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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/199/2023

ATA/398/2025 du 08.04.2025 sur JTAPI/1303/2023 ( LCI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/199/2023-LCI ATA/398/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 avril 2025

3ème section

 

dans la cause


ASSOCIATION A______

représentée par Me Alain MAUNOIR, avocat

et

ASSOCIATION B______ recourantes

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

et

C______

et

D______

représentés par Me Guillaume FAUCONNET, avocat intimés

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 novembre 2023 (JTAPI/1303/2023)


EN FAIT

A. a. ASSOCIATION B______ est une association sans but lucratif ayant son siège à E______. Elle a pour buts, selon l'art. 3 de ses statuts, de favoriser la convivialité et les rencontres entre les habitants du village, d'améliorer la qualité de vie, de faire connaître, de valoriser et de sauvegarder le patrimoine architectural, historique et naturel de E______ et de ses alentours, et de promouvoir la mobilité douce et une agriculture locale saine et respectueuse de la nature.

L'art. 4 des statuts décrit de manière non limitative les activités de l'association, soit « Balades et découvertes du patrimoine architectural et historique ; du patrimoine naturel, lecture du paysage. Rédaction d'articles, de brochures, de guides de promenades. Recueil de témoignages, de savoir-faire locaux. Cours de formation à l'horticulture bio, cours de botanique. Jardinage, arboriculture (verger haute-tige) transformation des produits, cours de cuisine. Animation villageoise, activités intergénérationnelles et maintien des traditions (Feuillu, Fête du village, cortège de l'Escalade). Promotion des activités culturelles et encouragement des jeunes artistes. Lutte contre les atteintes à la beauté du village, contre la pollution et les nuisances sonores, causées en particulier par le trafic. Mobilisation pour rendre la rue du village aux piétons et pour empêcher des constructions déparant le village. Collaboration avec des structures similaires dans les environs (p. ex. "F______" un groupe informel qui, pour sauver la Distillerie de G______, s'est constitué en Association) ».

b. L'ASSOCIATION A______ (ci-après : l'association) est également une association sans but lucratif ayant son siège à E______. Selon l'art. 3 de ses statuts, adoptés le 29 janvier 2020, elle a pour buts de faire connaître, de valoriser et de sauvegarder le patrimoine architectural, historique et naturel de E______ et de ses alentours, de préserver la qualité de vie des habitants du village et de favoriser la convivialité, et de promouvoir la mobilité douce et une agriculture locale saine et respectueuse de la nature.

Selon une liste communiquée le 13 février 2023 au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), l'association comptait à cette date douze membres, dont une membre d'honneur.

Ses activités, telles que décrites de manière non limitative par l'art. 4 de ses statuts, comprennent « Lutte contre l'enlaidissement du site ou sa banalisation, notamment par l'édification de nouvelles constructions, par des mesures d'aménagement inappropriées ou inesthétiques. Lutte contre la pollution et les nuisances sonores, causées en particulier par le trafic. Balades et découverte du patrimoine architectural et historique ; du patrimoine naturel, lecture du paysage. Rédaction d'articles, de brochures, de guides de promenades. Animation villageoise, activités intergénérationnelles et maintien des traditions (Feuillu, cortège de l'Escalade). Promotion des activités culturelles et encouragement des jeunes artistes. Collaboration avec des organismes poursuivant les mêmes buts ».

c. D______ est propriétaire de la parcelle n° 4'772 de la commune de H______ (sur le territoire de laquelle se trouve le village de E______), d’une surface de 2'858 m2.

C______ SA est propriétaire de la parcelle n° 4'774 de la commune de H______, d’une surface de 1'100 m2.

d. Adjacentes, les parcelles n° 4'772 et 4'774 sont sises en zone de construction 4B protégée.

Elles se trouvent dans le périmètre d’un site inscrit à l’inventaire des sites construits d’importance nationale à protéger en Suisse (ci-après : ISOS), avec un objectif de sauvegarde A, soit le plus élevé.

Elles sont par ailleurs incluses dans le périmètre du plan de site n° 1______ (ci-après : le plan de site) adopté par arrêté du Conseil d’État du 21 juin 2017, lequel a, selon son règlement adopté le même jour, pour but de protéger le sud du village de E______, qui figure dans l’ISOS pour l’ensemble de ses qualités architecturales et paysagères. L'art. 6 du même règlement prévoit que des constructions nouvelles peuvent être implantées dans les aires prévues à cet effet – dont certaines sont situées sur la parcelle n° 4'722 – et dans les gabarits fixés par le plan, dans le respect des principes architecturaux et paysagers définis par le plan.

e. Le 15 septembre 2021, C______ SA et D______ ont déposé auprès du département du territoire (ci-après : le département) une demande d’autorisation visant, sur les deux parcelles susmentionnées, la construction de deux bâtiments comprenant sept appartements, la mise en place d’une pompe à chaleur (ci-après : PAC) de type air/eau et la réalisation de plusieurs places de stationnement, avec abattage d’arbres (un bouleau, un cèdre, deux érables, un fruitier et un marronnier).

Lors de l’instruction de cette demande, enregistrée sous la référence DD 2______, les préavis usuels ont été requis et émis. Le projet a été remanié à cinq reprises pour répondre entièrement aux diverses exigences des instances de préavis.

Par décision globale du 21 décembre 2022, publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (FAO) du même jour, le département a délivré l’autorisation de construire DD 2______.

B. a. Par acte du 18 janvier 2023, ASSOCIATION B______ a interjeté recours contre cette décision par devant le TAPI (cause A/199/2023), concluant implicitement à son annulation. L'association en a fait de même par acte du 25 janvier 2023 (cause A/255/2023).

Se prévalant toutes deux de leur statut d'associations ayant pour but de valoriser et de sauvegarder le patrimoine architectural et historique du village de E______, les deux associations recourantes ont fait valoir, en résumé, que le site dans lequel les bâtiments autorisés seraient édifiés se caractérisait par de belles maisons de maître et des parcs arborés entourés de hauts murs, cette excellence patrimoniale et paysagère devant être protégée de toute altération de sa structure et de toute nouvelle construction ne s'harmonisant pas avec le tissu ancien. La décision contestée était un cas flagrant d'altération de la structure du site et de sa destruction par « grignotage ». Le plan de site adopté par le Conseil d'état, désastreux, ne permettait pas de préserver la valeur de la structure historique spécifique du hameau de E______. Le projet impliquait l'abattage total ou partiel d'une rangée d'arbres séculaires, alors que ceux-ci, qui faisaient partie de l'ensemble paysager protégé de E______ et présentaient une valeur écologique, devaient impérativement être conservés. Il était enfin douteux que les emplacements de parking prévus en surface soient suffisants pour satisfaire les besoins des futurs occupants, dont les véhicules encombreraient dès lors la route principale du village, rendant ainsi plus aigus les problèmes de trafic.

b. Dans leurs réponses aux recours, les intimées ont conclu à leur irrecevabilité faute de qualité pour recourir des associations. Celles-ci ne disposaient d'aucun intérêt personnel propre et leurs statuts ne leur permettaient pas d'agir pour la défense des intérêts de leurs membres, dont il n'était au demeurant pas établi qu'ils disposent eux-mêmes d'un intérêt personnel. Selon les art. 3 et 4 de leurs statuts respectifs, elles n'avaient pas pour but de se vouer de façon exclusive à des questions relatives à l'aménagement du territoire, à la protection de l'environnement ou à celle des monuments et des sites, de tels objectifs n'ayant tout au plus qu'un caractère secondaire.

À titre subsidiaire, les recours devaient être rejetés, les griefs soulevés étant mal fondés.

c. Par observations du 5 avril 2023, le département s'en est rapporté à justice sur la recevabilité des recours et conclu à leur rejet.

d. Dans leurs répliques respectives, les associations ont persisté dans leurs conclusions.

Les intimées et le département en ont fait de même dans leurs dupliques respectives.

e. Par jugement du 22 novembre 2023, le TAPI, après avoir joint les causes A/199/2023 et A/255/2023, a déclaré les recours irrecevables.

Les associations, qui n'étaient pas directement touchées par l'autorisation de construire litigieuse, n'avaient pas qualité pour recourir à titre personnel. Elles ne pouvaient non plus exercer un recours dit corporatif, dès lors que la défense des intérêts de leurs membres ne faisait pas partie de leurs buts statutaires. Elles n'étaient enfin pas d'importance cantonale et leurs buts, tels que décrits par les art. 3 et 4 de leurs statuts respectifs, poursuivaient majoritairement des objectifs autres que l'étude, par pur idéal, de questions relatives à l'aménagement du territoire, à la protection de l'environnement ou à la protection de la nature, des monuments et des sites.

Les recours étant ainsi irrecevables, il n'était pas nécessaire d'examiner si l'association pouvait se prévaloir, au moment du dépôt de son recours, de trois ans d'activité.

C. a. Par acte déposé au greffe le 8 janvier 2024, ASSOCIATION B______ et l'association ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation, à ce que leur qualité pour recourir contre l'autorisation de construire contestée soit reconnue et à ce que la procédure soit retournée au TAPI pour compléter l’instruction et rendre un nouveau jugement sur le fond.

La législation applicable donnait qualité pour recourir aux associations d'importance cantonale ou actives depuis plus de trois ans, se vouant par pur idéal à l’étude de questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement ou à la protection des monuments, de la nature et des sites. Tel était bien leur cas puisque la défense de leurs membres ne figurait pas dans leurs buts statutaires, lesquels prévoyaient en revanche d’œuvrer par pur idéal pour la valorisation et la sauvegarde du patrimoine architectural, historique et naturel de la commune ; d'autres buts étaient certes mentionnés dans les statuts, mais ils se recoupaient très largement avec plusieurs thèmes abordés par la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700) et ses dispositions d’exécution. Le TAPI ne pouvait sans arbitraire limiter la qualité pour recourir aux seules associations ne mentionnant qu’un unique et seul but dans leurs statuts, une telle interprétation étant contraire à la lettre de la loi et à la volonté du législateur.

b. Dans leur réponse du 12 février 2024, les intimées ont conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

Il n'était pas établi que les personnes physiques ayant donné procuration au conseil des associations en vue du dépôt du recours y aient été dûment autorisées par les organes associatifs compétents, respectivement aient disposé des pouvoirs pour le faire.

Seules des associations se vouant de façon exclusive et par pur idéal aux questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement ou à la protection des monuments, de la nature et des sites avaient qualité pour recourir. Or tel n'était pas le cas des recourantes, dont les buts statutaires, tels qu'ils ressortaient des art. 3 et 4 de leurs statuts respectifs, étaient de nature culturelle.

À cela s'ajoutait que l'association, fondée le 29 janvier 2020 et qui n'était pas d'importance cantonale, ne pouvait pas se prévaloir au moment du dépôt de son recours, le 25 janvier 2023, de trois ans d'activité. De manière générale, il convenait du reste de retenir que les recourantes ne déployaient pas d'activités propres mais étaient en réalité utilisées par les membres de leurs comités respectifs pour promouvoir leurs intérêts personnels.

c. Par observations du 12 février 2024, le département a conclu au rejet du recours.

À la lecture des art. 3 et 4 des statuts des recourantes, il apparaissait que leurs activités respectives s'adressaient essentiellement à leurs membres et non à un pur idéal. Il était donc difficile d'admettre, comme elles le soutenaient, qu'elles auraient principalement pour vocation de se vouer à la protection du patrimoine. C'était donc à juste titre que leTAPI leur avait dénié la qualité pour recourir contre la décision globale d'autorisation de construire du 21 décembre 2022.

d. Les associations ont répliqué le 4 avril 2024, persistant dans leurs conclusions et argumentation et produisant des pièces supplémentaires. Les intimées en ont fait de même par duplique du 18 avril 2024, concluant en outre à l'irrecevabilité des pièces nouvelles produites avec la réplique.

e. Les parties ont été informées le 19 avril 2024 que la cause était gardée à juger.

f. Par courrier du 8 mai 2024, le (nouveau) comité de l'association ASSOCIATION B______ a informé la chambre administrative que, lors d'une assemblée générale tenue le 25 avril 2024, les quinze membres présents avaient refusé d'approuver la décision de l'ancien comité de former recours contre la décision globale d'autorisation de construire. Le recours interjeté auprès de la chambre administrative serait donc retiré après l'expiration du délai dont disposaient les membres pour contester judiciairement les décisions de l'assemblée générale.

Une copie du procès-verbal de l'assemblée générale du 25 avril 2024 était annexée à ce courrier.

g. Par lettre du 22 juillet 2024, l'association ASSOCIATION B______, représentée par le président de son comité, a formellement retiré son recours.

 

EN DROIT

1.

1.1 Le recours a été interjeté en temps utile et devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

1.2 Dûment représentée par le président de son comité, et conformément à une décision de son assemblée générale, l'association ASSOCIATION B______ a retiré son recours le 22 juillet 2024, ce dont il lui sera donné acte.

1.3 Les intimées contestent la recevabilité du recours formé par l'association, aux motifs qu'il n’était pas établi que la décision de former recours aurait été prise par l'organe compétent selon ses statuts et que la procuration conférée à leur conseil n'avait pas été valablement signée. Elles contestent en outre la recevabilité de la pièce produite par la recourante avec sa réplique afin de répondre à ce reproche.

Au vu des considérants qui suivent, ces questions pourront demeurer indécises.

1.4 Il en ira de même de la question de la recevabilité des autres pièces produites par les associations recourantes avec leur réplique : la plus grande partie de ces pièces concerne en effet ASSOCIATION B______, qui a retiré son recours, et celles relatives à la recourante sont sans influence sur la solution du litige.

2.             Le litige porte sur la qualité de l'association pour recourir contre la décision globale d'autorisation de construire du 21 décembre 2022.

2.1 Il incombe au recourant d'alléguer les faits propres à fonder sa qualité pour recourir lorsqu'ils ne ressortent pas de façon évidente de la décision attaquée ou du dossier (ATF 142 V 395 consid. 4.3.2 ; 133 II 249 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_390/2010 du 17 mai 2011 consid. 2.1).

2.2 À teneur de l’art. 60 al. 1 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/1254/2022 du 13 décembre 2022 consid. 3a et les arrêts cités). La chambre administrative a déjà jugé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/905/2022 du 6 septembre 2022 consid. 3b et l'arrêt cité ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 184 n. 698).

Cette notion de l’intérêt digne de protection est identique à celle qui a été développée par le Tribunal fédéral sur la base de l’art. 103 de la LOJ et qui était, jusqu’à son abrogation le 1er janvier 2007, applicable aux juridictions administratives des cantons, conformément à l’art. 98a de la même loi. Elle correspond aux critères exposés à l’art. 89 al. 1 let. c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005, en vigueur depuis le 1er janvier 2007 (LTF - RS 173.110) que les cantons sont tenus de respecter, en application de la règle d’unité de la procédure qui figure à l’art. 111 al. 1 LTF (ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_433/2021 du 5 juillet 2022 consid. 3.1 ; Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de l’organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 pp. 4126 ss et 4146 ss).

Selon l’art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué (let. b) et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c).

2.3 Une association jouissant de la personnalité juridique est autorisée à former un recours en son nom propre lorsqu'elle est touchée dans ses intérêts dignes de protection (art. 60 al. 1 let. a et b LPA). Comme pour les particuliers, il ne lui est pas possible de recourir pour des motifs d’intérêt général, alors même que, selon ses statuts, elle aurait un but idéal (arrêt du Tribunal fédéral 1C_499/2020 du 24 septembre 2020 consid. 2 et les références citées ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3e éd., 2011, ch. 5.7.2.4 p. 750). Il en va par exemple ainsi lorsqu’une association est demanderesse d’un permis de construire qui lui est refusé ou lorsqu’elle conteste une injonction qui la vise directement (Laurent PFEIFFER, La qualité pour recourir en droit de l’aménagement du territoire et de l’environnement, 2013, p. 133).

2.4 Une association peut également faire valoir les intérêts de ses membres lorsqu’il s’agit d’intérêts qu’elle doit statutairement protéger, qui sont communs à la majorité ou à un grand nombre de ses membres et que chacun a qualité pour s’en prévaloir à titre individuel. Ce recours est aussi nommé corporatif (ATF 145 V 128 consid. 2.2 ; 137 II 40 consid. 2.6.4 ; 131 I 198 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_52/2009 du 13 janvier 2010 consid 1.2.2 non publié in ATF 136 I 1). Ces conditions doivent être remplies cumulativement ; elles doivent exclure tout recours populaire. Celui qui ne fait pas valoir ses intérêts propres, mais uniquement l’intérêt général ou l’intérêt public, n’est pas autorisé à recourir. L’association ne peut prendre fait et cause pour l'un de ses membres ou pour une minorité d'entre eux (ATF 145 V 128 consid. 2.2 ; 142 II 80 consid. 1.4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_749/2021 du 16 mars 2022 consid. 1.2.1 ; ATA/1064/2022 du 18 octobre 2022 consid. 5b).

Le droit de recours n’appartient par conséquent pas à toute association qui s’occupe, d’une manière générale, du domaine considéré. Il doit au contraire exister un lien étroit et direct entre le but statutaire de l’association et le domaine dans lequel la décision litigieuse a été prise (JdT 2011 p. 286 consid. 1.1.1 et les références citées).

2.5 Ont aussi qualité pour recourir les organisations auxquelles la loi reconnaît le droit de recourir (art. 60 al. 1 let. e LPA). Ainsi, ont qualité pour recourir contre une autorisation de construire les associations d’importance cantonale ou actives depuis plus de trois ans qui, aux termes de leurs statuts, se vouent par pur idéal à l’étude de questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement ou à la protection des monuments, de la nature ou des sites (art. 145 al. 3 LCI). La jurisprudence tant fédérale que cantonale a précisé qu'une association dont les statuts poursuivaient la défense des intérêts de ses membres sans se vouer exclusivement à l'étude, par pur idéal, de questions relatives à l'aménagement du territoire, à la protection de l'environnement ou à la protection des monuments et des sites ne pouvait revendiquer le bénéfice de la qualité pour recourir prévue à l'art. 145 al. 3 LCI (arrêt du Tribunal fédéral 1P.595/2003 du 11 février 2004 consid. 2.2 et 2.3 ; ATA/85/2022 du 1er février 2022 consid. 7b).

La qualité pour recourir d'une association au sens de l'art. 145 al. 3 LCI se détermine précisément, selon cette disposition, sur la base d’un examen des buts statuaires de l’association concernée (arrêt du Tribunal fédéral 1C_382/2020 du 16 novembre 2020 consid. 5 ; 1C_38/2015 du 13 mai 2015 consid. 4.3 ; ATA/85/2022 précité consid. 5g).

2.6 La qualité pour agir d’une association ne saurait être appréciée une fois pour toutes. Il convient notamment de vérifier, périodiquement au moins, si les conditions d’existence des associations sont réalisées, si les buts statutaires sont en rapport avec la cause litigieuse et si la décision d’ester en justice a bien été prise par l’organe compétent (ATA/1062/2023 du 26 septembre 2023 consid. 2.3).

2.7 Dans un arrêt récent (ATA/18/2025), la chambre administrative a nié à la recourante la qualité pour former un recours contre une décision globale d'autorisation de construire sur une parcelle de la commune de E______ voisine de celles concernées par la présente procédure. Analysant ladite qualité pour recourir sous l'angle de l'art. 145 al. 3 LCI, elle a considéré que l'association avait échoué à établir qu'elle se vouait exclusivement, par pur idéal, à l’étude de questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement ou à la protection des monuments, de la nature ou des sites au sens de cette disposition. L'arrêt du Tribunal fédéral 1C_382/2020 précité, auquel elle se référait, ne lui était d'aucun secours dès lors qu'il ne pouvait être soutenu que les activités de nature pédagogique, culturelle, sociale et récréative prévues par ses statuts ne revêtent qu'un caractère accessoire.

2.8 À juste titre, la recourante ne prétend pas dans le cas d'espèce qu'elle serait personnellement touchée dans ses intérêts dignes de protection, ni que les conditions d'un recours corporatif seraient réalisées. Seule doit donc être examinée son éventuelle qualité pour recourir au sens de l'art. 145 al. 3 LCI.

2.9 Sur les trois buts principaux figurant à l'art. 3 des statuts de la recourante, seul le premier (connaissance, valorisation et sauvegarde du patrimoine architectural, historique et naturel de E______ et de ses alentours) tombe plus ou moins dans le périmètre des thèmes énumérés par l'art. 145 al. 3 LCI, alors que les deuxième (préservation de la qualité de vie des habitants et favorisation de la convivialité) et troisième (promotion de la mobilité douce et d'une agriculture locale saine et respectueuse de la nature) tendent plutôt à la préservation et à l'amélioration des conditions de vie au sens large des habitants du village de E______. La liste non exhaustive des activités de la recourante, telle qu'elle figure à l'art. 4 de ses statuts, confirme cette orientation centrée sur la défense d'un style de vie villageois et traditionnel. Des activités relatives à l'aménagement du territoire et à la protection de la nature et du paysage au sens large y sont certes mentionnées, mais sous l'angle des nuisances – en terme de vues, de trafic, de pollution, de bruit, etc. – susceptibles d'être subies par les habitants du village (« lutte contre l'enlaidissement du site ou sa banalisation notamment par l'édification de nouvelles constructions, par des mesures d'aménagement inappropriées ou inesthétiques ; lutte contre la pollution et les nuisances sonores, causées en particulier par le trafic »). Les autres activités mentionnées sont de nature pédagogique, culturelle, sociale et récréative, et ne concernent donc pas spécifiquement les domaines de l’aménagement du territoire, de la protection de l’environnement ou de la protection des monuments, de la nature ou des sites.

Le constat dressé par la chambre de céans dans l'arrêt ATA/18/2025 doit donc être confirmé dans la présente espèce, en ce sens que la recourante a échoué à établir qu'elle se vouerait exclusivement, ou même principalement, par pur idéal, à l’étude de questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement ou à la protection des monuments, de la nature ou des sites au sens où l’entendent l’art. 145 al. 3 LCI et la jurisprudence topique. Les buts et activités relatifs à ces objets au sens large, rédigés en des termes peu spécifiques, revêtent en effet un caractère purement accessoire par rapport aux objectifs principaux de la recourante, qui relèvent pour l'essentiel de la préservation d'un style de vie villageois et de la qualité de vie qui lui est attachée. Le renvoi sélectif opéré par la recourante aux objectifs généraux assignés à la législation sur l'aménagement du territoire (art. 1 al. 2 LAT), en particulier aux let. c et f de cette disposition, ne lui est à cet égard d'aucun secours dans la mesure où ces buts, rédigés en termes très généraux et programmatiques, ne sauraient être confondus avec les questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement ou à la protection des monuments, de la nature ou des sites mentionnées par l’art. 145 al. 3 LCI.

À cela s'ajoute qu'il paraît douteux qu'un caractère purement idéal puisse être reconnu aux buts poursuivis par la recourante. S'il est certes exact que la défense de ses membres ne fait pas expressément partie de ses buts statutaires exprès, il n'en reste pas moins que, du fait de la limitation géographique de ses activités à un territoire relativement exigu – le village de E______ et ses alentours –, celles-ci profitent de manière prépondérante aux habitants de ce territoire, au nombre desquels les membres de la recourante.

C’est ainsi de manière conforme à la loi que le TAPI a nié à la recourante la qualité pour recourir. Il n'est pas nécessaire pour parvenir à ce constat d'examiner si la recourante respectait, lors du dépôt de son recours, la condition des trois ans d'activité également prévue par l'art. 145 al. 3 LCI.

Il suit de là que le TAPI n’a pas commis de déni de justice ni violé l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) en n’entrant pas en matière sur le fond du recours.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

3.             Vu l'issue du litige, des émoluments respectifs de CHF 250.- et de CHF 750.- seront mis à la charge de ASSOCIATION B______, qui a retiré son recours mais est réputée avoir succombé (ATA/804/2022 du 15 août 2022) et de l'association (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée aux intimées, qui y ont conclu, à la charge de ASSOCIATION B______ à hauteur de CHF 250.- et de l'association à hauteur de CHF 750.-.


* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

donne acte à ASSOCIATION B______ du retrait du recours qu'elle a formé le 8 janvier 2024 contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 novembre 2023 ;

rejette, dans la mesure de sa recevabilité, le recours formé à la même date et contre le même jugement par l'ASSOCIATION A______ ;

met un émolument de CHF 250.- à la charge de ASSOCIATION B______ ;

met un émolument de CHF 750.- à la charge de l'ASSOCIATION A______ ;

alloue, solidairement entre eux, à C______ SA et à D______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de ASSOCIATION B______ à hauteur de CHF 250.- et à la charge de l’ASSOCIATION A______ à hauteur de 750.- ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Alain MAUNOIR, avocat de L'ASSOCIATION A______, à ASSOCIATION B______, à Me Guillaume FAUCONNET, avocat des intimées, au département du territoire-OAC ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Patrick CHENAUX, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :