Skip to main content

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/1739/2024

JTAPI/501/2024 du 24.05.2024 ( MC ) , CONFIRME

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION
Normes : LEI.75.al1.letc; LEI.76.al1.letb.ch1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1739/2024 MC

JTAPI/501/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 24 mai 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Corinne DUFLON, avocate

 

contre

 

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Entre le 26 août 2021 et le 19 août 2022, Monsieur A______, né le ______ 2004 et originaire du Portugal, a été condamné quatre fois, pour contravention et délit contre la loi sur les stupéfiants (trafic de cocaïne). Quatre procédures, ouvertes pour entrée illégale, infraction à la loi sur les stupéfiants et non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (en raison de la violation de l'interdiction de pénétrer dans le canton de Genève prononcée à son encontre par le commissaire de police le 7 mai 2023 pour une durée de 12 mois) sont par ailleurs en cours.

2.             L'intéressé est sous le coup d'une interdiction d'entrer en Suisse notifiée le 25 juillet 2023 et valable jusqu'au 24 juillet 2028. L'intéressé a déjà été renvoyé au Portugal les 25 juillet 2023 et 15 mai 2024.

3.             Revenu en Suisse une semaine après avoir été refoulé dans son pays d'origine, M. A______ a été, à nouveau, interpellé le 22 mai 2024 par la police genevoise et mis à la disposition du Ministère public. Il ressort du dossier ainsi que des déclarations de l'intéressé qu'il ne dispose d'aucun lieu de résidence fixe en Suisse, où il n'a par ailleurs aucune attache ni source légale de revenu.

4.             Le 23 mai 2024, l'intéressé s'est vu notifier par l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une nouvelle décision immédiatement exécutoire de renvoi de Suisse.

5.             Les démarches relatives à la réservation, en faveur de M. A______, d'une place sur un vol à destination de Lisbonne ont été immédiatement entreprises ; ladite place a été confirmée pour le 25 mai 2024, à 13h00 au départ de Genève.

6.             Le 23 mai 2024, à 14h55, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l’encontre de M. A______ pour une durée de trois semaines sur la base notamment des art. 75 al. 1 let. b et 76 al. 1 let. b ch. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

Préalablement entendu à la même date par le commissaire de police, M. A______ avait déclaré qu'il ne s'opposait pas à son retour au Portugal. Il était en outre d’accord que le Tribunal administratif de première instance renonce à la procédure orale, après que le commissaire de police eût attiré son attention sur la teneur de l’art. 80 al. 3 LEI.

Selon le procès-verbal du commissaire de police, qui porte la signature de M. A______, la détention administrative pour des motifs de droit des étrangers avait débuté à 14h35.

7.             A réception de l’ordre de mise en détention, le tribunal a invité le conseil de M. A______ désigné d’office pour la défense de ses intérêts (cf. art. 12 al. 2 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10), à lui communiquer ses éventuelles observations écrites d’ici au 24 mai 2024 à 12h00.

8.             Par courrier adressé par télécopie au tribunal le 24 mai 2024 dans le délai imparti, le conseil de M. A______ a présenté ses observations.

9.             À teneur du dossier, il n'apparaissait pas que l'ordre de mise en détention avait été présenté à M. A______. Il manquait en effet au dossier un procès-verbal d'audition par le commissaire de police, ainsi que la signature du précité ou la mention du refus de signer. Il n'apparaissait pas non plus qu'il aurait consenti à une procédure écrite. La procédure semblait par conséquent viciée, de sorte qu'il fallait constater l'illégalité de la détention administrative. Par ailleurs, M. A______ confirmait au besoin qu'il se présenterait à l'embarquement à destination de Lisbonne le samedi 25 mai 2024. Une éventuelle mise en liberté ne ferait ainsi pas obstacle à son départ de Suisse. Enfin, dans l'éventualité où la libération immédiate de M. A______ n'était pas prononcée et que le vol n'avait pas lieu, M. A______ n'entendait pas accepter sans autre une mise en détention administrative pour une durée de trois semaines. En effet, la liaison entre Genève et Lisbonne s'effectuait plusieurs fois par jour par avion et une nouvelle réservation pourrait avoir lieu très rapidement. Si son renvoi n'avait pas lieu le 25 mai 2024, il sollicitait d'ores et déjà la tenue d'une procédure orale.

 

EN DROIT

1.             Le tribunal est compétent pour examiner d’office la légalité et l’adéquation de la détention administrative (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d LaLEtr).

2.             Selon l’art. 8 al. 3 LaLEtr, les ordres de mise en détention du commissaire de police sont transmis sans délai au tribunal pour contrôle de la légalité et de l’adéquation de la détention.

3.             Le tribunal statue ce jour dans le délai de nonante-six heures prévu par les art. 80 al. 2 LEI et 9 al. 3 LaLEtr, la détention administrative de M. A______ ayant concrètement débuté le 23 mai 2024 à 14h35, comme l’indique le procès-verbal d’audition (cf. à cet égard arrêts du Tribunal fédéral 2C_618/2011 du 1er septembre 2011 consid. 2 ; 2C_206/2009 du 29 avril 2009 consid. 5.1.1 et les références citées).

4.             Toutefois, selon l’art. 80 al. 3 LEI, l’autorité judiciaire peut renoncer à la procédure orale lorsque le renvoi pourra vraisemblablement avoir lieu dans les huit jours suivant l’ordre de détention et si la personne concernée a donné son consentement écrit, étant précisé que si le renvoi ne peut être exécuté dans ce délai, la procédure orale a lieu au plus tard douze jours après l’ordre de détention.

Ainsi, s’il est possible de renoncer initialement à la procédure orale dans les conditions prévues par l’art. 80 al. 3 LEI, le tribunal reste néanmoins tenu d’examiner la légalité et l’adéquation de la détention au terme d’une procédure écrite.

5.             En l’espèce, tout porte à croire que le renvoi pourra avoir lieu dans le délai de huit jours précité, puisque qu'une place sur un vol à destination de Lisbonne a d'ores et déjà été réservée pour le 25 mai 2024 à 13h00 au départ de Genève.

Par ailleurs, M. A______ a donné par écrit son consentement à ce que le tribunal statue sur son sort sans l’entendre oralement. À cet égard, il faut souligner que le procès-verbal d'audition de M. A______ devant le commissaire de police figure bien au dossier transmis au tribunal et porte la signature du précité à la date du 23 mai 2024, le même document précisant qu'il consentait à la procédure écrite. Après vérification, il s'avère que la version électronique du dossier transmis par le tribunal au conseil de M. A______ ne contient en effet pas la copie de ce procès-verbal, ce qui résulte probablement d'une erreur lors des opérations d'impression puis de scannage qui sont souvent effectuées en raison du volume des fichiers électroniques transmis par le commissaire de police et que le tribunal est contraint de réduire lorsqu'il les transmet aux avocats. En l'occurrence, ce problème n'a cependant pas d'autre conséquence que de rendre sans objet l'argumentation développée à ce sujet par le précité. A toutes fins utiles, la copie de cette pièce sera transmise en même temps que le présent jugement au conseil de M. A______.

Le tribunal se prononce donc sur la base du dossier du commissaire de police et après avoir donné la possibilité à M. A______, sous la plume de son conseil, de déposer des observations écrites.

6.             Le tribunal peut confirmer, réformer ou annuler la décision du commissaire de police ; le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 9 al. 3 LaLEtr).

7.             La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_413/2012 du 22 mai 2012 consid. 3.1) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2012 du 29 juin 2012 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1). Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne peut être prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

8.             A teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, en lien avec l'art. 75 al. 1 let. c LEI, lorsqu'une décision de renvoi de première instance a été notifiée, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée lorsqu'elle franchit la frontière malgré une interdiction d'entrer en Suisse et ne peut pas être renvoyée immédiatement (let. c).

Comme cela ressort du texte même de l'art. 76 al. 1 LEI et de la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la détention administrative n'implique pas que la décision de renvoi soit définitive et exécutoire (cf. not. ATF 130 II 377 consid. 1 ; 129 II 1 consid. 2 ; 122 II 148 consid. 1 ; 121 II 59 consid. 2a).

9.             En l'occurrence, M. A______ est sous le coup d'une interdiction d'entrer en Suisse notifiée le 25 juillet 2023 et valable jusqu'au 24 juillet 2028, décision qu'il a enfreinte en revenant en Suisse après avoir été renvoyé au Portugal le 15 mai 2024. En outre, il fait l'objet d'une décision de renvoi de Suisse prise par l'OCPM le 23 mai 2024. Par conséquent, les conditions d'application de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, en lien avec l'art. 75 al. 1 let. c LEI, sont réalisées et la détention administrative de M. A______ est donc correctement fondée quant à son principe.

10.         Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de la personne concernée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 ; 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).

11.         En l'occurrence, il faut tout d'abord relever que seule la détention administrative apparaît propre à permettre l'exécution du renvoi de M. A______, celui-ci ayant montré par son comportement, soit en revenant en Suisse quelques jours après son renvoi au Portugal le 15 mai 2024, nonobstant l'interdiction d'entrée dont il fait l'objet, qu'il ne faisait aucun cas de ses obligations à l'égard de la Suisse. Ainsi, une levée de sa détention aurait très vraisemblablement pour effet la disparition du précité dans la clandestinité.

L’assurance de son départ de Suisse répond par ailleurs à un intérêt public certain, compte tenu de son comportement régulièrement contraire à l'ordre public.

12.         Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

13.         En l'espèce, l'autorité chargée du renvoi a agi avec diligence et célérité, dès lors qu'elle a immédiatement procédé à la réservation d'une place sur un vol de ligne pour permettre le renvoi de M. A______ dans son pays d'origine, lequel pourra avoir lieu le 25 mai 2024 déjà.

14.         Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

En outre, la durée de la détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

15.         En l'espèce, eu égard à l'ensemble des circonstances, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative pour une durée de trois semaines, qui respecte en soi l'art. 79 LEI et n'apparaît pas disproportionnée. À cet égard, l'argumentation développée par M. A______ pour demander la réduction de cette durée ne tient pas compte du fait qu'a priori, seul son refus de monter dans l'avion le 25 mai 2024 serait de nature à entraîner la poursuite de sa détention au-delà de cette date. Dans cette hypothèse, la durée restante de la détention se justifierait entièrement, étant précisé que M. A______ en porterait alors seul la responsabilité. En outre, dans cette hypothèse également, l'autorité compétente devrait pouvoir disposer du délai nécessaire pour saisir cas échéant le tribunal d'une demande de prolongation de la détention.

16.         Cela étant, il sera souligné que si le renvoi n'a pas eu lieu dans le délai de huit jours suivant l'ordre de détention, M. A______ sera entendu par le tribunal au plus tard douze jours après l'ordre de détention (art. 80 al. 3 LEI). Dans cette perspective, il appartiendra au commissaire de police de faire savoir au tribunal, le 31 mai 2024 au plus tard, si l'exécution du renvoi s'est concrétisée ou non.

17.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative émis par le commissaire de police le 23 mai 2024 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de trois semaines, soit jusqu'au 12 juin 2024 inclus ;

2.             invite le commissaire de police à faire savoir au tribunal le 31 mai 2024 au plus tard si l’exécution du renvoi a eu lieu ou non ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

 

Genève, le

 

Le greffier