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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3832/2024

ATA/93/2025 du 22.01.2025 ( AMENAG ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3832/2024-AMENAG ATA/93/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 22 janvier 2025

sur effet suspensif

dans la cause

A______

B______

C______

D______

E______

F______

G______

H______

I______

J______

K______

L______

M______

N______

O______

P______

Q______

R______ recourants
représentés par Me Michel SCHMIDT, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT intimé


Attendu, en fait, que le plan localisé de quartier n° 1______ – ______ (ci-après : le PLQ), situé entre la rue de S______, la route des T______, l’avenue U______ et la rue du V______, sur le territoire de la Ville de Genève, section W______, prévoit, au sein de 15 aires d’implantation, la réalisation de 15 bâtiments (A à O) ayant des gabarits de six étages sur rez-de-chaussée, pour une hauteur maximale de 23 m, situés parallèlement à la rue de S______ et à l’avenue U______ ; qu’au centre du périmètre, le projet de PLQ prévoit la réalisation d’un parc/jardin permettant de maintenir une importante surface en pleine terre et des percées visuelles sur le grand paysage, notamment direction du Jura, ainsi que le maintien et l’implantation de nombreux arbres ; que le projet permettra la réalisation de 53'579 m² de surface brute de plancher (ci-après : SBP) maximum, à raison de 48'404 m² de SBP de logement et 5'175 m² de SBP d’activités pour un indice d’utilisation du sol de 1.6 et un indice de densité de 2.63 ; que l’ensemble de ce périmètre se trouve en zone de développement 3 ;

que, par courrier recommandé adressé le 20 mars 2024 au Conseil d’État, A______, B______, C______, D______, E______, F______, G______, H______, I______, J______, K______, L______, M______, N______, O______, P______, Q______, R______ (ci-après : les habitants) et « peut-être » l’association des habitants du quartier de la S______ ont formé opposition au projet de PLQ ;

que, par arrêté du 16 octobre 2024 (n° 2______ –______), le Conseil d’État a rejeté, dans la mesure de leur recevabilité, les oppositions formées par les habitants ;

que, par un second arrêté également prononcé le 16 octobre 2024 et publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (FAO), le Conseil d’État a approuvé le PLQ n° 1______ – ______;

que ces arrêtés ont été déclarés exécutoires nonobstant recours, « en ce sens que les procédures administratives relatives aux demandes d’autorisation de construire peuvent suivre leur cours, l’exécution des travaux tendant à la réalisation des ouvrages et bâtiments étant toutefois interdite jusqu’à droit connu » ;

que, le 15 novembre 2024, les habitants ont formé auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) un recours contre le premier arrêté susmentionné, concluant à son annulation ; que les principes de concertation, d’égalité de traitement dans la répartition des droits à bâtir, de la garantie de la propriété avaient été violés ; que la constitution des servitudes de passages publics et privés était impossible ; que la politique du canton en matière de protection de l’environnement avait été violée ;

qu’ils ont requis la restitution de l’effet suspensif au recours ; que les arrêtés laissaient entendre que des autorisations de construire pourraient être accordées par l’office compétent avant même que la chambre de céans ne se soit prononcée sur la validité du PLQ litigieux ; que pour motiver cette décision, le Conseil d’État s’était référé à la pénurie de logements connue à Genève, en soulignant que l’intérêt public supérieur commandait que l’on puisse construire dans les meilleurs délais ; que s’ils étaient conscients de l’existence de ladite pénurie, ils contestaient que l’effet suspensif du recours créerait une mise en danger grave et imminente de l’intérêt public de créer des logements, leur construction dépendant en tous les cas de la décision de la chambre de céans ; que par ailleurs, ils avaient soulevé le grief de violation du principe d’égalité de traitement dans la répartition des droits à bâtir, incluant des parcelles dont ils étaient copropriétaires ; qu’en conséquence, instruire des demandes d’autorisation se basant sur le PLQ qui violerait ce principe et surtout délivrer des autorisations en utilisant des droits à bâtir dont la répartition égalitaire était contestée violerait l’art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) ; que les intérêts de tous les propriétaires du périmètre du PLQ seraient ainsi lésés si la répartition des droits à bâtir était remise en cause et devait être revue ; que délivrer des autorisations de construire alors même que le PLQ sur lequel elles se fonderaient ne serait pas encore en force violerait non seulement la LPA mais aussi l’art. 2 al. 1 de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35) ; que l’intérêt public à la préservation de la biodiversité du site était tout aussi important que celui de créer des logements ; qu’il justifiait, à lui seul, de ne pas instruire les demandes d’autorisation de construire et de ne pas délivrer dite autorisation qui aurait pour conséquence de lui porter atteinte ;

que, par observations du 14 février 2024, le Conseil d’État, soit pour lui le département du territoire (ci-après : le département), s’est opposé à la restitution de l’effet suspensif au recours ; les recourants ne rendaient aucunement vraisemblable, à ce stade de la procédure, que la clause déclarant l’arrêté exécutoire nonobstant recours leur causerait un préjudice irréparable au vu du libellé de l’arrêté d’adoption du PLQ, dont il résultait qu’aucune construction ne pourrait être réalisée jusqu’à droit connu sur le fond de leur recours ; qu’ils conservaient pour le surplus la possibilité de faire valoir leurs droits dans le cadre d’éventuelles procédures en délivrance d’autorisations de construire, le cas échéant en recourant contre des autorisations et en requérant des mesures provisionnelles, étant relevé qu’une telle autorisation pourrait être révoquée en cas d’admission du recours dirigé contre le PLQ ; que le retrait de l’effet suspensif répondait pour le surplus à un intérêt public prioritaire, consistant à mettre en valeur les zones de développement existantes afin de rendre possible la création de logements sociaux supplémentaires ;

que, par réplique sur effet suspensif du 13 décembre 2024, les recourants ont persisté dans leurs conclusions en restitution de l’effet suspensif ; que leur cas était singulièrement différent des autres dossiers ; que la conséquence juridique de la non restitution de l’effet suspensif au recours serait d’octroyer un caractère exécutoire non seulement à l’arrêté du Conseil d’État mais également au PLQ litigieux ; que la question de la légitimité juridique de la Ville de Genève de bénéficier de cessions gratuites et privées se posait ; que la réserve de l’arrêté du Conseil d’État selon laquelle l’exécution des travaux serait interdite jusqu’à droit connu ne traitait pas de l’hypothèse selon laquelle la ville imposerait lesdites cessions, par exemple dans le cadre d’une procédure en expropriation à l’encontre des recourants ; que si cette procédure venait à être menée il n’existerait aucune garantie que d’éventuelles mesures provisionnelles conduisent à sa suspension jusqu’à droit jugé dans la présente procédure, cela d’autant plus que l’autorité compétente ne serait pas la même ; que le prix fixé dans le cas d’une procédure d’expropriation serait plus bas que celui qui résulterait de la répartition égalitaire des droits à bâtir des parcelles concernées par le PLQ ; qu’un préjudice irréparable pourrait déjà intervenir pour ce motif ; que de surcroît l’arrêté querellé ne prévoyait pas de réserves concernant la réalisation des travaux d’aménagements extérieurs ; que la biodiversité pourrait être atteinte avant que la cause soit jugée ;

considérant, en droit, l’art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative de la Cour de justice du 26 mai 2020, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par le président de ladite chambre, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d’empêchement de ceux-ci, par un juge ;

qu’aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3) ;

que, par ailleurs, l’art. 21 al. 1 LPA permet le prononcé de mesures provisionnelles ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l’effet suspensif – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/503/2018 du 23 mai 2018 ; ATA/955/2016 du 9 novembre 2016 consid. 4 ; ATA/1244/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2) ; qu’elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess, RDS 1997 II 253-420, spéc. 265) ;

que, par ailleurs, l’octroi de mesures provisionnelles présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405 ; ATA/941/2018 du 18 septembre 2018) ;

que la restitution de l’effet suspensif est subordonnée à l’existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l’autorité de recours n’est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités ; ATA/812/2018 du 8 août 2018) ;

que la chambre de céans dispose dans l’octroi de mesures provisionnelles d’un large pouvoir d’appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 précité consid. 5.5.1 ; ATA/941/2018 précité) ;

qu’en l’espèce s’il est vrai que le retrait – partiel – de l’effet suspensif au recours permet le dépôt et le traitement d’éventuelles demandes d’autorisations de construire pendant la procédure de recours, les recourants conservent la possibilité de faire valoir leurs droits dans la procédure d’examen de ces demandes, puis de contester la délivrance éventuelle d’autorisations ;

qu’ainsi, comme la chambre de céans l’a déjà relevé à plusieurs reprises (arrêt du Tribunal fédéral 1C_363/2016 du 5 octobre 2016 consid. 1.3 ; ATA/841/2024 du 11 juillet 2024 ; ATA/799/2022 du 12 août 2022 ; ATA/706/2018 du 10 juillet 2018 ; ATA/787/2015 précité), seule la réalisation effective de constructions – exclue par le libellé de la décision de retrait de l’effet suspensif – serait le cas échéant de nature à causer aux recourants un préjudice irréparable ;

que les questions de protection du biotope ou de préservation de leurs droits dans la répartition des droits à bâtir, voire d’une hypothétique indemnisation, ne sont pas de nature à être irrémédiablement atteints par l’avancement de l’instruction des demandes d’autorisations de construire, voire même par leur délivrance ; que, comme le relève expressément l’intimé, une autorisation de construire délivrée avant la fin de la procédure de recours pourrait encore être révoquée ou annulée en cas d’admission totale ou partielle du présent recours (ATA/787/2015 du 31 juillet 2015) ;

que l’exclusion partielle de l’effet suspensif répond par ailleurs à un intérêt public important, consistant à pouvoir traiter sans attendre d’éventuelles demandes d’autorisation de construire de manière à ce que, dans l’hypothèse où le recours serait rejeté, les constructions susceptibles d’être autorisées, parmi lesquelles des logements, puissent être rapidement réalisées ;

que cet intérêt public l’emporte sur l’intérêt privé des recourants à ce que la situation antérieure à l’adoption du PLQ prévale jusqu’à la fin de la procédure de recours ;

qu’au vu de ces éléments, la requête de restitution de l’effet suspensif sera rejetée ;

qu’il sera statué sur les frais de la présente décision avec l’arrêt sur le fond.


LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête de restitution de l’effet suspensif ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Michel SCHMIDT, avocat des recourants, ainsi qu’au Conseil d’État.

 

 

 

 

Le président :

 

 

 

C. MASCOTTO

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :