l'endroit de I______ au Liechtenstein et cette procédure était en cours. Plus tard lors de son audition, il a déclaré qu'il lui arrivait de venir en Suisse de temps à autres pour discuter avec des interlocuteurs de la banque lorsque son agenda le permettait. Il ne confirmait pas sa précédente déclaration à ce sujet. Il savait que la banque le connaissait.

g.b. AH______, entendu en qualité de témoin, a confirmé avoir accompagné D______ lors de l'entrevue avec la banque. Il travaillait pour celui-ci en tant que secrétaire et parlait français, anglais et arabe. Il avait donc fonctionné en qualité d'interprète ce jour-là.

Le rendez-vous à la banque avait eu lieu en août 2017. D______ n'avait rien de particulier qui le tracassait lors de cette visite. D______ et lui avaient rencontré deux dames qui leur avaient remis le solde des comptes car D______ l'avait demandé. Ce dernier avait demandé aux représentantes de la banque où était passé son argent dans la mesure où il n'avait jamais donné les ordres de transferts litigieux. D______ et les représentantes de la banque étaient très étonnés. Elles affirmaient avoir exécuté des ordres émanant de D______, lequel niait avoir requis ces transferts.

Le même jour, D______ était rentré chez lui dans sa résidence de Q______. Il avait réussi à joindre le responsable de la fondation, soit I______, pour s'enquérir des transferts litigieux. Ce dernier lui avait expliqué qu'il avait validé ces transferts. D______ avait alors compris qu'il avait été victime d'une usurpation d'identité et de fraude.

Il en voulait à la banque qui avait refusé quelques mois plus tôt le transfert sur son compte personnel auprès de la banque U______, mais accepté les transferts pour un bénéficiaire externe à l'étranger. Il en voulait également à I______ qui avait validé des transferts qui n'émanaient pas de lui.

g.c. AJ______, sous-directrice du département juridique de A______, a confirmé que D______ s'était rendu à la banque en août 2017 pour discuter des transferts litigieux. A______ n'avait pas de trace écrite de la venue de D______ à Genève avant le mois d'août 2017. Lors de la visite précitée, D______ avait évoqué le fait qu'il n'était pas à l'origine des deux versements litigieux.

Les deux ordres litigieux avaient été transmis par l'étude G______, où exerçait I______, qui avait le pouvoir d'engager la fondation aux côtés de D______. C'était habituellement avec cette étude d'avocats que la banque avait des contacts concernant la fondation, et non avec D______. Il arrivait parfois que des communications émanent de N______, mais jamais d'instructions de transfert. Dès lors que les transferts étaient parvenus par le canal habituel et que les signatures correspondaient aux cartes de signature en possession de la banque, cette dernière n'avait aucune raison de douter de leur authenticité.

La banque avait envoyé les avis de débit des transferts litigieux au siège de B______, au bureau de D______ en Arabie Saoudite et à L______ à M______ par plis simples. Il n'était pas prévu de précaution particulière tendant à s'assurer de la réception effective du courrier ni d'envoi par courriel ou par télécopie. La banque n'avait jamais eu de contestation ni de plainte sur le fait que la documentation bancaire n'aurait pas été reçue.

g.d. N______ a confirmé que l'ordre ayant pour objet le transfert de 1'500'000 USD du compte de la fondation sur le compte personnel de D______ auprès de la banque U______ était annexé à son courriel du 27 février 2017. C'était la seule et unique fois qu'il avait transféré à la fondation un ordre de virement émanant de D______.

h. Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience de plaidoiries finales du 2 mars 2022, lors de laquelle les parties ont persisté dans leurs conclusions.

E.            Dans le jugement querellé, le Tribunal a notamment retenu que B______ avait prouvé, à l'aide de l'analyse effectuée par AI______ SA, que l'adresse électronique de l'assistant de D______ avait été piratée et que les différents courriels envoyés depuis celle-ci avaient été envoyés par un pirate informatique et non par N______. La banque n'apportait aucun élément pertinent permettant de remettre en doute l'existence du piratage et les données informatiques analysées par AI______ SA étaient convaincantes. Les ordres des 5 et 25 avril 2017 avaient été falsifiés par le fraudeur, D______ ne les ayant jamais signés. Dans la mesure où seules deux signatures valables pouvaient engager B______ et où l'une d'elles étaient falsifiée, les ordres précités avaient été exécutés sans mandat.

Les parties étaient valablement convenues de déroger au système légal faisant supporter le risque de l'exécution d'un ordre frauduleux à la banque, de sorte que seule une faute grave de celle-ci pouvait engager sa responsabilité.

En l'occurrence, les ordres de transfert litigieux étaient contradictoires par rapport au désir de D______ de maintenir la relation bancaire avec A______. Leur destination asiatique et leur motif, soit l'achat de machines, étaient également insolites par rapport aux activités habituelles du compte. De plus, la banque aurait pu déceler la falsification des ordres de virement au vu des signatures qui y figuraient, copiées à partir de documents en possession de la banque, soit notamment du carton de signatures falsifié envoyé par le fraudeur, lequel était du reste différent de l'original. S'agissant en particulier du second ordre de transfert, A______ aurait également dû s'étonner que D______ veuille à nouveau acheter des machines à une société asiatique, pour un montant correspondant exactement au solde figurant sur son compte bancaire. Les éléments précités auraient dû alerter la banque, qui aurait ainsi dû attendre de recevoir les originaux sollicités ou demander des informations complémentaires avant d'exécuter les transferts litigieux, et non postérieurement comme elle l'avait fait.

En exécutant les transferts litigieux dans ces circonstances et sans effectuer de call-back, soit un appel aux deux personnes signataires de la fondation pour s'assurer qu'elles étaient bien à l'origine des ordres, A______ avait commis une faute grave l'empêchant de se prévaloir de la clause d'exonération de responsabilité incorporée aux conditions générales.

La banque n'avait pas allégué avoir envoyé les relevés de compte à D______ et n'en avait a fortiori pas apporté la preuve, ni celle que D______ aurait bien reçu les avis de débit. L'envoi à l'étude G______ des avis de débit n'était d'aucune utilité pour démontrer une quelconque faute de la fondation. Seul D______, dont l'identité avait été usurpée, était en mesure de comprendre et de dénoncer un ordre qui n'émanait pas de lui, l'étude d'avocats cosignataire ayant elle aussi été trompée par le fraudeur. Rien ne pouvait donc être inféré du silence de l'étude d'avocats. La clause de réclamation n'était opposable au titulaire du compte que si tant B______ que D______ avaient une connaissance effective du relevé bancaire et que les deux s'abstenaient de réagir dans le délai visé par la clause de réclamation. Faute de preuve contraire fournie par la banque, il convenait de tenir pour avérée l'affirmation de D______ selon laquelle il avait réagi environ vingt jours après la consultation des comptes en se rendant à la banque, et donc qu'il avait bien réagi dans le délai de trente jours prévu par les conditions générales de la banque. Aucune faute ne pouvait ainsi être retenue à l'encontre de B______ et son action devait partant être admise.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et incidentes de première instance lorsque, dans les affaires patrimoniales, la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

En l'espèce, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 L'appel a été déposé dans le délai de trente jours, compte tenu des féries judiciaires estivales (art. 311 al. 1, 142 al.1, 143 al.1 et 145 al. 1 let. b CPC), selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC), par une partie qui y a intérêt (art. 59 al. 2 let. a CPC) et auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), de sorte qu'il est recevable. Il en va de même de la réponse et des écritures subséquentes des parties, déposées dans les délais impartis par la Cour (art. 312 al. 2 et 316 al. 2 CPC).

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC), dans les limites posées par la maxime des débats et le principe de disposition applicables au présent litige (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).

2.             La cause présente un élément d'extranéité au vu du siège de l'intimée au Liechtenstein.

Compte tenu de la clause d'élection de for et de droit prévue par les parties (art. 7.36 des conditions générales), c'est à bon droit que le Tribunal a admis sa compétence pour connaître du litige et appliqué le droit suisse (art. 5 al. 1 et 116 al. 1 et 2 LDIP), ce qui n'est au demeurant pas contesté par les parties.

3.             L'appelante reproche au Tribunal d'avoir admis l'existence du piratage sur la base d'une expertise privée et d'avoir ainsi retenu que les ordres de transfert litigieux avaient été exécutés sans mandat. Elle lui fait également grief d'avoir retenu qu'elle aurait commis une faute grave en exécutant les ordres précités et que l'intimée avait formulé sa réclamation en temps utile.

3.1 Le Tribunal fédéral a développé une méthode en trois étapes pour résoudre les problèmes consécutifs à des ordres bancaires frauduleux et déterminer qui, du client ou de la banque, doit supporter le dommage qui en résulte (ATF 146 III 387 consid. 3.1; LIEGEOIS/HIRSCH, Ordres bancaires frauduleux : discours de la méthode, in SJ 2021 II 117, p. 121).

3.1.1 Dans une première étape, il faut examiner si les virements ont été exécutés par la banque sur mandat ou sans mandat du client (ATF 146 III 387 consid. 4; 146 III 121 consid. 3).

L'argent figurant sur le compte bancaire ouvert au nom du client est la propriété de la banque, envers laquelle le client n'a qu'une créance en restitution. Lorsque la banque vire de l'argent depuis ce compte à un tiers sur ordre (avec mandat) du client, elle acquiert une créance en remboursement contre celui-ci (art. 402 CO). A l'action en restitution du client, la banque peut donc opposer en compensation une créance en remboursement (ATF 146 III 387 consid. 4.1; 146 III 121 consid. 3.1 et 3.1.1).

En revanche, lorsque la banque vire de l'argent depuis ce compte à un tiers sans ordre (sans mandat) du client, elle n'acquiert pas de créance en remboursement. A l'action en restitution du client, la banque ne peut donc pas opposer en compensation une créance en remboursement; elle doit contre-passer l'écriture et l'art. 402 CO n'entre pas en considération (ATF 146 III 387 consid. 4.1; 146 III 121 consid. 3.1.2).

S'il est avéré que la banque a agi sur la base d'ordres transmis et vérifiés conformément aux modalités convenues, il incombe au client de prouver qu'un tiers a usurpé d'une manière ou d'une autre son identité ou le moyen de télécommunication utilisé. Si cette preuve est rapportée, et seulement dans cette hypothèse, doivent être examinées les questions de savoir qui supporte le risque du défaut d'identification de la supercherie, respectivement si la banque a manqué à un devoir de vérification accru, qui serait né de circonstances propres à susciter des soupçons (arrêt du Tribunal fédéral 4A_81/2018 du 29 mai 2018 consid. 5.3), ce qui fait l'objet de la deuxième étape.

3.1.2 Dans cette deuxième étape, le juge doit ainsi examiner si le dommage occasionné par les ordres de virement exécutés sans mandat est à la charge de la banque (système légal) ou si, en raison de la conclusion d'une clause de transfert de risque, il est à la charge du client (ATF 146 III 387 consid. 3.1 et 5; 146 III 121 consid. 2).

La réglementation légale en vertu de laquelle la banque supporte le risque du défaut de légitimation ou de faux non décelé peut en effet être modifiée. Les conditions générales des banques contiennent fréquemment une clause dite de transfert des risques, qui a pour effet de reporter sur la tête du client le risque que la banque doit en principe supporter en cas d'exécution en mains d'une personne non autorisée. Selon la jurisprudence, la validité d'une telle clause doit être examinée par application analogique des art. 100 et 101 al. 3 CO. La banque ne peut en tout cas pas exclure sa responsabilité pour faute grave (arrêt du Tribunal fédéral 4A_81/2018 précité consid. 3 et les références citées; LIEGEOIS/HIRSCH, op. cit., p. 129 et 130).

Constitue une faute grave la violation des règles élémentaires de prudence dont le respect se serait imposé à toute personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances (ATF 146 III 326 consid. 6.1). En général, la banque doit vérifier l'authenticité des ordres qui lui sont adressés uniquement selon les modalités convenues entre les parties ou, le cas échéant, spécifiées par la loi. Elle n'a pas à prendre de mesures extraordinaires, incompatibles avec une liquidation rapide des opérations. Bien qu'elle doive compter avec l'existence de faux, elle n'a pas à les présumer systématiquement. Elle procédera cependant à des vérifications supplémentaires lorsqu'il existe des indices sérieux de falsification, lorsque l'ordre ne porte pas sur une opération prévue par le contrat ou résultant de la pratique, ou encore lorsque des circonstances particulières suscitent le doute (arrêts du Tribunal fédéral 4A_81/2018 précité consid. 3; 4A_386/2016 du 5 décembre 2016 consid. 2.2.6).

3.1.3 Lorsque les parties ont conclu une clause de transfert de risque, il n'y a pas de troisième étape comme c'est le cas lorsque le système légal s'applique (ATF
146 III 121 consid. 2). C'est dans le cadre de l'examen de la faute grave de la banque, qui est réservée (art. 100 al. 1 CO par analogie), que le juge doit ensuite examiner la faute concomitante du client comme facteur d'interruption du lien de causalité adéquate ou de réduction de l'indemnité qui lui est due (ATF 146 III 326 consid. 4.2). Autrement dit, lorsqu'il examine le défaut de diligence de la banque dans la vérification de l'authenticité des ordres frauduleux, le juge doit tenir compte du comportement du client dans la survenance ou dans l'aggravation du dommage, notamment en relation avec la non-consultation par celui-ci de son dossier de banque restante et/ou avec l'absence de contestation des communications que lui adresse la banque, en violation de la clause de réclamation figurant dans les conditions générales (arrêt du Tribunal fédéral 4A_161/2020 du 6 juillet 2020 consid. 5.2).

En vertu de la clause de réclamation généralement prévue par les conditions générales des banques, toute réclamation relative à une opération doit être formulée par le client dans un certain délai dès réception de l'avis d'exécution de l'ordre ou du relevé de compte ou de dépôt, faute de quoi l'opération ou le relevé est réputé accepté par lui (arrêts du Tribunal fédéral 4A_354/2020 du 5 juillet 2021 consid. 3.3.1; 4A_161/2020 précité consid. 5.2.1).

En effet, les communications de la banque ne servent pas seulement à l'information du client, mais visent aussi à permettre la détection et la correction en temps utile d'écritures erronées, voire d'opérations irrégulières, à un moment où les conséquences financières ne sont peut-être pas encore irrémédiables. Les règles de la bonne foi imposent au client une obligation de diligence relativement à l'examen des communications reçues de la banque et à la contestation des écritures qui lui paraissent irrégulières ou infondées (arrêts du Tribunal fédéral 4A_354/2020 précité consid. 3.3.1; 4A_161/2020 précité consid. 5.2.1). Faute de contestation, même s'il n'a pas consciemment voulu ratifier les opérations par son comportement, le client doit se laisser opposer la fiction de ratification (contenue dans les conditions générales), même si le chargé de relation au sein de la banque ne s'était pas tenu à ses instructions (arrêts du Tribunal fédéral 4A_161/2020 précité consid. 5.2.1; 4A_119/2018 du 7 janvier 2019 consid. 6.1.2).

Ce n'est que si l'application stricte de la clause de réclamation, emportant fiction de ratification, conduit à des conséquences choquantes que le juge peut exclure celle-ci en se fondant sur les règles de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC). La fiction de ratification n'est en effet opposable au client que pour autant que la banque ne commette pas d'abus de droit (art. 2 al. 2 CC). L'abus de droit a été admis notamment lorsque la banque profite de la fiction pour agir sciemment au détriment du client, lorsqu'après avoir géré un compte pendant plusieurs années conformément à la stratégie convenue oralement, elle s'en écarte intentionnellement alors que rien ne le laissait prévoir (par exemple en cas de contrat de gestion de fortune) (arrêts du Tribunal fédéral 4A_354/2020 précité consid. 3.3.1; 4A_556/2019 du 29 septembre 2020) ou encore lorsqu'elle sait que le client n'approuve pas les actes communiqués en banque restante (par exemple lorsqu'elle agit sans instructions dans le cadre d'un contrat "execution only" ou de conseil en placement) (arrêts du Tribunal fédéral 4A_161/2020 du 6 juillet 2020 consid. 5.4.5; 4A_119/2018 du 7 janvier 2019 consid. 6.1.3 et les références citées).

3.1.4 Une expertise privée établie pour l'une ou l'autre des parties ne constitue pas un moyen de preuve dans un éventuel procès, mais n'a que la valeur d'une simple allégation de la partie qui la produit. Le fait qu'une expertise privée n'a pas la même valeur qu'une expertise judiciaire ne signifie toutefois pas encore que toute référence à une expertise privée dans un jugement soit constitutive d'arbitraire. Il se peut en effet que ladite expertise ne soit pas contestée sur certains points ou encore qu'elle se révèle convaincante, à l'instar d'une déclaration de partie (arrêts du Tribunal fédéral 4D_71/2013 du 26 février 2014 consid. 2.5 et 4A_193/2008 du 8 juillet 2008 consid. 4.1). Dans la mesure où elle est corroborée par des indices établis par des preuves, elle peut constituer un moyen de preuve (ATF 141 III 433 consid. 2.6; arrêt du Tribunal fédéral 4A_667/2016 du 3 avril 2017 consid. 5.2.2).

3.2.1 Dans un premier grief, l'appelante fait valoir que la preuve du piratage n'aurait pas été apportée par l'intimée, de sorte que les deux ordres de transfert litigieux auraient été exécutés sur mandat de cette dernière. Elle reproche en particulier au Tribunal d'avoir retenu le piratage comme établi sur la base du seul rapport de AI______ SA, soit une expertise privée, et qu'il incombait à la banque de prouver que le compte de N______ n'avait pas été piraté.

Si une expertise privée n'a en principe que la valeur d'une simple allégation de la partie qui la produit, il peut néanmoins en être tenu compte si ladite expertise n'est pas contestée sur certains points, qu'elle se révèle convaincante, ou que des indices, établis par des moyens de preuves, s'ajoutent à celle-ci.

En l'occurrence, plusieurs des éléments sur lesquels se fonde l'expertise privée de AI______ SA ont été établis par pièces dans le cadre de la procédure, soit notamment la création d'adresses e-mail utilisées par les boîtes de messagerie électronique de N______ et de R______, donnant l'illusion d'appartenir à J______ et à I______ en raison d'une subtile modification dans l'orthographe de leurs noms (I______@G______.com, J______@G______.com, et l'adresse débutant par J______). Ces éléments constituent déjà des indices sérieux d'un piratage informatique.

Par ailleurs, il ressort des pièces produites que les deux signatures de D______ figurant sur le carton de signatures du 5 avril 2017, envoyées le même jour par le biais de l'adresse e-mail de N______, sont identiques, y compris la croix figurant à côté indiquant l'endroit où il devait signer, et ne correspondent pas à celles apposées sur l'original requis par la banque et envoyé quelques jours plus tard par AB______. La signature de D______ figurant sur l'ordre de virement du 25 avril 2017 est également identique aux deux signatures précitées envoyées par courriel, y compris la croix figurant à côté de celle-ci, ce qui tend à révéler que cet ordre a été falsifié. La signature figurant sur l'ordre de virement du 5 avril 2017 est aussi identique à celle apposée par D______ sur le document "self-certification for tax purposes", y compris la croix figurant à côté indiquant l'endroit où il devait signer, ce qui corrobore la falsification de cet ordre.

Le 27 février 2017, l'ordre de transfert en faveur de D______ envoyé par N______ a été annulé pour être remplacé le lendemain par un document à l'en-tête, au pied de page et à la signature de D______ identiques, la partie centrale du document ayant été remplacée avec un nouvel ordre en faveur de W______ CO LTD (Hong Kong). Les indications relatives à la transmission par fax – soit notamment la date, l'heure et le numéro de fax – sont strictement identiques sur les deux documents et ont été coupées aux mêmes endroits, ce qui démontre qu'il ne s'agit pas d'un nouveau document original. Par ailleurs, le texte central dans le second document apparaît droit en comparaison avec l'en-tête, la signature et le pied de page, lesquels sont penchés, ce dont on peut déduire que le texte central a été effacé du document originel pour être – assez grossièrement – remplacé par un nouvel ordre de transfert. Au vu de ces éléments, il y a lieu de retenir, à l'instar du Tribunal, que ce document a été falsifié.

L'envoi des documents falsifiés précités au moyen de l'adresse e-mail de N______, dont l'intégrité n'a jamais été remise en cause dans le cadre de la présente procédure, démontre que sa boîte de messagerie électronique a été piratée et que ces envois étaient l'œuvre d'un pirate informatique. Le fait que l'intéressé n'a pas spontanément affirmé que son compte avait été piraté, lors de son audition par le Tribunal, ne saurait invalider ce qui précède. Le témoin l'a du reste implicitement confirmé en déclarant qu'il n'avait transféré qu'une seule et unique fois un ordre authentique de virement de D______ à la fondation – à savoir celui du 27 février 2017 portant sur 1'500'000 USD en faveur de D______ auprès de la banque U______ – soit a contrario qu'il n'était pas à l'origine des ordres frauduleux.

Enfin et comme relevé par le Tribunal, si l'appelante conteste la teneur du rapport d'expertise de AI______ SA, elle ne le fait pas de manière motivée, se contentant de lui reprocher d'avoir émis un avis au sujet du système informatique de la banque, sans toutefois critiquer ledit avis. Certes, l'appelante n'était pas en mesure de prouver que le compte de N______, qui n'était pas son employé, n'aurait pas été piraté. Cela étant, l'expertise privée fait également état du piratage de l'adresse e-mail d'un employé de l'appelante, R______, en se fondant notamment sur l'analyse des métadonnées d'un de ses courriels; il ressortait de cette analyse que ce courriel avait été envoyé non pas depuis les serveurs de la banque, mais depuis des serveurs situés aux Etats-Unis ou au Nigeria. L'appelante était ainsi en mesure de fournir des éléments permettant, le cas échéant, de démontrer que ces points étaient erronés et ainsi de discréditer le rapport d'expertise, ce qu'elle n'a pas fait.

Au vu des indices qui précèdent, en sus de la nature insolite des ordres litigieux qui sera examinée ci-après (cf. consid. 3.2.2.), le rapport d'expertise privée – qui est pour le surplus convaincant – contribue à prouver l'existence du piratage informatique et peut être pris en compte dans cette mesure. L'éventuelle responsabilité de l'intimée, qui n'aurait, selon l'appelante, pas pris les précautions nécessaires pour éviter ce genre d'incident, n'est, à ce stade de l'analyse, pas pertinent.

En définitive, les ordres de virement ayant été falsifiés puis envoyés depuis l'adresse e-mail piratée, c'est à bon droit que le Tribunal a retenu que l'exécution de ceux-ci par l'appelante avait été faite sans mandat.

Il convient ensuite d'examiner qui supporte le risque de l'exécution des ordres frauduleux.

3.2.2 A cet égard, il n'est pas contesté que les parties ont valablement dérogé au système légal par le biais d'une clause de transfert de risque contenue dans les conditions générales de la banque, de sorte que l'intimée supporte le risque du dommage induit par l'exécution d'ordres frauduleux, sous réserve d'une faute grave de l'appelante. Il n'est pas non plus contesté qu'un des membres de la direction de la banque, T______, a participé à l'exécution des transferts litigieux. Il convient ainsi d'examiner si l'appelante a commis une faute grave, ce qu'elle conteste.

En l'occurrence, le premier transfert exécuté le 13 avril 2017 s'inscrit dans un contexte d'instructions contradictoires. En effet, préalablement à ce transfert, un ordre de virement avait été donné par le fraudeur afin que la banque transfère le solde du compte de l'intimée à une société basée à Singapour (cf. supra EN FAIT, let. C.n). En dépit d'un malentendu entre l'appelante et N______ sur cet ordre de virement, son exécution a avorté car la banque n'aurait pas été en mesure de maintenir la relation avec sa cliente si les actifs de celle-ci au sein de son établissement avaient été inférieurs à 1'000'000 USD. Il a ainsi été convenu que le virement serait opéré en faveur du compte personnel de D______ auprès de l'appelante, afin de maintenir ladite relation. Bien que la banque se soit vu confirmer, par courriel du 4 avril 2017 à 19h31, que le transfert devrait être effectué sur le compte personnel de D______, elle a reçu un ordre contradictoire le lendemain à 12h36, portant sur le virement de 650'000 USD en faveur non pas de D______ mais d'une société sise à Hong Kong. Dans ces circonstances et au vu de sa destination, cet ordre apparaissait insolite. L'appelante ne saurait soutenir le contraire, puisqu'elle a elle-même sollicité des informations complémentaires sur la raison du transfert et requis l'original de la carte de signatures. Elle a également à nouveau attiré l'attention de l'intimée sur le montant minimal requis pour maintenir son compte ouvert. Le 12 avril 2017, la banque s'est vu communiquer la raison du premier transfert litigieux, soit l'achat de machines. Ce motif apparaissait également insolite au regard du but de l'intimée, laquelle n'avait du reste aucune activité commerciale, et des activités du compte. De plus, aucune information ne lui avait été communiquée sur la problématique relative au montant minimal requis pour le maintien de la relation bancaire, alors même qu'il lui avait été confirmé quelques jours plus tôt que le transfert devrait être effectué en faveur du compte personnel de D______, au vu de son désir de maintenir la relation avec la banque. Les éléments qui précèdent devaient susciter un doute sérieux chez l'appelante et auraient dû l'inciter à procéder à des vérifications supplémentaires, notamment en téléphonant aux personnes signataires de l'ordre pour vérifier que celui-ci était authentique, ce qu'elle n'a pas fait. L'appelante ne saurait être suivie lorsqu'elle soutient qu'une telle démarche aurait été vaine, puisque I______ aurait de toute façon confirmé que l'ordre émanait bien de la fondation; en effet, il incombait à la banque de procéder aux vérifications auprès de D______ également, second signataire de l'intimée, ce qu'elle a d'ailleurs essayé de faire tardivement, après avoir exécuté les deux ordres litigieux. En exécutant l'ordre du 5 avril 2017 sans s'assurer de son authenticité en dépit des circonstances sus-décrites, l'appelante a commis une faute grave, comme l'a retenu à juste titre le Tribunal.

S'agissant du deuxième ordre de transfert falsifié, daté du 25 avril 2017, qui devait vider le compte de l'intimée avant sa clôture, son motif et sa destination "exotique" auraient également dû interpeller la banque et la pousser à procéder à des vérifications supplémentaires. En effet, l'ordre avait pour motif l'achat de machines, soit un motif insolite au regard du but de la fondation et des activités habituelles du compte, et était en faveur d'une société sise en Chine. De plus, il apparaît surprenant que le solde du compte corresponde précisément au coût d'achat desdites machines. Bien que l'appelante fût autorisée à exécuter les ordres transmis par courrier électronique, elle a néanmoins demandé à recevoir l'original des instructions, avec la copie du passeport de D______ dûment signée, ce qui démontre qu'elle nourrissait des doutes sur l'authenticité de l'ordre. La banque n'a toutefois pas attendu de recevoir les originaux requis avant d'exécuter le transfert. Si les originaux n'étaient en principe pas nécessaires pour exécuter les ordres de la titulaire du compte selon le contrat liant les parties, ils le devenaient, au même titre que toute vérification supplémentaire, s'ils étaient requis afin de dissiper des doutes sur l'authenticité des instructions reçues comme en l'espèce. L'appelante ne saurait sérieusement soutenir qu'elle n'avait aucun doute quant au fait que l'intimée voulait effectuer les transferts litigieux, puisqu'elle a de nouveau requis – tardivement – l'instruction originale du dernier transfert, mais également du premier, et sollicité des informations complémentaires (sur l'arrière-plan économique des transactions, la relation entre la cliente et la "contrepartie" ainsi que toute autre information ou document justifiant les transactions), puis demandé à entrer en contact téléphonique avec D______. Ces démarches – effectuées par la banque uniquement en cas de doute – auraient dû être entreprises en amont des transferts litigieux, ce qui aurait permis d'empêcher leur exécution. En ne procédant pas en temps utile aux vérifications supplémentaires requises par les circonstances, l'appelante a commis une faute grave. Le fait que les ordres émanaient de l'intimée au Liechtenstein sur son papier en-tête ne dispensait pas la banque de procéder à de telles vérifications, compte tenu du caractère insolite des transferts et de leur destination, alors que les risques de piratage et de fraude sont notoires dans le secteur bancaire.

Enfin, l'appelante ne saurait se prévaloir ici du fait que l'intimée n'aurait pas saisi la justice pénale en parallèle, que le piratage serait survenu dans la sphère de celle-ci et qu'aucun employé de la banque ne serait soupçonné d'y avoir participé, ces éléments n'étant pas déterminants pour examiner la gravité de la faute de la banque.

En définitive, la clause de transfert de risque ne déploie pas ses effets, dès lors que l'appelante a commis une faute grave en exécutant les deux ordres de transfert litigieux sans avoir procédé au préalable à des vérifications supplémentaires, requises par les circonstances du cas d'espèce.

3.2.3. Reste à savoir si l'intimée a contesté les ordres litigieux en temps utile.

En l'occurrence, la clause de réclamation convenue entre les parties prévoyait que toutes réclamations concernant les relevés de compte devaient être transmises par écrit dans les 30 jours et celles concernant les avis dans les 5 jours à compter de leur envoi.

L'intimée soutient que cette clause serait ambiguë au motif que le terme "should" ("devrait") était employé dans sa version originale anglaise ("complaints concerning periodic statements […] should be submitted in writing within 30 days and those concerning advices or notices within 5 days from their dispach"), de sorte qu'elle devrait être interprétée en défaveur de la banque qui l'avait rédigée, en ce sens que l'absence de réclamation dans le délai n'entraînerait aucune conséquence. Or, l'emploi du conditionnel dans cette phrase ne saurait la priver de tout effet. Cette même clause indique expressément, en amont, que le client est tenu de vérifier le contenu des documents de la banque et de l'aviser immédiatement de toute erreur, lui imposant ainsi une obligation ferme. La phrase dont se prévaut l'intimée concerne uniquement le délai dans lequel la réclamation devrait être faite, la clause étant ainsi parfaitement claire. Par ailleurs, les conséquences de l'absence de réclamation en temps utile par le client sont expressément indiquées dans la clause et n'impliquent pas uniquement de faire supporter au client le dommage qui résulte d'une réclamation tardive, contrairement à ce que soutient l'intimée. En effet, ladite clause stipule notamment que faute de réclamation concernant l'exécution d'ordres dans le délai fixé par la banque, les données y relatives sont réputées correctes et approuvées par le client, sauf en cas d'erreur évidente quant au contenu. Elle prévoit également que l'approbation expresse ou implicite des relevés de compte implique l'approbation de tous les éléments qui y figurent, et que les inscriptions sur un relevé ne peuvent être contestées lorsqu'elles correspondent à des notifications d'opérations qui n'ont pas été contestées en temps utile. Enfin, les relevés mensuels indiquent également que leur contenu est réputé accepté sauf indication contraire de la part du client dans les 30 jours. Il a ainsi clairement été convenu par les parties que l'absence de réclamation – écrite – en temps utile par le client équivaudrait à une ratification des écritures et/ou opérations concernées par celui-ci.

L'appelante reproche au Tribunal d'avoir axé son raisonnement sur la réception des avis de débit par le seul D______ et retenu que l'envoi des avis à G______, soit au siège de l'intimée, n'était d'aucune utilité. Son grief est fondé. En effet, la cocontractante de l'appelante est l'intimée, et non D______, celui-ci ne pouvant engager la fondation qu'aux côtés de I______. Par ailleurs, il était convenu que les relevés de compte mensuels devaient être envoyés par courrier à l'intimée, auprès de l'étude G______, seule une copie étant envoyée au bureau de D______ et chez L______. Ainsi, l'envoi des avis à l'intimée était déterminant, à charge pour celle-ci de les transmettre aux personnes aptes à les traiter selon sa propre organisation. Il n'incombe pas à la banque de supporter les conséquences des éventuelles carences au sein de celle-ci.

En tout état, l'intimée a uniquement contesté l'envoi des avis de débit et des relevés périodiques à L______ (cf. notamment allégué 23 de la réponse du 13 juillet 2020 et ad 23 de la réplique du 28 septembre 2020), ne se prononçant pas sur l'envoi de ceux-ci à l'intimée et à D______. Ce fait doit ainsi être considéré comme admis. Le fait que D______ a affirmé avoir pris connaissance des transferts litigieux vingt jours avant sa visite du 9 août 2017 à la banque n'est pas déterminant, dès lors que le délai de réclamation ne court pas de la prise de connaissance par son destinataire mais de l'envoi des documents concernés à teneur des conditions générales. En outre, les déclarations de D______ et du témoin AH______ sont contradictoires sur le sujet, le premier ayant indiqué avoir pris connaissance des transactions en consultant son relevé de compte une vingtaine de jours avant son rendez-vous du 9 août 2017 et le second ayant précisé que D______ n'avait rien de particulier qui le tracassait lors de cette visite et avait, à cette occasion, rencontré deux dames qui lui avaient remis le solde des comptes demandé par D______.

Même à admettre que les avis de débit et les relevés périodiques auraient été envoyés à D______ environ vingt jours avant sa visite du 9 août 2017 à la banque, il n'en demeure pas moins que I______, soit le second signataire autorisé à engager l'intimée, a été informé des transferts le jour même où ils ont été exécutés, ce qui n'est pas remis en cause par les parties. Or, l'intimée n'a formulé une réclamation écrite que le 28 août 2018, soit plus d'un an après que I______ et D______ avaient tous deux eu connaissance des transferts litigieux. Bien que D______ ait attiré l'attention de la banque sur le fait qu'il n'était pas à l'origine des ordres falsifiés lors de cette visite, cela ne saurait valoir réclamation de l'intimée au sens des conditions générales, dès lors que celles-ci stipulent clairement qu'une éventuelle réclamation – pour être valable – doit parvenir à la banque sous la forme écrite.

Au vu de ce qui précède, la réclamation de l'intimée du 28 août 2018 est tardive, de sorte que les transferts litigieux sont réputés ratifiés par elle.

3.2.4 L'intimée soutient que la banque commettrait un abus de droit en se prévalant de la tardiveté de la réclamation, dans la mesure où la clause y relative n'avait pas vocation à couvrir les irrégularités commises par la banque. Or, le seul fait
que l'appelante a commis une faute grave ne suffit pas à retenir qu'elle commettrait un abus de droit en cherchant à opposer à sa cliente la clause de réclamation (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_161/2020 du 6 juillet 2020 consid. 5.2-5.4; LIEGEOIS/HIRSCH, op. cit., p. 144). La jurisprudence a notamment admis l'abus de droit lorsque la banque profite de la fiction de réception du courrier en banque restante pour agir sciemment au détriment du client, lorsqu'après avoir géré un compte pendant plusieurs années conformément aux instructions orales du client, elle s'en écarte intentionnellement alors que rien ne le laissait prévoir, ou encore lorsqu'elle sait que le client n'approuve pas les actes communiqués en banque restante. Or, le cas d'espèce n'est pas assimilable aux situations précitées, étant rappelé que les communications faites par la banque l'ont été directement à l'intimée et non en banque restante, qu'elle pouvait ainsi se rendre compte de l'irrégularité des opérations litigieuses et qu'elle ne les a contestées que plus d'un an plus tard. Dans ces conditions, aucun abus de droit ne peut être reproché à l'appelante.

L'intimée ayant tacitement ratifié les transferts litigieux, elle n'est pas fondée à réclamer le paiement des montants correspondants. Le jugement entrepris sera par conséquent annulé et il sera statué à nouveau dans le sens que l'intimée sera déboutée de sa demande en paiement.

Il n'est ainsi pas nécessaire d'examiner le grief de l'appelante en lien avec le devoir de l'intimée de diminuer son dommage, notamment par le biais du dépôt d'une plainte pénale.

4.             4.1 Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

Le montant des frais judiciaires de première instance, arrêtés à 36'400 fr. (art. 104 et 105 CPC; art. 6 et 17 RTFMC), n'a pas été remis en cause par les parties et est conforme au tarif applicable (art. 104 et 105 CPC; art. 6 et 17 RTFMC). Il sera donc confirmé. Dans la mesure où l'intimée succombe entièrement, ces frais seront intégralement mis à sa charge (art. 106 al. 1 CPC). Compte tenu des avances versées, soit 2'000 fr. pour l'appelante et 30'600 fr. pour l'intimée, lesquelles restent acquises à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC), l'intimée sera condamnée à verser 2'000 fr. à l'appelante à titre de remboursement de l'avance de frais et 3'800 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à titre de solde des frais judiciaires. Par souci de simplification, le jugement sera annulé dans son intégralité et il sera statué à nouveau sur les frais dans le dispositif du présent arrêt, quand bien même leur montant est confirmé.

Le montant des dépens, arrêtés en première instance à 33'600 fr., débours et TVA compris, conformément aux dispositions légales applicables (art. 84 et 85 RTFMC; 20, 25 et 26 al. 1 LaCC), n'est pas non plus contesté en appel. Il sera confirmé et mis à la charge de l'intimée, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Les Services financiers du Pouvoir judiciaire seront invités à libérer en faveur de l'appelante le montant de 33'600 fr. versé par l'intimée à titre de sûretés.

4.2 Les frais judiciaires d'appel seront fixés à 27'000 fr. (art. 17 et 35 RTFMC), entièrement compensés avec l'avance de frais fournie par l'appelante, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC), et mis à la charge de l'intimée, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Elle sera ainsi condamnée à rembourser ce montant à l'appelante.

Les dépens d'appel, arrêtés à 15'500 fr., débours et TVA compris (art. 84, 85 et 90 RTFMC; art. 20, 25 et 26 LaCC), seront également mis à la charge de l'intimée (art. 106 al. 1 CPC).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 16 août 2022 par A______ contre le jugement JTPI/7066/2022 rendu le 13 juin 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/29478/2018.

Au fond :

Annule ce jugement et, statuant à nouveau :

Déboute B______ FOUNDATION des fins de sa demande en paiement du 11 juin 2019.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Arrête les frais judiciaires de première instance à 36'400 fr., les met à la charge de B______ FOUNDATION et les compense partiellement avec les avances fournies par les parties, lesquelles demeurent acquises à l'Etat de Genève.

Condamne B______ FOUNDATION à verser 2'000 fr. à A______ à titre de remboursement de l'avance de frais.

Condamne B______ FOUNDATION à verser 3'800 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à titre de solde des frais judiciaires.

Fixe les dépens de première instance à 33'600 fr. et les met à la charge de B______ FOUNDATION.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à libérer en faveur de A______ les sûretés de 33'600 fr. fournies par B______ FOUNDATION en garantie des dépens.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 27'000 fr., les met à la charge de B______ FOUNDATION et les compense entièrement avec l'avance de frais fournie par A______, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne en conséquence B______ FOUNDATION à verser 27'000 fr. à A______ à titre de remboursement des frais judiciaires d'appel.

Condamne B______ FOUNDATION à verser 15'500 fr. à A______ à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur
Jean REYMOND, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.