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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/848/2021

JTAPI/480/2021 du 20.05.2021 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : DÉCISION DE RENVOI
Normes : LEI.5.al1.letb; LEI.5.al1.letc; LEI.5.al1.letd; LEI.64.al1.letb; LEI.67; LEI.69.al2; LEI.64a.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/848/2021

JTAPI/480/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 20 mai 2021

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Pascal de PREUX, avocat, avec élection de domicile

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______ (ci-après : le recourant), né le ______ 1996, également connu des autorités suisses - en particulier pénales - sous le nom de B______, est ressortissant du Nigéria.

Il est en possession d'un passeport nigérian valable jusqu'au 11 mai 2022 lui ayant été délivré en 2017 en Italie et d'un permis de séjour italien (« permesso di soggiorno ») délivré à titre de « casi speciali » en février 2019, échu depuis le 7 janvier 2021, ainsi que d'une « carta di identita », délivrée le 25 février 2019 et valable jusqu'au 25 octobre 2029, faisant état de sa résidence en Italie.

2.             Arrivé en Suisse le 31 janvier 2016, il a déposé une demande d’asile et a été affecté au canton de Genève.

3.             Le 5 février 2016, il a été condamné dans le canton du Valais à une peine pécuniaire de trente jours-amende, avec sursis pendant deux ans, ainsi qu’à une amende de CHF 300.- pour entrée illégale.

4.             Par décision du 12 mai 2016, entrée en force, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a refusé d’entrer en matière sur sa demande d’asile, a prononcé son renvoi de Suisse vers l’Italie, État Dublin dans lequel il avait précédemment déposé une demande similaire, lui ordonnant de quitter le pays au plus tard le jour suivant l’échéance du délai de recours, et a chargé le canton de Genève de procéder à l’exécution de cette mesure.

5.             Le 13 mai 2016, le Ministère public genevois l'a condamné à une peine pécuniaire de soixante jours-amende, avec sursis pendant trois ans, et à une amende de CHF 300.- pour séjour illégal et infraction aux art. 19 al. 1 et 19a de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121).

6.             Par ordonnance pénale du 2 juin 2016, le même Ministère public l’a condamné à une peine pécuniaire de quarante-cinq jours-amende et à une amende de CHF 300.- pour infraction aux art. 19 al. 1 et 19a LStup.

7.             Les 23 juillet et 4 août 2016, il a été condamné dans les cantons de Neuchâtel et Vaud à des peines privatives de liberté de, respectivement, cent-vingt jours et soixante jours, pour séjour illégal et infraction à l'art. 19 al. 1 LStup.

8.             Le 16 janvier 2017, il a été renvoyé en Italie.

9.             Le 16 mars 2017, il a été arrêté par la police genevoise. Il faisait l’objet d’un mandat d’arrêt émanant des autorités valaisannes, valable du 17 janvier 2017 au 4 août 2021. Il a néanmoins été remis en liberté le lendemain.

10.         Le 23 mai 2019, il a une nouvelle fois été interpelé par la police genevoise. À cette occasion, une décision du SEM du 19 avril 2017 lui faisant interdiction d’entrer en Suisse, en application de l’art. 67 al. 2 let. a de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr), valable jusqu’au 18 avril 2022, lui a été notifiée. Il a déclaré, billet de train à l’appui, qu'il était arrivé à Genève quelques jours plus tôt et qu'il avait l’intention d'en repartir dans les jours suivants. Il a été remis en liberté le jour-même.

11.         Le 13 juin 2019, il a été arrêté par la police genevoise et prévenu d'infractions à la LStup et à la LEI.

12.         Par jugement du 7 janvier 2020, le Tribunal de police l'a condamné à une peine privative de liberté de soixante jours pour infractions à l'art. 19 al. 1 LStup, empêchement d’accomplir un acte officiel et entrée illégale.

13.         Le 20 octobre 2020, il a été appréhendé dans le secteur de la gare de Vevey. Lors de son audition, il a déclaré être arrivé la veille en train pour rendre visite à un ami.

14.         Le lendemain, il a été incarcéré dans un établissement du canton de Vaud.

15.         Le 21 octobre 2020, il a été condamné par le Ministère public vaudois (Strada) à une peine privative de liberté de cent-vingt jours pour infraction à l'art. 19 al. 1 LStup.

16.         Le 10 novembre 2020, il a été auditionné par l’office cantonal genevois de la population et des migrations (ci-après : OCPM), dans le cadre de l’examen de son éventuel renvoi vers l’État Dublin responsable. Il a déclaré qu'il avait quitté l’Italie en train en octobre 2020 pour rendre visite à sa femme, enceinte, à Grenoble (France). Il n’avait pas eu l’intention de s’arrêter en Suisse, mais avait été contraint de changer de train à Vevey en raison de travaux sur les voies. La police l’avait alors arrêté. Sa demande d’asile avait été acceptée en Italie. À sa sortie de prison, il quitterait la Suisse par ses propres moyens.

17.         Le 13 novembre 2020, le SEM a demandé aux autorités italiennes de le réadmettre sur leur territoire en application de l'art. 18 du Règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (Règlement Dublin III).

18.         Le 24 novembre 2020, les autorités italiennes ont refusé de faire droit à cette demande, au motif que ses empreintes digitales ne leur avaient pas été transmises.

19.         Le 24 novembre 2020, le SEM a transmis ses empreintes aux autorités italiennes, leur demandant de réexaminer (« re-examine ») sa requête, conformément à l'art. 5 par. 2 du Règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du Règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers (ci-après : Règlement 1560).

20.         Le 9 décembre 2020, par courriel, le SEM a expliqué à l'OCPM que, le 24 novembre 2020, les autorités italiennes avaient refusé sa demande de reprise en charge. À cette date, il leur avait adressé une « demande de réexamen ». « Conformément à la jurisprudence de la CJUE C-47/17 et C-48/17 », les autorités italiennes avaient jusqu'au 8 décembre 2020 pour répondre à cette demande, ce qu'elles n'avaient pas fait. Leur « absence de réponse » à cette date devait dès lors être considérée comme un « refus définitif ». Le « cas » relevait en conséquence de la compétence du canton, à qui le soin était laissé « d'y donner la suite qui convient ».

21.         Le 19 décembre 2020, il a fait l’objet d’un contrôle, alors qu’il se trouvait dans un train sans titre de transport valable. Il s'est légitimé auprès de la police de Nyon au moyen de sa carte d’identité italienne. Il faisait l'objet d'un mandat d’arrêt. Lors de son audition, il a notamment expliqué qu’il était sorti de détention le matin même. Il se rendait à Coppet pour récupérer ses effets personnels chez un ami, avant de se rendre en France pour voir sa femme, qui était sur le point d’accoucher.

22.         Le même jour, il a été incarcéré à la prison de « La Croisée ».

23.         Par courriel du 22 décembre 2020, les autorités vaudoises ont notamment informé l’OCPM que la question de sa libération conditionnelle serait prochainement examinée et ont sollicité divers renseignements s’agissant de son renvoi de Suisse.

24.         L’OCPM a répondu le même jour qu’il tenterait de solliciter à nouveau sa reprise en charge par l’Italie, soulignant qu'il était titulaire d’un titre de séjour valable dans ce pays.

25.         Par courrier du 19 janvier 2021, adressé à la prison de « La Croisée », l’OCPM lui a fait savoir qu’il envisageait de prononcer son renvoi de Suisse, de l’espace Schengen et de l’Union européenne. Il faisait l’objet d’un signalement aux fins de non-admission, soit d’une interdiction d’entrée, valable jusqu’au 18 avril 2022, et constituait une menace pour l’ordre et la sécurité publics suisses, étant rappelé qu’il avait été condamné à réitérées reprises, depuis le 5 février 2016, par les autorités pénales suisses. Dans la mesure où les autorités italiennes avaient refusé de le reprendre en charge, malgré une demande de réexamen, son refoulement devrait être exécuté vers son pays d’origine. Un délai de cinq jours lui était imparti pour se déterminer par écrit.

26.         Par courrier du 1er février 2021, son conseil a informé l’OCPM de sa constitution et sollicité la production de son dossier complet, dès lors « qu’une décision de renvoi sera[it] vraisemblablement rendue prochainement ».

27.         Par courriel du 4 février 2021, le SEM a transmis à l’OCPM les « documents relatifs à la procédure Dublin menée avec l'Italie, laquelle n'a[vait] malheureusement pas abouti ».

28.         Par ordonnance du 11 février 2021, le juge d’application des peines vaudois a ordonné sa libération conditionnelle pour le premier jour utile où il pourrait être remis aux autorités compétentes assurant son renvoi, mais au plus tôt le 18 mars 2021.

29.         Par courriel du 16 février 2021, le SEM a indiqué à l’OCPM que les autorités italiennes avaient refusé de revenir sur leur décision et qu’elles n’accepteraient donc « définitivement pas » de le reprendre en charge, précisant à nouveau que « le cas » relevait désormais de la compétence du canton et lui laissant « le soin d’y donner la suite qui convient ».

30.         Par courriel du 22 février 2021, l’OCPM a sollicité du SEM la transmission de la décision de refus des autorités italiennes.

31.         Dans sa réponse du même jour, le SEM a indiqué ne pas disposer d'un « nouveau refus » de la part des autorités italiennes. Celles-ci avaient été contactées par l’intermédiaire de l’agent de liaison du SEM à Rome, qui avait « tenté en vain de leur faire entendre raison ».

32.         Par décision du 26 février 2021, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’OCPM a prononcé son renvoi de Suisse, pour les motifs ressortant de sa lettre d’intention du 19 janvier 2021. L'exécution de cette mesure apparaissait licite, possible et exigible. Les services de police étaient chargés d'y procéder, vers son pays d’origine, dès sa remise en liberté, étant précisé que des indices faisaient craindre qu’il entendrait s'y soustraire.

33.         Par acte du 5 mars 2021, sous la plume de son conseil, il a recouru contre cette décision devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à sa réformation, en ce sens qu’il soit renoncé à son renvoi du territoire des États de l’Union européenne et de Schengen et à ce que l’OCPM le renvoie en Italie, afin qu’il soit repris en charge par cet État, subsidiairement à son annulation et au renvoi de la cause à ce dernier, afin qu’il rende une nouvelle décision « dans le sens des considérants ». Il a préalablement sollicité la restitution de l’effet suspensif au recours.

Compte tenu de la violation de la procédure de reprise en charge par les autorités italiennes, son recours avait de « bonnes chances » de succès, étant précisé qu’il ne contestait pas son renvoi de Suisse, mais le fait que celui-ci doive être exécuté vers le Nigéria, où il n’avait aucun repère. Il avait tissé de nombreux liens avec des compatriotes domiciliés en Italie. De plus, il était devenu père depuis trois mois et son enfant vivait en France avec sa mère. Il disposait d’un droit à être renvoyé en Italie et son renvoi au Nigéria lui causerait un préjudice grave et irréparable, de sorte que l’effet suspensif devait être accordé.

Par ailleurs, son droit d’être entendu avait été violé par l'OCPM, car il n’avait pas eu un accès complet à son dossier, dont il sollicitait à nouveau la production intégrale. Malgré sa requête du 1er février 2021, il n’avait reçu que des « bribes du dossier », ce un jour seulement avant le prononcé de la décision litigieuse. Comme les documents concernant ses antécédents en matière d’asile ne figuraient pas au dossier, il était difficile de comprendre les motifs pour lesquels une procédure de reprise en charge avait été initiée par le SEM, de même que ceux pour lesquels l’Italie était l’État responsable au sens du Règlement Dublin III.

En outre, l’OCPM avait doublement abusé de son pouvoir d’appréciation. Il avait d’abord considéré à tort que le courrier des autorités italiennes du 24 novembre 2020 constituait une réponse négative. Une telle réponse devait en effet être motivée et expliquer en détail les raisons qui avaient conduit au refus. Or, tel n'avait pas été le cas. Il ressortait plutôt de ce courrier que les autorités italiennes n’avaient pas été en mesure de se déterminer sur la requête du SEM, car ce dernier avait omis de leur transmettre ses empreintes digitales. L’OCPM avait également retenu à tort que le courrier adressé par le SEM aux autorités italiennes le 24 novembre 2020 valait demande de réexamen. Il ne s’agissait en effet que d’un complément à la demande lacunaire du 13 novembre 2020. En tout état, selon l’art. 25 par. 1 du Règlement Dublin III, l’absence de réponse à une demande de réexamen après un délai de deux semaines équivalait à l’acceptation de la demande et entraînait l’obligation de le reprendre en charge et l’obligation d’assurer une bonne organisation de son arrivée. Il serait choquant que l’erreur du SEM permît de violer le Règlement Dublin III.

Dans ces conditions, il devait être renvoyé en Italie.

34.         Par acte du 10 mars 2021, l’OCPM s’est opposé à la restitution de l’effet suspensif et a conclu au rejet du recours.

Le recourant faisait l’objet d’une interdiction d’entrée en Suisse, valable jusqu’au 18 avril 2022, et ne se prévalait pas d'un intérêt prépondérant à y demeurer jusqu’à l’issue de la procédure. De plus, il avait été condamné à de multiples reprises entre 2016 et 2020, si bien que l’intérêt public justifiait son éloignement immédiat. Par ailleurs, il ne contestait pas le bien-fondé de la décision attaquée, mais s’opposait à son renvoi au Nigéria. Or, dans la mesure où sa réadmission avait été refusée par les autorités italiennes et il n’avait pas prouvé qu’il pouvait se rendre légalement en Italie, les autorités cantonales n’avaient pas d’autre choix, conformément à l’art. 69 al. 2 LEI, que de le renvoyer dans son pays d’origine.

35.         Par décision du 18 mars 2021 (DITAI/1______), le tribunal a refusé de restituer l’effet suspensif au recours. Il a notamment relevé que le recourant ne contestait pas son renvoi de Suisse, mais demandait à être renvoyé en Italie, et non au Nigéria. Or, cette question relevait de l'exécution de la décision de renvoi. Il n’était en soi pas compétent pour décider et/ou apprécier les modalités de mise en œuvre de celle-ci.

36.         Par courrier du 22 mars 2021, sous la plume de son conseil, le recourant a sollicité du SEM le prononcé d'une décision formelle, valablement notifiée, clôturant la procédure de reprise en charge initiée auprès des autorités italiennes. Le courriel adressé le 16 février 2021 à l’OCPM ne constituait pas une décision au sens de l’art. 5 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - 172. 021), ce d’autant qu’il avait été adressé à une autre autorité, sans lui avoir été notifié, en violation des art. 34 ss PA. Une telle manière de procéder l’avait également empêché de faire valoir son droit d’être entendu dans le cadre de la procédure de reprise en charge.

37.         Le 23 mars 2021, le SEM a indiqué au recourant qu’il ne pouvait pas répondre favorablement à cette demande. Les autorités italiennes n’avaient pas donné suite à sa demande de réexamen dans un délai de deux semaines. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), cette absence de réponse devait être considérée comme un refus définitif. Partant, et conformément à sa pratique habituelle, il avait fait savoir à l’OCPM que la procédure Dublin était terminée et que le cas relevait désormais de la compétence de l'autorité cantonale, à qui il incombait de rendre une décision de renvoi en application de la LEI. La Suisse était tributaire des décisions des autorités italiennes et ne pouvait les contraindre à accepter une demande de pris en charge. Cela étant, le recourant avait été informé de la situation et avait eu la possibilité de recourir contre la décision cantonale du 26 février 2021.

38.         Dans sa réplique du 26 mars 2021, sous la plume de son conseil, le recourant a fait valoir que l’art. 69 al. 2 LEI n’était pas applicable. Dans la mesure où l’autorité intimée avait demandé au SEM d’initier une procédure de reprise en charge auprès des autorités italiennes, la procédure devait être menée selon le Règlement Dublin III, son règlement d’exécution et la jurisprudence de la CJUE. Appliquer l’art. 69 al. 2 LEI à ce stade de la procédure était abusif et revenait à contourner les obligations découlant de la procédure Dublin menée par le SEM. Par ailleurs, dans sa décision du 18 mars 2021, le tribunal avait retenu que la question du pays dans lequel le recourant demandait à être renvoyé concernait l’exécution de la décision de renvoi, qui ne relevait pas de sa compétence. Or, en contestant son renvoi du territoire des États membres de l’Union européenne et des États associés à Schengen, il contestait la décision « en tant que telle, et non son exécution ». Partant, il était fondé à contester ce point devant le tribunal. Si, par impossible, celui-ci devait retenir que cette question relevait de l’exécution de la décision, celle-ci ressortait de la compétence des cantons (art. 64a al. 3 et 69 al. 1 LEI). Selon le code annoté de droit des migrations (Danièle REVEY in Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE [éd.], Code annoté de droit des migrations - vol. II : LEtr, 2017, n. 6 ad art. 69), en cas d’examen simultané, l’étranger pouvait, s’il formait recours, remettre en cause l’ensemble des volets de la décision, qu’ils concernent le fond, le renvoi ou l’exécution du renvoi. Par conséquent, dans la mesure où la décision querellée examinait simultanément la question du renvoi et celle de l’exécution de la décision, dès lors qu’elle mentionnait que l’OCPM chargeait les services de police « d’exécuter immédiatement la présente décision », le tribunal était compétent pour traiter de la question de l’exécution de la décision.

39.         Par acte du 26 mars 2021, sous la plume de son conseil, il a recouru contre la décision du tribunal du 18 mars 2021 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice.

40.         Par courrier du 7 avril 2021, sous la plume de son conseil, il a encore observé qu’à teneur du courrier du SEM du 23 mars 2021, il était tout à fait légitimé à contester son renvoi auprès du tribunal. « En soutenant que tel n’est pas le cas », il serait privé de la possibilité de faire valoir ses droits dans la procédure de renvoi, ce qui serait pour le moins choquant.

41.         Dans sa duplique du 8 avril 2021, l’OCPM a indiqué que les arguments du recourant n’étaient pas de nature à modifier sa position.

S'agissant de l’applicabilité de l’art. 69 al. 2 LEI, il se référait intégralement aux explications fournies par le SEM dans son courrier du 22 [recte : 23] mars 2021.

42.         Le recourant a été remis en liberté par les autorités pénitentiaires vaudoises le 17 avril 2021.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'OCPM relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente par le destinataire de la décision attaquée, le recours est recevable (art. 57, 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2).

4.             Les arguments formulés par les parties à l'appui de leurs conclusions seront repris et discutés dans la mesure utile (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_72/2017 du 14 septembre 2017 consid. 4.1 ; 1D_2/2017 du 22 mars 2017 consid. 5.1 ; 1C_304/2016 du 5 décembre 2016 consid. 3.1 ; 1C_592/2015 du 27 juillet 2016 consid. 4.1 ; 1C_229/2016 du 25 juillet 2016 consid. 3.1 et les arrêts cités), étant rappelé que, saisi d'un recours, le tribunal applique le droit d'office et que s'il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n'est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas des ressortissants du Nigéria.

6.             À teneur de l'art. 5 al. 1 LEI, pour entrer en Suisse, tout étranger doit avoir une pièce de légitimation reconnue pour le passage de la frontière et être muni d'un visa si ce dernier est requis (let. a), disposer des moyens financiers nécessaires à son séjour (let. b), ne représenter aucune menace pour la sécurité et l'ordre publics ni pour les relations internationales de la Suisse (let. c) et ne pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement ou d'une expulsion au sens des art. 66a ou 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) ou 49a ou 49abis du Code pénal militaire du 13 juin 1927 (CPM) (let. d).

7.             Selon l'art. 64 al. 1 LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l’encontre :

a. d’un étranger qui n’a pas d’autorisation alors qu’il y est tenu ;

b. d’un étranger qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d’entrée en Suisse (art. 5 LEI) ;

c. d’un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l’autorisation, bien que requise, est révoquée ou n’est pas prolongée après un séjour autorisé.

Le renvoi constitue la conséquence logique et inéluctable, « automatique », du constat que les conditions de l’art. 64 al. 1 LEI sont remplies et vise ainsi à mettre fin à une situation contraire au droit, à savoir l’illégalité de la présence de l’étranger en Suisse (cf. Danièle REVEY n. 3. 1 ad art. 64, p. 620).

8.             En l’espèce, après avoir vainement tenté d'obtenir la reprise en charge du recourant en Italie en application du règlement Dublin III, afin d'ordonner son renvoi vers cette destination (cf. art. 64a al. 1 LEI), le SEM a chargé l’OCPM de traiter le dossier, relevant désormais de sa compétence, afin qu'il statue sur son sort en application de l'art. 64 al. 1 LEI.

Cela étant, même s'il ne remet pas en cause la légalité de son séjour en Suisse, il convient d'observer que, lors de sa dernière entrée sur le territoire, le 20 octobre 2020, le recourant faisait l'objet d'une décision d'interdiction d’entrée en Suisse, valable jusqu’au 18 avril 2022, qui lui avait été notifiée le 23 mai 2019, de sorte qu’il ne remplit clairement pas la condition de l’art. 5 al. 1 let. d LEI. Il n’apparaît pas non plus qu’il disposait alors - et disposerait actuellement - des moyens financiers nécessaires à son séjour (art. 5 al. 1 let. b LEI). À cela s’ajoute qu’entre février 2016 et octobre 2020, il a fait l’objet de six condamnations pénales en Suisse, totalisant cent-trente-cinq jours-amende et trois-cent-soixante jours de peine privative de liberté, notamment en raison d'infractions à l'art. 19 al. 1 LStup, de sorte qu'il peut effectivement être admis qu'il représente une menace pour la sécurité et l’ordre publics. Il s’agit d’ailleurs du motif pour lequel le SEM lui a fait interdiction d’entrer dans le pays en application de l'art. 67 LEI. La condition de l’art. 5 al. 1 let. c LEI n’est ainsi pas non plus réalisée.

Partant, c’est à bon droit que l’OCPM a prononcé le renvoi du recourant, qui remplit à l'évidence la condition de l’art. 64 al. 1 let. b LEI.

9.             La désignation de l'État vers lequel l'étranger est renvoyé relève de l'autorité compétente pour exécuter la décision de renvoi (cf. Danièle REVEY, op. cit., ad art. 69 p. 698 et les références citées), soit, à Genève, la police (cf. art. 5 al. 4 LaLEtr).

Si l'étranger a la possibilité de se rendre légalement dans plusieurs Etats, l'autorité compétente peut le renvoyer ou l'expulser dans le pays de son choix (art. 69 al. 2 LEI). La possibilité de choisir le pays de destination présuppose toutefois que l'étranger ait la possibilité de se rendre de manière effective et admissible dans chacun des pays concernés par son choix. Cela implique qu'il se trouve en possession des titres de voyage nécessaires et que le transport soit garanti (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_285/2013 du 23 avril 2013 consid. 7 ; 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 6 ; ATA/324/2013 du 24 mai 2013 ; ATA/157/2013 du 7 mars 2013 ; ATA/58/2013 du 31 janvier 2013). Le renvoi ou l'expulsion dans un pays tiers du choix de l'étranger constitue par ailleurs seulement une faculté (« peut ») de l'autorité compétente (arrêt du Tribunal fédéral 2C_285/2013 du 23 avril 2013 consid. 7 ; cf. également arrêts 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 6 ; 2C_393/2009 du 6 juillet 2009 consid. 3.4).

Le renvoi ou l'expulsion dans le pays souhaité par la personne concernée doit être non seulement légalement possible, mais encore concrètement réalisable en temps utile. S'il est déjà possible de renvoyer ou d'expulser l'intéressé vers un Etat déterminé, il n'y a pas lieu d'attendre de l'autorité qu'elle procède à des démarches supplémentaires relatives à une autre destination (cf. Danièle REVEY, op. cit., ad art. 69 p. 698).

10.         En l’espèce, comme déjà relevé dans la décision du 18 mars 2021 (consid. 9), la désignation du pays vers lequel il sera concrètement procédé au refoulement du recourant relève de l’exécution de la décision de renvoi. Or, il n'apparaît toujours pas que le tribunal serait en soi compétent pour décider et/ou apprécier les modalités de mise en œuvre de celle-ci, qui sont du ressort de la police. Quoi qu'il en soit, on doit faire le constat que dans la mesure où le recourant ne dispose pas d'un titre de séjour ou de tout autre document de voyage valable devant lui permettre d'entrer légalement sur le territoire d'un autre Etat que celui de son pays d'origine, on ne voit pas, à ce stade, vers quelle autre destination que le Nigéria il pourrait être refoulé.

11.         Pour le surplus, il ne ressort pas du dossier que l’exécution de la mesure de renvoi litigieuse serait impossible, illicite ou qu'elle ne pourrait être raisonnablement exigée (art. 83 LEI), ce que le recourant ne fait au demeurant pas valoir.

12.         Au vu de ce qui précède, le recours mal fondé, doit être rejeté.

13.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe. Celui-ci étant au bénéfice de l'assistance juridique, cet émolument sera laissé à la charge de l'État de Genève, sous réserve du prononcé d'une décision finale du service de l'assistance juridique sur la base de l'art. 19 al. 1 du règlement sur l'assistance juridique et l'indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale du 28 juillet 2010 (RAJ - E 2 05.04).

Enfin, vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA a contrario).

14.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 5 mars 2021 par Monsieur A______ contre la décision prise à son égard par l'office cantonal de la population et des migrations le 26 février 2021 ;

2.             le rejette ;

3.             met un émolument de CHF 500.- à la charge de Monsieur A______ ;

4.             laisse cet émolument à la charge de l’État de Genève, sous réserve de la décision finale de l'assistance juridique en application de l'art. 19 al. 1 RAJ ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10, rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Yves JOLIAT

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

 

Genève, le

 

La greffière