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Décisions | Chambre civile

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C/8862/2020

ACJC/1677/2021 du 26.11.2021 sur OTPI/439/2021 ( SDF ) , JUGE

Recours TF déposé le 15.01.2022, rendu le 01.04.2022, IRRECEVABLE, 5A_35/2022
Normes : CPC.276; CPC.163
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/8862/2020 ACJC/1667/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 26 NOVEMBRE 2021

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______[GE], appelante et intimée, comparant par Me Thomas BARTH, avocat, BARTH & PATEK, Boulevard Helvétique 6, case postale, 1211 Genève 12, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______[GE], intimé et appelant d'une ordonnance rendue par la 20ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 15 juin 2021, comparant en personne.

 


EN FAIT

A.           Par ordonnance OTPI/439/2021 du 15 juin 2021, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures provisionnelles, a annulé le dispositif de l'arrêt ACJC/621/2020 rendu par la Cour de justice le 12 mai 2020 en ce qu'il condamne A______ à verser à B______, par mois et d'avance, une contribution à son entretien de 4'500 fr. par mois dès son départ du domicile conjugal (chiffre 1 du dispositif), condamné A______ à verser à B______, par mois et d'avance, une contribution à son entretien de 2'625 fr. (ch. 2), confirmé pour le surplus l'arrêt ACJC/621/2020 du 12 mai 2020 et le jugement JTPI/136/2020 du 7 janvier 2020 (ch. 3), réservé la décision finale du Tribunal quant au sort des frais judiciaires (ch. 4), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).

B.            a. Le 28 juin 2021, A______ (désormais et ci-après : A______) a formé appel contre l'ordonnance du 15 juin 2021, reçue le 16 juin 2021, concluant à l'annulation du chiffre 2 de son dispositif et cela fait à ce qu'il soit dit qu'elle ne doit plus aucune contribution à l'entretien d'B______ dès le 23 décembre 2020, dépens compensés. Subsidiairement, elle a conclu à l'annulation du chiffre 2 du dispositif de l'ordonnance attaquée, à ce qu'il soit dit qu'elle devait s'acquitter d'une contribution à l'entretien d'B______ de 1'020 fr. par mois à compter du 23 décembre 2020, à ce qu'il soit constaté qu'elle est créancière de la somme de 10'857 fr. 50 correspondant au trop versé en faveur d'B______ pour les mois de décembre 2020 à mai 2021 et à ce qu'il soit dit que cette créance pourrait être compensée avec de futures contributions à l'entretien du même B______, dépens compensés.

b. Le 20 juillet 2021, B______ a répondu à l'appel, concluant à son rejet, avec suite de frais à la charge de sa partie adverse et réclamant l'allocation d'une somme de 5'500 fr. à titre de frais de procédure et de justice. Il a également conclu à ce qu'il soit dit que A______ devait s'acquitter, en sa faveur, d'une contribution d'entretien de 9'995 fr. par mois à compter du dépôt de la requête de mesures provisionnelles, ainsi que du versement d'un capital de 1'000'000 fr. à la date de l'arrêt de la Cour de justice. Il a enfin conclu à ce qu'il soit constaté qu'il était créancier de la somme de 49'588 fr. correspondant au déficit de versement de contribution d'entretien pour les mois de décembre 2020 à mai 2021.

Il a produit un chargé de pièces (pièces 2, 3, 4 et 30).

Le 30 juillet 2021, B______ a encore adressé différentes photos au greffe de la Cour de justice.

c. A______ a répliqué le 9 août 2021.

d. Par avis du greffe de la Cour du 7 septembre 2021, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. a. Le 5 juillet 2021, B______, agissant en personne, a également formé appel contre l'ordonnance du 15 juin 2021, laquelle avait été retournée non réclamée au Tribunal à l'échéance du délai de garde à La Poste et lui avait été renvoyée pour information et par pli simple le 28 juin 2021. Il a conclu à l'annulation de l'ordonnance litigieuse et à la condamnation de A______ à lui verser une contribution d'entretien de 9'995 fr. par mois, ainsi qu'un capital en 1'000'240 fr. B______ a en outre pris la conclusion suivante : "considérer que, si la Cour, dans sa sagesse, fait suite aux demandes précédentes de B______, et que cette dernière en a les capacités, ce dernier accepte que soit prononcé le divorce entre les parties, tenant compte de la totalité des conditions définies ci-devant", avec suite de frais à la charge de sa partie adverse.

A l'appui de son appel, B______ a produit un bordereau mentionnant 45 pièces, dont les deux dernières sont manquantes.

b. Dans sa réponse du 26 juillet 2021, A______ a conclu à l'irrecevabilité de l'appel d'B______ et à son rejet, avec suite de frais.

c. Par avis du greffe de la Cour du 7 septembre 2021, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

D. Les faits pertinents suivants résultent du dossier soumis à la Cour de justice.

a. A______, née le ______ 1949 à Zurich, originaire de Genève et d'C______ (Berne) et B______, né le ______ 1954 à D______ (______/France), de nationalité française, se sont mariés à ______ le ______ 2010, sans conclure de contrat de mariage.

Les parties se sont installées au domicile de A______, soit une maison sise à E______ (Genève) qu'elle avait acquise en 1997.

A______ a eu une fille d'une précédente union; B______ est pour sa part père de deux filles, également issues d'un précédent mariage.

b. Les époux ont mis un terme à leur vie commune en octobre 2019, date à laquelle B______ a emménagé dans un premier temps au sous-sol de la maison de E______, avant de se constituer un nouveau domicile, au mois de mars 2020.

c. Par jugement du 7 janvier 2020, le Tribunal, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a autorisé les époux A______ et B______ à vivre séparés, attribué à l'épouse la jouissance exclusive du domicile conjugal, condamné l'époux à le quitter au plus tard le 29 février 2020, condamné A______ à verser à son époux, par mois et d'avance, la somme de 4'000 fr. dès le 1er mars 2020 ou à compter de son départ du domicile conjugal si celui-ci devait avoir lieu plus tôt et prononcé la séparation de biens.

d. Par arrêt du 12 mai 2020, la Cour de justice, statuant sur appel formé par B______, a condamné A______ à lui verser, par mois et d'avance, une contribution à son entretien de 4'500 fr. par mois dès son départ du domicile conjugal.

S'agissant de la situation personnelle des parties, la Cour avait retenu que A______ percevait des revenus mensuels de 11'779 fr. 50 (rente AVS de 2'370 fr., rente LPP de 4'409 fr. 50 et revenus provenant de sa fortune en 5'000 fr.), pour des charges mensuelles élargies d'environ 6'500 fr., de sorte que son solde disponible s'élevait à près de 5'280 fr. par mois. En ce qui concernait sa fortune, A______ avait reçu, en 2019, un montant de plus de 3'000'000 fr. provenant de la vente d'un bien immobilier dont elle avait hérité. Elle avait expliqué percevoir une rente de 5'000 fr. par mois, provenant "d'un capital" qu'elle avait placé et disposer en outre d'un montant de l'ordre de 1'000'000 fr., non placé.

B______, lequel n'était pas officiellement domicilié en Suisse, ne percevait aucun revenu. Selon ce qu'il avait déclaré devant le Tribunal, il était titulaire d'un doctorat en droit, ainsi qu'en gestion et en psychologie sociale, avait également terminé une école supérieure de commerce et une école supérieure d'ingénieur. Il vivait en Suisse depuis 2002, où il était arrivé dans le cadre d'un recrutement de l'F______ qui n'avait pas abouti. Il avait ensuite travaillé comme professeur titulaire à l'école supérieure de commerce de G______ (France) et responsable pédagogique, puis avait été engagé à la Haute école H______ à Genève, mais avait démissionné après un an. Il avait par la suite été engagé en tant que professeur de marketing à l'Université I______ (France), mais avait démissionné et s'était occupé, avec A______, d'ONG que tous deux avaient créées. Il bénéficiait d'une couverture d'assurance maladie en France, où il bénéficiait de soins gratuits. Il détenait, en J______ (France), une maison de famille à raison de la moitié, l'autre moitié appartenant à ses filles. Il ressort en outre de la procédure qu'avant son arrivée en Suisse, B______, après avoir assumé d'importantes responsabilités dans une société de conseil en management auprès de multinationales, avait obtenu un poste de professeur et chef de département d'enseignement et de recherche marketing et stratégie à l'Ecole K______ (France), puis de L______ (France); il avait en outre été titulaire de la chaire de marketing auprès de l'Université de M______ et enseignait le management à la faculté de médecine de la même ville. Depuis le début de l'année 2019, A______ lui avait versé 300 fr. par mois, somme portée à 2'000 fr. depuis qu'elle avait reçu un héritage (soit plus de 3'000'000 fr.), en mai 2019, tout en le logeant gratuitement. La Cour a retenu, pour B______, des charges mensuelles élargies de l'ordre de 3'800 fr. par mois, hors impôts, en tenant compte d'un domicile en France, l'intéressé ayant sollicité le versement, lors de l'audience tenue devant le Tribunal, d'un montant "pour vivre en France". Ses charges ont dès lors été estimées aux montants suivants : 1'800 fr. de loyer; 1'020 fr. de minimum vital OP; 340 fr. de frais d'entretien et de ménage, par égalité de traitement avec son épouse; 30 fr. de prime d'assurance RC-ménage; 85 fr. de frais d'électricité; 60 fr. de frais de transports et 425 fr. de frais divers, par égalité de traitement avec son épouse. La Cour avait estimé qu'B______ avait droit à la couverture desdites charges, ainsi qu'à la moitié du disponible de son épouse, soit un montant de 4'500 fr. par mois au total, à compter de son départ du domicile conjugal.

e. Le 12 mai 2020, A______ a formé une demande unilatérale de divorce non motivée, concluant, sur la seule question actuellement litigieuse devant la Cour, à ce qu'aucune des parties ne soit condamnée à contribuer à l'entretien de l'autre.

B______ s'est opposé au prononcé du divorce, au motif que la durée de la séparation des parties était inférieure à deux ans.

Le Tribunal a limité la procédure à la question du principe du divorce et a imparti à A______ un délai pour déposer son écriture.

f. Le 20 novembre 2020, A______ a motivé sa demande unilatérale en divorce.

g. Le 23 décembre 2020, elle a formé une requête de mesures provisionnelles, concluant à ce qu'il soit dit qu'elle ne devait plus acquitter aucune contribution à l'entretien de son époux à compter du dépôt de la requête. Subsidiairement, elle a conclu à ce que le montant de ladite contribution d'entretien soit réduit à 500 fr. par mois. A l'appui de sa requête, A______ a allégué que pendant de nombreuses années B______ lui avait caché sa situation patrimoniale. Dans le cadre de la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale, il avait déclaré n'être propriétaire que d'un seul bien immobilier, alors qu'il en possédait en réalité trois autres. A l'appui de ses allégations, A______ a produit un rapport d'enquête de l'agence N______ & Cie du 18 août 2020, selon lequel son époux était propriétaire de biens immobiliers tous sis en France, soit à O______, P______, Q______, biens dont il avait hérité de ses parents, en sa qualité de fils unique. Selon les allégations de A______, son époux possédait en outre une fortune mobilière d'une valeur à tout le moins de l'ordre 120'000 fr., selon estimation d'un expert, composée de bijoux, meubles, objets, tableaux et livres qu'il détenait à Genève, sans compter le mobilier historique et les grands crus notamment, entreposés dans ses propriétés sises en France. En ce qui concernait sa propre situation de fortune, A______ a expliqué avoir fait donation à sa fille d'un montant total de 400'000 fr. Sa fortune mobilière s'élevait à environ 1'100'000 fr. Pour le surplus, ses rentes AVS et LPP étaient demeurées inchangées et elle assumait des charges de l'ordre de 5'700 fr. par mois. Ainsi et en raison de la contribution mensuelle de 4'500 fr. qu'elle versait à son époux, elle était contrainte d'entamer chaque mois sa fortune personnelle.

h. Par ordonnance du 13 janvier 2021, la requête de mesures provisionnelles a été transmise à B______ et un délai au 12 février 2021 lui a été imparti pour y répondre. Un délai arrivant à échéance à la même date a par ailleurs été fixé pour qu'il réponde sur le fond, délais prolongés, à la requête d'B______, au 26 mars 2021, puis au 26 avril 2021 et enfin au 7 mai 2021.

i. Le 6 mai 2021, B______ a déposé au greffe du Tribunal une écriture de réponse comportant 69 pages, concluant notamment à l'irrecevabilité de la demande de divorce, les conditions de l'art. 115 CC n'étant pas remplies. Dans le cadre de cette écriture, B______ a conclu au maintien de la contribution mensuelle de 4'500 fr. que lui versait son épouse. Il a fait état des charges suivantes : 1'020 fr. de minimum vital, 1'600 fr. de loyer, 90 fr. d'assurance RC-ménage, 54 fr. d'assurance immobilière, 580 fr. d'entretien de la maison, 60 fr. de frais d'électricité, 480 fr. de frais de "transports locaux" (B______ ayant précisé ce qui suit pour ce poste : "déplacements par voiture particulière en raison de son activité professionnelle et pour voir ses petits enfants", 350 fr. de frais divers, 600 fr. de frais de transports (avec la précision suivante : "les filles d'B______ sont à R______ et à I______") et 125 fr. de frais de vacances (avec la précision suivante : "les époux avaient pour habitude de voyager").

j. Lors de l'audience du 2 juin 2021 devant le Tribunal, B______ s'est opposé à la requête de mesures provisionnelles. Il a confirmé être propriétaire, pour moitié avec ses filles, d'un bien immobilier sis à O______ (France), lequel était totalement délabré. Un "arrêté de péril" avait été rendu par la commune en raison d'un risque d'effondrement. La valeur de ce bien était de 148'000 euros. En cas de prononcé d'un "arrêté de péril", toute vente était interdite, sauf si des travaux étaient réalisés. Il a contesté être propriétaire d'un bien immobilier sis à S______ (France). Ledit bien appartenait à sa mère, décédée, et devait être transmis à une institution religieuse, conformément au contenu de son testament. Le bien sis à T______ (France) était en réalité un grenier, dépourvu d'électricité et sans sanitaires. Il avait acquis cet espace pour une somme modique, afin d'y entreposer ses biens. Enfin le bien immobilier sis à P______ (France) n'était qu'un terrain, d'une valeur de 30'000 euros; B______ a allégué avoir contracté une dette à hauteur de 130'000 euros en relation avec ce terrain, correspondant aux frais de démolition de la maison qui s'y trouvait. Il avait été propriétaire d'un bel appartement en duplex sis à T______ (France), lequel avait toutefois été vendu aux enchères et à bas prix. B______ n'a pas contesté détenir des bijoux ayant appartenu à sa mère, ainsi que des livres et des DVD. Quant aux tableaux, il les avait achetés pour 5 fr. ou 10 fr. chez U______ à Genève. Il ne percevait aucune rente en France, n'ayant pas cotisé suffisamment longtemps, mais avait droit à une retraite pour indigent de 300 euros par mois. Bien qu'ayant fourni une adresse au V______ à Genève (correspondant à un dépôt où il recevait son courrier), il vivait en réalité à W______ (France), sans payer de loyer, mais en participant aux frais.

A l'issue de l'audience, la cause a été gardée à juger sur mesures provisionnelles.

D.                  a. Dans l'ordonnance attaquée, le Tribunal a retenu que A______ percevait une rente AVS de 2'370 fr. par mois et une rente LPP de 4'409 fr. 50; elle n'avait pas démontré quels étaient les revenus que lui procurait sa fortune, mais avait allégué devoir l'entamer pour verser la contribution d'entretien due à son époux. Ses charges mensuelles, qui avaient été arrêtées à 6'499 fr. 40 dans le cadre des mesures protectrices de l'union conjugale, s'élevaient désormais à 6'038 fr. 55, arrondies à 6'050 fr. (468 fr. d'intérêts hypothécaires; 657 fr. de prime d'assurance maladie; 407 fr. 30 de prime pour l'assurance complémentaire; 155 fr. de frais médicaux non remboursés; 30 fr. 40 pour la radio-télévision; 65 fr. 90 pour l'assurance RC-ménage-bâtiment; 600 fr. de frais d'entretien et de ménage; 221 fr. 45 pour les SIG; 76 fr. 80 pour les frais de transport, correspondant à l'impôt et à l'assurance de son véhicule; 1'520 fr. d'impôts [étant relevé que le Tribunal a corrigé d'office une erreur de calcul commise par A______ dans le montant de ses impôts mensuels]; 500 fr. de frais divers; 136 fr. 70 d'abonnement au fitness et 1'200 fr. de minimum vital OP).

En ce qui concernait B______, le Tribunal a retenu qu'il avait droit à une rente de 300 euros par mois en France, où il vivait, sans payer de loyer mais en participant aux frais. Il a dès lors tenu compte de charges à hauteur de 2'000 fr. par mois, soit celles retenues par le juge des mesures protectrices de l'union conjugale, sous déduction du loyer de 1'800 fr.

Le Tribunal a considéré que les circonstances de fait s'étaient modifiées de manière essentielle et durable depuis le prononcé du jugement sur mesures protectrices, puisque les charges d'B______ avaient diminué de manière importante et qu'il avait droit à une rente de 300 euros par mois. Il se justifiait par conséquent d'entrer en matière sur la requête de mesures provisionnelles.

En ce qui concernait les revenus de la fortune de A______, la conjoncture actuelle ne permettait plus d'envisager un rendement net de 3% sur la fortune et il n'était pas arbitraire de retenir un taux de 1%, ce qui, appliqué à la fortune de A______ (le Tribunal ayant tenu compte d'une fortune de 3'000'000 fr.), représentait un rendement de 2'500 fr. par mois. Les revenus de cette dernière s'élevaient dès lors au montant, en chiffres ronds, de 9'300 fr. par mois. Après paiement de ses propres charges, son solde disponible était de 3'250 fr.

B______ avait droit à une retraite de 327 fr. par mois (équivalant à 300 euros). Ses charges mensuelles, ayant été arrêtées à 2'000 fr., il devait faire face à un déficit mensuel de 2'000 fr. hors impôts. Il avait par conséquent droit à la couverture de ses charges, ainsi qu'à la moitié du solde disponible des parties, ce qui correspondait à un montant de 2'625 fr. par mois.

b. Dans son appel, A______ est revenue sur la situation financière d'B______, affirmant que les maisons dont il est propriétaire pourraient être vendues pour la somme de 515'017 fr. (équivalant à 470'000 euros), ses terrains étant susceptibles de lui rapporter environ 340'000 euros, soit près de 380'000 fr. La valeur de sa fortune immobilière était dès lors de près de 900'000 fr. et celle de sa fortune mobilière de 128'000 fr. pour ses seuls biens sis à Genève. L'appelante a fait grief au Tribunal de ne pas avoir fait état de la fortune de l'intimé dans l'ordonnance litigieuse, alors qu'il avait tenu compte de la sienne et d'avoir mal estimé les charges de ce dernier. Or, le premier juge aurait dû retrancher des charges de l'intimé, telles que retenues par le juge des mesures protectrices de l'union conjugale, non seulement le loyer en 1'800 fr., mais également les frais d'entretien et de ménage (340 fr.), la prime d'assurance RC-ménage (30 fr.), les frais d'électricité (85 fr.). Il convenait en outre de supprimer les frais de transports publics, en 60 fr., puisque l'intimé possédait à tout le moins un véhicule en état de marche. Dès lors, le premier juge aurait dû arrêter les charges de l'intimé à 1'020 fr. par mois et retenir qu'il pouvait retirer un revenu locatif de ses diverses propriétés. L'intimé était par conséquent en mesure de couvrir ses propres charges.

c. L'appel formé par B______, qui comporte 43 pages, est séparé en plusieurs parties, elles-mêmes composées de longs paragraphes, pour la plupart non numérotés. Lesdites parties sont les suivantes :

"Sur la volonté réelle des parties dans la séparation", dans laquelle B______ est revenu sur les déclarations faites par les parties en audience et sur différents échanges écrits entre elles, qui visaient, selon lui, à trouver une solution amiable dans le cadre de la procédure de divorce.

"Falsification financière dans la procédure engagée", "détermination d'une contribution d'entretien et d'un capital", partie dans laquelle B______ reproche en substance à son épouse d'avoir dissimulé 1'500'000 fr. de fortune et de n'avoir pas tenu compte de la valeur de sa maison de E______; elle n'avait par ailleurs pas déclaré le produit qu'elle percevait de la location d'une partie de celle-ci à une certaine X______. Les revenus de A______ auraient par conséquent dû être retenus par le Tribunal à hauteur de 13'579 fr. 50 par mois. Dans cette même partie de ses écritures, B______ fait grief au Tribunal de n'avoir pas retenu que ses frais de logement en France s'élevaient en réalité à 1'900 euros par mois, soit une somme supérieure à l'estimation de 1'800 fr. faite par le juge des mesures protectrices de l'union conjugale. Il a précisé, pour autant que la Cour ait compris ses explications, sous-louer une chambre avec un WC privatif et partager un salon, une cuisine et une salle de bains, pour les sommes de 1'320 euros de participation au loyer, 180 euros de parking, 140 euros de participation aux charges et 260 euros de participation aux frais de ménage. En outre, le versement de la rente de 300 euros par mois n'était pas encore effectif. Ces éléments auraient dû conduire le Tribunal à rejeter la requête de mesures provisionnelles formée par A______. B______ a par ailleurs soutenu avoir droit au maintien du train de vie dont il avait bénéficié du temps de la vie commune, qu'il évaluait à la somme de 8'440 fr. par mois. Il a également allégué avoir renoncé, lorsqu'il avait rencontré A______, à ses revenus de professeur de l'enseignement supérieur, qui s'élevaient à 16'000 euros par mois.

"Sur la procédure engagée", chapitre sans aucune pertinence pour l'issue de la procédure de mesures provisionnelles, dans lequel B______ reproche au conseil de A______ de faire obstacle à une solution à l'amiable.

"Moyens utilisés par la partie adverse dans les procédures", chapitre à nouveau sans aucune pertinence pour l'issue de la procédure de mesures provisionnelles, dans lequel B______ se contente de commenter la procédure et les plaintes pénales déposées contre lui par sa partie adverse.

"Arguments fallacieux, sans preuve ni argumentation", chapitre dans lequel B______ revient sur sa fortune mobilière, telle que mentionnée par sa partie adverse, pour contester la valeur retenue par celle-ci.

"Sur les propriétés", chapitre dans lequel B______ revient sur les différents biens immobiliers mentionnés par A______, pour contester la valeur que leur attribue cette dernière.

"Autres éléments contestables", chapitre dans lequel B______ commente, pêle-mêle, la question de son assujettissement à l'impôt et l'annonce aux autorités françaises de son mariage avec A______, commentaires auxquels s'ajoutent des considérations sur sa domiciliation sur territoire français.

d. Dans sa réponse à l'appel formé par B______, A______ a contesté dissimuler une partie de sa fortune, laquelle avait notamment servi à payer des travaux dans la maison sise à O______ (France), à racheter à deux reprises les biens mobiliers appartenant à B______ qui faisaient l'objet de saisies, à payer le déménagement de celui-ci, ses frais d'hôtel et de garde-meubles, ainsi que des frais de justice et la contribution d'entretien. A______ a également contesté louer une partie de sa maison. Elle a allégué loger une étudiante, laquelle lui fournissait en contrepartie des services à la personne.

EN DROIT

1.                  1.1 Interjeté dans le délai utile de dix jours (art. 142 al. 1 et 3, 271 lit. a, 276 al. 1 et 314 al. 1 CPC), suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC), à l'encontre d'une décision rendue sur mesures provisionnelles au sens de l'art. 308 al. 1 let. b CPC, statuant sur des conclusions de nature pécuniaire dont la valeur litigieuse est, compte tenu des contributions d'entretien litigieuses, supérieure à 10'000 fr. (art. 92 al. 2, 308 al. 2 CPC), l'appel de A______ est recevable.

1.2.1   B______ pour sa partn'a pas retiré à la Poste le pli recommandé contenant l'ordonnance litigieuse, dont il avait reçu l'avis de retrait le 16 juin 2021. Conformément à l'art. 138 al. 3 let. a CPC, ledit pli est réputé lui avoir été notifié à l'expiration du délai de garde de sept jours à la Poste, soit le 23 juin 2021. L'appel formé le 5 juillet 2021 est dès lors recevable du point de vue du respect du délai, dans la mesure où le dernier jour tombait le samedi 3 juillet 2021 et qu'il a été repoussé au premier jour ouvrable suivant, en l'occurrence le lundi 5 juillet 2021 (art. 142 al. 3 CPC).

1.2.2        Il reste à déterminer si l'appel d'B______ remplit les critères de forme pour être recevable.

L'appel doit être écrit et motivé (art. 311 al. 1 CPC).

L’appelant doit démontrer le caractère erroné de la motivation attaquée. Il doit tenter de démontrer que sa thèse l'emporte sur celle de la décision attaquée. Sa motivation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision que le recourant attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 141 III 569 consid. 2.3.3; 138 III 374 consid. 4.3.1). Il ne saurait se borner à simplement reprendre des allégués de fait ou des arguments de droit présentés en première instance, mais il doit s'efforcer d'établir que, sur les faits constatés ou sur les conclusions juridiques qui en ont été tirées, la décision attaquée est entachée d'erreurs. Il ne peut le faire qu'en reprenant la démarche du premier juge et en mettant le doigt sur les failles de son raisonnement (arrêts du Tribunal fédéral 4A_218/2017 du 14 juillet 2017 consid. 3.1.2; 4A_376/2016 du 2 décembre 2016 consid. 3.2.1).

En l'espèce, l'appel formé par B______ est certes prolixe et, pour l'essentiel, sans la moindre pertinence pour l'issue du litige. Toutefois, les griefs qu'il formule à l'encontre de l'ordonnance attaquée sont compréhensibles (revenus de sa partie adverse sous-estimés, non prise en compte à hauteur de leur montant réel de ses propres charges, prise en considération d'une rente qu'il affirme ne pas percevoir), de même que ses conclusions (maintien de la contribution fixée sur mesures protectrices, voire fixation d'un montant plus important), de sorte qu'il y a lieu de considérer, en faisant preuve de tolérance à l'égard d'un plaideur en personne, que son appel est formellement recevable dans cette mesure.

1.3 A______ sera désignée ci-après comme "l'appelante" et B______ comme "l'intimé".

1.4 S'agissant d'un appel, la Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC).

La Cour établit les faits d'office (art. 272, 276 al. 1 CPC). La maxime inquisitoire ne dispense toutefois pas les parties de collaborer activement à la procédure et d'étayer leurs propres thèses; il leur incombe de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuve disponibles (ATF 128 III 411 consid. 3.2.1 p. 412 à 414; arrêt du Tribunal fédéral 5A_762/2013 du 27 mars 2014 consid. 4.1 et la référence citée).

2.                  2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

2.2 L'intimé a produit plusieurs bordereaux de pièces devant la Cour, lesquels contiennent, pêle-mêle, des pièces non datées, soit essentiellement des photos, des pièces déjà produites devant le Tribunal et des pièces nouvellement produites, dont seules quelques-unes sont postérieures à la date à laquelle la cause a été gardée à juger en première instance. Les pièces qui figuraient déjà dans le bordereau de l'intimé en première instance ne sont pas nouvelles, de sorte que la question de leur recevabilité ne se pose pas. Celles antérieures à la date à laquelle la cause a été gardée à juger sur mesures provisionnelles par le Tribunal auraient pu être produites en première instance, l'intimé n'ayant pas expliqué ce qui l'aurait empêché de le faire, de sorte qu'elles sont irrecevables. En ce qui concerne les pièces non datées, rien ne permet de dire, d'une part, qu'elles seraient postérieures à la date à laquelle la cause a été gardée à juger en première instance; d'autre part, même en admettant que tel soit le cas, elles auraient quoiqu'il en soit pu être prises avant et produites devant le premier juge, de sorte qu'elles sont également irrecevables. En ce qui concerne enfin les quelques pièces portant une date postérieure au mois de juin 2021, l'une est sans pertinence pour l'issue du litige (pièce 2 du chargé du 20 juillet 2021) et l'autre aurait pu être sollicitée avant (pièce 4) et produite devant le premier juge, de sorte qu'elle est également irrecevable.

3.                  Les deux parties font grief au Tribunal d'avoir mal évalué leur situation personnelle respective. L'appelante conclut à être libérée du versement d'une contribution à l'entretien de son époux; ce dernier conclut au maintien de la contribution fixée sur mesures protectrices, voire à l'augmentation de ce montant.

3.1.1 Saisi d'une requête commune ou d'une demande unilatérale tendant au divorce (art. 274 CPC), le tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires, en appliquant par analogie les dispositions régissant la protection de l'union conjugale (art. 276 al. 1 CPC).

Les mesures ordonnées par le tribunal des mesures protectrices de l'union conjugale sont maintenues et le tribunal est compétent pour prononcer leur modification ou leur révocation (art. 276 al. 2 CPC).

La modification des mesures protectrices ne peut être ordonnée par le juge des mesures provisionnelles que si, depuis le prononcé de celles-là, les circonstances de fait ont changé d'une manière essentielle et durable, notamment en matière de revenus, à savoir si un changement significatif et non temporaire est survenu postérieurement à la date à laquelle la décision a été rendue, ou encore si les faits qui ont fondé le choix des mesures dont la modification est sollicitée se sont révélés faux ou ne se sont par la suite pas réalisés comme prévu (arrêts du Tribunal fédéral 5A_937/2014 du 26 mai 2015 consid. 4 et 5A_866/2013 du 16 avril 2014 consid. 3.1). Le point de savoir si un changement significatif et non temporaire est survenu postérieurement à la date à laquelle la décision a été rendue s'apprécie à la date du dépôt de la demande de modification (arrêts du Tribunal fédéral 5A_937/2014 du 26 mai 2015 consid. 4 et 5A_131/2014 du 27 mai 2014 consid. 2.1). Lorsqu'il admet que les circonstances ayant prévalu lors du prononcé de mesures protectrices se sont modifiées durablement et de manière significative, le juge doit alors fixer à nouveau la contribution d'entretien, après avoir actualisé tous les éléments pris en compte pour le calcul dans le jugement précédent et litigieux devant lui (ATF 138 III 289 consid. 11.1.1; 137 III 604 consid. 4.1.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_937/2014 du 26 mai 2015 consid. 4 et 5A_547/2012 du 14 mars 2013 consid. 4.3).

En revanche, les parties ne peuvent pas invoquer, pour fonder leur requête en modification, une mauvaise appréciation des circonstances initiales, que le motif relève du droit ou de l'établissement des faits allégués sur la base des preuves déjà offertes (arrêts du Tribunal fédéral 5A_860/2013 du 29 janvier 2014 consid. 4.2 et 5A_511/2010 du 4 février 2011 consid. 2.1); pour faire valoir de tels motifs, seules les voies de recours sont ouvertes, car la procédure de modification n'a pas pour but de corriger le premier jugement, mais de l'adapter aux circonstances nouvelles (ATF 131 III 189 consid. 2.7.4 et 120 II 177 consid. 3a et 4b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_860/2013 du 29 janvier 2014 consid. 4.2).

Le fait revêt un caractère nouveau lorsqu'il n'a pas été pris en considération pour fixer la contribution d'entretien dans le jugement précédent (ATF 137 III 604 consid. 4.1.1 et 131 III 189 consid. 2.7.4). Il n'est donc pas décisif qu'il ait été imprévisible à ce moment-là. On présume néanmoins que la contribution d'entretien a été fixée en tenant compte des modifications prévisibles, soit celles qui, bien que futures, sont déjà certaines ou fort probables (ATF 131 III 189 consid. 2.7.4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_15/2014 consid. 3 et 5A_845/2010 du 12 avril 2011 consid. 4.1).

3.1.2 Lorsque le juge constate que la suspension de la vie commune est fondée, il fixe la contribution pécuniaire à verser par une partie à l'autre (art. 176 al. 1 ch. 1 CC).

Même lorsqu'on ne peut plus sérieusement compter sur la reprise de la vie commune, l'art. 163 CC demeure la cause de l'obligation d'entretien réciproque des époux en mesures protectrices de l'union conjugale. Aux termes de cette disposition, mari et femme contribuent, chacun selon ses facultés, à l'entretien convenable de la famille (al. 1); ils conviennent de la façon dont chacun apporte sa contribution (al. 2). Ce faisant, ils tiennent compte des besoins de l'union conjugale et de leur situation personnelle (al. 3).

La fixation de la contribution due à l'entretien du conjoint dépend des choix faits par les conjoints quant à leur niveau de vie et à la répartition de la prise en charge de l'entretien de la famille durant la vie commune. La protection de la confiance mise par chacun des conjoints dans l'organisation et la répartition choisie justifie, dans la mesure du possible, le maintien du niveau de vie existant pendant la vie commune, qui constitue la limite supérieure du droit à l'entretien (arrêt du Tribunal fédéral 5A_891/2018 du 2 février 2021 consid. 4.4; De Weck-Immelé, Droit matrimonial, Commentaire pratique, 2015, n° 19 à 21 ad art. 176 CC).

Le juge jouit d'un large pouvoir d'appréciation et applique les règles du droit et de l'équité lorsqu'il fixe la contribution due à l'entretien du conjoint (art. 4 CC; ATF 140 III 337 consid. 4.2.2, 134 III 577 consid. 4, 128 III 411 consid. 3.2.2).

Selon la jurisprudence récente du Tribunal fédéral, toutes les prestations d'entretien doivent être calculées selon la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent, dite en deux étapes (arrêts du Tribunal fédéral 5A_311/2019 du 11 novembre 2020; 5A_907/2018 du 3 novembre 2020; 5A_891/2018 du 2 février 2021; 5A_104/2018 du 2 février 2021 et 5A_800/2019 du 9 février 2021, destinés à la publication).

Cette méthode implique de calculer dans un premier temps les moyens financiers à disposition, en prenant en considération tous les revenus du travail, de la fortune et les prestations de prévoyance, ainsi que le revenu hypothétique éventuel. Il s'agit ensuite de déterminer les besoins, en prenant pour point de départ les lignes directrices pour le calcul du minimum vital du droit des poursuites selon l'art. 93 LP. Les ressources à disposition sont réparties entre les différents membres de la famille, dans un ordre déterminé : il faut tout d'abord couvrir le minimum vital du droit des poursuites ou, si les moyens le permettent, le minimum vital du droit de la famille de chaque partie. L'éventuel excédent est ensuite réparti en fonction de la situation concrète (arrêt du Tribunal fédéral 5A_311/2019 précité consid. 7.1).

Les besoins des parties sont calculés en partant du minimum vital au sens du droit des poursuites (LP).

Seules les charges effectives, dont le débirentier ou le crédirentier s'acquitte réellement, doivent être prises en compte (ATF 140 III 337 consid. 4.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_426/2016 du 2 novembre 2016 consid. 4.2).

3.1.3 La demande ne peut être modifiée que si les conditions fixées à l'art. 227 al. 1 CPC sont remplies; la modification repose sur des faits ou des moyens de preuve nouveaux (art. 317 al. 2 let. a et b CPC).

3.2.1 En l'espèce, la situation des parties est régie par le jugement rendu sur mesures protectrices de l'union conjugale le 7 janvier 2020 et par l'arrêt de la Cour du 12 mai 2020. A l'époque, il avait été retenu que les revenus de l'appelante s'élevaient à 11'779 fr. 50 par mois, comprenant un montant de 5'000 fr. provenant, selon les propres déclarations de l'intéressée, du placement d'une partie de sa fortune. Ses charges s'élevaient à environ 6'500 fr. par mois. Quant à l'intimé, il avait été retenu qu'il ne percevait aucun revenu et ses charges avaient été estimées à 3'800 fr. par mois en admettant, comme il l'avait mentionné, qu'il s'installerait sur territoire français.

Il appartenait dès lors à l'appelante d'établir, dans le cadre de sa requête de mesures provisionnelles, que la situation telle que retenue par le juge des mesures protectrices avait subi des modifications significatives et durables, justifiant le prononcé de mesures provisionnelles, les mesures protectrices n'apparaissant plus conformes à la nouvelle situation.

L'appelante a fondé sa requête sur les points suivants : son époux lui avait caché sa véritable situation patrimoniale, dans la mesure où il était propriétaire non pas d'un seul bien immobilier, mais de quatre biens, outre des biens mobiliers, constitués de bijoux, meubles, objets, tableaux, livres et grands crus. Pour le surplus, l'appelante a allégué avoir donné à sa fille une somme totale de 400'000 fr., recevoir les mêmes rentes AVS et LPP que celles dont le juge des mesures protectrices avait fait état, pour des charges de l'ordre de 5'700 fr. par mois (recte : environ 6'050 fr. en raison d'une évidente erreur de calcul commise par l'appelante et rectifiée d'office par le premier juge). Elle a expliqué devoir puiser chaque mois dans sa fortune pour verser la contribution d'entretien due à son époux, qui ne se justifiait plus.

Il est certes établi que l'intimé n'a pas fait état, lors du prononcé des mesures protectrices de l'union conjugale, de l'ensemble des biens dont il est propriétaire en tant que seul héritier de ses parents décédés. Il ne résulte toutefois pas de la procédure qu'il en retirerait ou qu'il serait en mesure d'en retirer rapidement le moindre revenu, compte tenu de la situation desdits biens et de leur état. Dès lors, il ne s'agit pas là d'un fait nouveau susceptible de modifier la situation personnelle de l'intimé et de nature à justifier la modification des mesures protectrices, contrairement à ce qu'a plaidé l'appelante.

Cette dernière a par ailleurs allégué devoir porter atteinte à la substance de sa fortune afin de s'acquitter de la contribution d'entretien mise à sa charge, sous-entendant ainsi ne plus disposer des revenus pris en compte lors du prononcé des mesures protectrices, lesquels devaient lui permettre non seulement de couvrir ses propres charges, mais également de verser à l'intimé une somme de 4'500 fr. par mois, sans devoir puiser dans sa fortune. Dans l'ordonnance querellée, le Tribunal a retenu que la conjoncture actuelle ne permettait sans doute plus à l'appelante de retirer un revenu annuel correspondant au 3% du montant de sa fortune, ce pourcentage devant être ramené à 1%. Le Tribunal ne saurait toutefois être suivi. Lors du prononcé des mesures protectrices, qui datent de 2020, l'appelante avait elle-même expliqué avoir hérité d'un montant supérieur à 3'000'000 fr., dont elle avait placé une partie, ce qui lui rapportait 5'000 fr. par an, le solde de l'ordre de 1'000'000 fr. étant demeuré à sa libre disposition. Il appartenait dès lors à l'appelante, dans le cadre de sa requête de mesures provisionnelles, de fournir toutes explications utiles sur ses revenus, qu'il lui appartenait d'établir, ne serait-ce que sous l'angle de la vraisemblance. L'appelante s'est toutefois contentée de mentionner sa rente AVS et sa rente LPP, demeurées inchangées et d'alléguer devoir puiser dans sa fortune pour verser la contribution d'entretien due à son époux. Elle n'a toutefois pas expliqué ce qu'il était advenu du placement d'une partie de sa fortune, qui lui rapportait, un an plus tôt, un revenu de 5'000 fr. par mois. Elle a certes allégué ne plus disposer que d'une fortune de l'ordre de 1'000'000 fr., mais n'a pas rendu ce fait vraisemblable, la donation à l'égard de sa fille et les dépenses qu'elle a mentionnées ne permettant pas de retenir que ses avoirs auraient diminué d'environ 2'000'000 fr. en moins d'une année. Au vu de ce qui précède, le Tribunal ne pouvait, comme il l'a fait, retenir, sans que ce fait ait même été allégué, que le rendement de la fortune de l'appelante n'était plus que de 1% par année. Il aurait au contraire dû considérer que l'appelante n'avait pas rendu suffisamment vraisemblable que ses revenus avaient diminué et retenir le montant pris en considération au moment du prononcé des mesures protectrices, soit 11'779 fr. 50 par mois. La situation de l'appelante ne justifiait dès lors pas qu'il soit entré en matière sur sa requête de mesures provisionnelles.

Reste à déterminer si d'autres éléments dans la situation de l'intimé le justifiaient.

Au moment du prononcé des mesures protectrices, il avait été retenu que l'intimé ne percevait aucun revenu. Or, il est désormais établi, sur la base de ses propres déclarations, qu'il a droit à une rente pour indigent à hauteur de 300 euros par mois. Peu importe que l'intimé perçoive effectivement ou pas cette rente en l'état; il se justifie d'en tenir compte à partir du moment où il y a droit, les raisons pour lesquelles il a décidé de ne pas en réclamer le versement étant sans pertinence. Il ressort également de la procédure que l'intimé, qui vit effectivement en France, n'a pas rendu vraisemblable assumer les charges que le juge des mesures protectrices avait estimées en 2020 à hauteur de 3'800 fr. par mois. Il est par conséquent établi que la situation de l'intimé ne correspond pas à celle qui avait été retenue, sur la base d'une estimation, dans le cadre des mesures protectrices de l'union conjugale, de sorte qu'il se justifie d'examiner si la contribution d'entretien qui lui a été allouée est en adéquation avec sa situation actuelle.

3.2.2 Le Tribunal a estimé les charges non couvertes de l'intimé à 2'000 fr. par mois, en se contentant de soustraire de la somme de 3'800 fr. retenue par le juge des mesures protectrices un montant de 1'800 fr. correspondant à un loyer dont l'intimé, selon ses propres déclarations, ne s'acquitte pas et sans tenir compte de la rente pour indigent à laquelle il a droit.

Il appartenait toutefois à l'intimé de s'expliquer sur les charges qu'il assume réellement, seules celles-ci devant être prises en considération. Or, l'intimé s'est contenté d'alléguer, lors de l'audience du 2 juin 2021, qu'il vivait à W______ (France) sans payer de loyer, mais en participant aux frais, sans indiquer toutefois à hauteur de quel montant par mois. La Cour ne saurait tenir compte des montants, au demeurant non établis, allégués par l'intimé en appel, lesdites allégations, qui auraient pu être formulées devant le Tribunal, étant tardives et ne correspondant d'ailleurs pas aux montants qui figurent dans les écritures du 5 mai 2021 de l'intimé déposées en première instance. Ainsi et sur la base des explications lacunaires fournies par l'intimé, seul peut être retenu au titre de ses frais le montant de son minimum vital, estimé à 1'020 fr. par mois, aucune autre charge n'ayant été établie. De ce montant doit être déduite la rente de l'ordre de 350 fr. par mois (équivalant à 300 euros au taux de 1 euro = 1,06 fr. à la date du présent arrêt).

Ainsi, conformément à l'art. 163 CC, à la jurisprudence du Tribunal fédéral et à la méthode déjà appliquée par le juge des mesures protectrices, la contribution d'entretien due à l'intimé se calcule comme suit : les revenus cumulés des deux parties s'élèvent, en chiffres ronds, à 12'130 fr. par mois (11'779 fr. 50 + 350 fr.) pour des charges totales de 7'070 fr. (6'050 fr. + 1'020 fr.), ce qui laisse un solde disponible de 5'060 fr., dont chacune des parties doit se voir allouer la moitié, soit 2'530 fr.

L'appelante sera dès lors condamnée à verser à l'intimé une contribution à son entretien de 3'200 fr. mois (charges de l'intimé en 1'020 fr. + ½ du solde disponible en 2'530 fr. – ses revenus en 350 fr.).

Ce montant sera dû à compter du dépôt de la requête de mesures provisionnelles, soit, par mesure de simplification, dès le 1er janvier 2021, dans la mesure où la situation de l'intimé, telle qu'elle a été présentée ci-dessus, était déjà présente à ce moment-là.

Au vu de ce qui précède, le chiffre 2 du dispositif de l'ordonnance attaquée sera annulé et il sera statué conformément à ce qui précède.

3.2.3 Devant la Cour, l'appelante a conclu à ce qu'il soit constaté qu'elle est créancière de la somme de 10'857 fr. 50 correspondant au trop versé en faveur de son époux pour les mois de décembre 2020 à mai 2021 et à ce qu'il soit dit que ladite créance pourra être compensée avec de futures contributions d'entretien.

Il s'agit toutefois là de conclusions nouvelles, prises pour la première fois devant la Cour, lesquelles ne remplissent pas les conditions fixées à l'art. 317 al. 2 CPC, l'appelante n'ayant pas indiqué sur quels faits ou moyens de preuve nouveaux reposaient lesdites conclusions nouvelles.

La Cour n'entrera par conséquent pas en matière sur ces conclusions.

4.                  4.1.1 Les frais sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 106 al. 1 CPC.). Lorsqu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause (art. 106 al. 2 CPC).

Le tribunal peut s'écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation, notamment lorsque le litige relève du droit de la famille (art. 107 al. 1 let. c CPC).

4.1.2 Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

4.2.1 En l'espèce, le Tribunal a renvoyé la question des frais relatifs à la procédure de mesures provisionnelles au jugement au fond, ce qui n'est pas critiquable. Il n'y a dès lors pas lieu de revenir sur ce point.

4.2.2 Les frais des deux appels seront arrêtés, au total, à3'000 fr. et compensés avec les avances fournies par les parties (1'000 fr. par l'appelante et 2'000 fr. par l'intimé), qui restent acquises à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

L'appelante a totalement succombé dans son appel; quant à l'intimé, il n'a obtenu que partiellement gain de cause. Il se justifie par conséquent de mettre les frais de la procédure à la charge de l'appelante à concurrence des 2/3 (2'000 fr.) et de l'intimé de 1/3 (1'000 fr.). L'appelante sera par conséquent condamnée à verser à l'intimé la somme de 1'000 fr. à titre de remboursement de l'avance de frais.

Compte tenu de la nature familiale du litige, il ne sera pas alloué de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevables les appels interjetés par A______ et par B______ contre l'ordonnance OTPI/439/2021 rendue le 15 juin 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/8862/2020-20.

Au fond :

Annule le chiffre 2 du dispositif de l'ordonnance attaquée et cela fait, statuant à nouveau sur ce point :

Condamne A______ à verser à B______, par mois et d'avance, dès le 1er janvier 2021, la somme de 3'200 fr. à titre de contribution à son entretien.

Confirme, pour le surplus, l'ordonnance du 15 juin 2021.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais de la procédure d'appel à 3'000 fr. et les compense avec les avances versées, qui restent acquises à l'Etat de Genève.

Les met à la charge de A______ à concurrence des 2/3 et d'B______ à concurrence de 1/3.

Condamne en conséquence A______ à verser à B______ la somme de 1'000 fr. à titre de remboursement de frais judiciaires.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Pauline ERARD, juges; Madame Gladys REICHENBACH, greffière.

 

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Gladys REICHENBACH

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, dans les limites de l'art. 98 LTF.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.