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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2406/2025

ATA/859/2025 du 11.08.2025 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2406/2025-FPUBL ATA/859/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 11 août 2025

sur mesures provisionnelles

et sur jonction

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Bertrand DEMIERRE, avocat

contre

TRANSPORTS PUBLICS GENEVOIS intimés
représentés par Me Anne MEIER, avocate

_________



Attendu, en fait, que :

1. Par acte remis à la poste le 7 juillet 2025, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre la décision du 11 juin 2025 par laquelle les Transports publics genevois (ci‑après : TPG) ont résilié les rapports de service les liant à elle et mis fin à son droit au traitement avec effet au 31 décembre 2025, en raison de la rupture du rapport de confiance, aux motifs qu’en sa qualité de directrice des ressources humaines, elle avait accordé à sa subordonnée directe et cadre supérieure des paiements indus et illégitimes au titre d’indemnités de vacances, au lieu de la prise effective de vacances, et donné des instructions pour présenter ceux-ci en paiements d’heures supplémentaires ; qu’elle ne s’était pas montrée capable de conduire à satisfaction les missions et le département qui lui avaient été confiés ; que sa gestion avait notamment pu donner l’apparence de favoritisme ; qu’elle avait entretenu une relation intime avec un subordonné sans en informer sa hiérarchie et sans prendre des mesures à temps, et avait conseillé la fille de celui-ci pour qu’elle se fasse embaucher ; qu’il n’était pas possible de lui confier la mission de restaurer l’exemplarité attendue de son service ; qu’elle avait enfin, durant la procédure, contrevenu aux instructions données par les TPG en s’adressant directement aux membres du conseil d’administration sans respecter les règles de confidentialité des discussions conduites entre avocats.

Elle avait formé opposition à son licenciement le 16 juin 2025. La nullité de la décision de licenciement devait être constatée. Subsidiairement, le caractère injustifié du licenciement devait être constaté et les TPG devaient être condamnés à lui verser une indemnité de salaire correspondant à huit salaires mensuels avec intérêt à 5% dès le 1er janvier 2026 et à lui remettre un certificat de travail dont elle énonçait le contenu. À titre préalable, son audition ainsi que celle de témoins devait être ordonnée et l’effet suspensif devait être restitué au recours en tant qu’il portait sur le refus du traitement en cas de maladie.

La décision était nulle. Seul le conseil d’administration pouvait prononcer le licenciement, sous réserve d’approbation par le Conseil d’État. Or, cette approbation n’avait pas été donnée.

Son droit d’être entendue avait été violé. Les TPG avaient rejeté en bloc presque toutes ses demandes d’actes d’instruction. Elle contestait les reproches qui lui étaient adressés. Les faits avaient été établis incorrectement et de façon arbitraire. Elle avait toujours eu la confiance de ses pairs, du précédent directeur général et du président de la commission des ressources humaines du conseil d’administration. Le nouveau directeur général, B______, n’avait jamais cherché à construire le moindre lien de confiance avec elle. Aucune rupture du lien de confiance n’entrait en ligne de compte.

La décision retenait à tort que le cumul des griefs constituait une faute grave ouvrant la voie à une suppression de son salaire à la fin des rapports de service, nonobstant la persistance de son incapacité de travail. Cette motivation relevait de la mauvaise foi. Si la faute grave était réalisée, les intimés l’auraient licenciée avec effet immédiat. Elle avait droit à son traitement pendant 720 jours sur une période de 900 jours, conformément à l’art. 37 du statut du personnel (ci-après : SP).

La décision violait le principe de proportionnalité. Un avertissement, assorti de mesures managériales correctrices, aurait dû être prononcé en lieu et place du licenciement.

Le licenciement était abusif en raison de la façon dont elle avait été licenciée. Elle avait été convoquée pour se voir notifier sa suspension avec effet immédiat, avec interdiction de communiquer dans quelque contexte que ce soit, alors que la direction avait annoncé au personnel qu’une analyse préliminaire était en cours et qu’elle et son adjointe de direction avaient été libérées de leurs obligations à titre provisoire, information qui avait ensuite filtré dans la presse, ce qui avait porté atteinte à sa réputation et provoqué une incapacité de travail qui durait depuis le 31 janvier 2025. Les TPG avaient ainsi gravement nui à sa santé et à sa réputation professionnelle et avaient rendu impossible son retour, alors qu’elle était fragilisée et assumait seule la charge de deux enfants mineurs.

L’indemnité qui lui serait le cas échéant due devait correspondre à huit salaires mensuels, soit CHF 157'296.-.

Elle disposait d’un intérêt à percevoir sa rémunération malgré un arrêt maladie. Les TPG disposaient des moyens d’assurer la couverture du risque en cas de perte de gain pour cause de maladie lui permettant de couvrir les versements cas échéant opérés durant les 720 jours de protection en cas de maladie. À défaut de restitution de l’effet suspensif, elle ne percevrait aucun revenu après le 31 décembre 2025, dès lors qu’elle serait considérée comme inapte au placement par l’assurance-chômage si elle était toujours en incapacité de travail.

2. Le 21 juillet 2025, les TPG ont conclu au rejet des conclusions sur effet suspensif ainsi qu’à la jonction avec la procédure A/483/2025, ouverte à la suite du recours formé par A______ contre la décision des TPG du 31 janvier 2025 la libérant de l’obligation de travailler et coupant tous ses accès informatiques.

Selon la lettre de la loi, le Conseil d’État n’était pas compétent pour approuver le départ ou le licenciement de membres de la direction des TPG.

3. Le 4 août 2025, la recourante a persisté dans ses conclusions sur mesures provisoires et s’en est rapportée à justice concernant la jonction des procédures.

Son incapacité de travail était la conséquence immédiate d’une maladie liée aux pratiques des intimés à son encontre et une telle maladie était de nature à avoir des conséquences durables et variables dans le temps. La présence d’enfants à charge devait également être prise en considération.

4. Le 6 août 2025, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur mesures provisoires.

Considérant, en droit, que :

1 Les décisions sur effet suspensif et mesures provisionnelles sont prises par le président, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d’empêchement de celles‑ci, par un ou une juge (art. 21 al. 2 LPA ; 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020).

2. Aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

3. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1375/2024 du 26 novembre 2024 consid. 4 ; ATA/885/2024 du 25 juillet 2024).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253‑420, p. 265).

L’octroi de mesures provisionnelles présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405ATA/941/2018 du 18 septembre 2018).

4. La restitution de l’effet suspensif est subordonnée à l’existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l’autorité de recours n’est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités ; ATA/812/2018 du 8 août 2018).

La chambre de céans dispose dans l’octroi de mesures provisionnelles d’un large pouvoir d’appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 précité consid. 5.5.1 ; ATA/941/2018 précité).

5. Selon l'art. 57 let. c LPA, les décisions incidentes peuvent faire l'objet d'un recours si elles risquent de causer un préjudice irréparable ou si cela conduisait immédiatement à une solution qui éviterait une procédure probatoire longue et coûteuse.

Un préjudice est irréparable lorsqu'il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2) ; que lorsqu'il n'est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d'expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4 ; ATA/1622/2017 précité consid. 4d ; ATA/1217/2015 du 10 novembre 2015 consid. 2d).

6. L’autorité peut, d’office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune (art. 70 al. 1 LPA). La jonction n’est toutefois pas ordonnée si la première procédure est en état d’être jugée alors que la ou les autres viennent d’être introduites (art. 70 al. 2 LPA). La décision de joindre des causes en droit administratif procède de l'exercice du pouvoir d'appréciation du juge, qui est large en la matière (arrêts du Tribunal fédéral 2C_850/2014 et 2C_854/2014 du 10 juin 2016 consid. 11.1). La jonction peut répondre à un souci d'économie de procédure et correspondre à l'intérêt de toutes les parties (ATF 122 II 368 consid. 1a).

7. En l’espèce, la procédure A/483/2025 est en état d’être jugée, de sorte que sa jonction à la présente procédure ne sera pas ordonnée.

La recourante est soumise au SP des TPG du 1er janvier 1999. Elle est, par ses fonctions de directrice des ressources humaines, membre de la direction des TPG. Sa nomination a partant dû être approuvée par le Conseil d’État, selon l’art. 37 let. f de la loi sur les transports publics genevois du 21 novembre 1975 (LTPG - H 1 55). Il n’est en revanche pas établi à ce stade que son licenciement aurait pareillement dû faire l’objet d’une approbation, comme elle le soutient. Cette question devra être instruite et tranchée avec le fond, de sorte que la question de la nullité de la décision attaquée soulevée par la recourante souffrira de rester indécise à ce stade.

La recourante conclut à la restitution de l’effet suspensif au recours contre la décision en ce qu’elle ordonne l’interruption du versement de son traitement au 31 décembre 2025.

L’art. 37 al. 1 SP prévoit que le traitement est versé à l'employé durant 720 jours, en cas d'absence due à la maladie dûment attestée par certificat médical. Selon l’al. 2, une reprise du travail d'au moins 50% et durant 30 jours consécutifs est considérée comme une interruption d'absence. Une reprise du travail inférieure à 30 jours n'interrompt l'absence que si la nouvelle absence n'est pas attribuée à la même maladie. Selon l’al. 3, le plein traitement est versé à l'employé durant 720 jours civils au maximum – en tenant compte des interruptions d'absence – durant une période de 900 jours. Selon l’al. 4, le traitement peut être réduit ou supprimé en cas d'abus ou de faute grave de l'employé. Selon l’al. 5, le montant de la participation financière prévue à l’art 27 n’est plus versé à partir du 6e mois d’absence. Cette disposition ne s’applique pas aux absences dues à la maternité ou à l’allaitement. Selon l’al. 6, l'employé conserve son droit au traitement même si les rapports de travail ont pris fin avant l'épuisement de ses droits selon le SP.

La question de savoir si les TPG peuvent invoquer une faute grave au sens de l’art. 37 al. 4 SP pour interrompre le versement du traitement à fin décembre 2025 ne peut être tranchée à ce stade et devra être instruite avec le fond.

La recourante fait valoir qu’elle a, seule, la charge de deux enfants mineurs. Elle ne fournit cependant aucune indication sur sa fortune et ses éventuelles autres ressources. Elle échoue ainsi à rendre vraisemblable qu’elle serait menacée d’un dommage difficile à réparer en cas de cessation du versement de son traitement ou disposerait d’un intérêt prépondérant au maintien de son versement, étant rappelé que de jurisprudence constante en matière de résiliation des rapports de service, l'intérêt public à la préservation des finances de l’État est important et prime l’intérêt financier du recourant à percevoir son salaire durant la procédure (ATA/1377/2023 du 21 décembre 2023 ; ATA/227/2023 du 7 mars 2023 ; ATA/466/2021 du 28 avril 2021).

À cela s’ajoute qu’il est délicat de prédire si la recourante sera toujours en incapacité de travail dans un peu moins de cinq mois.

Enfin, les chances de succès du recours n’apparaissent pas à ce point évidentes qu’elles justifieraient la restitution de l’effet suspensif.

La requête de mesures provisionnelles sera également rejetée

8. Il sera statué avec le fond sur la question des frais du présent incident.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse d’ordonner la jonction de la présente procédure à la procédure A/483/2025 ;

rejette la requête de restitution de l’effet suspensif ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Bertrand DEMIERRE, avocat de la recourante ainsi qu'à Me Anne MEIER, avocate des Transports publics genevois.

 

 

 

 

Un juge :

 

 

 

P. CHENAUX

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :