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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2757/2023

JTAPI/247/2024 du 20.03.2024 ( DOMPU ) , REJETE

Descripteurs : AMENDE;QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;INTÉRÊT ACTUEL;RÉPLIQUE;LEX MITIOR
Normes : LGD.12.al4; LGD.43.al1; RGD.17; LPA.60.al1.letb; LGD.23.al7
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2757/2023 DOMPU

JTAPI/247/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 20 mars 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Agence B______, avec élection de domicile

 

contre

VILLE DE GENEVE - SERVICE DE LA POLICE MUNICIPALE

 


EN FAIT

1.             Par décision du 4 octobre 2022, la Ville de Genève (ci-après : la ville), soit pour elle le service de la police municipale, a infligé à B______ une amende de CHF 400.- pour « conteneur-s non rentrés après la collecte », infraction réalisée le 1er septembre 2022, à 17h11, au ______[GE].

2.             Par acte du 14 octobre 2022, B______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à ce qu'elle soit déclarée nulle, subsidiairement à son annulation.

L'amende ne mentionnait pas à quelle heure la collecte avait été effectuée, ce qui empêchait matériellement de la contester. Elle contrevenait au principe nulla pene sine lege. La sanction pénale ne pouvait reposer que sur une loi formelle émanant du pouvoir législatif. Or, le comportement reproché reposait sur un règlement de l'organe exécutif de la ville de Genève. La loi sur la gestion des déchets du 20 mai 1999 (LGD - L 1 20) ne prévoyait rien concernant le rangement des conteneurs après la collecte. Quant au règlement d'application de la loi sur la gestion des déchets du 28 juillet 1999 (RGD - L 1 20.01), il n'imposait pas de ranger les conteneurs immédiatement après la collecte. Dès lors, l'obligation de ranger les conteneurs immédiatement après la collecte ne reposait sur aucune base légale suffisante. Enfin, B______ n'était pas propriétaire de l'immeuble concerné, de sorte qu'aucune obligation en lien avec les conteneurs dudit immeuble ne pouvait lui être imposée.

Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/1______.

Le 12 décembre 2022, la ville a annulé l’amende litigieuse et a annoncé qu’elle en adresserait une nouvelle à la concierge de l’immeuble.

3.             Le 30 novembre 2022, le règlement sur la gestion des déchets de la ville, adopté par le Conseil administratif le 18 décembre 2019 (LC - 21 911), a été abrogé (ci-après : ancien règlement). Sa nouvelle version (ci-après : règlement LC 21 911) est entrée en vigueur le 1er janvier 2023.

4.             Le 12 janvier 2023, B______ a demandé au tribunal de statuer sur la nullité de l'amende pour cause d'illicéité. Seule la conclusion subsidiaire en annulation était satisfaisante, la conclusion principale en nullité de l'amende n'avait pas été admise par la ville. Elle avait un intérêt digne de protection à ce que la ville s'abstienne de notifier des amendes que le tribunal pourrait qualifier d'illégales. La ville avait reporté l'amende sur la concierge de l'immeuble, employée du propriétaire. Étant chargée de satisfaire à toutes les obligations de l'employeur, le paiement de l'amende pouvait se reporter sur elle.

5.             Dans ses observations du 3 février 2023, la ville a pris acte que la conclusion subsidiaire de B______ en annulation de l'amende était satisfaisante. Elle s'en rapportait à justice s'agissant de l'intérêt actuel au maintien du recours. Le grief de la nullité de l'amende devait être écarté. La ville était parfaitement habilitée à réglementer et sanctionner l'infraction querellée. L'art. 12 al. 4 LGD qui traitait de la collecte des déchets, prévoyait que les communes pouvaient édicter des règlements particuliers. L'art. 43 al. 1 let. c LGD prévoyait que tout contrevenant aux ordres donnés par l'autorité compétente dans les limites de la présente loi et des règlements édictés en vertu de celle-ci était passible d'une amende de CHF 200.- à CHF 400'000.-. L'art. 17 RGD prévoyait que les communes pouvaient édicter des règlements communaux sur le bon fonctionnement de leurs infrastructures de collecte et sur la gestion des déchets ménager ainsi que les sanctions prévues par la loi (al. 2). C'était donc dans le respect des compétences attribuées par le législateur cantonal que la ville avait adopté l’ancien règlement, lequel prévoyait à son art. 21 al. 7, qu'immédiatement après la collecte, les conteneurs devaient être rangés dans l'immeuble ou aux emplacements prévus. L'ancien règlement faisait plusieurs fois référence aux propriétaires d'immeuble ou leurs mandataires s'agissant des obligations qui leur incombaient. Si la gestion d'un immeuble était déléguée par les propriétaires à un mandataire spécialisé, celui-ci répondait des prescriptions applicables à la gestion des immeubles, à charge pour lui de choisir son personnel de conciergerie, de l'instruire et de le surveiller.

6.             B______ a répliqué le 10 février 2023, persistant dans sa conclusion en nullité de l’amende. L'art. 12 al. 4 LGD ne permettait pas de comprendre que cette disposition autorisait les communes d'imposer des obligations aux particuliers. La ville n'expliquait pas en quoi l'art. 43 LGD était une base légale pour amender les régies et les concierges lorsqu'ils ne rentraient pas immédiatement les containers. Le parlement cantonal s'était manifestement rendu compte de l'insuffisance de densité normative de la LGD puisqu'il avait édicté une nouvelle loi, non entrée en vigueur, qui imposait aux communes d'établir une liste des amendes administratives qu'elles prévoyaient. À titre subsidiaire, elle invoquait l'absence de densité normative du règlement communal.

7.             Par jugement JTAPI/2______ du 15 mai 2023, le tribunal a constaté que le recours A/1______ était devenu sans objet et a rayé la cause du rôle.

La ville avait annulé l'amende litigeuse durant la procédure par-devant le tribunal. L'intérêt actuel de B______ avait ainsi disparu et il n’y avait pas un intérêt public suffisamment important à la résolution du litige justifiant d’entrer en matière sur le recours. En effet, il existait, prima facie, une base légale suffisante pour amender les personnes physiques ou morales lorsqu'elles ne retiraient pas leurs conteneurs de la voie publique après la collecte. Les dispositions en vertu desquelles B______ avait été condamnée à une amende se trouvaient dans un règlement communal, accessible au public, et adopté en vertu d'une délégation valable du parlement cantonal (art. 12 al. 4 et 43 al. 1 let. b LGD). Les normes de délégation visaient notamment l'organisation de la collecte des déchets ménagers et les sanctions idoines. Le règlement litigieux, adopté par l'organe exécutif, n'excédait ainsi pas le cadre tracé par la loi. S’agissant de la densité normative, elle n’était a priori pas critiquable. Le règlement litigieux apparaissait prévisible quant aux effets qu'il déployait. À sa lecture, l'administré pouvait savoir, au besoin en consultant une femme ou un homme de loi, quels comportements étaient susceptibles d'entraîner les sanctions prévues. Il paraissait ainsi constituer un fondement suffisant pour prononcer une amende administrative. La situation juridique des particuliers n'était pas spécialement touchée et ne constituait pas une grave atteinte à leurs droits fondamentaux. Par ailleurs, leurs droits procéduraux étaient pleinement garantis dans la procédure de recours. Enfin, en tant que régie immobilière et représentante des propriétaires d'immeuble, B______ pouvait être qualifiée de contrevenante au sens de la législation et des règlements cantonaux et communaux précités et pouvait, à ce titre, se voir infliger des amendes administratives. À charge pour elle de les reporter sur ses mandants, s'il y avait lieu.

8.             Par décision du 30 juin 2023, la ville, soit pour elle, le service de la police municipale, a infligé à Madame A______, concierge de l’immeuble considéré, une amende de CHF 200.- « pour conteneur-s non rentrés après la collecte », le 1er septembre 2022 à 17h11, à l’adresse susmentionnée.

Il était fait référence aux art. 1 ss, notamment art. 10, 12, 43 et 44 LGD, 1, 5 et 17 RGD et 23 al. 7 et 31 du règlement LC 21 911.

9.             Par acte du 30 août 2023, Mme A______ (ci-après : la recourante), représentée par B______ SA, a recouru contre cette décision auprès du tribunal, concluant à sa nullité, subsidiairement à son annulation.

La recourante a repris en substance les arguments développés par B______ à l’appui du recours interjeté et de la réplique présentée, dans le cadre de la procédure A/1______, précisant qu’elle répliquait déjà afin d’anticiper une réponse identique à celle apportée par la ville dans le cadre de cette procédure. Elle a également ajouté qu’elle était employée en qualité de concierge par la propriétaire de l’immeuble. À ce titre, elle était occupée à un taux de 15% et percevait un salaire mensuel brut de CHF 850.-, étant relevé que les instructions lui étaient données par B______ qui gérait l’immeuble et sa conciergerie.

Sous l’angle de la densité normative du règlement communal, la ville, citant l’art. 21 al. 6 ancien règlement, avait soutenu que lorsque le règlement communal visait les propriétaires, il visait également leurs mandataires. Or, l’art. 21 al. 5 de ce règlement mentionnait expressément que les propriétaires ou les mandataires étaient visés, contrairement aux alinéas 6 et 7 de cette disposition dans lesquels le terme « mandataire » n’apparaissait pas. Une interprétation littérale du texte indiquait que cette suppression était voulue, si bien que les mandataires n’étaient pas soumis aux heures de déplacement des containers dont le respect n’incombait qu’aux propriétaires.

En outre, les considérations sur les liens de responsabilité entre le mandataire, soit la régie, et l'auxiliaire, soit le concierge, tombaient à faux. Non seulement elles relevaient du droit civil, mais elles partaient également du principe que le concierge était l'employé de la régie, alors que le contrat de travail était toujours conclu par le propriétaire. Ainsi, si la régie changeait, le concierge demeurait et en cas de vente de l’immeuble, le contrat de travail du concierge était repris par le nouveau propriétaire (art. 333 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse CO, Code des obligations - RS 220). De plus, les règles de responsabilité civile applicables à l'auxiliaire (employé, mandataire, entrepreneur) tendaient à faire peser la responsabilité sur le commanditaire de l'auxiliaire, contrairement à la ville qui les utilisait pour responsabiliser l'auxiliaire.

L'art. 31 ancien règlement qui reprenait le libellé de la loi, laquelle souffrait déjà d’une absence de clarté et de précision, ne remplissait pas non plus les conditions de la densité normative nécessaire pour infliger des sanctions de nature pénale. Il en allait de même s’agissant de la quotité de l’amende qui correspondait, en l’occurrence, au quart du salaire de la recourante, ce qui était manifestement disproportionné. Enfin, si la recourante tombait malade et ne trouvait personne pour la remplacer, elle se verrait amendé, en application de ce règlement, au motif que les containers seraient restés quelques heures à l’emplacement prévu qui était sans danger. La ville avait ainsi abusé de son autorité pour infliger des amendes qui ne trouvaient aucun fondement dans la loi. Elles étaient illicites et devaient être déclarées nulles.

10.         Dans ses observations du 26 octobre 2023, la ville a persisté dans les termes de sa décision et a conclu au rejet du recours.

La recourante s’était acquittée de l’amende litigieuse le 2 octobre 2023, soit après le dépôt de son recours, sans émettre une quelconque réserve, si bien que son recours était devenu sans objet. En outre, les conditions posées par la jurisprudence pour l'admission d'une exception à l'exigence de l'intérêt actuel au recours n’étaient manifestement pas remplies.

Si le tribunal ne devait pas partager cette analyse, il y aurait alors lieu, sur la base notamment des considérants du JTAPI/2______ du ______ 2023, de retenir que le règlement, édicté en application de l'art. 12 al. 4 LGD, et plus précisément l’art. 21 al. 7 dans sa teneur au moment des faits (soit l’ancien règlement), constituait une base légale valable et suffisante pour appréhender le comportement reproché à la recourante. Cette disposition ne constituait manifestement pas une restriction grave à un droit fondamental, nécessitant une base légale formelle. De plus, elle s’adressait, à l’évidence, aux employés et autres auxiliaires des propriétaires et de leurs mandataires, dont les actes, de façon générale, leur étaient imputables. La position de la recourante selon laquelle seuls les propriétaires seraient tenus de respecter l’art. 21 al. 7 ancien règlement n’était pas défendable, étant précisé que ces derniers n’habitaient pas, dans la très grande majorité des cas, dans l’immeuble où ils ne se rendaient que sporadiquement.

Dans la mesure où la recourante avait enfreint le règlement, édicté en application de l'art. 12 al. 4 LGD, l'amende querellée reposait sur l'art. 43 al. 1 let. b LGD, soit une base légale formelle. L'art. 31 ancien règlement n'avait d’ailleurs pas de portée propre, et ne faisait que reprendre la teneur de l'art. 43 LGD.

Cela étant, une faute, à tout le moins sous la forme de la négligence était imputable à la recourante qui ne pouvait ignorer le contenu de son obligation ni le caractère répréhensible de son comportement, étant relevé qu’elle n’avait formulé aucune observation à cet égard. Enfin, le montant de l'amende ayant été fixé au minimum légal, il était conforme au principe de la proportionnalité.

La ville a notamment joint le constat d’infraction établi le 1er septembre 2022 à 17h11 à l’encontre de la recourante. Sur ce document, la case « Reconnaissance des faits » est cochée. Il est également indiqué, sous rubrique « commentaires » : « Prise de contact le 01/09/2022 à 1712. Conteneur appartenant à l’immeuble : ______[GE] ».

11.         Le 27 novembre 2023, la recourante a répliqué, sous la plume de son mandataire.

Le 19 septembre 2022 [recte : 2023], la ville l’avait mise en demeure de régler l’amende, dans un délai de huit jours, sous peine de poursuites. Or « B______ SA, en tant qu’employeur de la recourante », avait invité la recourante à ne pas payer cette amende. Cependant, intimidée par la menace de poursuites, elle s’en était tout de même acquittée, sans lui en parler. La ville considérait que ce paiement effectué sans réserve équivalait au retrait du recours. Or, malgré l’effet suspensif dont le recours était assorti, elle s’était autorisée à mettre la recourante en demeure, afin de l’intimider et d’obtenir le paiement de l’amende, dans le but d’invoquer ensuite l’absence d’intérêt au recours. Un tel procédé était inadmissible. En tout état, le recours déposé avant le paiement valait manifestement réserve quant au bien-fondé de l’amende et la recourante concluait au remboursement du montant de l’amende, amplifiant ainsi ses conclusions.

Cela étant, en décrivant le mécanisme de délégation sur lequel elle s’était appuyée pour justifier la légalité de l’amende litigieuse, la ville admettait l’absence de base légale formelle instituant l’infraction sur laquelle était basée cette amende. La ville n’avait avancé aucun argument s’agissant de l’objet du recours qui portait sur l'absence de densité normative suffisante de la loi et la position de la recourante qui soutenait que le règlement sortait du cadre matériel de la délégation, tel que défini par la loi.

Or, la loi cantonale mettait à charge des communes la collecte, le transport et l'élimination des déchets ménagers (art. 12 LGD) et l’obligation de définir l'infrastructure de collectes et fixer la fréquence des levées en fonction des besoins (art. 12 al. 2 LGD). Pour ces tâches ainsi définies, les communes pouvaient édicter des règlements particuliers (art. 12 al. 4 LCD). Concernant le présent litige, il s’agissait là des seules obligations que la loi imposait par délégation aux communes.

S'agissant des obligations et charges des particuliers, seul l'art. 17 LGD qui visait les déchets ménagers entrait en ligne de compte en l'espèce. L’alinéa 1 de cette disposition imposait aux propriétaires d'immeubles, à l'exclusion de tout autre particulier, l'obligation de mettre à disposition des occupants de leur immeuble les conteneurs nécessaires au tri et au dépôt des déchets, selon un modèle agréé par les communes et le département. Cet alinéa n'était toutefois d’aucune pertinence, dès lors qu'aucune obligation faite aux propriétaires n'avait été violée et que la recourante n'était pas propriétaire.

Selon l’art. 17 al. 2 LGD, le règlement (cantonal) fixait les modalités d'usage des conteneurs en fonction du tri et de la collecte sélective des déchets. La loi déléguait ainsi à l'administration cantonale de fixer les modalités d'usage des conteneurs pour tenir compte du tri et de la collecte sélective des déchets. S'agissant des modalités d'usage des conteneurs, la loi renvoyait au règlement, dont la lecture attentive permettait de déterminer que ce renvoi ne visait que les art. 18 et 19 RGD et seule l’application de l’art. 18 al. 4 RDG pouvait être envisagée. Cette disposition déterminait l’unique obligation que la loi formelle imposait aux particuliers s'agissant de l'usage des conteneurs au moment de la levée des déchets ménagers. Elle stipulait que, lors de la levée des déchets ménagers - seule exigence temporelle - les récipients devaient se trouver à un lieu accessible sans difficulté, sur le bord du trottoir devant l'immeuble ou à l'endroit fixé par la voirie communale.

La possibilité pour les communes d'édicter des règlements particuliers était mentionnée dans la section 1 relative aux « Obligations et charges des communes » et elle n’était pas prévue dans la section 2 « Obligations et charges des particuliers ». La seule compétence attribuée aux communes dans cette section 2 consistait à agréer le modèle de conteneur que devaient mettre à disposition les propriétaires d'immeubles. Il paraissait ainsi douteux, que le règlement communal permette d’imposer d’autres obligations aux particuliers autres. En effet, toute autre obligation faite aux particuliers s'agissant de l'usage des conteneurs ne pouvait être couverte par la loi formelle ni faire l'objet d'une amende au sens de l'article 43 LGD, lesdites amendes n'étant applicables qu'au règlement et prescription édictés en vertu de la LGD. Autant était-il admissible que le règlement communal fixe les heures auxquelles les conteneurs devaient être sortis sur la voie publique pour les mettre à disposition des véhicules de collecte, et ainsi assurer la présence des conteneurs au bord du trottoir devant l'immeuble ou l'endroit fixé par la voirie communale lors de la levée des déchets ménagers (art. 18 al. 4 RGD), autant on ne voyait pas la nécessité de ranger immédiatement les conteneurs après la collecte. La violation de cette obligation ne mettait en effet nullement en péril l'obligation faite aux communes de se charger de la collecte, du transport et de l'élimination des déchets. La présence des conteneurs sortis ne gênait d'ailleurs pas la ville qui ne s'imposait pas de collecter les déchets immédiatement après la sortie des conteneurs qui pouvait rester indéfiniment sortis avant la collecte sans qu'aucune sanction ne soit jamais applicable. Depuis le 1er janvier 2023, les conteneurs pouvaient d'ailleurs être sortis dès 19h le jour précédent la collecte, dont l’heure était très variable. On distinguait dès lors mal l’intérêt public protégé par la prétendue obligation de rentrer les conteneurs immédiatement après la collecte. Dans ces circonstances, c’était à juste titre que le canton n’avait pas voulu réglementer ni sanctionner le comportement que la ville érigeait en infraction, sans droit, par le biais d’un règlement.

12.         Dans sa duplique du 7 décembre 2023, la ville a persisté dans ses conclusions. Elle a également précisé que la mise en demeure adressée à la recourante le 19 septembre 2023 résultait d'une très malencontreuse erreur qu’elle regrettait, et en aucun cas de l’intention que lui prêtait la recourante. Cela étant, cette dernière, assistée d'un mandataire, ne pouvait ignorer que son recours avait effet suspensif et aurait pu se rendre compte, sans difficulté, que cette correspondance devait lui avoir été adressée par erreur, notamment par le biais d’un simple appel téléphonique à son mandataire ou à l'autorité intimée.

13.         Le règlement LC 21 911 a été abrogé et sa nouvelle version, adoptée le 25 janvier 2024 par le Conseil administratif, est entrée en vigueur le 1er février 2024 (ci-après : nouveau règlement).

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par la ville en application de la loi sur la gestion des déchets du 20 mai 1999 (LGD - L 1 20) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 50 LGD).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             La recevabilité du recours suppose encore que son auteur dispose de la qualité pour recourir.

4.             La qualité pour recourir est reconnue à toute personne atteinte par la décision attaquée et qui dispose d’un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (art. 60 al. 1 let. b LPA).

5.             Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l'annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid 1.3 Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd. 2018, n. 1367). L'existence d'un intérêt actuel s'apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; 136 II 101 consid. 1.1). Il peut toutefois être renoncé à l'exigence d'un tel intérêt, dans la mesure où cette condition ferait obstacle au contrôle de la légalité d'un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l'autorité de recours (ATF 139 I 206 consid. 1.1 ; ATA/220/2019 du 5 mars 2019 consid. 2).

La condition de l’intérêt actuel fait défaut en particulier lorsque, par exemple, la décision ou la loi est révoquée ou annulée en cours d’instance (ATF 111 Ib 182 consid. 2 ; 110 Ia 140 consid. 2 ; 104 Ia 487 consid. 2 ; ATA/124/2005 du 8 mars 2005 consid. 2), la décision attaquée a été exécutée et a sorti tous ses effets (ATF 125 I 394 consid. 4 ; 120 Ia 165 consid. 1a et les références citées ; ATA/328/2009 du 30 juin 2009 consid. 3), le recourant a payé sans émettre aucune réserve la somme d’argent fixée par la décision litigieuse (ATF 106 Ia 151 ; 99 V 78 ; ATA/1119/2023 du 10 octobre 2023 consid. 1.3).

6.             En l’espèce, il convient d'admettre que la recourante dispose d'un intérêt digne de protection à recourir contre la décision, quand bien même elle s’est acquittée de l’amende litigieuse, dès lors que la situation litigieuse pourrait encore se présenter. En effet, en tant que concierge de l’immeuble, elle pourrait être amendée une nouvelle fois dans des conditions identiques et la présente amende pourrait être considérée comme un antécédent (ATA/1372/2023 du 12 décembre 2023 consid. 2.2). Au demeurant, il ne peut être retenu que la recourante aurait réglé l’amende litigieuse, sans émettre la moindre réserve. La ville lui a adressé, par erreur, une mise en demeure, sous peine de poursuites et ce, alors que le recours était pendant. A lecture du dossier, il apparaît que la recourante ne s’est acquittée du montant de l’amende de CHF 200.- que pour ce seul motif et non car elle acceptait le principe de l'amende prononcée à son encontre.

7.             Le litige porte sur l'amende de CHF 200.- prononcée par la ville le 30 juin 2023 à l'encontre de la recourante. Au stade de sa réplique du 27 novembre 2023, cette dernière demande le remboursement de l'amende dont elle s'est déjà acquittée. Cette conclusion est irrecevable au regard des conditions formelles de l’art. 65 LPA, qui interdit l’amplification de conclusions ou la prise de nouvelles conclusions après le dépôt du recours (ATA/104/2014 du 18 février 2014; ATA/781/2013 du 12 novembre 2013; ATA/737/2013 du 5 novembre 2013; ATA/581/2007 du 1er mars 2013).

8.             La LGD a pour but de régler la gestion de l'ensemble des déchets résultant d’activités déployées sur le territoire du canton ou éliminés à Genève, à l'exclusion des déchets radioactifs ; elle constitue la loi d'application des dispositions prévues en matière de déchets par la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01) et de ses ordonnances d'application (art. 1 LGD).

La collecte, le transport et l’élimination des déchets ménagers sont organisés et assurés par les communes, sans taxes pour les ménages (art. 12 al. 1 LGD). Les communes définissent l’infrastructure de collecte et fixent la fréquence des levées en fonction des besoins (art. 12 al. 2 LGD). Elles peuvent édicter des règlements particuliers (art. 12 al. 4 LGD).

9.             Selon l'art. 5 RGD, les communes sont tenues d’informer la population sur les emplacements et les horaires des collectes sélectives et sur les modes d’élimination des déchets ménagers en vigueur sur leur territoire (al. 1), et sont habilitées à édicter des règlements ou directives à ces fins (al. 2).

10.         Les communes sont tenues de collecter, de transporter et d’éliminer les déchets ménagers conformément au plan cantonal de gestion des déchets (art. 16 al. 1 RGD). Elles organisent des infrastructures et la logistique des collectes sélectives des déchets ménagers de manière à couvrir l'ensemble du territoire communal et à desservir toute la population ; elles peuvent également procéder à des collectes spéciales au porte-à-porte pour les déchets encombrants ou compostables ou d'autres déchets collectés séparément (art. 16 al. 2 RGD).

11.         Les communes peuvent édicter des règlements communaux sur le bon fonctionnement de leurs infrastructures de collecte et sur leur gestion des déchets ménagers (art. 17 al. 1 RGD). Les règlements communaux peuvent prévoir les sanctions et les mesures prévues dans la loi (art. 17 al. 2 RGD).

12.         Le règlement communal fixe les modalités de la collecte, du transport et de l’élimination des déchets urbains sur son territoire (art. 1 al. 1). Il s'applique à tous les détenteurs de déchets urbains du territoire de la commune (art. 1 al. 2).

13.         À teneur de l’art. 19 ancien règlement, en vigueur au moment où les faits dont les conséquences juridiques sont en cause, le service en charge de la collecte des déchets assure régulièrement la collecte en porte-à-porte, notamment des ordures ménagères et assimilées (al. 1). Les jours et heures des collectes, ainsi que les directives de la ville sont communiquées dans une publication tous-ménages distribuée annuellement ; cette dernière est également disponible auprès du service en charge de la collecte des déchets et sur le site internet de la ville (al. 2).

14.         Selon l’art. 21 ancien règlement, il incombe aux propriétaires de rendre facilement accessibles les conteneurs et de les déposer sur la voie publique dès 05h00 du matin le jour de la collecte, mais au plus tard à 06h30 (al. 6). Immédiatement après la collecte, les conteneurs doivent être rangés dans l’immeuble ou aux emplacements prévus (al. 7). Quant à l’art. 23 al. 7 du nouveau règlement, il stipule que dans la mesure du possible, les conteneurs doivent être retirés de la voie publique et rangés à l’emplacement réservé à la collecte des déchets de l’immeuble immédiatement après la collecte ou au plus tard à midi.

15.         Selon les art. 43 al. 1 LGD (repris à l'art. 31 de l’ancien règlement, du règlement LC 21 911 et à l’art. 33 al. 1 du nouveau règlement), est passible d’une amende administrative de CHF 200.- à CHF 400'000.- tout contrevenant : a) à la LGD ; b) aux règlements et arrêtés édictés en vertu de la LGD ; c) aux ordres donnés par l’autorité compétente dans la limite de la LGD et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci.

Les amendes peuvent être infligées tant à des personnes morales qu'à des personnes physiques (art. 43 al. 2 LGD).

Les contraventions sont constatées par les agents de la force publique et tous autres agents ayant mandat de veiller à l’observation de la loi (art. 44 al. 1 LGD). Les amendes sont infligées par l’autorité compétente sans préjudice de plus fortes peines en cas de crimes, délits ou contraventions prévus par la loi fédérale sur la protection de l’environnement et de tous dommages-intérêts éventuels (art. 44 al. 2 LGD).

Les agents de la police municipale sont notamment chargés de la prévention et de la répression en matière de propreté, notamment en ce qui concerne les détritus, les déjections canines, les tags et l’affichage sauvage (art. 5 al. 2 de la loi sur les agents de la police municipale, les contrôleurs municipaux du stationnement et les gardes auxiliaires des communes du 20 février 2009 - LAPM - F 1 07). Le Conseil d’État fixe, après consultation des communes, les prescriptions cantonales de police que les agents de la police municipale sont habilités à faire appliquer, par délégation de pouvoir de l'État, relevant notamment de la sécurité, la propreté et la salubrité publiques (art. 10 let. a ch. 1 LAPM).

Le Conseil d'État a dans ce cadre prévu que les agents de la police municipale sont habilités à faire appliquer les dispositions de la LGD et du RGD (art. 8 let. l du règlement sur les agents de la police municipale du 28 octobre 2009 - RAPM - F 1 07.01).

16.         Les amendes administratives prévues par la législation cantonale sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. La quotité de la sanction administrative doit ainsi être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/174/2023 du 28 février 2023 consid. 2.1.3 et les arrêts cités).

En vertu de l’art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG – E 4 05), les dispositions de la partie générale du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s’appliquent à titre de droit cantonal supplétif. On doit cependant réserver celles qui concernent exclusivement le juge pénal (ATA/440/2019 du 16 avril 2019 ; ATA/19/2018 du 9 janvier 2018). Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d’une simple négligence.

Selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende (ATA/403/2019 du 9 avril 2019 consid. 7c ; ATA/1277/2018 du 27 novembre 2018 consid. 6d). Le juge ne la censure qu'en cas d'excès (ATA/403/2019 précité ; ATA/1277/2018 précité). Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité garanti par l'art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst.- RS 101) (ATA/968/2020 précité ; ATA/440/2019 précité).

L’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l’auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/174/2023 précité consid. 2.1.5 et les arrêts cités).

17.         Le principe de la légalité exige que les autorités n'agissent que dans le cadre fixé par la loi. Il implique qu'un acte étatique se fonde sur une base légale matérielle qui est suffisamment précise et qui a été adoptée par l'organe compétent (ATF 141 II 169 consid. 3.1). L'exigence de la densité normative n'est pas absolue, car on ne saurait ordonner au législateur de renoncer totalement à recourir à des notions générales, comportant une part nécessaire d'interprétation. Cela tient à la nature générale et abstraite inhérente à toute règle de droit et à la nécessité qui en découle de laisser aux autorités d'application une certaine marge de manœuvre lors de la concrétisation de la norme. Pour déterminer quel degré de précision on est en droit d'exiger de la loi, il faut tenir compte du cercle de ses destinataires et de la gravité des atteintes qu'elle autorise aux droits fondamentaux (ATF 140 I 381 consid. 4.4 et les références citées).

18.         À cet égard, dans l’arrêt ATA/1029/2023 du 19 septembre 2023, la chambre administrative de la Cour de justice, examinant le recours interjeté contre une amende administrative de CHF 200.- infligée en 2022 pour « conteneur-s non rentré-s après la collecte », infraction constatée à 17h25 à l’adresse du domicile du recourant, a jugé que les art. 12 al. 4, 43 al. 1 let. b et 44 al. 1 LGD, 5 al. 2 et 10 let. a ch. 1 LAPM en lien avec les art. 17 al. 1 et 2 RGD et 21 al. 7 ancien règlement (repris dans des termes similaires à l’art. 23 al. 7 du règlement LC 21 911) fournissaient des bases légales suffisantes pour infliger une amende administrative (consid. 2.9).

19.         En l’espèce, selon le constat d’infraction établi le 1er septembre 2022 le conteneur n’avait toujours pas été rentré à 17h11, fait que la recourante a d’ailleurs reconnu le jour même. Sous l’angle de la légalité de la mesure, il ressort de la jurisprudence précitée que les dispositions mentionnées dans l’amende litigieuse constituent des bases légales suffisantes pour infliger cette sanction, étant précisé que, quand bien même le règlement communal a changé, la nouvelle disposition pertinente n’est pas plus favorable à la recourante et ne constitue dès lors pas une lex mitior.

Dans la mesure où, par son comportement, la recourante a enfreint les dispositions légales précitées, c’est à bon droit que l’amende lui a été adressée. À charge pour elle de se retourner contre le propriétaire de l’immeuble, pour en obtenir le remboursement, si elle estime qu’il ne lui incombait pas de retirer le conteneur de la voie publique. Cette question relève toutefois du droit privé.

L’amende est ainsi fondée dans son principe. Quant à sa quotité, elle a été fixée à CHF 200.-, soit le minimum légal prévu par l’art. 43 al. 1 LGD, de sorte qu’elle respecte le principe de la proportionnalité. Pour le surplus, si la recourante a certes relevé que le montant de l’amende, dont elle s’est déjà acquittée, correspondait au quart du salaire mensuel qu’elle percevait pour son activité de concierge, elle n’a ni allégué ni démontré qu’il s’agirait de sa seule source de revenu. Elle n’a pas non plus fait état de difficultés pécuniaires particulières, étant relevé qu’il lui aurait été loisible de demander un arrangement de paiement à la ville.

20.         Au vu de ce qui précède, l’amende sera confirmée, tant dans son principe que sa quotité, et le recours sera rejeté.

21.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 250.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 30 novembre 2023 par Madame A______ contre la décision de la Ville de Genève du 30 juin 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 250.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Gwénaëlle GATTONI, présidente, Oleg CALAME et Damien BLANC, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

Le greffier