Skip to main content

Décisions | Chambre civile

1 resultats
C/16530/2020

ACJC/871/2021 du 22.06.2021 sur JTPI/15783/2020 ( OO ) , CONFIRME

Descripteurs : rectification erreur matérielle;jugement de divorce d'accord;attribution du domicile conjugal
Normes : cpc.334
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16530/2020 ACJC/871/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 22 JUIN 2021

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [VD], recourant d'un jugement rendu par la 8ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 17 décembre 2020, comparant par Me Laurence MIZRAHI, avocate, Zutter Locciola Buche & Ass., rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en l'Étude de laquelle il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______ [GE], intimée, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. a. Par jugement JTPI/11859/2009 du 25 septembre 2009, le Tribunal de première instance (ci-après le Tribunal), a dissous par le divorce le mariage célébré le ______ 2004 entre les ex-époux A______ et B______, née [B______].

b. Ce jugement a été rendu dans le cadre d'une procédure initiée par une demande unilatérale de divorce déposée le 17 juin 2009 par B______, mais sur la base des conclusions d'accord auxquelles sont parvenues les parties à l'audience du 1er septembre 2009.

Les parties n'ont pas été assistées par des avocats au cours de cette procédure.

c. S'agissant du sort du domicile conjugal le jugement, au chiffre 5 de son dispositif, "attribue à A______ la jouissance du domicile conjugal sis [no.] ______, chemin 1______, [code postal] C______ [GE]".

Ni les attendus en fait, ni les considérants en droit n'abordent la question du sort du domicile conjugal.

d. Ce jugement n'a fait l'objet d'aucun appel et il est devenu exécutoire à l'échéance du délai d'appel.

B. a. Par acte expédié le 3 juillet 2020 au greffe du Tribunal, A______ a demandé l'interprétation ou la rectification du chiffre 5 du dispositif de ce jugement. Il alléguait que le bail de l'ancien domicile conjugal avait été conclu en 2005 au nom de son ex-épouse et de son fils. Le 4 mai 2020, la bailleresse avait exigé que ces derniers réintègrent l'appartement qui était occupé par A______ et sa nouvelle épouse. Faute de réintégration dans le délai imparti d'un mois, la bailleresse avait résilié le bail le 4 juin 2020. Il avait alors réalisé que le jugement de divorce ne lui avait pas transféré les droits découlant du bail, mais lui avait uniquement octroyé la jouissance de l'appartement. Afin de ne pas perdre son logement, il souhaitait que cette erreur du jugement de divorce soit corrigée et que le chiffre 5 du dispositif du jugement JTPI/11859/2009 du 25 septembre 2009 soit modifié dans le sens d'une attribution à lui-même des droits et obligations résultant du contrat de bail portant sur l'ancien domicile conjugal.

b. Lors de l'audience du Tribunal du 8 décembre 2020, A______ a notamment déclaré que le loyer avait toujours été réglé par lui et qu'il n'avait jamais pensé à régulariser la situation. Le bail avait été conclu au nom de son ex-épouse et de son fils et non au sien car il avait des poursuites.

B______, aujourd'hui B______ [nom de famille différent après mariage], s'est déclarée d'accord avec l'attribution des droits et obligations du bail de l'ancien domicile conjugal à son ex-mari.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a gardé à la cause à juger sur rectification ou interprétation du jugement du 25 septembre 2009.

c. Par jugement JTPI/15783/2020 du 17 décembre 2020, reçu le 21 décembre 2020 par A______, le Tribunal a rejeté la requête en rectification ou interprétation au motif que le jugement entrepris ne contenait aucune contradiction, omission, ou motivation incompréhensible et qu'il était le reflet d'un accord entre les parties à l'époque.

C. a. Par acte expédié le 22 décembre 2020 au greffe de la chambre civile de la Cour de justice (ci-après la Cour),A______ attaque par la voie du recours ce jugement et conclu à son annulation, puis, cela fait, à ce que la requête en interprétation ou rectification soit admise, le chiffre 5 du dispositif du jugement du 25 septembre 2009 soit rectifié en ce sens que les droits et obligations résultant du bail portant sur l'ancien domicile conjugal sis [no.] ______, chemin 1______, [code postal] C______, lui soient attribués, les frais judiciaires de première instance et d'appel soient laissés à la charge de l'Etat de Genève, il ne soit pas alloué de dépens et que la partie intimée soit déboutée de toutes autres conclusions. Subsidiairement, il a conclu à ce que le jugement du 25 septembre 2009 soit annulé et à ce que la cause soit renvoyée au premier juge pour statuer dans le sens d'une rectification selon les termes ci-dessus.

b. B______ n'a pas répondu au recours.

c. Les parties ont été informée par courrier du greffe de la Cour du 26 février 2021 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 Interjeté contre une décision rejetant une requête en rectification ou interprétation d'un jugement (art. 334 al. 3 CPC), auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), dans le délai utile de trente jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, 142 al. 1, art. 321 al. 1 CPC), le recours est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en droit et avec un pouvoir d'examen restreint à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC), dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (arrêts du Tribunal fédéral 5D_190/2014 du 12 mai 2015 consid. 2; 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2014 consid. 5.3.2)

2. 2.1.1 Si le dispositif d’une décision est peu clair, contradictoire, incomplet ou qu’il ne correspond pas à la motivation, le juge procède, sur requête ou d’office, à l’interprétation ou à la rectification de la décision, la requête indiquant les passages contestés ou les modifications demandées (art. 334 al. 1 CPC). La requête en interprétation ou en rectification doit indiquer les passages contestés ou les modifications demandées (art. 334 al. 1 CPC in fine).

En vertu du principe de dessaisissement, le juge ne peut corriger sa décision une fois celle-ci prononcée, même s'il a le sentiment de s'être trompé. Une erreur de fait ou de droit ne peut être corrigée que par les voies de recours. La voie de l'interprétation ou de la rectification permet toutefois, exceptionnellement, au juge de corriger une décision déjà communiquée. En principe, l'interprétation ou la rectification a uniquement pour objet la formulation du dispositif de l'arrêt qui serait peu claire, incomplète, équivoque ou contradictoire en elle-même ou avec les motifs. Un dispositif est peu clair, et doit être interprété, lorsque les parties ou les autorités qui doivent exécuter la décision risquent subjectivement de comprendre celle-ci autrement que ce que voulait le juge lorsqu'il s'est prononcé. Une requête d’interprétation ou de rectification n'a ainsi pour but que de clarifier ou rendre une décision conforme avec le contenu réellement voulu par le juge. Son objet est de permettre la correction des erreurs de rédaction ou de pures fautes de calcul dans le dispositif qui résultent à l'évidence du texte de la décision, soit des inadvertances ou omissions qui peuvent être corrigées sans hésitation sur la base de ce qui a déjà été décidé. Une requête en rectification ou en interprétation ne peut jamais tendre à une modification matérielle de la décision concernée. Pour cela, seules les voies de l'appel ou du recours sont ouvertes. La rectification ou l’interprétation ne permettent pas non plus un élargissement du jugement, notamment en réglant un point que le juge aurait omis d'examiner dans sa décision (ATF 143 III 520 consid. 6.1; 143 III 420 consid. 2.1 et 2.3; 139 III 379 consid. 2.1 et 2.2; 130 V 320 consid. 3.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_776/2019 du 27 octobre 2020 consid. 3.1; 5A_79/2019 du 21 novembre 19 consid. 4.4.2; 5D_192/2017 du 17 mai 2018 consid. 3.2; 5A_6/2016 du 15 septembre 2016 consid. 4.3 non publié in ATF 142 III 695; 5A_149/2015 du 5 juin 2015 consid. 3.1 et 3.2; 5A_841/2014 du 29 mai 2015 consid. 1.2; 5G_1/2012 du 4 juillet 2012 consid. 1.1; 1G_4/2012 du 30 avril 2012 consid. 1.1; 1G_1/2011 du 12 avril 2011 consid. 2; 2C_724/2010 du 27 juillet 2011 consid. 2.2; 4G_2/2009 du 21 octobre 2009 consid. 1.1; 5G_1/2008 du 17 novembre 2008 consid. 1.1; 4G_1/2007 du 13 septembre 2007 consid. 2.1).

2.1.2 En application de l'art. 121 al. 1 CC, lorsque la présence d'enfant ou d'autres motifs importants le justifient, le juge peut attribuer à l'un des époux les droits et les obligations qui résultent du contrat de bail portant sur le logement de la famille, pour autant que cette décision puisse raisonnablement être imposée à l'autre conjoint.

L'attribution des droits découlant du bail sur le logement conjugal peut également être convenue dans le cadre d'une convention de divorce ratifiée par le juge (Büchler, in Scheidung, Schwenzer, Fankhauser éd., 2017, n° 7 ad art. 121 CC).

Cette disposition ne permet pas d'imposer à l'un des conjoints que le bail lui soit transféré, alors qu'il ne le souhaite pas, notamment, lorsqu'aucun des conjoints ne souhaite reprendre le domicile conjugal suite au divorce (Büchler, op. cit., n° 8 ad art. 121 CC).

L'effet de transfert du bail a lieu que le bailleur soit ou non informé de l'existence du jugement de divorce ordonnant le transfert (arrêt du Tribunal fédéral 4A_155/2013 consid. 2.6.2).

2.2 En l'espèce, le recourant soutient que la formulation du chiffre 5 du dispositif du jugement du 25 septembre 2009 résulterait manifestement d'une inadvertance du Tribunal car il ressortait du dossier que les parties souhaitaient toutes deux que le bail de l'ancien domicile conjugal soit transféré au recourant. De surcroît, en matière d'effets généraux du divorce, le juge attribue les droits et obligations du bail et non la jouissance du domicile conjugal en application de l'art. 121 al. 1 CC.

Le juge du divorce a entériné un accord des parties et, partant, a très peu motivé son jugement. Il n'aborde nulle part, dans les faits ou le droit, la question du sort du domicile conjugal, laquelle n'apparaît que dans le dispositif de la décision.
A priori, la formulation retenue dans le dispositif devait correspondre à ce que souhaitaient les parties. Ces dernières se sont satisfaites de cette teneur pendant plus de dix ans. Si l'art. 121 al. 1 CC ne prévoit pas l'attribution de la jouissance de domicile conjugal après le divorce, il ne l'exclut pas. Même si une telle solution pose des problèmes dans la durée, car, dans une situation comme celle de l'espèce, elle implique un lien de sous-location qu'il n'est pas possible d'imposer au bailleur, contrairement au transfert du bail, elle peut être admise pour une courte période durant laquelle le conjoint bénéficiaire de la jouissance du domicile recherche un nouveau logement, par exemple. Le recourant ne peut donc soutenir que la seule interprétation possible du jugement de 2009 était que les parties et le juge avaient en réalité voulu un transfert des droits et obligations découlant du bail sur le logement conjugal. La requête, en tant qu'elle visait l'interprétation du jugement du 25 septembre 2009, a été rejetée à raison par le premier juge.

Pour le surplus, le jugement du 25 septembre 2009 ne contenait aucune contradiction, omission ou erreur manifeste qui aurait autorisé une rectification. A cet égard également, la décision entreprise doit ainsi être confirmée.

En réalité, les parties souhaitent modifier le jugement tel que prononcé à l'époque en raison de ses conséquences actuelles. Un telle modification n'aurait toutefois été autorisée que dans le cadre d'un recours ou d'un appel, dont les délais sont échus depuis longtemps, ou d'une modification du jugement de divorce au sens de l'art. 134 CC, alors que le recourant n'allègue aucun fait nouveau pertinent. En tout état, il apparaît impossible de statuer actuellement sur le sort du domicile conjugal, alors que ce domicile a perdu sa qualification de "conjugal" au vu du temps écoulé depuis le divorce, et d'imposer au bailleur une telle solution, dix ans plus tard.

En conclusion, le recours sera rejeté.

3. Les frais judiciaires de recours seront fixés à 800  fr. (art. 96 et 104 al. 1, 105 al. 1 CPC; art. 19 LaCC; art. 38 et 44 RTFMC), mis à la charge du recourant qui succombe (art. 106 al. 1 CPC) et laissés provisoirement à la charge de l'Etat de Genève, vu l'octroi de l'assistance judiciaire (art. 122 al. 1 let. b CPC), sous réserve de remboursement aux conditions de l'art. 123 CPC.

Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à l'intimée qui n'est pas représentée par avocat et n'a pas répondu au recours.

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre le jugement JTPI/15783/2020 rendu le 17 décembre 2020 par le Tribunal de première instance dans la cause C/16530/2020.

Au fond :

Le rejette.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 800 fr., les met à la charge de A______ et les laisse provisoirement à la charge de l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Madame Nathalie RAPP, Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.