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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1214/2024

JTAPI/954/2024 du 25.09.2024 ( OCPM ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1214/2024

JTAPI/954/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 25 septembre 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1988, est ressortissant du Gabon.

2.             Selon ses déclarations, il serait arrivé pour la première fois en Suisse en 2011.

3.             Le 4 décembre 2011, il a déposé une demande d'asile en Suisse et a été attribué au canton de Genève.

4.             Le 17 février 2012, il a fait l’objet d’une décision fédérale de non-entrée en matière et a été renvoyé en Espagne, le 10 mai 2012.

5.             À une date inconnue, il est revenu sur le territoire Suisse.

6.             Par ordonnance pénale du 9 juin 2015, le Ministère public du canton de Genève l’a condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, à CHF 30.-, avec sursis, délai d'épreuve 3 ans, pour infractions à l’art. 115 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), ainsi qu'à une amende de CHF 100.- pour contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121).

7.             Le 9 octobre 2015, il a fait l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse, valable jusqu’au 8 octobre 2018.

8.             Par ordonnances pénales des 19 mars et 7 juin 2018, le Ministère public du canton de Genève l’a condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, à CHF 30.-, respectivement à une peine privative de liberté de 60 jours, pour infraction à la LEI.

9.             Le 9 octobre 2018, il a à nouveau fait l’objet d’une interdiction d'entrée en Suisse, valable jusqu’au 8 octobre 2021.

10.         Par ordonnance pénale du 31 janvier 2019, le Ministère public du Jura bernois-Seeland (agence Moutier) l’a condamné à une peine privative de liberté de 40 jours, pour infraction à LEI.

11.         Le 12 octobre 2023, appréhendé et entendu par l'administration fédérale des douanes (ci-après : AFD), il a notamment déclaré :

-          être le père de deux filles, âgées de quatorze et quinze, qui vivaient au Cameroun ;

-          être arrivé en Suisse pour chercher « du travail manuel » et « gagner de l’argent » afin de pouvoir aider sa famille restée en Afrique ;

-          être sans domicile fixe et sans emploi ;

-          gagner sa vie (à Genève) « en aidant des connaissances » qui lui donnaient
« en échange entre 30-50 CHF », mais que ce n’était pas le cas « tous les jours » ;

-          que sa « femme » et ses deux filles vivaient au Cameroun, tandis que sa mère et sa sœur habitaient au Gabon ;

-          avoir « trop de problème » en Afrique et que « des gens » voulaient sa « mort » au Gabon.

12.         Par ordonnance pénale du 13 octobre 2023, le Ministère public du canton de Genève l’a condamné à une peine pécuniaire de 70 jours-amende, à CHF 70.-, pour infraction à la LEI.

13.         Le 4 décembre 2023, il a saisi l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) d’une demande d’autorisation de « séjour B à titre humanitaire, en raison d’un très long séjour à Genève ».

Sa requête d’asile ayant été rejetée, il avait décidé de rester à Genève, « en faisant l’effort de devenir transparent, soit d’éviter à tout prix tout contact avec les autorités, en attendant de trouver une solution légale et pérenne », afin de pouvoir y résider et « faire [sa] vie ». Il avait passé pas moins de douze ans à Genève, sans « susciter le moindre problème ». Pour y survivre, il avait effectué « divers travaux, à gauche et à droite » pour des personnes qui voulaient bien l’employer, ce qui lui avait permis de gagner suffisamment d’argent pour se nourrir et se loger. Il voulait éviter « la facilité » de recourir à l’aide sociale, sa conscience l’empêchant d’être à charge de la société et des institutions genevoises.

Il avait noué de nombreux « contacts » à Genève, ce qu’il étayait par la production d’une lettre de soutien de Monsieur B______, confirmant leur relation d’amitié longue de six ans, et d’une formule préétablie signée par huit autres personnes, témoignant de sa bonne intégration à la vie sociale genevoise, de ses qualités personnelles et de sa « très grande envie de travailler ».

Depuis 2012, il avait acheté « quasi-systématiquement » des abonnements mensuels auprès des transports publics genevois (ci-après : TPG), afin d’éviter de payer des amendes.

En 2021, il s’était fait soigner auprès des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), après être « tombé sur [son] épaule droite, avec une contusion au niveau du rein droit ».

Pour des raisons « évidentes », il ne pouvait indiquer les identités des personnes qui l’avaient hébergé et/ou logé parce qu’elles risquaient des sanctions.

Il a notamment joint le formulaire M, sans y mentionner son adresse, et une lettre de motivation, indiquant son domicile élu auprès de Monsieur C______.

14.         Le 19 janvier 2024, l'OCPM l’a informé de son intention de refuser sa demande et de prononcer son renvoi et l’a invité à déposer ses observations dans un délai de 30 jours. Il n’y a pas donné suite.

15.         Par décision du 11 mars 2024, l'OCPM a rejeté sa demande et prononcé son renvoi du territoire suisse.

Les critères légales et jurisprudentiels d’un cas individuel d’extrême gravité n’étaient pas remplis en l’occurrence. L’intéressé n’avait pas apporté la preuve de son identité, en l’absence de tout passeport national valable. Il n’avait démontré ni une intégration socioculturelle remarquable, ni avoir créé avec la Suisse des attaches à ce point profondes et durables qu'il ne pourrait plus raisonnablement envisager un retour dans son pays d'origine. Il n’avait pas non plus acquis des connaissances professionnelles ou des qualifications spécifiques telles qu'il ne pourrait plus les mettre en pratique en cas de retour au Gabon. Il n’avait pas démontré que sa réintégration au Gabon aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle, indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place. Enfin, il n’avait pas invoqué l’existence d’obstacles à son renvoi.

Un délai au 11 juin 2024 lui était imparti pour quitter la Suisse.

16.         Le 11 avril 2024, il a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation et à l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

Reprenant les termes de sa lettre de motivation précédente, il a notamment ajouté avoir pu vivre « paisiblement » à Genève, notamment grâce à l’aide de la communauté africaine, des institutions religieuses et des personnes « de bonne volonté », d’origine suisse et européenne, lui ayant offert du travail et le logis. Son revenu mensuel s’élevait à environ CHF 1'000.-. Il n’avait pas pu cotiser à l’AVS, faute de contrat d’emploi et de volonté de ses employeurs successifs de le déclarer à cette assurance, en raison de leurs craintes de l’avoir employé en tant que « clandestin ». Il souhaitait ardemment régulariser sa situation en Suisse, d’autant qu’une « entreprise d’électricité » lui avait tout récemment offert un emploi, sous condition d’obtenir une autorisation de séjour. Compte tenu de la longue durée de son séjour en Suisse (treize ans), sans avoir « attiré l’attention des autorités de police », excepté ses « rares » condamnations pénales, il sollicitait du tribunal une autorisation de séjour à titre humanitaire, car la « misère » dans son pays faisait que ses nombreux compatriotes le quittaient au péril de leur vie, comme c’était le cas de toute l’Afrique. Ainsi, son retour au Gabon, dont il n’avait plus les documents d’identité, le replongerait dans cette même pauvreté, sans perspectives d’avenir. Il n’y disposait plus d’aucun réseau pouvant lui permettre de trouver une activité lucrative. N’ayant pas pu entreprendre des études ou un apprentissage « spécifique » depuis qu’il séjournait en Suisse, et en l’absence d’une formation professionnelle « spécialisée », son intégration socioprofessionnelle dans son pays serait impossible. En revanche, pendant son séjour en Suisse, il avait pu perfectionner ses connaissances et compétences dans les domaines de l’électricité - métier qu’il avait exercé pendant trois ans au moins, de « montage de meubles », de la plomberie, de la plâtrerie et de « bricolage ». Ses connaissances professionnelles étaient régulièrement sollicitées sur le marché de l’emploi de la Suisse romande. Ne disposant pas de documents d’identité nationaux, il n’était pas en mesure de quitter la Suisse par ses propres moyens, même s’il souhaitait se soumettre à la décision de refus de l'OCPM, d’autant que le Gabon et les pays voisins « adoptent une politique de contrôle rigoureux ». Dans ces conditions, un retour en Afrique était « illusoire ». Sans être « forcément » exceptionnelle, son intégration socioprofessionnelle n’était pas négligeable, puisqu’il se comportait d’une façon exemplaire, « par son travail et ses relations avec son entourage », en particulier à Genève. Il lui était impossible de prouver son intégration particulièrement remarquable, en ce qui concernait notamment ses emplois depuis treize ans, tous ses ex-employeurs ne pouvant pas en attester, en raison des « répercussions légales » qu’ils risquaient.

17.         Le 6 juin 2024, l'OCPM a persisté dans son argumentaire et ses conclusions.

18.         Par réplique du 8 juillet 2024, reprenant son argumentation précédente, le recourant a notamment ajouté n’avoir plus de « famille » au Gabon, ni personne de son entourage d’enfance et d’adolescence ».

19.         Par duplique du 7 août 2024, l'OCPM a persisté dans ses conclusions.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'OCPM relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

4.             Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

5.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

6.             La loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Gabon.

7.             Les dérogations aux prescriptions générales d’admission (art. 18 à 29 LEI) sont énoncées de manière exhaustive à l’art. 30 al. 1 LEI ; il est notamment possible de déroger aux conditions d’admission dans le but de tenir compte des cas individuels d’extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs (let. b). En vertu de l’art. 30 al. 2 LEI, le Conseil fédéral en a fixé les conditions et la procédure dans l’OASA.

L’art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte, notamment, de l’intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l’état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g).

8.             Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu’ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 4b ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 2C_602/2019 du 25 juin 2019 consid. 3.3).

9.             Lors de l’appréciation d’un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, étant relevé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée. On ne saurait tenir compte des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires) affectant l’ensemble de la population restée sur place, auxquelles les personnes concernées pourraient être également exposées à leur retour, sauf si celles-ci allèguent d’importantes difficultés concrètes propres à leur cas particulier (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-5341/2020 du 7 février 2022 consid. 6.7 ; F-6616/2017 du 26 novembre 2019 consid. 6.5 et les références citées).

La question n’est donc pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 4d et les références citées).

10.         Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, l’intéressé possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4206/2021 du 24 novembre 2022 consid. 5.4).

11.         S’agissant de la condition de la durée totale du séjour, elle constitue un critère important de reconnaissance d’un cas de rigueur. Il importe cependant de rappeler que selon la jurisprudence applicable en la matière, le simple fait pour un étranger de séjourner en Suisse pendant de longues années ne permet pas d’admettre un cas personnel d’une extrême gravité. Il s’agit d’un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul (ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7e). En outre, la durée d’un séjour illégal, ainsi qu’un séjour précaire ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte, sous peine de récompenser l’obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4206/2021 du 24 novembre 2022 consid. 9.1 et les références citées ; ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 4f). Par durée assez longue, on entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017). Le Tribunal fédéral a en outre considéré que l’on ne saurait inclure dans la notion de séjour légal les périodes où la présence de l’intéressé est seulement tolérée en Suisse et qu’après la révocation de l’autorisation de séjour, la procédure de recours engagée n’emporte pas non plus une telle conséquence sur le séjour (arrêt 2C_926/2010 du 21 juillet 2011).

Selon la jurisprudence, le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse durant une assez longue période, qu'il s'y soit bien intégré et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer de tels motifs importants ; encore faut-il que la relation de l'intéressé avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger de lui qu'il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d'origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] C-3337/2010 du 31 janvier 2012, consid. 4.3 et la jurisprudence citée ; Directives OLCP, ch. 8.2.7).

12.         En ce qui concerne la condition de l’intégration au milieu socioculturel suisse, la jurisprudence considère que, d’une manière générale, lorsqu’une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte dans son pays d’origine, il y reste encore attaché dans une large mesure. Son intégration n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l’âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d’origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

Il est parfaitement normal qu’une personne, ayant effectué un séjour prolongé dans un pays tiers, s’y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l’une des langues nationales. Aussi, les relations d’amitié ou de voisinage, de même que les relations de travail que l’étranger a nouées durant son séjour sur le territoire helvétique, si elles sont certes prises en considération, ne sauraient constituer des éléments déterminants pour la reconnaissance d’une situation d’extrême gravité (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.3 ;
F-1714/2016 du 24 février 2017 consid. 5.3).

L’intégration socio-culturelle n’est donc en principe pas susceptible de justifier à elle seule l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Néanmoins, cet aspect peut revêtir une importance dans la pesée générale des intérêts (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-541/2015 du 5 octobre 2015 consid. 7.3 et 7.6 ;
C-384/2013 du 15 juillet 2015 consid. 6.2 et 7 ; Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10), les lettres de soutien, la participation à des associations locales ou l’engagement bénévole pouvant représenter des éléments en faveur d’une intégration réussie, voire remarquable (arrêts du Tribunal administratif fédéral
C-74672014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine ; cf. aussi Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10).

13.         Celui qui place l’autorité devant le fait accompli doit s’attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d’éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_33/2014 du 18 septembre 2014 consid. 4.1 et les références citées ; ATA/543/2022 du 24 mai 2022 consid. 4c).

14.         En l’espèce, au vu de tous les éléments au dossier, force est de constater que l'OCPM n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que le recourant ne satisfaisait pas aux conditions strictes requises par les art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA pour la reconnaissance d'un cas de rigueur.

En effet, s’agissant en première lieu de la durée de son séjour, même si l’on retenait qu’il a séjourné en Suisse de manière continue depuis 2011, ce qui n’est pas le cas, il ne saurait pour autant s’en prévaloir, étant donné qu’il l’a fait en toute illégalité et en étant au bénéfice d’une simple tolérance des autorités. En tout étant, le seul fait de séjourner en Suisse pendant plusieurs années - même à titre légal - n'est pas suffisant sans que n'existent d'autres circonstances tout à fait exceptionnelles, lesquelles font ici manifestement défaut.

En effet, le recourant ne peut pas se prévaloir d’une intégration socio-professionnelle exceptionnelle. Les emplois qu’il dit avoir exercé ne témoignent pas d’une ascension professionnelle remarquable et il n’a pas acquis des qualifications spécifiques susceptibles de justifier l'admission d'un cas de rigueur au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI. À cet égard, le tribunal rappellera qu’au sens de la jurisprudence rappelée plus haut, seule une intégration exceptionnelle, et non pas le simple fait d’avoir déployé une activité lucrative sans dépendre de l’aide sociale, peut permettre dans certains cas d’admettre un cas individuel d’extrême gravité. Dans le cas du recourant, quand bien même son intégration pourrait être qualifiée de bonne sous l’angle socio-professionnel, elle demeure néanmoins ordinaire et ne correspond pas au caractère exceptionnel rappelé plus haut. En outre, selon ses dires, son activité professionnelle exercée en Suisse se rapporte principalement au domaine du bâtiment. Il ne s’agit donc pas d’une profession spécifiquement liée à la Suisse, de sorte qu’il convient de retenir que le recourant sera en mesure d’utiliser au Gabon les compétences et l’expérience professionnelles acquises en Suisse. Il convient en outre de rappeler que le fait de travailler pour ne pas dépendre de l'aide sociale et ne pas avoir contracté de dettes dénote d'un comportement ordinaire qui peut être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Il ne s'agit pas de circonstances exceptionnelles permettant à elles seules de retenir l'existence d'une intégration particulièrement marquée susceptible de justifier la reconnaissance d'un cas de rigueur. Il ne peut pas non plus se prévaloir d’un comportement irréprochable, compte tenu de ses cinq condamnations pénales et des deux interdictions d’entrée en Suisse qu’il s’est obstiné à ne pas respecter.

Sa situation financière n’est pas bonne, dès lors que, comme il l’indique, il ne réalise qu’un revenu mensuel brut d’environ CHF 1'000.-, soit une somme qui ne représente même pas le minimum vital. Il ne prétend au demeurant pas avoir disposé d’un appartement qu’il aurait loué à son nom. Au vu du dossier, il n’a jamais disposé d’un domicile fixe en Suisse.

Sur le plan social, il ne ressort pas du dossier qu’il aurait noué des liens très forts avec la Suisse. Il a passé non seulement toute son enfance au Gabon, mais également son adolescence et le début de sa vie d’adulte, périodes déterminantes pour le développement personnel et scolaire, et qui entraînent souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (cf. ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4 ; ATA/203/2018 du 6 mars 2018 consid. 9a). Il y a d'ailleurs conservé des fortes attaches familiales, notamment sa mère et sa sœur. Sur ce point, il se contente d’alléguer - contrairement à ses déclarations initiales faites à l’AFD le 12 octobre 2023, ne plus avoir de « famille » dans son pays, sans expliquer ce que sont devenues sa mère et sa sœur, ni indiquer le lieu de leur résidence.

S'il se heurtera sans doute à des difficultés de réadaptation dans son pays d'origine, il ne démontre pas que celles-ci seraient plus graves pour lui que pour n'importe lequel de ses concitoyens qui se trouverait dans une situation similaire. En outre, il ne faut pas perdre de vue que celui qui place l'autorité devant le fait accompli doit s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (cf. ATF 123 II 248 consid. 4a ; 111 Ibb 213 consid. 6b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_33/2014 du 18 septembre 2014 consid. 4.1 ; 1C_269/2013 du 10 décembre 2013 consid. 4.1 et les références citées). Les difficultés d'ordre général qu'il pourrait rencontrer au Gabon, afin notamment de retrouver un emploi, ne sauraient constituer une situation rigoureuse au sens de la jurisprudence précitée.

15.         Partant, ni l'âge du recourant, ni la durée de son séjour sur le territoire, ni son comportement, ni encore les inconvénients d'ordre socio-professionnel auxquels il pourrait éventuellement être confrontés dans son pays ne constituent des circonstances si singulières qu'il faudrait considérer qu'il se trouve dans une situation de détresse personnelle devant justifier l'octroi d'une exception aux mesures de limitation. Une telle exception n'a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d'origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu'on ne saurait exiger d'eux qu'ils tentent de se réadapter à leur existence passée, ce que le recourant n'a pas établi.

16.         Il ressort de ce qui précède que l'OCPM n'a violé ni le droit conventionnel, ni le droit fédéral, ni encore excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation (art. 96 LEI) en refusant de délivrer l'autorisation de séjour sollicitée.

17.         Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé.

Le renvoi constitue la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande tendant à la délivrance ou la prolongation d'une autorisation de séjour, l'autorité ne disposant à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation (ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a).

18.         En l’espèce, le recourant n'obtenant pas d'autorisation de séjour, c'est à bon droit que l'autorité intimée a prononcé son renvoi de Suisse. Il n'apparaît en outre pas que l'exécution de son renvoi ne serait pas possible, serait illicite ou qu'elle ne pourrait être raisonnablement exigée (art. 83 LEI).

19.         Infondé, le recours sera rejeté et la décision contestée confirmée.

20.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée.

21.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 11 avril 2024 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 11 mars 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier