Skip to main content

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/2577/2023

JTAPI/488/2024 du 23.05.2024 ( LCI ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : ANTENNE;RADIOCOMMUNICATION;TÉLÉPHONE MOBILE;LIMITATION DES ÉMISSIONS
Normes : ORNI.4; LPE.14.leta; LPE.11
Résumé : Recours contre l'autorisation de construire portant sur la modification d'antennes à proximité d'une école primaire, d'un cycle d'orientation et d'une crèche.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2577/2023 LCI

JTAPI/488/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 23 mai 2024

 

dans la cause

 

A______, représentée par Me Jean-Louis COLLART, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

B______ SA

C______ SA


EN FAIT

1.             C______ SA (ci-après : C______) est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de D______, sise au chemin E______, en zone 3, sur laquelle se trouve un immeuble.

2.             Par requête déposée le ______ 2018, B______ SA (ci-après : B______) a déposé auprès du département du territoire (ci-après : le département), une autorisation de construire portant sur la modification d'une installation de télécommunication mobile sur l'immeuble précité, laquelle a été enregistrée sous la référence DD 2______.

3.             Les neuf antennes (n° 11 à 19) prévues sur l'immeuble précité font partie du groupe d'antennes F______, appartenant à B______, et sont réparties sur deux mâts.

Elles s'insèrent dans le cadre d'une installation comprenant au total
dix-neuf antennes sises à l'adresse litigieuse ainsi qu'à l'avenue G______, appartenant à différents opérateurs de réseau et réparties dans quatre groupes (H______, I______, J______ et K______, L______ et M______).

4.             Dans le cadre de l'instruction de la requête en autorisation de construire :

-                 la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC), la police du feu, le service des monuments et des sites (ci-après : SMS), l'office de l'urbanisme (ci-après : OU), soit pour lui la direction de la planification directrice cantonale et régionale (ci-après : SPI) se sont prononcés favorablement, avec ou sans conditions ;

-                 l'office cantonal du génie civil (ci-après : OCGC), ainsi que le service de l'environnement et des risques majeurs (ci-après : SERMA) ont indiqué ne pas être concernés ;

-                 la Ville de Genève (ci-après : la ville) a quant à elle rendu deux préavis défavorables.

Le du 7 janvier 2019, elle a demandé que l'installation soit en tous points conforme aux règles fixées par l'ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant du 23 décembre 1999 (ORNI - RS 814.710), qu'il soit démontré qu'aucune autre installation à proximité ne puisse répondre aux besoins de l'installation litigieuse et qu'en tout état, cette installation était trop proche d'une école primaire.

Le 3 avril 2019, la ville a indiqué s'opposer au projet tant que l'absence d'effets sur la santé n'aura pas été démontrée, ce d'autant que l'installation se situait à proximité de bâtiments scolaires, ainsi que d'une crèche ;

-                 le 14 novembre 2018, le service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) a réservé son préavis dans l'attente de la production d'une nouvelle fiche de données spécifique au site concernant les stations de base pour téléphonie mobile et raccordements sans fil modifiée.

Le 6 mars 2019, ayant examiné la fiche de données spécifique au site concernant les stations de base pour téléphonie mobile et raccordements sans fil du 30 janvier 2019, le SABRA a rendu un préavis favorable sous conditions. L’installation était susceptible de produire des immissions dépassant la valeur limite d’installation (ci-après : VLInst) dans une surface d’un rayon de 92 m pour le groupe d'antennes I______, de 36 m pour le groupe d'antenne K______, L______ et M______, de 26 m pour le groupe d'antennes J______ et de 86 m pour le groupe d'antennes H______. La VLInst sur les bâtiments voisins était respectée. Pour les points d'évaluation nos 3, 5, 8, 12, 13 et 14, les immissions étaient supérieures à 80% de la VLInst dans des directions proches du rayon principal, de sorte que l’exploitant de l’installation devait effectuer, lors de la réception, des mesurages à ses frais, conformément aux recommandations en vigueur. Les parties de la superstructure accessibles pour l’entretien, où la valeur limite était dépassée, devaient être dûment protégées. Enfin, l’opérateur devait intégrer les antennes de cette installation dans son système d’assurance qualité permettant de surveiller les données d’exploitation.

5.             Par décision du ______ 2020, le département a refusé de délivrer l'autorisation de construire sollicitée, le projet y relatif n'étant pas conforme aux art. 14 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), 1 al. 2 et 11 al. 2 de la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01).

Conformément au principe concrétisé par l’art. 11 al. 2 LPE, la Confédération avait mis sur pied, en septembre 2018, un groupe de travail chargé d’analyser les risques liés au déploiement des réseaux 5G. Selon la prise de position commune de l’office fédéral de l'environnement (ci-après : OFEV) et de l’office fédéral de la communication (ci-après : OFCOM) du 3 mai 2019, lesdits risques n’étaient toujours pas clairement spécifiés au vu des réserves et incertitudes entourant cette technologie. Le Conseil d’État avait donc décidé, début décembre 2019, de prolonger le moratoire instauré en avril. Dès lors que B______ avait néanmoins requis le prononcé d'une décision, en l’absence de la transparence nécessaire quant à l’exposition effective de la population due à ces antennes et d’indications précises de la Confédération nécessaires pour évaluer le respect de l’ORNI, le projet était refusé, en vertu du principe de prévention.

6.             B______ a formé recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : le tribunal).

7.             Par jugement du ______ 2021 (JTAPI/3______), le tribunal a déclaré le recours sans objet dans la mesure où le département, suite à un arrêt rendu par la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) le ______ 2021 (ACST/4______), l'avait informé qu'il reconsidérait sa décision en ce sens qu'il l'annulait et reprenait l'instruction de la demande d'autorisation de construire.

8.             Une nouvelle fiche de données spécifique au site, datée du 7 janvier 2022 a été produite par B______ et enregistrée par le département le 30 mars 2022. À teneur de celle-ci :

-                 l’installation visée est composée de dix-neuf antennes, réparties dans quatre groupes (fiche complémentaire n° 1) ;

-                 la distance maximale pour former opposition est de 882,11 m (fiche complémentaire n° 2) ;

-                 l’intensité de champ électrique due à l’installation dans le lieu de séjour momentané (ci-après : LSM) le plus chargé (chemin E______, toit) est de 44 V/m atteignant 87% de la valeur limite d’immissions (ci-après : VLI) (fiches complémentaires n° 3a et 3b) ;

-                 sur les treize lieux à utilisation sensible (ci-après : LUS) autour de l’implantation des antennes (n° 3 à 8, 10 à 14, 16 et 18), les plus chargés présentent des valeurs oscillant entre 4,28 et 4,93 V/m sur 5 V/m (fiches complémentaires n° 4a et 4b).

9.             Le 25 avril 2022, le SABRA, après avoir examiné la fiche précitée, a émis un préavis favorable sous conditions.

L’installation était susceptible de produire des immissions dépassant la VLInst dans une surface d’un rayon de 92 m pour le groupe d'antennes I______, de 36 m pour le groupe d'antenne K______, L______ et M______ de 26 m pour le groupe d'antennes J______ et de 86 m pour le groupe d'antennes H______. La VLInst sur les bâtiments voisins était respectée. Pour les points d'évaluation nos 3, 5, 8, 12, 13 et 14, les immissions étaient supérieures à 80% de la VLInst dans des directions proches du rayon principal, de sorte que l’exploitant de l’installation devait effectuer, lors de la réception, des mesurages à ses frais, conformément aux recommandations en vigueur. Les parties de la superstructure accessibles pour l’entretien, où la valeur limite était dépassée, devaient être dûment protégées. Enfin, l’opérateur devait intégrer les antennes de cette installation dans son système d’assurance qualité permettant de surveiller les données d’exploitation.

10.         Par décision du ______ 2023, le département a octroyé à B______ l'autorisation de construire n° DD 2______, laquelle a été publiée dans la Feuille d’avis officielle (ci-après : FAO) du même jour.

Les préavis du SABRA du 25 avril 2022, du SMS du 11 novembre 2018, ainsi que celui de la police du feu du 26 octobre 2018 faisaient partie intégrante de l'autorisation rendue.

11.         Le 15 juin 2023, le département a également adressé à la ville un courrier l'informant que l'autorisation de construire litigieuse était délivrée. Il a notamment précisé que le SABRA, se basant sur la fiche de données spécifique au site du 7 janvier 2022, ainsi que sur l'analyse du cadastre des installations de téléphonie mobile continuellement mis à jour et répertoriant l'ensembles des installations existantes ou autorisées, avait émis un préavis favorable sous conditions le 25 avril 2022, considérant que le projet était conforme à l'ORNI, au règlement sur la protection contre le rayonnement non ionisant des installations stationnaires du 1er mars 2023 (RPRNI ‑ K 1 70.07), ainsi qu'au principe de précaution.

12.         Par acte du 15 août 2023, sous la plume de son conseil, la ville a formé recours contre cette décision auprès du tribunal, concluant à l’admission du recours ainsi qu'à l’annulation de l’autorisation de construire DD 2______ du ______ 2023, sous suite de frais et dépens.

Le principe de précaution prévu à l’art. 74 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101) et à l’art. 1 de la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01) était violé. Les infrastructures litigieuses étaient projetées à proximité immédiate de LUS, tels qu'une école primaire, un cycle d'orientation et une crèche. Parmi les
dix-neuf antennes, au moins trois antennes (n° 17, 18 et 19) seraient adaptatives, de sorte qu'à tout le moins pendant certaines périodes, ces antennes émettraient des rayonnements au-delà de la valeur limite fixée dans l'annexe 1 à l'ORNI. Lesdits rayonnements auraient des effets néfastes sur la santé.

Les valeurs limite d'émission autour des écoles et de la crèche étaient supérieure à 80 % de la VLInst, dès lors qu'elle était de 4.93 V/m, respectivement de 4.75 V/m aux LUS nos 3 et 5, soit à proximité de la crèche notamment. En outre, les études scientifiques menées sur les effets néfastes sur la santé montraient que ceux-ci pouvaient se déployer même en tenant compte des valeurs limites. S'agissant des antennes adaptatives, elles pouvaient émettre jusqu'à dix fois au-delà de ces valeurs limites, du moins pendant une certaine durée. Les émissions de l'installation litigieuse touchaient une population d'enfants particulièrement sensibles. Le principe de précaution n'exigeait aucune certitude scientifique, de sorte que la probabilité d'une atteinte réelle, plausible et fondée sur l'expérience était suffisante.

Il revenait à l'autorité ayant rendu la décision litigieuse d'examiner la conformité de l'ORNI à la LPE sous l'angle du principe de précaution. Le Tribunal fédéral avait certes rendu dernièrement plusieurs arrêts écartant des recours dirigés contre de telles demandes octroyées à des opérateurs de téléphonie mobile, considérant que les valeurs limitent fixées par l'ORNI étaient suffisamment basses pour respecter le principe de précaution. Il aurait toutefois laissé transparaître certains doutes et avait rappelé que ses récentes décisions étaient fondées sur l'état actuel des connaissances. Dans ses récentes décisions, le Tribunal fédéral n'avait cependant pas pris en compte, notamment, le fait que de manière importante les installations ne respectaient pas la limitation préventive des émissions, ni le rapport de l'Université de Neuchâtel sur l'effet des RNI sur les arthropodes.

En conclusion, le principe de précaution avait été violé par la décision attaquée. Quand bien même les valeurs d'émissions seraient inférieures aux valeurs fixées par l'ORNI, il revenait à l'autorité d'examiner si cette ordonnance respectait le principe de précaution.

13.         Le 4 septembre 2023, B______ a transmis ses observations, concluant au rejet du recours et à la condamnation de la ville aux frais et indemnité de procédure.

En substance, s'agissant de la violation du principe de précaution, à plusieurs reprises le Tribunal fédéral avait rejeté des recours contre des projets de construction d'installations de communication mobile aves des antennes 5G adaptatives, niant une violation du principe de précaution au sens du droit de l'environnement. Quant aux prévisions de rayonnement établies arithmétiquement, elles n'étaient pas critiquables et tant la méthode de mesure recommandée par la Confédération que le système d'assurance de la qualité s'avéraient actuellement appropriés.

S'agissant du contrôle préjudiciel de la conformité de l'ORNI à la LPE, le tribunal était tenu d'appliquer ladite ordonnance et il n'existait aucun motif qui l'obligeait à procéder à un tel contrôle qui par ailleurs aboutirait à la conformité de l'ORNI à la LPE.

14.         Le 16 octobre 2023, le département a répondu au recours, concluant à son rejet, à la confirmation de la décision entreprise et à ce que la recourante soit condamnée aux dépens de l’instance. Il a produit son dossier.

En substance, les probabilités réelles, plausibles et fondées sur l'expérience auxquelles il avait été fait référence dans le cadre du recours ne permettaient pas de considérer que le principe de précaution avait été violé. Au contraire, les exigences du département en la matière étaient conformes au droit dans la mesure où elles prenaient en considération les conditions qui lui étaient liées, en fonction notamment des précisions apportées par les recommandations éditées par l'OFEV.

15.         Par réplique du 17 novembre 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Elle a complété son argumentation en relevant que pendant certains laps de temps, en principe courts, la puissance d'émission d'une antenne adaptative pouvait être dépassé même au-delà de la puissance d'émission maximale augmentée du facteur de correction K. La fiche de données spécifique au site n'indiquait cependant pas quelle était cette puissance maximale pouvant sporadiquement être émise par l'antenne. L'autorisation litigieuse portait par conséquent sur une installation dont la puissance maximale réelle était ignorée, dans la mesure où il n'était indiqué nulle part si le facteur de correction K était appliqué, respectivement si un système de limitation automatique de la puissance était mis en œuvre.

Les conséquences sur la santé des dépassements des valeurs limites répétés étaient inconnues. L'OFEV n'avait par ailleurs pas démontré que le respect d'une valeur limite moyenne, qui pouvait temporairement être dépassée, offrait la même protection qu'une valeur limite permanente.

Finalement, le SABRA n'avait pas connaissance de la valeur d'émission maximale même pour de courtes durées lorsqu'il a rendu son préavis favorable. L'autorisation de construire querellée ne pouvait ainsi être délivrée, faute de connaître cette information et de la confronter aux exigences du principe de précaution.

16.         Le 29 novembre 2023, B______ a dupliqué.

La recourante affirmait à tort que la puissance maximale de l'antenne n'était pas connue, respectivement pas limitée. Il suffisait de diviser la puissance apparente rayonnée ERPN par le facteur de correction KAA pour obtenir la puissance d'émission maximale ERPmax,n. S'agissant de la limitation de puissance automatique des antennes adaptatives détectant en permanence la puissance totale émise d'une antenne, il était renvoyé au complément du 23 février 2021 à la recommandation d'exécution de l'ORNI concernant les stations de base pour téléphonie mobile et raccordements sans fil.

17.         Le 15 janvier 2024, le département a également dupliqué, persisté dans ses conclusions et produit des pièces complémentaires.

Suite aux affirmations de la recourante relatives à la puissance maximale des antennes adaptatives, il avait consulté l'OFEV, ainsi que le SABRA, qui l'ont tous deux renvoyé à la brochure « Explications concernant les antennes adaptatives et leur évaluation selon l'ORNI » du 23 février 2021 qui apportait une réponse (p. 22).

Bien qu'il soit possible que la puissance d'émission maximum des antennes adaptatives puisse être dépassée sur une très courte période, le système mis en place par l'ORNI réduisait considérablement ce risque au vu du facteur de correction et de la limitation automatique de la puissance.

Le système automatique calculait en permanence la moyenne mobile de la puissance émettrice des six dernières minutes. S'il était prévisible que cette moyenne courante dépasse la puissance autorisée, la puissance était réduite de telle sorte que la valeur moyenne restait en dessous du seul spécifié. Les pics de puissance de courte durée pouvaient atteindre au maximum une valeur ERPmax, correspondant à la puissance d'émission autorisée ERPn multipliée par la réciproque du facteur de correction. Avec un facteur de correction de 0,1 la valeur de pointe de la puissance émettrice pouvait être au maximum dix fois supérieure à la valeur déclarée.

L'intensité des pics de puissance de courte durée restait considérablement en deçà de la valeur sur laquelle se basaient les VLInst. Les VLInst figurant à l'annexe 2, ch. 11, al. 1 ORNI devaient être respectées, la durée d'appréciation étant de six minutes. Lorsque des pics de puissance se produisaient, la limitation de puissance automatiques diminuait la puissance émise de sorte que, en exploitation, la puissance émise moyenne sur une durée de six minutes n'excédait pas la puissance émise corrigée. Ainsi, au cours des périodes où la limitation de puissance automatique était activée, cette dernière permettait de garantir que l'exposition d'un LUS précis ne dépassait pas un dixième de la VLInst.

Le Tribunal fédéral avait retenu que le Conseil fédéral, en fixant des VLInst, avait créé une marge de sécurité par rapport aux dangers avérés pour la santé.

18.         Le détail des écritures et des pièces produites seront repris dans la partie "En droit" en tant que de besoin.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la LCI (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 LPA.

3.             Pour qu’un recours soit recevable, encore faut-il que son auteur ait la qualité pour recourir.

4.             Selon les art. 34 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) et 145 al. 2 LCI, la commune du lieu de situation peut recourir contre les décisions du département du territoire. Cette dernière dispose de cette qualité du seul fait que la construction ou l’installation projetée se trouve sur son territoire (ATA/1104/2020 du 3 novembre 2020 consid. 1 et les références citées).

5.             Dans la mesure où l’installation litigieuse se situe en Ville de Genève, cette dernière doit se voir conférer la qualité pour recourir.

6.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

7.             Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ;
140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

8.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

9.             Les arguments formulés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives ainsi que le contenu des pièces versées aux dossiers seront repris et discutés dans la mesure utile (arrêts du Tribunal fédéral 1C_72/2017 du 14 septembre 2017 consid. 4.1 ; 1D_2/2017 du 22 mars 2017 consid. 5.1 et les arrêts cités).

10.         La recourante allègue essentiellement une violation du principe de précaution, que l'ORNI ne respecterait pas. S'agissant des installations d'antennes adaptatives, elle prétend en particulier que leur puissance d'émission pourrait être dépassée sans que cette puissance ne soit limitée. Ses arguments reviennent à critiquer le système global d'implantation d'une telle installation, ce qui justifie de les examiner en même temps.

11.         Le développement du réseau de téléphonie mobile 5G s’inscrit dans un climat de tension entre intérêts publics contradictoires : d’un côté, la mise à disposition de la population d’un réseau mobile performant, et de l’autre, la protection de la santé de la population contre les rayonnements non ionisants (Joel DRITTENBASS, Risk-Based Approach als Konkretisierungsvariante des umweltschutzrechtlichen Vorsorgeprinzips : Angewendet am neuen 5G-Mobilfunkstandard, DEP 2021, p. 134 ss, p. 139 s.).

12.         Selon l’art. 14 let. a LPE, les VLI doivent être fixées de telle manière que des immissions inférieures à ces valeurs ne mettent pas en danger l’homme, les animaux et les plantes, leurs communautés biotiques et leurs habitats selon l’état de la science ou l’expérience. Bien que la disposition précitée se réfère à la pollution atmosphérique, elle s’applique également en règle générale à d’autres immissions, notamment celles causées par les rayonnements non ionisants (ATF 146 II 17 consid. 6.5 ; 126 II 399 consid. 4b ; 124 II 219 consid. 7a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_579/2017 du 18 juillet 2018 consid. 5.5 ; 1C_450/2010 du 12 avril 2011 consid. 3.3).

13.         L’ORNI, édictée pour protéger les personnes contre les rayonnements non ionisants nocifs ou gênants provenant de l’exploitation d’installations fixes (art. 1 ORNI), règle les limites d’émission ainsi que les limites d’immission pour les émetteurs de radiocommunication mobile et les raccordements d’abonnés sans fil (cf. art. 2 al. 1 let. a, et annexe 1 ch. 6, ainsi que l’annexe 2 de l’ORNI ; ATF 138 II 173 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_97/2018 du 3 septembre 2019 consid. 3.1). Pour se protéger contre les effets thermiques scientifiquement fondés du rayonnement des installations de radiocommunication mobile, l’ORNI prévoit des VLI qui doivent être respectées partout où des personnes peuvent être présentes (art. 13 al. 1 et annexe 2 ORNI ; ATF 126 II 399 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_627/2019 du 6 octobre 2020 consid. 3.1).

14.         En outre, le Conseil fédéral a fixé des VLInst pour concrétiser le principe de précaution en vertu de l’art. 11 al. 2 LPE (art. 4 al. 1 ainsi que l’annexe 1 ch. 64 ORNI). Les VLInst ne sont pas directement liées à des dangers avérés pour la santé, mais ont été fixées en fonction de la faisabilité technique et opérationnelle ainsi que de la viabilité économique afin de minimiser le risque d’effets nocifs, dont certains ne sont que soupçonnés et pas encore prévisibles (ATF 126 II 399 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_627/2019 du 6 octobre 2020 consid. 3.1). Avec les VLInst, le Conseil fédéral a créé une marge de sécurité par rapport aux dangers avérés pour la santé (ATF 128 II 378 consid. 6.2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_627/2019 du 6 octobre 2020 consid. 3.1 ; 1C_576/2016 du 27 octobre 2017 consid. 3.5.1). Dans les LUS, les installations de radiocommunication mobile doivent toujours respecter la VLInst d’une installation donnée (art. 3, 4 al. 1, 6 et annexe 1 ch. 65 ORNI ; ATF 128 II 378 consid. 6.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_627/2019 du 6 octobre 2020 consid. 3.1).

15.         L’annexe 1 ch. 64 ORNI prévoit que la VLInst à respecter est de 4 V/m pour les installations qui émettent exclusivement dans la gamme de fréquence autour de 900 MHz ou dans des gammes de fréquence plus basses (let. a), 6 V/m pour les installations qui émettent exclusivement dans la gamme de fréquence autour de 1800 MHz ou dans des gammes de fréquence plus élevées (let. b) et de 5 V/m pour toutes les autres installations (let. c).

16.         Ainsi, les VLI et VLInst de l’ORNI sont principalement adaptées à la protection de l’homme (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_579/2017 du 18 juillet 2018 consid. 5.4 ; 1C_254/2017 du 5 janvier 2018 consid. 9.2 ; 1C_450/2010 du 12 avril 2011 consid. 3.2). La doctrine a au surplus relevé que les valeurs limites prévues dans l’ORNI était dix fois plus strictes que celles recommandées par la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (Joel DRITTENBASS, op. cit., p. 138).

17.         Les valeurs limites spécifiées dans l’ORNI pour la protection contre les rayonnements non ionisants sont fondées sur des résultats scientifiquement étayés concernant les risques pour la santé liés aux antennes de radiotéléphonie mobile. Le Conseil fédéral ou son autorité spécialisée, l’OFEV, suit en permanence l’évolution de la science avec un groupe consultatif d’experts (BERENIS) et doit, si nécessaire, adapter les valeurs limites à l’état de la science ou de l’expérience (art. 11 al. 2 LPE ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_518/2018 du 14 avril 2020 consid. 5.1.1 ; 1C_348/2017 du 21 février 2018 consid. 4 ; 1C_118/2010 du 20 octobre 2010 consid. 4.2.3). Cela étant, vu la marge de manœuvre dont dispose le Conseil fédéral s’agissant de l’établissement des valeurs limites, seuls de solides éléments démontrant de nouvelles connaissances fondées scientifiquement justifient de les remettre en cause (arrêts du Tribunal fédéral 1C_518/2018 du 14 avril 2020 consid. 5.1.1 ; 1C_323/2017 du 15 janvier 2018 consid. 2.5). À cet égard, le Tribunal fédéral a encore récemment confirmé qu’en l’état des connaissances actuelles, il n’existait pas d’indices en vertu desquels ces valeurs limites devraient être modifiées (arrêts 1C_518/2018 du 14 avril 2020 consid. 5.1.1 ; 1C_348/2017 du 21 février 2018 consid. 4.3; 1C_323/2017 du 15 janvier 2018 consid. 2.5). La doctrine relève également que si des incertitudes scientifiques existent, le volume des études scientifiques permettant d’apprécier les effets des antennes de téléphonie mobile sur le corps humain a fortement augmenté et leurs conclusions emportent le constat qu’aucun effet du rayonnement de la téléphonie mobile sur la santé n’a pu être prouvé de manière cohérente en dessous des valeurs limites de l’ORNI (Martin RÖÖSLI, Gesundheitsgefährdungsabschätzung: Auswirkungen von nicht-ionisierender Strahlung auf den Menschen, DEP 2021, p. 117-133, p. 127 ss). Sans indice concret indiquant que ces valeurs limites devraient être modifiées, le Tribunal fédéral a jugé, à diverses reprises, que les valeurs limites fixées dans l’ORNI étaient conformes à la Constitution et à la loi (cf. arrêts 1C_375/2020 du 5 mai 2021 consid. 3.2.5 ; 1C_518/2018 du 14 avril 2020 consid. 5.1.1 ; 1C_348/2017 du 21 février 2018 consid. 4.3 ; 1C_323/ 2017 du 15 janvier 2018 consid. 2.5). Le Tribunal fédéral en a tiré qu’il existe une présomption de respect du principe de prévention si les valeurs limites prévues par l’ORNI sont respectées (arrêt 1C_518/2018 du 14 avril 2020 consid. 5.3).

18.         Selon le rapport de novembre 2019 du groupe de travail « Téléphonie et rayonnement » mandaté par le DETEC, qui prend en considération les rapports d'évaluation publiés depuis 2014, aucun effet sanitaire n'a été prouvé de manière cohérente en dessous des valeurs limite fixées dans l'ORNI pour les fréquences de téléphonie mobile utilisées actuellement. Le groupe de travail a constaté que les éléments de preuves demeuraient insuffisants (DETEC, Rapport « Téléphonie mobile et rayonnement » du 18 novembre 2019, p. 8-9).

Il en découle qu'en l'état actuel des connaissances scientifiques, il n'est pas possible d'invoquer le principe de prévention pour s'opposer à la technologie 5G, dès lors que les valeurs limite prévues par l'ORNI sont concrètement respectées (ATA/415/2022 du 26 avril 2022 consid. 6).

19.         Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l’homme a en particulier confirmé, sous l’angle de l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), que tant que la nocivité des antennes pour la population n’était pas prouvée scientifiquement, elle restait dans une large mesure spéculative, de sorte qu’on ne pouvait imposer à la Confédération l’obligation d’adopter des mesures plus amples (ACEDH, Luginbühl c. Suisse du 17 janvier 2006 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_518/2018 du 14 avril 2020 consid. 5.1.1).

20.         De surcroît, le 24 mai 2022, l’OFEV a publié un rapport fédéral relatif aux mesures d’exposition aux rayonnements non ionisants occasionnés par les antennes 5G (Mesures d’exposition aux rayonnements non ionisants, Rapport annuel 2021, Consortium de projet SwissNIS ; ci-après : le rapport annuel 2021 sur la 5G). Ce rapport décrit, d’une part, le concept de base et le mode de collecte des données et présente, d’autre part, les premiers résultats des mesures effectuées. Il en ressort que les valeurs mesurées sont nettement inférieures aux valeurs limites, déterminantes en ce qui concerne les effets sur la santé (p. 58).

21.         Dans le domaine du rayonnement non ionisant, la limitation dite préventive - qui doit être ordonnée en premier lieu, indépendamment des nuisances existantes - est reprise à l’art. 4 al. 1 ORNI. Cette limitation fait l’objet d’une réglementation détaillée à l’annexe 1 de l’ORNI (par renvoi de l’art. 4 al. 1 ORNI), laquelle fixe notamment, pour les stations émettrices pour téléphonie mobile et raccordements téléphoniques sans fils (ch. 6 annexe 1 ORNI), les VLInst mentionnées plus haut (ch. 64 annexe 1 ORNI).

22.         Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l’étendue de la limitation préventive des émissions selon l’art. 4 al. 1 ORNI est déterminée de manière exhaustive avec l’édiction des VLInst , raison pour laquelle les autorités appliquant la loi ne peuvent pas exiger une limitation supplémentaire dans des cas individuels sur la base de l’art. 12 al. 2 LPE (ATF 133 II 64 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1A_251/2002 du 24 octobre 2003 consid. 4 ; 1A.10/2001 du 8 avril 2002 consid. 2.2 ; Joel DRITTENBASS, op. cit., p. 141-142).

23.         Au sens de l’art. 12 al. 2 ORNI, pour vérifier si la VLInst, au sens de l’annexe 1, n’est pas dépassée, l’autorité procède ou fait procéder à des mesures ou à des calculs, ou se base sur des données provenant de tiers. L’OFEV recommande des méthodes de mesure et de calcul appropriées.

24.         Sur cette base, l’OFEV a publié le 23 février 2021 un document intitulé « Explications concernant les antennes adaptatives et leur évaluation selon l’ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant (ORNI) »
(ci-après: explications OFEV). Il y est expressément indiqué (p. 3) que l’ORNI s’applique aussi bien à la technologie de téléphonie mobile de type 2G (GSM), 3G (UMTS), 4G (LTE) ou 5G (New Radio).

Au sujet de la limitation automatique de la puissance des installations adaptatives, il y est précisé qu'il s'agit d'une application logicielle implémentée sur l’antenne qui détecte en permanence la puissance totale de l’antenne adaptative émise dans un secteur radio. Si, sur de courtes périodes, des pics de puissance supérieurs à la puissance d’émission se produisent, la puissance est réduite de telle sorte que la puissance émettrice moyenne sur une période de six minutes ne dépasse pas la puissance d’émission déclarée. S’il est prévisible que cette moyenne puisse dépasser la puissance autorisée, la puissance est réduite de telle sorte que la valeur moyenne reste sûrement en dessous du seuil spécifié. Les pics de puissance de courte durée peuvent atteindre au maximum une valeur ERPmax,n correspondant à la puissance d’émission autorisée ERPn multipliée par la réciproque du facteur de correction. Avec un facteur de correction de 0,1, la valeur de pointe de la puissance émettrice peut être au maximum dix fois supérieure à la valeur déclarée.

25.         Également le 23 février 2021, l’OFEV a publié un complément à la recommandation d’exécution de l’ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant concernant les stations de base pour téléphonie mobile et raccordements sans fil (WLL) de 2002 (ci-après: le complément).

Avant la publication du complément, des antennes adaptatives avaient été autorisées sur la base du scénario du pire. Le complément définissait désormais comment les paramètres techniques des antennes adaptatives devaient être déclarés dans la fiche de données spécifique au site et comment leur contribution à l’intensité du champ électrique de l’installation de téléphonie mobile devait être calculée. Il indiquait en outre comment les antennes adaptatives devaient être contrôlées dans les systèmes d’assurance de la qualité utilisés par les opérateurs (complément, p. 6).

Il y était aussi précisé que conformément à l’annexe 1 ch. 63 de l’ORNI révisée, le mode d’exploitation déterminant pour les antennes adaptatives correspondait également au mode d’exploitation dans lequel un maximum de conversations et de données était transféré, l’émetteur étant au maximum de sa puissance. En raison des propriétés spécifiques des antennes adaptatives, la variabilité des directions d’émission et des diagrammes d’antenne devait également être prise en considération. Concrètement, il fallait aussi tenir compte du fait que les antennes adaptatives ne pouvaient pas émettre en même temps à la puissance d’émission maximale possible dans toutes les directions, ce qui correspondait au scénario du pire. Dans la réalité, la puissance d’émission était répartie pour les signaux qui étaient émis dans différentes directions. En outre, conformément à
l’annexe 1 ch. 64 ORNI, dans un LUS, la preuve par calcul du respect de la VLInst était fournie comme auparavant au moyen de la fiche complémentaire 4a de la fiche de données spécifique au site (complément, p. 7 ss).

26.         Une nouvelle installation de radiocommunications mobiles et son exploitation ne pouvaient être approuvées que si, sur la base d’une prévision mathématique, il était assuré que les valeurs limites fixées par l’ORNI pouvaient probablement être respectées (art. 4 ss ORNI). La base de ce calcul était la fiche de données spécifique au site que devait remettre le propriétaire de l’installation projetée (art. 11 al. 1 ORNI). Celle-ci devait contenir les données techniques et opérationnelles actuelles et prévues de l’installation, dans la mesure où celles-ci étaient déterminantes pour l’émission de rayonnements (art. 11 al. 2 let. a ORNI). Cela incluait notamment la puissance ERP (art. 3 al. 9 ORNI), y compris la direction du faisceau principal des antennes, et si l’antenne fonctionnait en mode adaptatif ou non. Les données correspondantes servaient de bases pour le permis de construire et étaient contraignantes pour l’opérateur ; toute augmentation de l’ERP au-delà de la valeur maximale autorisée et toute direction de transmission au-delà du domaine angulaire autorisé était considérée comme un changement de l’installation, ayant pour conséquence qu’une nouvelle fiche de données spécifique au site devait être présentée (annexe 1 ch. 62 al. 5 let. d et e ORNI ; ATF 128 II 378 [arrêt 1A.264/2000 du 24 septembre 2002] consid. 8.1, non publié). La fiche de données du site devait également contenir des informations sur le lieu accessible où ce rayonnement était le plus fort, sur les trois LUS où ce rayonnement était le plus fort, et sur tous les LUS où la valeur limite de l’installation au sens de l’annexe 1 était dépassée (art. 11 al. 2 let. c ORNI).

27.         Il était vrai que la prévision calculée qui devait être faite sur la base de ces informations était sujette à certaines incertitudes, car elle prenait en compte les principaux facteurs d’influence mais ne tenait pas compte de toutes les subtilités de la propagation du rayonnement. Cependant, le Tribunal fédéral avait précisé que dans ce calcul, l’incertitude de mesure ne devait être ni ajoutée ni déduite. Seuls les valeurs mesurées devaient être prises en compte (arrêts du Tribunal fédéral 1C_653/2013 du 12 août 2014 consid. 3.4; 1C_132/2007 du 30 janvier 2008 consid. 4.4-4.6 in RDAF 2009 I 536). En effet, c’était pour prendre en compte cette incertitude que des mesures de réception devaient être effectuées après la mise en service de l’installation si, selon la prévision calculée, 80 % de la valeur limite de l’installation était atteinte à un LUS (complément recommandation OFEV, ch. 2.1.8 ; Benjamin WITTWER, Bewilligung von Mobilfunkanlagen, 2e éd., 2008, p. 61 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.148/2002 du 12 août 2003 consid. 4.3.1 s.). Si, sur la base de ces mesures, il s’avérait que la VLInst était dépassée lors du fonctionnement, la puissance d’émission maximale admissible devait être redéfinie et le respect des valeurs prescrites devait être démontré par des mesures supplémentaires (arrêt du tribunal fédéral 1C_681/2017 du 1er décembre 2019 consid. 4.5). De surcroît, le risque d’un pronostic erroné était supporté par le maître d’ouvrage dans la mesure où il pouvait encore être amené à prendre des mesures pour assurer le respect des valeurs limites ultérieurement, c’est-à-dire après la mise en service de l’installation (ATF 130 II 32 consid. 2.4).

28.         De surcroît, il sied d’ajouter qu’au printemps 2005, le Tribunal fédéral avait estimé qu’il fallait mieux contrôler l’exploitation des antennes de téléphonie mobile, afin de garantir en particulier que les puissances émettrices et les directions d’émission autorisées soient respectées. Sur cette base, l’OFEV a mis en place un système d’assurance qualité prévoyant que pour chaque antenne, les valeurs correspondant à la direction et à la puissance émettrice maximale sont enregistrées dans une banque de données et comparées quotidiennement aux valeurs autorisées. Ce système est examiné périodiquement et certifié par un organe indépendant. B______ a mis en place un tel système de sécurité, dont les nouveaux paramètres relatifs aux antennes adaptatives ont été validé par l’OFCOM le 23 juin 2021.

29.         Le Tribunal fédéral a reconnu le système d’assurance qualité comme un instrument de contrôle performant et n’a pas considéré nécessaire de recourir à un contrôle par des mesures de construction (arrêt 1C_282/2008 du 7 avril 2009 consid. 3.5).

30.         Les valeurs limites sont fixées par le Conseil fédéral conformément aux critères de l’art. 11 al. 2 LPE que sont l’état de la technique, les conditions d’exploitation ainsi que le caractère économiquement supportable, sans référence directe aux dangers pour la santé prouvés ou supposés, avec toutefois la prise en compte d’une marge de sécurité (arrêt 1A.134/2003 du 5 avril 2004 consid. 3.2, in DEP 2004 p. 228).

31.         Dans sa jurisprudence récente, le Tribunal fédéral a nié une violation du principe de précaution au sens du droit de l’environnement, relevant que les prévisions du rayonnement établies de manière arithmétique n’étaient pas critiquables et que tant la méthode de mesure recommandée par la Confédération que le système d’assurance de la qualité s’avéraient appropriés (arrêts 1C_100/2021 du 14 février 2023 ; 1C_153/2022 du 11 avril 2023).

32.         Enfin, selon une jurisprudence bien établie, le tribunal de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/332/2022 du 29 mars 2022 consid. 4b ; ATA/1098/2019 du 25 juin 2019 consid. 2e).

33.         En l’espèce, d’après la fiche de données spécifique au site du 7 janvier 2022, la VLInst à respecter est celle prévue à l’art. 3 al. 3 let. c ORNI, soit 5 V/m, ce que ne conteste au demeurant pas la recourante. S’agissant du rayonnement dans les LUS les plus chargés, ils présentent tous une intensité de champ électrique inférieure à cette VLInst fixée à 5.0 V/m. Ces mesures ont été vérifiées par le SABRA, autorité spécialisée compétente, sans que celui-ci n’ait mis en doute leur véracité. En l’absence d’éléments indiquant le contraire, il n’y a pas lieu pour le tribunal de céans de les remettre en cause, étant rappelé que, conformément à la jurisprudence mentionnée ci-dessus, il appartient au tribunal d’observer une certaine retenue afin d’éviter de substituer sa propre appréciation à celle des instances spécialisées lorsque l’autorité inférieure a suivi l’avis de celles-ci, ce qui est le cas en l’espèce, étant en outre rappelé que l’ensemble des autres instances spécialisées consultées se sont également prononcées favorablement.

Globalement, la procédure suivie par le département n’est pas critiquable. Le permis de construire garantit le respect des valeurs limites pertinentes, notamment par le biais des conditions associées comprises dans le préavis du SABRA, soit des mesurages par l’exploitant de l’installation lors de la réception et l’intégration des antennes de l’installation dans son système d'assurance qualité afin de permettre de surveiller les données d’exploitation. C’est précisément le mécanisme de contrôle rétrospectif qui garantit que les calculs effectués à l’avance pourront être corrigés si nécessaire et au cas où la réalité ultérieure ne correspondrait pas aux hypothèses prévues. Il sied à cet égard de préciser que la jurisprudence du Tribunal fédéral est claire. La limitation préventive des émissions prévues par l’ORNI est déterminée de manière exhaustive avec l’édiction des VLInst, sans que le département ne puisse exiger une limitation supplémentaire dans un cas individuel.

Ainsi, en octroyant l’autorisation de construire sur la base de la prévision que l’installation respecterait les VLInst , moyennant les réserves émises dans le préavis du SABRA, la décision du département est conforme au droit fédéral.

L’allégation de la recourante selon laquelle la puissance maximale à laquelle les antennes adaptatives concernées pourraient émettre serait inconnue dans la mesure où elle ne serait pas limitée, ne saurait conduire à une autre conclusion. Il est certes possible que la puissance d'émission maximum puisse être dépassée sur une très courte période, le système mis en place par l'ORNI réduit toutefois le risque d'atteinte, au vu du facteur de correction et de la limitation automatique de la puissance. Par ailleurs, dans les LUS, les installations doivent toujours respecter la VLInst. Il ressort des développements qui précèdent que les valeurs fixées par les dispositions légales et réglementaires applicables, dont le bien-fondé a été confirmé par la jurisprudence fédérale, sont remplies dans le cas d'espèce. S’agissant des études citées par la recourante, elles ne permettent pas de remettre en cause l'autorisation délivrée, dans la mesure où, conformément à la jurisprudence exposée ci-dessus, le Tribunal fédéral a considéré qu’il n’existait, en l’état, pas d’indices suffisants permettant de retenir que l’utilisation d’antennes adaptatives conformément au cadre légal et réglementaire en vigueur présenterait un risque pour la santé.

Quant aux inquiétudes de la recourante au sujet des effets des antennes 5G sur le corps humain, plus spécifiquement sur les enfants et adolescents fréquentant la crèche, l'école primaire et le cycle d'orientation se situant à proximité de l'installation, elle entend en substance démontrer que les ondes électromagnétiques induites par les antennes téléphoniques litigieuses présentent un risque pour la santé. Or, il est constant que le corps humain est sensible aux champs électromagnétiques, la question étant de savoir quelle intensité d’exposition peut être jugée acceptable, notamment pour les enfants. Par conséquent, les généralités sur les effets des champs électromagnétiques induits par les antennes de téléphonie mobile - aussi pertinentes soient-elles - n’apportent rien au débat sur la valeur probante - même relative - des nombreuses études scientifiques menées jusqu’ici et ne délégitiment pas les valeurs limites fixées par l’ordonnance, ce d’autant plus que les valeurs mesurées sont inférieures aux valeurs limites, déterminantes en ce qui concerne les effets sur la santé.

34.         Les griefs sont ainsi écartés.

35.         Mal fondé, le recours sera rejeté.

36.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 900.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

37.         N’ayant pas fait appel à un mandataire externe, aucune indemnité de procédure ne sera allouée à B______ (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 15 août 2023 par A______ contre la décision du département du territoire du ______ 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Gwénaëlle GATTONI, présidente, Patrick BLASER et Saskia RICHARDET VOLPI, juges assesseurs

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier