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Décisions | Chambre civile

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C/13608/2020

ACJC/852/2022 du 14.06.2022 sur JTPI/7636/2021 ( OS ) , MODIFIE

Normes : CC.276; CC.285; CC.286; CC.279
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13608/2020 ACJC/852/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MARDI 14 JUIN 2022

 

Entre

Le mineur A______, représenté par sa mère, Madame B______, domiciliée ______[GE], appelant d'un jugement rendu par la 18ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 9 juin 2021, comparant par Me Bernard NUZZO, avocat, Djaziri & Nuzzo, rue Leschot 2, 1205 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

Monsieur C______, domicilié c/o Monsieur D______, ______[GE], intimé, comparant par Me Cyril AELLEN, avocat, AAA Avocats SA, rue du Rhône 118, 1204 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/7636/2021 du 9 juin 2021, le Tribunal de première instance (ci-après le Tribunal) a, statuant par voie de procédure simplifiée, sur action alimentaire, fixé l'entretien convenable de l'enfant A______ à 986 fr., dont à déduire les allocations familiales (chiffre 1 du dispositif), constaté qu'il n'y avait pas lieu en l'état de mettre à charge de son père, C______, une contribution d'entretien en faveur de l'enfant (ch. 2), dit que les allocations familiales seraient perçues par la mère de l'enfant (ch. 3), arrêté les frais judiciaires à 800 fr., répartis par moitié entre les parties et laissés provisoirement à la charge de l'Etat de Genève, sous réserve d'une décision contraire de l'assistance juridique (ch. 4), dit qu’il n’était pas alloué de dépens (ch. 5), condamné les parties à respecter et à exécuter les dispositions du jugement (ch. 6) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7).

B. a. Par acte déposé le 21 juin 2021 au greffe universel du Pouvoir judiciaire, à l'attention du greffe de la Cour de justice (ci-après la Cour), A______, représenté par sa mère, a formé appel contre ce jugement, reçu le 12 juin 2021.

Il a conclu principalement, avec suite de frais à charge de C______, à l'annulation du chiffre 2 du dispositif du jugement et cela fait, statuant à nouveau, à ce que la Cour condamne C______ à payer en mains d'B______, au titre de contribution à son entretien, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, la somme de 986 fr., jusqu'à sa majorité, voire au-delà, mais au maximum jusqu'à 25 ans, en cas d'études ou de formation régulières et sérieuses, et dise que ses frais extraordinaires seraient pris en charge par moitié par chacun des parents, chaque dépense extraordinaire étant subordonnée à l'accord préalable de ceux-ci, tant sur son montant que sur son principe, sauf cas d'urgence.

Subsidiairement, A______ a pris des conclusions similaires, la contribution à son entretien n'étant toutefois due qu'à partir du mois de septembre 2023.

Il a produit une pièce nouvelle.

b. Dans sa réponse à l'appel du 24 août 2021, C______ a conclu à la confirmation du jugement entrepris, avec suite de frais à charge de A______.

Il a produit une pièce nouvelle.

c. A______ a déposé le 1er septembre 2021 une courte réplique et persisté dans ses conclusions d'appel.

d. C______ ayant renoncé à dupliquer, le greffe de la Cour a informé les parties, par courrier du 13 octobre 2021, de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. B______, née le ______ 1979, originaire de Genève, a donné naissance à A______ (ci-après A______ ou l'enfant) le ______ 2017 à Genève.

b. Par jugement du 31 octobre 2018, le Tribunal a constaté la paternité de C______, né le ______ 1985, de nationalité portugaise, sur l'enfant.

c. A______ vit avec sa mère et n'a vu son père qu'à de très rares occasions.

d. Par requête en conciliation du 10 juillet 2020, déclarée non conciliée le 28 septembre 2020, puis par demande introduite le 29 septembre 2020 auprès du Tribunal, A______, représenté par sa mère, a agi contre C______ en paiement d'une contribution d'entretien et en partage des frais extraordinaires.

Il a conclu, avec suite de frais, au versement d'une contribution d'entretien en sa faveur, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, de 3'368 fr. (y compris une contribution de prise en charge de 2'175 fr. 20) durant l'année précédant le dépôt de la requête jusqu'au mois de juillet 2020, de 3'427 fr. (y compris une contribution de prise en charge de 2'175 fr. 20) dès le mois d'août 2020, de 1'271 fr. (y compris une contribution de prise en charge de 715 fr. 20) dès le mois de septembre 2021 jusqu'à 10 ans révolus, de 1'471 fr. (y compris une contribution de prise en charge de 715 fr. 20 et augmentation de 200 fr. de la base d'entretien OP) dès l'âge de 10 ans révolus, de 885 fr. dès le mois de septembre 2029 (entrée de l'enfant au niveau scolaire secondaire), de 1'085 fr. (palier forfaitaire de 200 fr.) de l'âge de 15 ans révolus jusqu'à sa majorité, voire jusqu'à 25 ans en cas d'études régulières et suivies, ainsi qu'au partage par moitié des frais extraordinaires auxquels l'autre parent aurait donné son accord préalable.

e. Par mémoire de réponse du 30 novembre 2020, C______ a conclu, avec suite de frais, à ce que le Tribunal arrête le montant de l'entretien convenable de l'enfant à 641 fr., hors allocations familiales, et constate qu'il n'était pas en mesure de verser de contribution d'entretien.

f. Lors de l'audience du 12 janvier 2021, le Tribunal a entendu les parties qui se sont accordées sur le montant de l'entretien convenable de l'enfant à hauteur de 986 fr. et ont complété la description de leurs situations personnelles et financières.

g. Lors de l'audience du 13 avril 2021, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions.

h. La situation financière et personnelle des parties ainsi que de la mère de A______ se présente comme suit :

h.a. B______ et C______, souffrant tous deux d'addictions à des produits stupéfiants, se sont rencontrés au cours d'un séjour à la Clinique O______ en 2014.

h.b. C______ allègue qu'il a connu une jeunesse "compliquée et tumultueuse" au cours de laquelle il n'a acquis aucune formation professionnelle. Il a commencé tardivement une activité dans le nettoyage pour un salaire horaire de 16 fr., qui ne s'est toutefois pas prolongée à l'issue du temps d'essai. Il a ensuite travaillé dans la restauration pendant environ deux ans, percevant une rémunération mensuelle nette de 2'848 fr. 95, période au cours de laquelle il allègue avoir contracté ses addictions. Dès 2014, il n'a plus travaillé. Son médecin traitant lui a recommandé une reconversion professionnelle, le contexte de la restauration n'étant pas adéquat pour le traitement d'addictions. Durant cette période, il expose avoir "fait des bêtises et un peu de prison". Ayant repris pied, il a entrepris en 2018 une formation auprès de la Fondation F______ ayant conduit à la délivrance, en juillet 2020, d'une attestation fédérale de formation professionnelle (AFP) d'horticulteur. Il a poursuivi sa formation par un apprentissage d'horticulteur paysagiste, toujours à la Fondation F______, devant conduire à l'obtention d'un certificat fédéral de capacité (CFC); il a perçu un revenu mensuel brut de 1'790 fr., soit 1'675 fr. nets en première année d'apprentissage (2020/2021), versé treize fois l'an. Il poursuit cette formation en seconde année d'apprentissage. Il allègue qu'une formation AFP ne permet pas de trouver un emploi, alors que le CFC lui permettrait de s'insérer durablement dans le monde du travail et de percevoir un revenu plus important; en outre, même si une formation AFP permet normalement de poursuivre sa formation par un apprentissage en le débutant directement en deuxième année, il a préféré commencer l'apprentissage en première année, "sur conseil de ses professeurs".

Après avoir vécu de juin 2017 à mars 2020 au Centre G______ de la Fondation E______, une institution spécialisée dans les addictions, C______ a emménagé avec sa compagne actuelle, H______.

Celle-ci travaille dans le parascolaire à un taux d'activité de 80% pour un revenu qui ne résulte pas de la procédure.

C______ et H______ ont eu deux enfants, I______, né le ______ 2019, et un enfant né en ______ 2021 dont ni le prénom ni la date de naissance précise n'ont été mentionnés dans la procédure. Selon un certificat médical du 12 août 2021, H______ était enceinte de jumeaux dont la naissance était prévue en ______ 2021.

C______ est par ailleurs le père d'une autre enfant, J______, née le ______ 2010 d'une relation antérieure avec K______. Il s'est engagé, par convention avalisée par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant le 24 août 2012, à verser une contribution de 500 fr. jusqu'à l'âge de 6 ans, de 600 fr. jusqu'à l'âge de 12 ans et 700 fr. de l'âge de 12 ans à la majorité, voire au-delà en cas d'apprentissage ou d'études sérieuses et suivies. Il ne verse pas cette pension et K______ a mandaté, le 15 juin 2020, le Service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaire (ci-après le SCARPA) pour procéder à son recouvrement.

Les charges mensuelles de C______ ont été arrêtées par le Tribunal à 1'898 fr. (la moitié du montant de base d'entretien pour un couple : 850 fr.; frais de logement : 784 fr. (40 % du loyer et des charges de 1'960 fr. pour le logement qu'il occupe avec sa compagne et ses enfants, le solde étant comptabilisé dans les charges de ces derniers); assurance maladie : 194 fr.; transports publics : 70 fr.).

h.c. B______ a travaillé par le passé auprès de L______ à Genève et la M______ à P______[France] pour des revenus mensuels de l'ordre de 6'500 fr., respectivement 2'500 euros. Elle a ensuite été réceptionniste à Genève pour une étude d'avocat à 50%, pour un salaire de l'ordre de 2'000 fr. Avant la naissance de son fils, elle a effectué un stage au N______ pour lequel elle a été rémunérée 2'000 fr. par mois. Elle n'a ensuite plus travaillé et elle a bénéficié des prestations de l'Hospice Général. Elle allègue rechercher activement un nouvel emploi depuis qu'elle a trouvé une place en crèche à 100 % pour A______ en août 2020.

Ses charges mensuelles, non contestées en appel, ont été arrêtées par le Tribunal à 2'715 fr. (base d'entretien OP : 1'350 fr.; frais de logement charges comprises : 1'136 fr. (80 % du loyer, le solde étant inclus dans les charges de l'enfant); assurance maladie subside déduit : 159 fr.; transports publics : 70 fr.).

h.d. Les charges de A______, telles qu'arrêtées d'entente entre les parties à l'audience du 12 janvier 2021, s'élèvent à 986 fr. (base d'entretien OP : 400 fr.; frais de logement : 284 fr. (20% du loyer); assurance maladie, subside déduit : 21 fr. de prime d'assurance-maladie, subside déduit; frais médicaux non pris en charge : 11 fr.; frais de crèche : 270 fr.; le tout sous déduction des allocations familiales en 300 fr.).

D. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a, sur le seul point litigieux en appel, soit la libération de l'intimé du paiement de toute contribution d'entretien, considéré que ce dernier ne disposait actuellement d'aucune capacité contributive et ne pouvait se voir imputer de revenu hypothétique compte tenu d'un parcours de vie difficile et de sa formation professionnelle en cours. S'agissant de la répartition des frais extraordinaires de l'enfant entre les parents, le Tribunal a retenu qu'en l'absence de frais concrets à partager, il n'y avait pas lieu de statuer.

EN DROIT

1.             1.1 Interjeté contre une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), statuant sur la contribution à l'entretien d'un enfant mineur, soit une affaire de nature pécuniaire dont la valeur litigieuse capitalisée selon l'art. 92 al. 2 CPC est supérieure à 10'000 fr. (art. 91 al. 1, 92 al. 1, 308 al. 2 CPC), auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), dans le délai de trente jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, 142 al. 1, 145 al. 1 let. b,  311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.2 La procédure simplifiée est applicable (art. 295 CPC).

La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2.3).

Les maximes d'office et inquisitoire illimitée régissent la procédure, de sorte que la Cour établit les faits d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 296 al. 1 et 3 CPC), ni par l'interdiction de la reformatio in pejus (ATF 147 III 301 consid. 2.2; 138 III 374 consid. 4.3.1; 129 III 417 consid. 2.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_841/2018 du 12 février 2020 consid. 5.2; 5A_757/2013 du 14 juillet 2014 consid. 2.1).

1.3 Les pièces nouvelles produites en appel, utiles à la détermination de l'entretien de l'enfant mineur, sont recevables. En effet, lorsque la procédure est soumise, comme ici, à la maxime inquisitoire illimitée, les parties peuvent présenter des nova en appel même si les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réunies (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_685/2018 du 15 mai 2019 consid. 3).

2. Le présent litige présente un élément d'extranéité en raison de la nationalité étrangère de l'appelant.

Les parties ne contestent pas, à juste titre, la compétence des tribunaux suisses pour statuer sur la contribution due à l'enfant, seul point litigieux en appel, au vu de leur domicile (art. 79 al. 1 LDIP), ni l'application du droit suisse (art. 83 al. 1 LDIP et art. 4 de la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable aux obligations alimentaires; CLaH 73; RS 0.211.213.01).

3. L'appelant reproche au premier juge de ne pas avoir imputé à l'intimé un revenu hypothétique et, partant, de ne pas l'avoir condamné à lui verser une contribution du montant de son entretien convenable de 986 fr. par mois – non contesté en appel –, alors qu'il est au bénéfice d'une attestation AFP d'horticulteur obtenue en 2018 et pourrait travailler grâce à ce titre. Il n'était pas admissible que l'intimé poursuive, à 36 ans et avec de nombreux enfants à charge, une formation professionnelle par un apprentissage – de surcroît commencé en première année alors que l'attestation AFP lui permettrait de le commencer directement en seconde année – au détriment d'une activité lucrative, même non qualifiée. Il fallait donc lui attribuer une capacité contributive, qui pouvait être estimée à 3'760 fr. bruts, soit environ 3'200 fr. nets, pour une activité d'horticulteur sans CFC selon l'outil Salarium de l'Office fédéral de la statistique, mais devait en réalité être fixée à hauteur du salaire minimum genevois – supérieur –, soit une rémunération de l'ordre de 4'000 fr. bruts par mois, respectivement 3'400 fr. nets.

L'appelant reproche également au Tribunal d'avoir mal calculé les charges de l'intimé en retenant dans ses frais de logement une proportion de 40% du loyer de la famille alors qu'il faudrait retenir un taux de 35% (30% pour deux enfants et 35% pour chacun des parents), ce qui conduirait à une réduction de ses charges mensuelles à 1'898 fr.

En conclusion, l'appelant soutient que l'intimé bénéficierait d'une capacité contributive de 1'502 fr. (3'400 fr. – 1'898 fr.), lui permettant d'assumer l'entretien mensuel de l'appelant à hauteur de 986 fr. et celui de J______ en 500 fr.

3.1.1 Selon l'art. 276 al. 1 et 2 CC, les père et mère contribuent ensemble, chacun selon ses facultés, à l'entretien convenable de l'enfant, en fournissant soins, éducation et prestations pécuniaires. Ils assument en particulier les frais de sa prise en charge, de son éducation, de sa formation et des mesures prises pour le protéger.

Lorsque les parents vivent séparés, en cas de garde exclusive attribuée à l'un des parents, la charge financière de l'enfant est en principe assumée entièrement par l'autre parent, la prise en charge en nature équivalant à la prise en charge financière (ATF 147 III 165 consid. 5.5; 135 III 66 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_450/2020 du 4 janvier 2021 consid. 5.3).

L'art. 285 CC prévoit que la contribution d'entretien en argent doit correspondre aux besoins de l'enfant ainsi qu'à la situation et aux ressources de ses père et mère; il est tenu compte de la fortune et des revenus de l'enfant (al. 1). La contribution d'entretien sert aussi à garantir la prise en charge de l'enfant par les parents et les tiers (al. 2).

3.1.2 La loi ne prescrit pas de méthode de calcul particulière pour arrêter une contribution d'entretien. Sa fixation relève de l'appréciation du juge, lequel est néanmoins lié par une méthode uniformisée posée par le Tribunal fédéral (art. 4 CC; ATF 147 III 265 consid. 6, 147 III 293 et ATF 147 III 201; 144 III 481 consid. 4.1; 140 III 337 consid. 4.2.2; 134 III 577 consid. 4; 128 III 411 consid. 3.2.2; cf. communiqué de presse du Tribunal fédéral du 9 mars 2021).

Selon cette méthode, dite "du minimum vital avec répartition de l'excédent" ou "en deux étapes", on examine d'abord les ressources, à savoir les revenus effectifs ou hypothétiques (tirés du travail, de la fortune ou de prestations sociales), et les besoins des personnes dont l'entretien est concerné. Puis les ressources sont réparties entre les membres de la famille, selon un certain ordre de priorité, de manière à couvrir le minimum vital du droit des poursuites, respectivement, en cas de moyens suffisants, le minimum vital du droit de la famille. L'éventuel excédent – après retranchement de la part des revenus dévolue à l'épargne, qui ne participe pas à l'entretien de la famille – est ensuite réparti en principe par "grandes et petites têtes" (ATF 147 III 265 consid. 7, 7.3 et 8.3.2).

3.1.3 Pour déterminer la capacité contributive d'un parent, le juge doit en principe tenir compte de ses revenus nets effectifs.

Néanmoins, un parent peut se voir imputer un revenu hypothétique lorsqu'il pourrait gagner davantage qu'il ne gagne effectivement en faisant preuve de bonne volonté ou en fournissant l'effort qui peut raisonnablement être exigé de lui (ATF 143 III 233 consid. 3.2; 137 III 118 consid. 2.3; 137 III 102 consid. 4.2.2.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_717/2019 du 20 avril 2020 consid. 3.2.3; 5A_876/2016 du 19 juin 2017 consid. 3.1.2; 5A_256/2015 du 13 août 2015 consid. 3.2.1; 5A_218/2012 du 29 juin 2012 consid. 3.3.3).

S'agissant de l'obligation d'entretien d'enfants mineurs, les exigences à l'égard des père et mère sont plus élevées, de sorte que ceux-ci doivent réellement épuiser leur capacité maximale de travail et ne peuvent pas librement choisir de modifier leurs conditions de vie si cela a une influence sur leur capacité à subvenir aux besoins de l'enfant mineur (ATF 137 III 118 consid. 3.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_254/2019 du 18 juillet 2019 consid. 3.1; 5A_946/2018 du 6 mars 2019 consid. 3.1; 5A_874/2014 du 8 mai 2015 consid. 6.2.1), ce qui peut notamment signifier devoir limiter la liberté personnelle et la réalisation de perspectives ou d'idéaux professionnels (arrêts du Tribunal fédéral 5A_90/2017 du 24 août 2017 consid. 5.3.1; 5A_273/2018 du 25 mars 2019 consid. 6.3.1.2). Par la fixation d'une contribution d'entretien tenant compte d'un revenu hypothétique qui s'écarte du revenu effectif, il s'agit d'inciter la personne à réaliser le revenu qu'elle est en mesure de se procurer et dont on peut raisonnablement exiger d'elle qu'elle l'obtienne afin de remplir ses obligations (ATF 128 III 4 consid. 4a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_256/2015 du 13 août 2015 consid. 3.2.1).

Lorsque le juge entend tenir compte d'un revenu hypothétique, il doit examiner successivement deux conditions. Il doit d'abord déterminer si l'on peut raisonnablement exiger d'une personne qu'elle exerce une activité lucrative ou augmente celle-ci, eu égard, notamment, à sa formation, à son âge et à son état de santé. Le juge doit ensuite établir si la personne a la possibilité effective d'exercer l'activité ainsi déterminée et quel revenu elle peut en obtenir, compte tenu des circonstances subjectives susmentionnées, ainsi que du marché du travail. Le juge ne peut se limiter à retenir de manière toute générale que la personne est capable de réaliser des revenus supérieurs; il doit examiner sa situation professionnelle concrète et le marché du travail, notamment en se fondant sur les enquêtes de l'Office fédéral de la statistique (ATF 143 III 233 consid. 3.2; 137 III 102 consid. 4.2.2.2; 137 III 118 consid. 3.2; 128 III 4 consid. 4c/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5A_584/2018 du 10 octobre 2018 consid. 5.1.2).

3.1.4 Dans la détermination de la capacité contributive des parents, les charges incompressibles constitutives de leur minimum vital – du droit des poursuites ou du droit de la famille en fonction des moyens disponibles – sont déduites de leurs revenus nets (ATF 144 III 377 consid. 7.1.4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_311/2019 du 11 novembre 2020 consid. 7.2 précité).

Dans le calcul du minimum vital, les frais de logement d'un parent qui habite avec d'autres membres de sa famille correspondent à sa quote-part du loyer après répartition entre les différents membres de la famille. Les frais de logement de l'enfant représentent une part des frais de logement du ou des parents gardiens, de sorte que le loyer de ces derniers doit être diminué dans cette mesure (arrêts du Tribunal fédéral 5A_464/2012 du 30 novembre 2012 consid. 4.6.3 et 5A_533/2010 du 24 novembre 2010 consid. 2.1). La part au logement peut être fixée à 20% du loyer pour un enfant, à 30% pour deux enfants et à 40% pour trois, voire quatre enfants (ACJC/131/2019 du 22 janvier 2019; ACJC/1676/2017 du 19 décembre 2017 et ACJC/896/2016 du 24 juin 2016; Bastons Bulleti, L'entretien après le divorce : Méthodes de calcul, montant, durée et limites, in SJ 2007 II 77, p. 102).

3.1.5 L'enfant peut réclamer l'entretien à son père pour l'avenir et pour l'année qui précède l'ouverture de l'action (art. 279 CC).

Aucune limitation temporelle absolue de l'obligation d'entretien au moment où l'enfant atteint l'âge de 25 ans révolus n'existe en droit civil (ATF 130 V 237; arrêt du Tribunal fédéral 5A_330/2014 du 30 octobre 2014 consid. 8.3).

3.2.1 L'appelant fait essentiellement grief au Tribunal de ne pas avoir tenu compte du fait que l'intimé n'a plus l'âge de suivre des formations professionnelles et doit accepter un emploi, même insatisfaisant, pour honorer ses obligations d'entretien, ce d'autant plus qu'il a acquis une formation AFP qu'il aurait pu valoriser sur le marché du travail "dès 2018".

L'appelant reproche également à l'intimé de ne pas avoir limité la durée de sa formation en commençant son apprentissage en deuxième année comme le lui aurait permis l'obtention préalable de l'attestation AFP.

3.2.2 C'est par erreur que le premier juge a retenu que l'intimé aurait obtenu une attestation AFP en 2018, car cette date correspond au début de sa formation, qu'il a achevée en 2020 (cf. pièce 10 int.). L'intimé n'est donc pas resté inactif pendant deux ans entre 2018 et 2020 contrairement à ce que sous-entend l'appelant. Il a poursuivi sa formation en débutant un apprentissage en première année en vue d'obtenir un CFC.

3.2.3 La question principale qui se pose en appel consiste à déterminer s'il doit être exigé de l'intimé qu'il reprenne dans les meilleurs délais une activité lucrative, dans le but de disposer des moyens financiers nécessaires à contribuer à l'entretien de l'appelant, ainsi que le revendique ce dernier, ou s'il peut être admis que l'intimé soit dispensé de contribuer à l'entretien de l'appelant le temps d'achever la formation professionnelle en cours, consistant en une formation AFP, suivie d'un apprentissage, lui permettant d'envisager à terme des revenus supérieurs et, partant, une meilleure capacité à contribuer à l'entretien de l'appelant, solution préconisée par le premier juge.

L'attestation AFP est destinée aux jeunes au parcours personnel ou scolaire complexe et qui éprouvent des difficultés à suivre le cursus CFC sur trois ou quatre ans. Reconnue depuis 2004 par la plupart des milieux professionnels dans toute la Suisse, la formation se déroule en système dual (école-entreprise) et à plein temps sur deux ans. Elle est fortement orientée vers la dimension pratique du métier et comprend un encadrement individualisé tant en école, où des moyens didactiques appropriés sont mis en œuvre, que dans la formation pratique. L'obtention de l'attestation AFP permet d'entrer sur le marché de l'emploi ou, pour ceux qui en ont les capacités et qui le souhaitent, de poursuivre leur formation dans la filière CFC du même métier en la commençant directement en deuxième année. Inversement, un apprenti qui éprouverait des difficultés importantes dans la filière du CFC a la possibilité de rejoindre la formation AFP (cf. site internet de l'Etat de Genève, publications sur la formation professionnelle de la Direction générale de l'enseignement secondaire II et site internet de l'Association pour la valorisation des formations AFP).

L'apprentissage d'horticulteur paysagiste en entreprise dure trois ans (cf. le site internet orientation.ch du CSFO).

L'intimé est père de six enfants ; il s'est mis en position de devoir assumer d'importantes charges d'entretien. Si une formation professionnelle complète augmente significativement ses chances de s'intégrer dans le monde du travail ainsi que d'acquérir une meilleure capacité contributive, le choix de démarrer son apprentissage en première année, et non en deuxième année comme le lui aurait permis l'obtention du titre AFP, n'est pas admissible. L'intimé n'établit pas que la reprise en première année d'apprentissage aurait été nécessaire et évoque uniquement une recommandation de ses professeurs, non documentée. Il convient par conséquent de retenir que sa formation pourra s'achever par l'obtention d'un CFC en juin 2022 et qu'il disposera d'une pleine capacité contributive dès ce mois.

En conclusion, la Cour confirmera l'appréciation du premier juge consistant à admettre que l'intimé ne réalise que des revenus insuffisants à assumer ses obligations d'entretien pendant sa période de formation, laquelle doit toutefois se limiter à la durée strictement nécessaire, soit une formation s'achevant en juin 2022.

L'appelant doit ainsi être suivi lorsqu'il fait grief au Tribunal de ne pas avoir fixé une contribution d'entretien différée dans le temps sur la base d'un revenu hypothétique de l'intimé à l'issue de sa formation, cette date n'étant de surcroît ni éloignée ni incertaine (art. 286 al. 1 CC).

L'intimé devra être en mesure de réaliser un revenu de 3'971 fr. nets par mois (4'672 fr. bruts pour un horticulteur titulaire d'un CFC selon l'outil Salarium – 15% de cotisations sociales) dès juillet 2022 et la contribution d'entretien litigieuse sera calculée dès cette date sur cette base. S'il devait ne pas avoir achevé sa formation ni trouvé un emploi dans le domaine de l'horticulture à cette date, il lui incombera de rechercher une activité dans d'autres domaines professionnels lui permettant de réaliser des revenus similaires et d'assumer l'entretien de ses enfants.

3.3 L'appelant reproche au premier juge d'avoir arrêté les frais de logement de l'intimé à 40% du loyer de la famille et non pas à 35 %.

Conformément aux principes exposés ci-dessus, la part aux frais de logement des enfants vivant avec l'intimé doit en effet être revalorisée et, partant, la part de l'intimé réduite. Pour deux enfants, un taux de participation de 30% aurait dû être admis, impliquant une charge de 35% par parent, soit 686 fr. Ce chiffre sera encore réduit dès novembre 2021 avec la naissance de deux autres enfants à 30%, soit 588 fr.

Les charges de l'intimé seront par conséquent arrêtées à 1'800 fr. jusqu'en novembre 2021 (850 fr. + 686 fr. + 194 fr. + 70 fr.; cf. supra C.h.b), puis à 1'702 fr. (850 fr. + 588 fr. + 194 fr. + 70 fr.; idem).

3.4 L'appelant reproche encore au premier juge de s'être trompé dans le calcul du revenu tiré par l'intimé de son apprentissage car il avait omis d'y inclure le treizième salaire, admis par l'intéressé. Ce reproche est fondé et implique que le revenu mensuel moyen de l'intimé s'élève à 1'814 fr. nets et non pas à 1'675 fr. comme retenu par le premier juge.

3.5 Il découle des considérants précédents que l'intimé bénéficie d'une capacité contributive de 14 fr. (1'814 fr. – 1'800 fr.) depuis septembre 2020 – dont il y a lieu de faire abstraction vu son montant – et un peu plus élevée depuis décembre 2021, soit 112 fr. (1'814 – 1'702 fr.), laquelle sera dévolue à l'entretien de six enfants, soit 18 fr. chacun par mois, arrondie à 20 fr. chacun.

Dès juillet 2022, la quotité disponible de ses revenus sera de 2'269 fr. (revenu net de 3'971 fr. – charges de 1'702 fr.), à partager entre ses six enfants, soit 378 fr. 20 chacun. La contribution d'entretien en faveur de l'appelant sera par conséquent arrêtée à 380 fr. dès cette date. Il ne sera fixé aucun palier progressif, la capacité de l'intimé à augmenter ses revenus à moyen terme n'étant pas rendue vraisemblable.

Le chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris sera également modifié en ce sens, étant précisé que la limitation de la contribution à l'âge de 25 ans n'est pas justifiée.

4. L'appelant conclut à ce qu'il soit statué sur la répartition des frais extraordinaires de l'enfant conformément à ses conclusions de première instance, sans développer d'argumentation.

4.1 En vertu de l’art. 286 al. 3 CC, le juge peut contraindre les parents à verser une contribution spéciale lorsque des besoins extraordinaires imprévus de l’enfant le requièrent. La prise en charge des frais extraordinaires de l’enfant est réglée en présence de frais spécifiques et non pas de manière générale et abstraite, à moins que cela ne fasse partie de l’accord des parties (art. 286 al. 3 CC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_57/2017 du 9 juin 2017 consid. 6.3).

4.2 En l'occurrence, aucun frais extraordinaire concret n'étant allégué par l'appelant, c'est avec raison que le Tribunal a rejeté cette conclusion, de sorte que le jugement sera confirmé sur ce point.

5. 5.1 Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

Dès lors que ni la quotité ni la répartition des frais judiciaires et dépens de première instance n'ont été remises en cause en appel et que ceux-ci ont été arrêtés conformément aux règles légales (art 95, 96, 104 al. 1, 107 al. 1 let. c CPC; art. 32 RTFMC), le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

5.2 Les frais judiciaires d'appel seront fixés à 800 fr. (art. 96 CPC, 19 LACC, 32, 35 RTFMC) et répartis à parts égales entre les parties eu égard à la nature familiale et à l'issue du litige (art. 107 al. 1 let. c CPC).

Les parties seront dispensées du paiement des frais puisqu'elles plaident au bénéfice de l'assistance judiciaire, sous réserve d'une décision contraire du Service de l'assistance juridique.

5.3 Il ne sera pas alloué de dépens d'appel vu la nature et l'issue du litige (art. 107 al. 1 let. c CPC.

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 21 juin 2021 par A______ contre le chiffre 2 du dispositif du jugement JTPI/7636/2020 rendu le 9 juin 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/13608/2020.

Au fond :

Annule le chiffre 2 du dispositif du jugement attaqué et, statuant à nouveau sur ce point :

Condamne C______ à verser en mains de B______, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, à titre de contribution à l'entretien de leur fils A______, les sommes de 20 fr. dès le 1er décembre 2021 et de 380 fr. dès le 1er juillet 2022 jusqu'à la majorité, voire au-delà, en cas de formation professionnelle ou d'études régulières et sérieuses.

Confirme le jugement attaqué pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 800 fr., les met à la charge des parties à raison d'un moitié chacune et les laisse provisoirement à la charge de l'Etat de Genève sous réserve d'une décision de l'Assistance juridique.

Dit que chacune des parties supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Gladys REICHENBACH, greffière.

 

Le président

Ivo BUETTI

 

 

La greffière

Gladys REICHENBACH

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.

 

https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/travail-remuneration/salaires-revenus-cout-travail/niveau-salaires-suisse/salarium.html

https://www.ge.ch/document/attestation-federale-formation-professionnelle-afp et https://afp-formation.ch/

https://www.orientation.ch/dyn/show/1900?lang=fr&idx=30&id=146

https://www.fer-ge.ch/web/fer-ge/calculateur-charges-salariales-employeur