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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4153/2023

JTAPI/491/2024 du 23.05.2024 ( DOMPU ) , REJETE

Descripteurs : AMENDE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;LÉGALITÉ;ORDURE MÉNAGÈRE
Normes : LGD.12.al4; LGD.43.al1; RGD.17; LGD.23.al7
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4153/2023 DOMPU

JTAPI/491/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 23 mai 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par GRANGE IMMOBILIER SA, avec élection de domicile

 

contre

VILLE DE GENÈVE

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______ est propriétaire de l'immeuble sis au ______[GE], dont la gestion a été confiée à la régie GRANGE IMMOBILIER SA.

2.             Par décision du 14 novembre 2023, la Ville de Genève (ci-après : la ville), soit pour elle, son service Voirie-Ville propre, a infligé à M. A______ une amende administrative de CHF 400.- pour n'avoir pas rentré un ou plusieurs conteneur(s) après la collecte. Le constat de cette infraction avait eu lieu le 7 octobre 2023 à 17h20 à l'adresse précitée et les faits avaient été reconnus par le concierge de l'immeuble.

3.             Par acte du 11 décembre 2023, le propriétaire, sous la plume de la régie, a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à ce que la nullité de l'amende soit constatée, subsidiairement, à son annulation.

L'amende ne reposait sur aucune base légale.

L'art. 12 al. 4 de la loi sur la gestion des déchets du 20 mai 1999 (LGD - L 1 20) ne donnait pas un blanc-seing à la ville pour imposer aux particuliers toute obligation qui lui paraissait opportune en relation avec la collecte des déchets.

L'art. 43 LGD ne fournissait pas une base légale suffisante pour permettre à la ville d'amender les régies, les concierges et les propriétaires lorsqu'ils ne rentraient pas immédiatement les conteneurs.

Le parlement cantonal s'était manifestement rendu compte de l'insuffisance de la densité normative de la LGD puisqu'il avait édicté une nouvelle loi, non entrée en vigueur, qui imposait aux communes d'établir une liste des amendes administratives qu'elles prévoyaient.

L'amende litigieuse ne mentionnait pas à quelle heure la collecte aurait été effectuée le 7 octobre 2023, de sorte qu'il lui était impossible de vérifier la réalité du comportement reproché. Elle ne mentionnait pas non plus à quel titre il était sanctionné. Ce vice l'empêchait de contester l'amende qui devait être annulée pour ce motif.

L'amende contrevenait au principe nulla poene sine lege. La sanction pénale ne pouvait reposer que sur une loi formelle émanant du pouvoir législatif.

Le comportement reproché reposait sur un règlement du Conseil administratif de la ville, lequel ne disposait d'aucune compétence législative. Selon le principe de la séparation des pouvoirs, le pouvoir exécutif, par ses ordonnances ou règlements, ne pouvait édicter de nouveaux droits ou obligations destinés aux administrés qui ne seraient pas déjà prévus dans la loi sur laquelle elle reposait. Or la LGD ne prévoyait rien à propos du rangement des conteneurs après la collecte. Quant au règlement d'application de la loi sur la gestion des déchets du 28 juillet 1999 (RGD - L 1 20.01), il n'imposait pas de ranger les conteneurs immédiatement après la collecte.

Il paraissait ainsi douteux que le règlement communal puisse imposer des obligations aux particuliers autres que celles visant les propriétaires d'immeubles s'agissant de mettre à disposition des conteneurs agréés et de faire en sorte que ceux-ci soient sortis au moment de la collecte aux endroits déterminés par le règlement cantonal.

S'il était admissible que le règlement communal fixe les heures auxquelles les conteneurs devaient être sortis sur la voie publique en vue de leur collecte, il n'y avait aucune nécessité de les ranger immédiatement après. D'ailleurs, l'heure de la collecte était très variable et n'était jamais annoncée.

La ville avait violé le droit en infligeant une amende qui sortait manifestement du cadre légal et ne répondait à aucun intérêt public.

Enfin, il n'avait pas été entendu par la police municipale.

4.             En date du 28 février 2024, la ville s'est déterminée sur le recours, concluant à son rejet.

Les remarques du recourant concernant le nouveau règlement communal entré en vigueur le 1er février 2024, soit après la notification de l'amende querellée, et concernant la nouvelle LGD du 2 septembre 2022 qui n'était pas encore entrée en vigueur, n'étaient pas pertinentes.

L'art. 23 al. 7 du règlement de la ville sur la gestion des déchets du 30 novembre 2022, entré en vigueur le 1er janvier 2023 (LC 21 911 ; ci-après le règlement communal), lequel prévoyait que les containers doivent être rangés dans l'immeuble ou aux emplacements prévus, immédiatement après la collecte, édicté en application de l'art. 12 al. 4 LGD, constituait une base légale valable et suffisante pour appréhender l'infraction imputée au recourant.

À l'instar des autres prescriptions figurant dans le règlement communal, cette disposition ne constituait manifestement pas une restriction grave à un droit fondamental qui, dès lors, nécessiterait une base légale formelle.

En l'occurrence, la présence du conteneur litigieux sur la voie publique avait été constatée le 7 octobre 2023 à 17h20, alors que la collecte avait eu lieu la veille, pendant les premières heures de la matinée. La prescription en cause n'avait donc clairement pas été respectée, ce que le recourant ne contestait pas et elle avait été constatée par un contrôleur du domaine public assermenté.

Le fait que les levées de déchets ne soient pas effectuées systématiquement à la même heure et soient, parfois, malencontreusement retardées provenait de divers paramètres aléatoires, telles que l'organisation des tournées, le nombre d'employés disponibles, les conditions météorologiques, la circulation, les éventuels incidents sur la voie publique, ainsi que la quantité de déchets à débarrasser, aléas qui ne sauraient être reprochés au service de la voirie.

Pour tenir compte de ces paramètres, les contrôleurs du domaine public ne sanctionnaient jamais le fait que les conteneurs ne soient pas rentrés avant 16h00. Pour autant, dans la présente affaire, le conteneur incriminé était resté sur la voie publique plus de 25 heures après l'heure limite de tolérance. En termes de salubrité, il existait un réel intérêt public à ce que les conteneurs soient rentrés immédiatement après la collecte, afin d'éviter notamment des nuisances olfactives et visuelles pour les riverains et pour empêcher que les conteneurs se retrouvent sur la chaussée, gênant ainsi la circulation et risquant d'occasionner des accidents.

Le recourant avait été sanctionné en sa qualité de propriétaire de l'immeuble ce qu'il n'était pas nécessaire de mentionner sur l'amende. Conformément à la jurisprudence, c'était à juste titre que le comportement fautif du concierge de l'immeuble avait été imputé au recourant en sa qualité de propriétaire, même si celui n'y résidait pas. En effet, selon la jurisprudence, la responsabilité du mandant ne pouvait être dissociée de celle de son mandataire, le premier étant responsable des actes de celui qui le représentait et répondait de toute faute de ses auxiliaires.

Dans la mesure où le recourant était tenu pour responsable d'une infraction au règlement communal, édicté en application de l'art. 12 al. 4 LGD, l'amende querellée reposait sur l'art. 43 al. 1 let. b LGD, soit une base légale formelle. L'art. 31 du règlement communal qui n'avait pas de portée propre, ne faisait d'ailleurs que reprendre la teneur de l'art. 43 LGD.

L'amende querellée était ainsi fondée tant en fait qu'en droit.

Son montant correspondait à celui retenu de pratique constante dans des situations sanctionnant les propriétaires d'immeubles – lesquels, contrairement à ce qu'affirmait le recourant ne pouvaient être assimilés à des particuliers. En l'occurrence, compte tenu du paramètre commercial, le montant minimal de CHF 200.- était doublé s'agissant d'infractions imputées à des propriétaires d'immeubles. Pour le surplus, il ne ressortait pas du dossier qu'une telle infraction qu'une telle sanction placerait le recourant dans une situation financière difficile.

5.             Le recourant n'a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par la ville en application de la loi sur la gestion des déchets du 20 mai 1999 (LGD - L 1 20) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 50 LGD).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Le recourant reproche à la ville de ne pas l'avoir entendu avant de prononcer la décision querellée.

4.             Garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation doit entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recourant sur le fond (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 et les références).

5.             Il comprend notamment le droit, pour l'intéressé, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités).

6.             Le droit de faire administrer des preuves n'empêche pas l'autorité (ou le juge) de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes, de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières ou de mettre un terme à l'instruction, lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1 ; 2C_1125/2018 du 7 janvier 2019 consid. 5.1 ; 1C_212/2018 du 24 avril 2019 consid. 4.1).

7.             En l'espèce, il ressort du constat d'infraction du 7 octobre 2023 que le concierge de l'immeuble, auxiliaire du propriétaire, a reconnu ne pas avoir rentré le conteneur immédiatement après la collecte, de sorte que la violation du droit d'être entendu ne saurait être valablement invoquée.

Ce grief d'ordre formel sera écarté.

8.             Le recourant prétend que la décision de la ville ne serait pas suffisamment motivée dès lors qu'elle n'indiquerait pas à quel titre il était amendé ni l'heure de la collecte en question ce qui l'empêchait de contester matériellement l'amende.

9.             Le droit d'être entendu implique également pour l’autorité l’obligation de motiver sa décision (ATF 146 II 335 consid. 5.1). L’art. 46 al. 1 LPA fait ainsi obligation aux autorités administratives de rendre des décisions motivées. Selon une jurisprudence constante, le droit d’être entendu implique pour l’autorité l’obligation de motiver sa décision afin que le destinataire puisse la comprendre, l’attaquer utilement s’il y a lieu et afin que l’autorité de recours puisse exercer son contrôle. L’autorité doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidé et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause. Elle n’a toutefois pas l’obligation d’exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut se limiter à l’examen des questions décisives pour l’issue du litige. La motivation peut d’ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 6B_468/2022 du 12 janvier 2023 consid. 1.1). L’autorité peut passer sous silence ce qui, sans arbitraire, lui paraît à l’évidence non établi ou sans pertinence. Il n’y a ainsi violation du droit d’être entendu que si elle ne satisfait pas à son devoir minimum d’examiner les problèmes pertinents (ATF 129 I 232 consid. 3.2).

10.         La réparation d’un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d’être entendu, n’est possible que lorsque l’autorité dispose du même pouvoir d’examen que l’autorité inférieure (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_240/2017 du 11 décembre 2018 consid. 3.2). Elle dépend toutefois de la gravité et de l’étendue de l’atteinte portée au droit d’être entendu et doit rester l’exception. Elle peut cependant se justifier en présence d’un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu’elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/802/2020 du 25 août 2020 consid. 4c et les références cités).

11.         En l'espèce, la décision litigieuse est claire. Elle mentionne en effet les bases légales applicables et énonce le motif pour lequel la ville a infligé l'amende. Quoi qu'il en soit, le recourant qui ne pouvait ignorer être propriétaire de l'immeuble auquel le conteneur en question était rattaché, a été en mesure d'agir en temps utile et de comprendre la portée de la décision, ainsi que cela découle de ses écritures et n'a subi aucun préjudice. Il a aussi eu l'occasion de prendre connaissance des arguments développés le 28 février 2024 par la ville et d'y répliquer, de sorte qu'une éventuelle violation de son droit d'être entendu sous l'angle d'une absence de motivation aurait amplement été réparée dans le cadre de la présente procédure.

Ce grief sera dès lors rejeté.

12.         Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

13.         Les arguments formulés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (ATF 145 IV 99 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2021 du 13 janvier 2022 consid. 2.1 et les réf. citées), étant rappelé que, saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/84/2022 du 1er février 2022 consid. 3).

14.         Le recourant invoque la nullité de l'amende litigieuse au motif qu'elle ne reposerait sur aucune base légale valable.

15.         La nullité doit être constatée d'office, en tout temps et par l'ensemble des autorités étatiques (ATF 138 II 501 consid. 3.1 ; 136 II 415 consid. 1.2 ; 132 II 342 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_573/2020 du 22 avril 2021 consid. 5 ; 1C_474/2017 du 13 décembre 2017 consid. 3.2 ; 4A_142/2016 du 25 novembre 2016 consid. 2.2).

16.         La nullité absolue ne frappe que les décisions affectées d'un vice devant non seulement être particulièrement grave, mais aussi être manifeste ou, dans tous les cas, clairement reconnaissable, et pour autant que la constatation de la nullité ne mette pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Hormis dans les cas expressément prévus par la loi, il n'y a lieu d'admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire. Entrent principalement en ligne de compte comme motifs de nullité la violation grossière de règles de procédure, ainsi que l'incompétence qualifiée (fonctionnelle ou matérielle) de l'autorité qui a rendu la décision (ATF 139 II 243 consid. 11.2 ; 138 II 501 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_573/2020 du 22 avril 2021 consid. 5 ; 2C_1031/2019 du 18 septembre 2020 consid. 2.1 ; 1C_474/2017 du 13 décembre 2017 consid. 3.2 ; 8C_355/2016 du 22 mars 2017 consid. 5.3 ; 1C_111/2016 du 8 décembre 2016 consid. 5.1). L'illégalité d'une décision (reposant sur des vices de fond) ne constitue en revanche pas, par principe, un motif de nullité ; elle doit au contraire être invoquée dans le cadre des voies ordinaires de recours (cf. not. ATF 130 II 249 consid. 2.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_192/2021 du 27 septembre 2021 consid. 2.2 ; 2C_573/2020 du 22 avril 2021 consid. 5 ; 2C_1031/2019 du 18 septembre 2020 consid. 2.1).

17.         La LGD a pour but de régler la gestion de l'ensemble des déchets résultant d’activités déployées sur le territoire du canton ou éliminés à Genève, à l'exclusion des déchets radioactifs ; elle constitue la loi d'application des dispositions prévues en matière de déchets par la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01) et de ses ordonnances d'application (art. 1 LGD).

18.         La collecte, le transport et l’élimination des déchets ménagers sont organisés et assurés par les communes, sans taxes pour les ménages (art. 12 al. 1 LGD). Les communes définissent l’infrastructure de collecte et fixent la fréquence des levées en fonction des besoins (art. 12 al. 2 LGD). Elles peuvent édicter des règlements particuliers (art. 12 al. 4 LGD).

19.         Selon l'art. 5 RGD, les communes sont tenues d’informer la population sur les emplacements et les horaires des collectes sélectives et sur les modes d’élimination des déchets ménagers en vigueur sur leur territoire (al. 1), et sont habilitées à édicter des règlements ou directives à ces fins (al. 2).

20.         Les communes sont tenues de collecter, de transporter et d’éliminer les déchets ménagers conformément au plan cantonal de gestion des déchets (art. 16 al. 1 RGD). Elles organisent des infrastructures et la logistique des collectes sélectives des déchets ménagers de manière à couvrir l'ensemble du territoire communal et à desservir toute la population ; elles peuvent également procéder à des collectes spéciales au porte-à-porte pour les déchets encombrants ou compostables ou d'autres déchets collectés séparément (art. 16 al. 2 RGD).

21.         Les communes peuvent édicter des règlements communaux sur le bon fonctionnement de leurs infrastructures de collecte et sur leur gestion des déchets ménagers (art. 17 al. 1 RGD). Les règlements communaux peuvent prévoir les sanctions et les mesures prévues dans la loi (art. 17 al. 2 RGD).

22.         À teneur de l’art. 18 al. 1 RGD, tout immeuble destiné à l’habitation ou au travail doit être pourvu de locaux ou emplacements réservés à la remise de conteneurs. Ces locaux ou emplacements doivent être facilement et gratuitement accessibles et, en principe, être dimensionnés de manière à permettre un tri et une collecte sélective des déchets ménagers.

Les propriétaires des immeubles sont tenus de fournir en nombre suffisant les conteneurs et de maintenir les emplacements, les locaux et le mobilier dans un parfait état de propreté et d’hygiène. Ils affichent les informations relatives aux levées organisées par les communes (al. 2).

Lors de la levée des déchets ménagers, les récipients doivent se trouver en un lieu accessible sans difficulté, sur le bord du trottoir devant l’immeuble ou à l’endroit fixé par la voirie communale (al. 4).

23.         La ville a adopté, le 25 janvier 2024, le règlement de gestion des déchets LC 21 911, lequel est entré en vigueur le 1er février 2024. Ce nouveau règlement a abrogé le règlement du 30 novembre 2022, entré en vigueur le 1er janvier 2023 (art. 36 nouveau règlement).

24.         Sur ce point, il sera rappelé, qu’en principe, le nouveau droit s’applique à toutes les situations qui interviennent depuis son entrée en vigueur (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 132 n. 403). Selon les principes généraux, sont applicables, en cas de changement de règles de droit, les dispositions en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (ATF 137 V 105 consid. 5.3.1). En revanche, si la législation change après la réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, la situation doit rester réglée selon l’ancien droit (ATF 136 V 24 consid. 4.3). Sont réservées les dispositions éventuelles du droit transitoire prescrivant un régime juridique qui s’écarte de ces principes.

25.         In casu, l’état de fait ayant donné lieu au prononcé de l’amende litigieuse ayant été constaté le 14 novembre 2023, c’est le règlement LC 21 911 dans sa version du 30 novembre 2022 qui trouve application (ci-après : ancien règlement).

26.         Le règlement communal fixe les modalités de la collecte, du transport et de l’élimination des déchets urbains sur son territoire (art. 1 al. 1). Il s'applique à tous les détenteurs de déchets urbains du territoire de la commune (art. 1 al. 2).

27.         À teneur de l’art. 22 ancien règlement, le service en charge de la collecte des déchets assure régulièrement la collecte en conteneurs à roulette (...) (al. 1). Les jours et heures des collectes, ainsi que les directives de la ville sont communiquées dans une publication tous-ménages distribuée annuellement ; cette dernière est également disponible auprès du service en charge de la collecte des déchets et sur le site internet de la ville ainsi que sur l'application « Déchets Genève » (al. 2).

28.         Selon l’art. 23 ancien règlement, il incombe aux propriétaires, à leurs mandataires et aux entreprises de rendre facilement accessibles les conteneurs et de les déposer sur la voie publique entre 19h00 au plus tôt la veille de la collecte et 6h00 au plus tard le jour de la collecte (al. 6). Immédiatement après la collecte, les conteneurs doivent être rangés à l'emplacement réservé à la collecte des déchets de l'immeuble (al. 7). Quant à l’art. 23 al. 7 du nouveau règlement, il stipule que dans la mesure du possible, les conteneurs doivent être retirés de la voie publique et rangés à l’emplacement réservé à la collecte des déchets de l’immeuble immédiatement après la collecte ou au plus tard à midi.

29.         Selon les art. 43 al. 1 LGD (repris à l'art. 31 ancien règlement, et à l’art. 33 al. 1 du nouveau règlement), est passible d’une amende administrative de CHF 200.- à CHF 400'000.- tout contrevenant : a) à la LGD ; b) aux règlements et arrêtés édictés en vertu de la LGD ; c) aux ordres donnés par l’autorité compétente dans la limite de la LGD et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci.

30.         Les amendes peuvent être infligées tant à des personnes morales qu'à des personnes physiques (art. 43 al. 2 LGD).

31.         Les contraventions sont constatées par les agents de la force publique et tous autres agents ayant mandat de veiller à l’observation de la loi (art. 44 al. 1 LGD). Les amendes sont infligées par l’autorité compétente sans préjudice de plus fortes peines en cas de crimes, délits ou contraventions prévus par la loi fédérale sur la protection de l’environnement et de tous dommages-intérêts éventuels (art. 44 al. 2 LGD).

32.         Les agents de la police municipale sont notamment chargés de la prévention et de la répression en matière de propreté, notamment en ce qui concerne les détritus, les déjections canines, les tags et l’affichage sauvage (art. 5 al. 2 de la loi sur les agents de la police municipale, les contrôleurs municipaux du stationnement et les gardes auxiliaires des communes du 20 février 2009 - LAPM - F 1 07). Le Conseil d’État fixe, après consultation des communes, les prescriptions cantonales de police que les agents de la police municipale sont habilités à faire appliquer, par délégation de pouvoir de l'État, relevant notamment de la sécurité, la propreté et la salubrité publiques (art. 10 let. a ch. 1 LAPM).

33.         Le Conseil d'État a dans ce cadre prévu que les agents de la police municipale sont habilités à faire appliquer les dispositions de la LGD et du RGD (art. 8 let. l du règlement sur les agents de la police municipale du 28 octobre 2009 - RAPM - F 1 07.01).

34.         Les amendes administratives prévues par la législation cantonale sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. La quotité de la sanction administrative doit ainsi être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/174/2023 du 28 février 2023 consid. 2.1.3 et les arrêts cités).

35.         En vertu de l’art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG – E 4 05), les dispositions de la partie générale du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s’appliquent à titre de droit cantonal supplétif. On doit cependant réserver celles qui concernent exclusivement le juge pénal (ATA/440/2019 du 16 avril 2019 ; ATA/19/2018 du 9 janvier 2018). Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d’une simple négligence.

36.         Selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende (ATA/403/2019 du 9 avril 2019 consid. 7c ; ATA/1277/2018 du 27 novembre 2018 consid. 6d). Le juge ne la censure qu'en cas d'excès (ATA/403/2019 précité ; ATA/1277/2018 précité). Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité garanti par l'art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst.- RS 101) (ATA/968/2020 précité ; ATA/440/2019 précité).

37.         Conformément à la jurisprudence, les actes du représentant sont opposables au représenté comme les siens propres ; ce principe vaut également en droit public (arrêt du Tribunal fédéral 2C_280/2013 du 6 avril 2013 ; ATA/1127/2020 du 10 novembre 2020 consid. 4c ; ATA/224/2020 du 25 février 2020 consid. 3b). La responsabilité du mandant ne saurait être dissociée de celle de son mandataire. Le premier est responsable des actes de celui qui le représente et répond de toute faute de ses auxiliaires (ATA/370/2015 du 21 avril 2015 consid. 6b ; ATA/140/2015 du 3 février 2015 et les références citées).

38.         L’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l’auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/174/2023 précité consid. 2.1.5 et les arrêts cités).

39.         Le principe de la légalité exige que les autorités n'agissent que dans le cadre fixé par la loi. Il implique qu'un acte étatique se fonde sur une base légale matérielle qui est suffisamment précise et qui a été adoptée par l'organe compétent (ATF 141 II 169 consid. 3.1). L'exigence de la densité normative n'est pas absolue, car on ne saurait ordonner au législateur de renoncer totalement à recourir à des notions générales, comportant une part nécessaire d'interprétation. Cela tient à la nature générale et abstraite inhérente à toute règle de droit et à la nécessité qui en découle de laisser aux autorités d'application une certaine marge de manœuvre lors de la concrétisation de la norme. Pour déterminer quel degré de précision on est en droit d'exiger de la loi, il faut tenir compte du cercle de ses destinataires et de la gravité des atteintes qu'elle autorise aux droits fondamentaux (ATF 140 I 381 consid. 4.4 et les références citées).

40.         À cet égard, dans un arrêt récent (ATA/1029/2023 du 19 septembre 2023), la chambre administrative de la Cour de justice, à l'occasion de l'examen d'un recours dirigé contre une amende administrative de CHF 200.- infligée par la ville en 2022 pour « conteneur-s non rentré-s après la collecte », a jugé que les art. 12 al. 4, 43 al. 1 let. b et 44 al. 1 LGD, 5 al. 2 et 10 let. a ch. 1 LAPM en lien avec les art. 17 al. 1 et 2 RGD et 21 al. 7 ancien règlement (repris dans des termes similaires à l’art. 23 al. 7 du règlement LC 21 911) fournissaient des bases légales suffisantes pour infliger une amende administrative (consid. 2.9).

Le grief de nullité invoqué par le recourant ne peut dès lors qu'être rejeté.

41.         En l'espèce, selon le constat établi le samedi 7 octobre 2023 à 17h20, le conteneur rattaché à l'immeuble du recourant n'avait pas été rentré après la collecte de la veille, ce qu'a admis le concierge.

42.         Le recourant fait grand cas du fait que l'heure de la collecte n'était pas mentionnée. Il doit être relevé à ce sujet qu'en sa qualité de propriétaire d'un immeuble d'habitation, il ne pouvait ignorer les jours de collecte, en l'occurrence le vendredi pour la rive gauche, lesquels sont dûment portés à la connaissance de la population, notamment sur le site internet de la ville. Au demeurant, l'heure exacte importe peu puisque la ville indique ne jamais sanctionner les contrevenants avant 16h00 et qu'en l'occurrence la sanction a été prononcée plus de 24 heures après la collecte en question.

Force est également de relever que si le règlement communal a changé, la nouvelle disposition ne lui est pas plus favorable et ne saurait être appliquée en application du principe de la lex mitior.

43.         Même si le recourant ne le fait pas valoir, il sera rappelé que conformément à la jurisprudence, les actes du concierge, soit son auxiliaire, lui sont opposables comme les siens propres. Partant, l'infraction visée par la décision litigieuse est effectivement réalisée et le principe de l'amende est fondé.

Le montant de l’amende, au demeurant non contesté, reste au surplus mesuré et, compte tenu du pouvoir d'appréciation conféré à l'autorité en la matière, ne prête pas le flanc à la critique. Le recourant n'allègue par ailleurs pas ne pas être financièrement en mesure de l'acquitter.

44.         Il découle de ce qui précède que le recours, entièrement mal fondé, doit être rejeté.

45.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 400.-, il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 11 décembre 2023 par Monsieur A______ contre la décision de la Ville de Genève du 14 novembre 2023 ;

2.             le rejette;

3.             met à la charge du recourant, un émolument de CHF 400.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST, présidente, Diane SCHASCA et Carmelo STENDARDO, juges assesseurs.


Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière