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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/112/2023

ATA/1461/2024 du 12.12.2024 sur JTAPI/552/2024 ( ICCIFD ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/112/2023-ICCIFD ATA/1461/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 décembre 2024

4ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me David BITTON, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 juin 2024 (JTAPI/552/2024)


EN FAIT

A. a. B______est un homme d'affaires actif, ou ayant été actif, dans la logistique et le commerce d'œuvres d'art. Durant les années 2008 à 2014, il détenait pendant la période concernée par la présente procédure le groupe de sociétés C______ (D______, E______ et F______, sises avenue G______ 1______ à H______ ; ci‑après : le I______) et était l’ayant droit économique de plus d’une centaine de sociétés, dont notamment A______ (ci-après : A______), J______ (ci-après : J______), K______, L______, M______, N______, O______, P______, Q______, R______, S______, T______, U______, V______, W______, X______, Y______, Z______, AA______, AB______, AC______, AD______ et AE______.

Il détenait par ailleurs d'autres sociétés à Genève telles qu’AF______, AG______, AH______, AI______, AJ______, AK______, AL______, AM______ et AN______ (toutes sises à la même adresse), ainsi que AO______.

b. Le 23 mars 2005, A______ a été inscrite au registre du commerce (ci-après : RC) de AP______, selon lequel son adresse se trouvait auprès de la société de domiciliation AQ______ (2______, AR______, 3______, AS______, AT______, AP______). AU______ et AV______ en étaient administratrices jusqu’en 2015. Depuis le 9 décembre 2016, AW______ en est la directrice.

Son capital-actions est détenu à raison de 50% chacune par les sociétés AX______ et AY______, domiciliées à la même adresse que A______ à AP______ et également détenues par B______.

c. Les 1er février et 8 août 2006, A______ a mis B______ au bénéfice d’une procuration illimitée (« General Power of Attorney »), lui donnant notamment le pouvoir de la représenter dans toutes ses affaires et de gérer celles-ci, ainsi que ses comptes bancaires.

d. Par formule du 14 août 2006, B______a ouvert auprès de la banque AZ______ (devenue BA______ ; ci-après : BA______), sise à Genève, un compte bancaire (n°4______) au nom de A______, confirmant en être l’ayant droit économique unique. Il disposait d’un droit de signature individuelle en lien avec ce compte.

e. Domicilié à Genève jusqu’au 31 décembre 2008, B______ y a été soumis à l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) et à l'impôt cantonal et communal (ci‑après : ICC) de manière illimitée. Il y a exercé, à plein temps, une activité dépendante auprès de sa société D______.

f. Par formulaire daté du 9 décembre 2008, il a annoncé à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) son départ définitif pour BB______, dès le 1er janvier 2009, précisant que la raison en était « professionnelle ». Sur cette base, l'AFC-GE l’a assujetti aux impôts de manière limitée dès les périodes fiscales 2009 à 2015, en raison de ses biens immobiliers situés dans le canton.

g. En mars 2015, plusieurs articles de presse ont rapporté qu'une plainte pénale avait été déposée à l’encontre de B______ devant la justice BU______ par BC______ ou ses sociétés offshore. La plainte portait sur une affaire d'escroquerie. B______ aurait surfacturé des tableaux de maîtres au plaignant ou à ses sociétés, via A______, tout en percevant directement des commissions correspondant à 2% du prix de vente. En dix ans, B______ aurait ainsi vendu à BC______ une quarantaine d'œuvres d’art majeures.

h. Le 8 avril 2015, informée des procédures pénales ouvertes à l’encontre de B______, l'AFC-GE a sollicité du Ministère public genevois l’accès au dossier de ce dernier, soit aux documents propres à la renseigner sur une éventuelle soustraction d’impôts, ce qui lui a été autorisé le 9 juin 2015. À cette occasion, elle a pris connaissance, en particulier, de nombreux relevés de comptes bancaires non déclarés de B______ et de ses sociétés (notamment A______, Y______ et J______), de factures établies entre ces dernières, de procès-verbaux d'interrogatoires de B______à BU______, d’échanges d'écritures dans cette procédure et de documents en lien avec une procédure engagée à l’encontre de celui-ci à BB______.

i. Par courriers adressés spontanément à l'AFC-GE et à la Division des affaires pénales et enquêtes (ci-après : DAPE) de l’administration fédérale des contributions (ci‑après : AFC-CH) le 9 avril 2015, B______ a notamment exposé que la presse s'était fait l'écho d'accusations d'escroquerie à son encontre et celle de ses sociétés par BC______. Sur la base de ces accusations, la Haute Cour de BB______ avait ordonné des mesures provisionnelles à son encontre et les autorités BU______ avaient adressé à la Confédération suisse une demande d'entraide internationale en matière pénale. Il souhaitait remettre à l'AFC-GE et à la DAPE toutes les informations qui permettraient de prouver que ses sociétés et lui-même n'étaient pas assujettis fiscalement en Suisse. Il faisait élection de domicile auprès de ses conseils à Genève.

Procédure et enquête de la DAPE

B. a. Le 13 mars 2017, donnant suite à une demande de l'AFC-CH du 24 février 2017, le département fédéral des finances a autorisé la DAPE à mener une enquête fiscale spéciale à l'encontre de B______, A______ et J______, au motif qu’ils étaient suspectés d’avoir soustrait à l’imposition des revenus.

Dans le cadre de cette procédure, l'AFC-GE a eu accès à un nombre important de pièces nouvelles et de renseignements sur les diverses relations bancaires de B______ et de ses sociétés (relevés de comptes bancaires, contrats et factures en lien avec des ventes d'œuvres d'art notamment).

b. Le 24 avril 2017, EZ______ et FA______, avocats, ont informé la DAPE être constitués pour B______ et A______. Ils ont produit en ce sens une procuration signée par le précité au nom de A______.

c. En avril 2017, la DAPE a effectué des perquisitions dans des locaux occupés à Genève par les sociétés de B______, soit AG______, AH______, AI______, BD______, E______, F______, AK______, AL______, AM______, AN______ et AF______. Elle a notamment constaté que les factures et la comptabilité de A______ et de J______ étaient établies par le personnel des sociétés AN______ et AF______.

Ces perquisitions ont fait l'objet d'oppositions, notamment au motif que les documents en cause contiendraient des secrets confiés à des avocats. Elles ont été confirmées par la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (ci-après : la Cour des plaintes ; décisions du 19 juin 2020 dans la cause 5______ et du 19 avril 2023 dans la cause 6______), qui a finalement retenu que les pièces n° 800.109.001 à 800.109.020, 800.109.129 à 800.109.132 et 800.109.172 à 800.109.185 devaient être retirées du dossier car couvertes par le secret professionnel de l’avocat, et par le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 1B_434/2020 et 1B_435/2020 du 17 février 2021 concernant la première de ces deux décisions).

d. Entre les 19 juillet 2018 et 17 mai 2022, B______ a également été convoqué à une douzaine d’auditions en tant qu’inculpé, auxquelles se sont ajoutées des procédures écrites lui ayant également permis de se déterminer.

Lors de sa première audition du 19 juillet 2018, B______, assisté de ses conseils, Mes EZ______ et David BITTON, a été informé qu’il était entendu comme inculpé pour soustraction d’impôts sur le revenu pour les années 2005 à 2015, ainsi qu’en tant qu’ayant droit économique et administrateur de A______ et J______ pour soustraction d’impôts sur le bénéfice pour les années 2007 à respectivement 2014 et 2015. Concernant A______ en particulier, il lui était reproché d’avoir commis « durant les périodes fiscales 2005 à 2014, des soustractions d’impôts sur le bénéfice portant sur des montants importants par le fait que, n’étant pas inscrite au RC suisse et n’ayant pas déposé de déclaration fiscale, elle aurait eu son administration effective en Suisse et aurait généré des bénéfices imposables. Ces derniers proviendraient notamment de son rôle d’intermédiaire dans la vente d’œuvres d’art à BC______ par B______ ». Après avoir également été informé de son droit au silence, B______ a souhaité collaborer.

Chaque audition ultérieure a débuté par un rappel des faits reprochés à B______, à A______ et à J______, avec une confirmation du procès-verbal de l’audition précédente.

e. Dans un courrier adressé au Ministère public de la Confédération le 6 juillet 2017, B______ a notamment indiqué avoir rencontré les époux B______C______ en 2003 aux BE______ (ci-après : BE______), alors que le couple était domicilié dans ce canton. Entre 2003 et 2014, BC______, par le biais de ses sociétés, avait acheté à A______ 33 chefs-d'œuvre d'artistes de renommée internationale, ainsi que quatre autres œuvres vendues par d'autres sociétés proches de lui. Toutes les ventes avaient été conclues et instrumentées à Genève. Les relations entre les parties avaient pris naissance à Genève et avaient continué de s'y ancrer, ce même après leur départ à l'étranger, en 2009 pour lui, et en 2011 pour BC______. Les œuvres d'art concernées avaient toutes, à quelques rares exceptions près, été présentées et livrées aux BE______.

f. Le 9 septembre 2019, Mes EZ______ et FB______ ont indiqué à la DAPE représenter à nouveau les intérêts de A______, en produisant une procuration signée par B______pour celle-ci.

g. Le 13 mai 2020, la DAPE a rendu un premier rapport à l’encontre de B______ portant sur les périodes fiscales 2005 à 2008, transmis à l’AFC-GE et à Mes EZ______ et FC______.

Concernant A______, il en ressortait notamment que, durant cette période, celle-ci avait vendu à BF______ seize œuvres d’art, dont une « exceptionnelle petite table à décor chinois » d’une grande valeur retrouvée lors des perquisitions auprès de AN______. B______ était l’ayant droit économique du compte de A______ auprès de la banque BA______ sur lequel, outre lui-même, les personnes disposant d’un droit de signature ou d’une procuration étaient sa tante et trois employées du I______ à Genève, deux travaillant pour AF______ et une autre pour F______. Le chiffre d’affaires réalisé par A______ pour ses ventes à BF______ avait été encaissé sur le compte bancaire précité. Le détail de la chronologie des quatorze ventes effectuées par A______ était mentionné. Lors de l’audition du 30 septembre 2019, B______ avait confirmé ces éléments. Il n’avait ensuite pas souhaité répondre aux questions plus précises sur le déroulement des transactions en raison d’un courrier reçu le même jour de l’AFC-GE. B______ n’avait pas remis la plupart des pièces demandées lors des auditions en 2018 et 2019, et n’avait remis aucune pièce justificative dans le cadre des procédures écrites des 13 janvier et 18 février 2020. Un rapport serait établi pour A______, également inculpée.

h. Le 20 décembre 2021, la DAPE a rendu un second rapport à l’encontre de B______ portant sur les périodes fiscales 2009 à 2015, transmis à l’AFC-GE et à Mes EZ______ et FB______.

Entre 2009 et 2015, 20 œuvres d’art avaient été vendues à BG______ et deux à BF______, par A______. Le chiffre d’affaires réalisé sur ces ventes avait été encaissé sur le compte bancaire de A______ auprès de la banque BA______.

i. Le 11 mai 2022, en début d'audition, il lui a derechef été précisé : « vous êtes entendu ce jour pour les soustractions commises par les sociétés A______ et J______ dans la mesure où vous êtes organe de fait de ces dernières. Ainsi que pour complicité de soustractions commises par ces sociétés » (sic). B______ était alors assisté des mêmes défenseurs (Mes EZ______, FC______ et FD______) que A______. Il a refusé de répondre au nom de A______, invoquant ne pas avoir le pouvoir de la représenter. Il en a été de même lors de l'audition du 17 mai 2022 à laquelle il a également été cité à comparaître en tant qu'inculpé. Pendant l'audition, son défenseur a indiqué que les sociétés concernées souhaitaient participer mais qu'il faudrait pour cela qu'elles soient convoquées pour être entendues ce qui n'avait pas été fait depuis 2017.

j. Par courrier du 16 mai 2022, les deux conseils de A______, se référant à un courrier daté du même jour signé par AW______, ont informé la DAPE que selon « le règlement d'organisation » de la société, B______ n'avait pas autorité pour la représenter et que donc ses dépositions ne la liaient pas.

Ce règlement n’a pas été versé à la procédure.

k. Le 17 mai 2022, Mes EZ______ et FC______ ont fait savoir à la DAPE qu'ils cessaient de s’occuper du dossier de A______ avec effet immédiat.

l. Le 7 juin 2022, Me David BITTON a informé la DAPE qu'il se constituait pour la défense des intérêts de A______, succédant aux conseils précités. N’ayant jamais été entendue au cours de l’enquête ouverte en 2017, A______ n’avait été informée des charges pesant contre elle que le 11 mai 2022. Dès lors que A______ avait désormais le statut d’inculpée dans le cadre de cette enquête, elle entendait y collaborer activement et participer à l’administration des preuves. B______ n'avait pas qualité pour la représenter. Était jointe une procuration le constituant, signée par AW______. Selon le règlement d’organisation de A______, l’activité de B______ était encadrée et ne s’étendait pas à la représentation de la société en justice.

m. Le 20 juin 2022, la DAPE a informé A______ de la prochaine clôture de l'enquête ouverte contre elle, précisant qu'elle rendrait son rapport prochainement.

n. Le 4 juillet 2022, A______ a requis son audition par la DAPE avant la clôture de l'enquête spéciale la concernant, en contestant qu’B______ pouvait valablement la représenter dans le cadre de l’enquête de la DAPE.

o. Le 11 juillet 2022, la DAPE a octroyé l’accès au dossier au nouveau conseil de A______.

p. Le 22 juillet 2022, la DAPE a adressé à l’AFC-GE et à A______ son rapport la concernant, daté du 2 juillet 2022. Cette dernière disposait d’un délai de 30 jours à compter de la notification de celui-ci pour déposer ses observations et requérir un complément d’enquête.

Selon ledit document, détaillant sur environ 80 pages le déroulement de l'enquête ainsi que les raisons pour lesquelles elle considérait que A______ devait être assujettie aux impôts à Genève de manière illimitée, ce qui justifiait des reprises et des amendes pour soustraction des impôts dus pour les années 2005 à 2015, les éléments suivants étaient notamment retenus :

- B______, par l’intermédiaire de AN______ et AF______, avait utilisé les services de BH______ pour constituer plusieurs dizaines de structures offshore, dont A______ et J______ ;

- J______ avait été utilisée, pour des raisons de confidentialité, dans les opérations menées par A______. Les deux sociétés avaient été constituées dans des pays à fiscalité nulle et réputés pour la domiciliation de sociétés, à savoir les Îles Vierges britanniques et AP______. Elles étaient domiciliées auprès de bureaux fiduciaires à l'étranger – soit BI______, BJ______, BK______, pour la première, et AQ______, pour la seconde – qui proposaient notamment des services de domiciliation de sociétés offshore mais qui ne les administraient pas dans les faits (administrateur de paille – domiciliation fictive). Elles ne possédaient pas de bureaux propres et n’employaient pas de personnel au lieu du siège ;

- la gestion des affaires courantes de A______ et de J______ s’effectuait par le personnel salarié des sociétés genevoises appartenant à B______, soit AF______ et AN______, dans leurs locaux genevois. B______ et ce personnel administraient et contrôlaient toutes les activités de A______ et J______ depuis le même endroit, soit avenue G______ 1______, H______ ;

- une procuration illimitée était confiée par les administrateurs de paille de A______ et J______ à B______ pour représenter ces sociétés dans toutes leurs affaires. Par sa signature individuelle, seul ce dernier engageait ces sociétés dans les affaires de gestion courantes, à l'exclusion des administrateurs formels. Les documents (factures, correspondances, courriels) étaient établis et signés par B______, jamais par les administrateurs inscrits au RC ;

- A______ et J______ avaient ouvert leurs comptes bancaires dans le même établissement bancaire en Suisse, soit la banque BA______, par l’intermédiaire de B______ qui était l'ayant droit économique des valeurs déposées. La correspondance pour les deux comptes bancaires était adressée à l'attention de B______, avenue G______ 1______, CP 7______, 8______ H______. Ce dernier possédait la signature individuelle sur les deux comptes et le personnel de ses sociétés genevoises disposait d'une procuration sur lesdits comptes. Les administrateurs formels de A______ et de J______ ne détenaient pas la signature sur ces comptes ;

- les documents pour A______ et J______ avaient été retrouvés au même endroit, soit dans les bureaux d’AN______, sise avenue G______ 1______, H______. Leurs factures avaient été établies par le même personnel, soit celui d'AF______ et d’AN______, sur la base de « chablons » identiques. Leur comptabilité était également tenue par les mêmes personnes à l'aide du même système informatique et programme comptable ;

- les transactions financières de J______ se faisaient sans marge, à l'exception de celles relatives à deux œuvres. Les transactions entre A______ et J______ étaient réalisées simultanément, à savoir le même jour, le compte bancaire de cette dernière ne servant que de compte de passage. L'utilisation de J______ intervenait au moment où l'œuvre d'art à vendre par A______ aux entités de BC______ devait être acquise auprès de BL______. Elle servait ainsi d'écran supplémentaire entre A______ et les sociétés de BC______ ;

- A______ et J______ ne formaient en réalité qu'une seule et même entité économique. Le but visé par leur ayant droit économique, B______, était d'éluder les impôts directs en Suisse, d'une part, et de renforcer son anonymat à l’égard de BC______, d'autre part. Pour ces raisons, les résultats des deux sociétés devaient être consolidés, de sorte que le bénéfice réalisé par J______ soit imposé auprès de A______, pour les années non frappées par la prescription ;

- pour la période 2005 à 2015, le commerce d'œuvres d'art réalisé par A______, par l’intermédiaire de son administateur principal B______, avait généré en Suisse une marge bénéficiaire de plusieurs centaines de millions de CHF, provenant exclusivement des ventes aux entités de BC______. Or, A______ n'avait jamais déposé de déclaration fiscale à Genève et n'était dès lors pas inscrite au registre des contribuables. Lors de sa première audition, B______ avait indiqué que les bénéfices de A______ devaient être imposés à AP______, lieu de son siège et de son activité. Il n'avait pourtant pas pu confirmer si cette société s'y était acquittée d'impôts sur ses bénéfices, qui étaient pourtant colossaux ;

- selon le RC de AP______, les administrateurs de A______ étaient, au moment des faits, AU______ et AV______, toutes deux domiciliées à AP______. Or, les pièces du dossier démontraient qu’elles n’étaient jamais intervenues dans le cadre des activités opérationnelles proprement dites de A______. Tout au plus, elles avaient signé, peu de temps après la création de A______, la procuration générale octroyée à B______, lui conférant ainsi un pouvoir absolu d'engager cette société. C’était ce dernier qui, sur la base de cette procuration, agissait au nom de la société, en signant notamment des contrats, des attestations, des factures et des instructions de paiement à la banque BA______ ;

- bien que n'apparaissant pas formellement en tant qu'organe de A______, B______ en était le seul animateur et disposait d'une procuration générale pour cette société. Ainsi, en sa qualité d'organe de fait et de bénéficiaire final de cette société, il disposait du pouvoir décisionnel et il avait pris les décisions au nom de celle-ci. En tant qu'organe de fait, il avait engagé la responsabilité pénale de A______. Depuis le début de la procédure, il s'était toujours comporté comme le représentant civil de celle-ci, jusqu'à son changement de comportement durant l'audition du 11 mai 2022. Ce revirement stratégique, de nature purement dilatoire, n'était pas à même de modifier l'appréciation (de la DAPE) au sujet de sa fonction au sein de A______, à savoir celle d'organe de fait qui avait agi et pris toutes les décisions pour la société, au moment des faits, et qui l’avait administrée depuis la Suisse durant la période en cause. Il était insolite que, plusieurs années après le début de l'enquête, B______ déclare tout à coup, lors de son audition du 11 mai 2022, ne pas être à même de représenter A______ qu'il avait lui-même administrée dans les faits et au sujet de laquelle il avait pris position à maintes reprises. Il était tout autant insolite que l'étude BM______, qui avait représenté cette société durant la procédure, dénonce elle aussi de manière subite et au même moment son mandat. Il n'était pas moins surprenant que Me David BITTON, qui avait toujours représenté B______ conjointement avec ladite étude, défende subitement les intérêts de A______ au terme de l'enquête. Les investigations avaient démontré que le départ de B______ pour BB______, au 1er janvier 2009, était totalement fictif. Celui-ci avait en effet conservé ses multiples centres d’intérêts en Suisse, ce qui impliquait son assujettissement illimité dans ce pays à partir de cette date et jusqu'au 31 décembre 2015, à tout le moins. Dès lors que la résidence de l'actionnaire et de l'unique organe directionnel de A______, se situait en Suisse durant toute la période considérée, cet élément constituait un premier indice fort en faveur de l'administration effective en Suisse de cette société et de son assujettissement illimité en Suisse ;

- lors de l'une de ses auditions par la Police judiciaire BU______, B______ avait indiqué que les opérations commerciales de A______, en lien avec les œuvres d'art vendues aux entités de BC______, étaient déployées depuis la Suisse, que cette société avait son siège social à AP______ mais qu’elle ne disposait pas de personnel, ne payait pas d'impôts et disposait juste d'une adresse de domiciliation ;

- les pièces séquestrées en date du 16 mars 2021 démontraient que B______ négociait les prix de vente des œuvres d'art, par courriel ou lors de rencontres à Genève. Dans certains cas, il adressait également par courriels les factures de A______. Il réglait également les modalités de paiement (demandes de paiements, confirmations de paiements, etc.). Il négociait lui-même avec les vendeurs le prix pour les œuvres acquises par A______ ;

- les présentations des œuvres d'art s’étaient généralement déroulées aux BE______. Pour les visites et analyses, les œuvres étaient déplacées principalement à Genève. Selon un document retrouvé auprès d'AN______, sur 37 œuvres vendues, 27 avaient été présentées en Suisse, 6 en France, 3 aux
États-Unis, une en Autriche et aucune à BB______ et BU______ ;

- les relevés de comptes 2007 à 2016 de A______, établis par F______ sise à Genève, démontraient que la première avait régulièrement recours aux services de la seconde, qui était spécialisée dans le transport d'œuvres d'art ;

- lors de son audition du 19 décembre 2018, à la question de savoir qui établissait les factures adressées aux sociétés de BC______, B______ avait répondu que c’était « une, voire deux personnes qui se trouvaient à Genève, qui agissaient sur instructions ». Selon ses propos tenus lors de l'audition du 11 mai 2022, il s'était avéré que les deux personnes en question étaient employées par AN______ et AF______ ;

- pour la vente des œuvres d'art aux entités de BC______, A______ n'émettait que des factures sans signature, à l'exception de la vente relative à l'œuvre BN______ de BO______, pour laquelle un contrat avait été établi. Il s'agissait de l'une des premières ventes de A______. C'était B______, domicilié en Suisse lors de l'établissement du contrat en 2006, qui l’avait signée, en tant que représentant de A______. Il y était mentionné qu'en cas de litige, le for juridique était en Suisse ;

- un tableau récapitulatif avait été retrouvé dans le cadre des perquisitions effectuées auprès d'AN______, détaillant les lieux de l'activité relative aux œuvres d'art vendues aux entités de BC______ (soit les lieux des négociations sur le prix, de la facturation, des instructions, des dossiers, de la présentation, de la restauration et de l'encadrement des œuvres d'art après achat). Il en ressortait que l'activité du commerce d'œuvres d'art en lien avec ces entités s'était déployée en Suisse ;

- durant la période sous enquête fiscale, A______ avait versé aux entités de BP______ de très importantes commissions pour avoir mis en relation B______ avec BC______. BP______ était collaboratrice d’AG______, société contrôlée par B______, à qui elle servait également d'interprète dans ses relations d’affaires avec BC______. Lors des perquisitions, des attestations établies par B______ concernant lesdites commissions avaient été saisies. Toutes étaient signées par ce dernier (dont une au nom de A______ et indiquaient « Fait à Genève … ») ;

- lors de ses auditions des 19 décembre 2018 et 20 mai 2021, B______ avait reconnu que les rencontres avec le « bras droit » de BC______, BQ______, avaient eu lieu principalement à Genève, ainsi qu’à CB______, BU______ et aux États-Unis. Il avait précisé avoir rencontré BQ______ à raison d'une fois tous les deux mois en moyenne pendant dix ans, soit environ 60 fois, période durant laquelle il était venu entre 30 et 40 fois dans les locaux du I______ ou sur le site des BE______. BC______ s’était quant à lui rendu en personne à 25 reprises environ dans les locaux du I______ ou sur le site des BE______. Cette société s’était chargée du transport des œuvres d'art, à l’instar d'autres compagnies de transport (dont il n’avait pas cité les noms). Il avait admis que A______ avait versé plusieurs millions de commissions à BP______ ;

- toutes les pièces au dossier tendaient à confirmer que les activités commerciales de A______ avaient été déployées depuis la Suisse. Dans un courriel du 23 juin 2015, soit une date postérieure à l'audition tenue par les autorités BU______, B______ avait confirmé que les transactions commerciales avaient eu lieu principalement à Genève. A______ n’avait pas contesté être détentrice d'un grand nombre de documents disposés dans les locaux d’AN______ à Genève et avait admis, dans le cadre d'échange d'écritures avec le Tribunal pénal fédéral en lien avec la requête de levée des scellés, que B______, elle-même et J______ s’étaient « de manière constante présentés » à la DAPE « comme les codétenteurs » des documents saisis dans les locaux d’AN______ lors des perquisitions du 9 avril 2017. En tout état, aucune pièce au dossier ne permettait de démontrer que l'activité commerciale de A______ avait été déployée depuis son siège statutaire à AP______. Durant toute la procédure, B______ n'avait apporté aucune pièce à ce sujet. Au contraire, les décisions importantes avaient été prises par lui-même depuis Genève, telles que la fixation du prix d'achat, du prix de vente et des montants des commissions à verser. Genève avait été le lieu de la signature des contrats, de l'établissement des factures et de la communication des instructions à la banque. A______ avait bien exercé ses activités commerciales en Suisse, sous la direction unique de B______;

- aucun contrat de travail établi par A______ n'avait pu être retrouvé prouvant l’emploi de personnel. Il n'avait pas non plus été possible de démontrer la présence de collaborateurs à AP______, hormis l’administrateur formel. En revanche, les nombreuses pièces au dossier faisaient apparaître que les personnes qui agissaient pour le compte de A______, outre B______, étaient toutes des collaboratrices de sociétés genevoises appartenant à ce dernier. L'analyse des comptes bancaires de A______ ne faisait apparaître aucun versement pouvant correspondre à des paiements de salaires ou de prestations en faveur de AF______ et AN______ ;

- auditionnée lors des perquisitions du 19 avril 2017 dans les locaux d’AN______, l’une des collaboratrices de celle-ci avait déclaré que ses activités consistaient à gérer les sociétés offshore de B______ dans le domaine de l'achat et la vente d'œuvres d'art, notamment A______ et J______, que cette gestion consistait en tout ce qui était l'administratif, la comptabilité (tâche principale) et l'établissement de documents (par exemple des factures), qu'il n'y avait pas d'autres documents sur le serveur à BB______ que ceux qui étaient scannés depuis Genève, qu'elle n'avait jamais eu de contacts avec un employé de A______ à AP______ et que B______lui transmettait directement des instructions ;

- à l’instar de B______, trois employées de ses sociétés genevoises disposaient d'un droit de signature ou d'une procuration pour le compte n° 4______ de A______ auprès de la banque BA______ à Genève. La gestion de ce compte était donc effectuée depuis Genève. Lors des perquisitions du 19 avril 2017 effectuées dans les locaux d'AN______, une partie des dossiers d'assurance pour les œuvres d'art vendues aux entités de BC______ avait été trouvée. Il en ressortait que c’étaient les employés de cette société qui s’occupaient, sur instructions de B______, d'assurer la logistique, le transport et l'entreposage des œuvres d'art pour le compte de A______ ;

- la comptabilité de A______ avait également été établie à Genève. Un extrait en avait été saisi lors des perquisitions effectuées par le Ministère public genevois dans les locaux d'AN______. Il apparaissait clairement qu’une employée d'AF______ (jusqu'en 2011) et d'AN______ (dès 2011) tenait une comptabilité en partie double, en français, pour A______ ;

- la correspondance de la banque BA______ concernant A______ avait été envoyée à l’adresse avenue G______ 1______ à H______, à l’attention de B______et A______ avait adressé depuis Genève sa correspondance à cette banque ;

- la société AQ______, auprès de laquelle A______ prétendait disposer d’un bureau, était en réalité une société fiduciaire proposant notamment des services de domiciliation de sociétés offshore. Les factures adressées au siège de A______ avaient été transférées par courriel aux deux employées des sociétés genevoises de B______. La correspondance relative à A______ avait été reçue et envoyée depuis Genève. Les adresses électroniques BB______ utilisées n'étaient qu'un leurre destiné à faire croire que ce personnel travaillait depuis BB______ ;

- lors de son audition du 11 mai 2022, B______ avait indiqué que A______ avait sous-traité à AF______ et AN______ les activités de facturation, d’ordres de virements bancaires et de saisies des pièces bancaires dans le système informatique situé à BB______. Or, les investigations menées démontraient que l'intégralité de la gestion administrative au sens large (gestion du compte bancaire, facturation, établissements de documents, comptabilité, assurance, logistique, correspondance) de A______ avait été effectuée, sur instructions de B______, par quatre employées des sociétés genevoises de ce dernier ;

- les documents retrouvés lors de la perquisition d’AN______ démontraient qu’une quarantaine de sociétés, proches de B______, disposaient de la même adresse que celle de A______. Les données informatiques initialement stockées à Genève avaient été transférées sur un serveur à BB______ entre 2008 et 2009, ce qui coïncidait avec l'annonce du départ de B______, mais la maintenance (mise à jour et modifications des applications) avait toujours été effectuée depuis Genève, par BR______ et uniquement sur demande d'AN______ ;

- malgré diverses requêtes, B______ n'avait jamais remis de contrat de bail relatif aux locaux prétendument exploités par A______ à AP______. Le simple fait d'indiquer un numéro de téléphone et de fax AP______ sur les factures établies au nom de A______ n’était pas pertinent face aux nombreuses pièces prouvant qu'aucun collaborateur ne travaillait pour elle depuis son adresse AP______;

- B______avait tenté de faire croire que l'activité « d'intermédiaire financier » effectuée par AF______ avait été transférée à BS______ et BT______, toutes deux sises à BB______, que la seule activité exercée depuis la Suisse, par AN______, consistait en des tâches de « family office » et de secrétariat et que c’était pour cette raison que le serveur informatique avait été entreposé à BB______. Or, l'enquête avait démontré que le personnel de ses sociétés genevoises, soit AF______ et AN______, s'occupait de toute la gestion administrative, au sens large, de la société A______. Les instructions contenues dans des courriels (concernant l'utilisation des adresses électroniques suisses et BB______ des collaboratrices genevoises), à savoir de ne pas utiliser les adresses électroniques suisses (AF______ et F______) pour des courriels hors BB______, démontraient clairement la volonté de simuler une activité depuis ce pays vis-à-vis des tiers. Quand bien même B______ prétendait ne pas s'être occupé de la question de ces adresses électroniques, les indications portées dans son agenda privé démontraient le contraire. C’était bien lui qui avait instrumentalisé la création de ces adresses électroniques et la mise en place d’un serveur à BB______ ;

- A______ avait donc bien exercé ses activités depuis la Suisse, sous la direction unique de B______, qui y résidait durant toute la période sous enquête. Il en était le seul ayant droit économique et organe directionnel. Par sa signature, il avait engagé cette société dans des activités commerciales en Suisse, en ouvrant, par exemple, le compte bancaire auprès de la banque BA______ ou en signant en son nom des contrats, des factures, des attestations et des instructions de paiement. Les transactions relatives au commerce d'œuvres d'art avec les entités de BC______ avaient eu lieu principalement à Genève. Les dossiers avaient été préparés à Genève par les collaboratrices des sociétés genevoises appartenant à B______. Ces personnes effectuaient depuis Genève l'intégralité de la gestion administrative de A______ (gestion du compte bancaire, facturation, établissements de documents, comptabilité, assurance, logistique, correspondance). En utilisant le personnel de ses sociétés genevoises et les services de sa société spécialisée dans le transport, F______, B______ contrôlait ainsi toute l'activité de A______. En tout état de cause, cette dernière n'exploitait aucun local commercial à l'étranger, encore moins auprès de son siège social à AP______. En réalité, elle ne disposait d'aucun collaborateur à AP______ ou à BB______. Le stockage de ses données et documents sur un serveur BB______ et la création d'adresses électroniques BB______ pour les collaboratrices genevoises n'avaient été réalisés que dans le but de simuler sa présence à l'étranger et de dissimuler son activité depuis Genève. Compte tenu de tous ces éléments, les bénéfices de A______ devaient être soumis aux impôts directs en Suisse ;

- les montants de ses bénéfices non déclarés pour la période de 2005 à 2014.

q. Par décision du 16 août 2022, le directeur de l'AFC-CH a rejeté la plainte de A______ du 26 juillet 2022 tendant à son audition par la DAPE.

r. Par décision du 21 août 2023 (cause 9______), la Cour des plaintes a rejeté la plainte de A______ du 23 août 2022 visant à ce que son audition soit ordonnée avant la clôture de l’enquête la concernant.

Dès le début de l’enquête menée par la DAPE, A______ avait été dûment représentée par ses avocats, selon les mandats valablement signés par B______, lequel était au bénéfice d'une procuration générale (« general power of attorney ») lui permettant d'engager A______ en ce sens. Ces avocats représentaient également B______. Ils avaient ainsi participé aux nombreuses auditions de ce dernier, à l'occasion desquelles le rôle de A______ avait été plusieurs fois évoqué, B______ spécifiant à cet égard les activités de cette dernière. Le dossier de la procédure avait été à la disposition des inculpés durant toute la durée de l'enquête. A______ et ses conseils étaient donc informés du contexte dans lequel se déroulait l'enquête, de son implication potentielle et des agissements qui pouvaient lui être reprochés, avant la notification du rapport final. Partant, elle ne pouvait être suivie lorsqu'elle prétendait pouvoir croire qu'elle échapperait à toute enquête fiscale.

Certes, aucun élément au dossier ne permettait de conclure que la recourante avait été personnellement citée à comparaître pour être entendue par la DAPE avant l'émission du rapport final. Toutefois, rien n'obligeait cette dernière à le faire. La communication du rapport final ouvrait le droit d'être entendu de A______ et celui de s'expliquer. Il n'était pas nécessaire qu'elle soit entendue « de vive voix » avant que le rapport final ne soit rendu ou qu’une audition ait lieu pour que les charges la concernant lui soient communiquées. Le rapport final avait été dûment notifié à son représentant le 22 juillet 2022, et un délai de 30 jours, à compter de ladite notification, lui avait été accordé pour déposer ses observations et requérir un complément d'enquête, ainsi que pour consulter le dossier. Son droit d'être entendue avait été pleinement respecté. Au surplus, il appartenait au fonctionnaire enquêteur de choisir les mesures ou actes d'enquête à effectuer pour pouvoir faire avancer les investigations. Libre à lui d'opter d'entendre quelqu'un ou non en fonction des éléments de preuve dont il disposait au dossier (consid. 2.3.4 et 2.3.5).

Procédure de rappel, de soustraction, de taxation et de tentative de soustraction d’impôts par l’AFC-GE

C. a. Le 14 avril 2015, l'AFC-GE a ouvert à l’encontre de B______des procédures en rappel et en soustraction des impôts dus pour les années 2005 à 2008, puis lui a notifié, les 2 novembre 2016, 14 décembre 2017 et 13 décembre 2018, des bordereaux de rappel d’impôt et d'amendes correspondant à 1,5 fois les montants soustraits. Ces bordereaux ont fait l’objet d’un contentieux judiciaire ; ceux relatifs aux années 2005 et 2006 ont été annulés par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), pour cause de prescription du droit de taxer et de la poursuite pénale, ceux relatifs à l'année 2007 ont été annulés par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) pour la même raison et ceux relatifs à l'année 2008 ont été confirmés tant par le TAPI que la chambre administrative puis le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 9C_368/2023 du 25 octobre 2023).

Il a alors été retenu que la plupart des prestations appréciables en argent, à imposer auprès de B______, provenait de A______.

b. Le 30 avril 2015, le Ministère public a transmis à l’AFC-GE les procès-verbaux des auditions de B______ par la Police judiciaire de BU______.

c. Lors d’un entretien du 30 novembre 2015, l'AFC-GE a remis en mains propres à B______, assisté de ses avocats Mes GUILLAUME et KERGUEN, une lettre d’ouverture, à l’encontre de A______, de procédures en rappel et soustraction des impôts pour les périodes fiscales 2005 à 2009 et de procédures de taxation et de tentative de soustraction d'impôts pour les années 2010 à 2014. Les informations en sa possession mettaient en évidence une possibilité d’assujettissement de cette société aux impôts à Genève.

Selon le procès-verbal y relatif, B______ a notamment indiqué être l’ultime actionnaire de A______ et que celle-ci avait été constituée spécifiquement pour faire des acquisitions d’œuvres d’art destinées à BC______. Il avait effectué lui-même tous les travaux administratifs en lien avec l’activité de vente desdites œuvres (établissements de factures, contrats, suivi de paiements, logistique, etc.), ce pour « des questions de responsabilité ». A______ tenait une comptabilité qui n’était pas comparable aux comptabilités que l’on connaissait en Suisse. Cette comptabilité était tenue par deux employées de la société AQ______ à AP______. A______ disposait d’un bureau dans les locaux de cette dernière. Il ignorait si A______ était titulaire d’un bail à loyer. Elle n’employait pas directement de personnel, mais faisait appel à de multiples sous-traitants, dont AQ______. Il disposait seul du droit de signature sur les relations bancaires de A______, excepté « peut-être » sa tante et une personne à AP______, mais il n’en était pas certain. Par sa signature, il pouvait engager contractuellement cette société. Il était seul à acheter et vendre des œuvres pour le compte de A______. Les achats et ventes se faisaient quasiment simultanément, si bien que cette société n’avait pas besoin de stocker les œuvres acquises. Une partie de celles-ci avait transité par les BE______ et éventuellement dans les locaux de F______. A______ ne l’avait pas rémunéré pour ses activités.

d. Le 14 décembre 2015, A______ a indiqué à l'AFC-GE ne pas remplir les conditions d'assujettissement pour les années 2005 à 2014 et l’a invitée à lui exposer les informations fondant son analyse, afin de pouvoir y répondre.

e. Le 13 avril 2016, l'AFC-GE a demandé à A______ de lui fournir divers renseignements et documents en lien avec ses activités déployées entre 2005 et 2014. Cette dernière n’y a pas donné suite.

f. Les 26 avril, 10 juin 2016 et 17 mai 2017, A______ a demandé à l'AFC-GE de rendre une décision préalable d'assujettissement aux impôts à Genève.

g. Le 11 décembre 2019, l'AFC-GE a informé B______ de l’ouverture à son encontre des procédures en rappel et de soustraction des ICC et IFD 2009 à 2012 et d’une procédure en tentative de soustraction des ICC et IFD 2013 à 2018, au motif que son départ pour BB______ au 1er janvier 2009 semblait ne pas avoir été effectif et que son assujettissement aux impôts en Suisse aurait ainsi dû rester illimité. Le 16 décembre 2020, elle lui a notifié des bordereaux de rappel d’impôts pour les années 2009 et 2010 et des bordereaux d’amende ICC et IFD 2010 correspondant à 2.25 fois les impôts soustraits. Le 21 décembre 2021, elle lui a notifié des bordereaux de rappel d’impôts pour les années 2011 et 2012, des bordereaux d’amende correspondant à 2.25 fois les impôts soustraits, des bordereaux de taxation pour les années 2013 à 2015 et des bordereaux d’amende pour tentative de soustraction de ces impôts, correspondant aux 2/3 de 2.25 (soit 1.5) fois leur montant. Ces impôts étaient calculés sur la base d’un assujettissement illimité et en tenant compte des bénéfices que B______avait réalisés dans le cadre de son activité indépendante, ainsi que des prestations appréciables en argent provenant de ses sociétés offshore, dont en particulier A______.

Ces bordereaux ont également fait l’objet d’un contentieux judiciaire. Ils ont été confirmés par le TAPI et la chambre administrative, sous réserve de ceux relatifs aux années 2009, 2010 et 2014, très partiellement annulés. Dans ce cadre, tant le TAPI que la chambre administrative ont confirmé que B______était domicilié à Genève entre 2009 et 2015. Par arrêt 9C_122/2024 du 20 août 2024, le Tribunal fédéral a confirmé l’arrêt cantonal, en retenant notamment, concernant le lieu de domicile de B______ pour les périodes fiscales 2009 à 2015, qu’en conformité au droit fédéral, la chambre administrative avait considéré que les conditions objectives et subjectives pour admettre que celui-ci s’était constitué un nouveau domicile à BB______ faisaient défaut. De même, c’était bien à Genève que B______séjournait habituellement au sens des conventions en vue d’éviter la double imposition sur le revenu entre la République de BB______ et la Confédération suisse des 25 novembre 1975 (RO 1977 117; abrogée avec effet au 31 juillet 2012) et 24 février 2011 (RS 0.672.968.91).  

h. Le 11 mai 2022, A______ a mis en demeure l’AFC-GE de rendre une décision préalable sur son assujettissement pour les périodes fiscales 2007 à 2014, en confirmant que ses conseils étaient Mes EZ______ et FC______.

i. Par décision du 24 mai 2022, l'AFC-GE a refusé de se prononcer, à titre préjudiciel, sur l’étendue de l’assujettissement aux impôts à Genève de A______, pour les périodes 2005 à 2014, compte tenu de l’enquête en cours auprès de la DAPE.

Cette décision a fait l'objet d'une procédure judiciaire close par un jugement du TAPI du 10 novembre 2022, déclarant le recours sans objet et rayant la cause du rôle, l’AFC-GE ayant finalement statué sur cette question.

j. Par courrier du 4 juillet 2022, Me David BITTON a informé l’AFC-GE représenter les intérêts de A______, succédant ainsi à Mes EZ______ et FC______.

k. Par décision du 5 septembre 2022, en se fondant notamment sur les pièces récoltées par la DAPE, l'AFC-GE a assujetti A______ aux impôts en Suisse, de manière illimitée, pour les années 2007 à 2014.

l. Le 6 octobre 2022, A______ a élevé réclamation contre cette décision.

Celle-ci n’étant pas motivée, son droit d’être entendue avait été violé.

Elle avait été constituée le 2 avril 2005, avec siège à AP______. La composition de son conseil d’administration avait ensuite fluctué mais ses membres n'avaient jamais été des résidents en Suisse et n’avaient jamais siégé dans ce pays. Conformément à son « règlement d'organisation », seul son conseil d'administration était investi du pouvoir de prendre les décisions lui permettant d'atteindre ses buts statutaires, en particulier en ce qui concernait l'achat ou la vente d'une œuvre d'art. De telles décisions étaient prises exclusivement hors du territoire suisse.

Son conseil d'administration avait progressivement délégué certains pouvoirs à des « délégataires ». Par exemple, BV______ avait été investi d'une procuration générale. Ces délégataires agissaient tous sous contrôle du conseil d'administration et chacun de leurs actes engageant la société devait être validé à l'interne par ce dernier. Aucun des délégataires n'avait été actif sur territoire suisse. Durant les années concernées, ses « différentes contreparties » à l'achat et à la vente d'œuvres d'art étaient toutes établies hors de Suisse. De 2007 à 2014, elle disposait de bureaux à AP______. Elle n'avait jamais entretenu de base fixe d'affaires à Genève ou ailleurs en Suisse.

Seules quelques tâches administratives subalternes avaient été effectuées sur le territoire suisse, de façon « strictement épisodique ». Il ne pouvait être considéré qu’elle avait son administration effective en Suisse.

m. Par décision du 6 décembre 2022, l'AFC-GE a rejeté cette réclamation.

Les années fiscales 2005 et 2006 n’étaient pas visées par sa décision en raison de la prescription, et non parce qu’elle considérait que la contribuable n’était pas assujettie aux impôts en Suisse durant ces deux années.

La décision en cause était suffisamment motivée et la contribuable était parfaitement en mesure de la comprendre et de la contester utilement, ce qu'elle avait d'ailleurs fait.

Selon le rapport d'enquête de la DAPE et ses annexes, les activités courantes de la contribuable avaient été exercées à Genève et, partant, elle y avait son administration effective. À son siège social « de pure forme » à AP______, elle ne disposait pas de ses propres locaux. Le fait que « les sièges sociaux des contreparties aux transactions commerciales » aient été situés à l'étranger n'était en soi pas relevant. Les décisions ayant permis à la contribuable d'atteindre ses buts statutaires durant les périodes 2007 à 2014 avaient été prises en Suisse par B______, qui y était domicilié et disposait d’une procuration générale de la société. L'intégralité de la gestion administrative avait été effectuée depuis Genève.

D. a. Par acte du 5 janvier 2023, A______ a recouru contre cette décision auprès du TAPI, en concluant à son annulation et à ce qu’elle ne soit pas assujettie aux impôts en Suisse pour les années 2007 à 2014. Préalablement, elle sollicitait la suspension de la procédure jusqu’à droit connu dans la plainte qu’elle avait déposée auprès du Tribunal pénal fédéral contre la DAPE et dans la procédure concernant B______, pendante devant le TAPI. Elle demandait également son audition et celle de témoins.

Elle a produit un chargé de 43 pièces, dont principalement les procès-verbaux d’audition par la DAPE et les trois rapports de celle-ci.

b. L'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

c. A______ a répliqué, en persistant dans ses conclusions et développant l’argumentation exposée dans son recours.

Elle a produit quatre classeurs de pièces, dont certaines récoltées par la DAPE, divers tableaux « récapitulatifs » et de « statistiques » (établis par elle-même) concernant le commerce des œuvres d’art, ainsi que des copies de nombreux courriels échangés entre B______ (depuis son adresse électronique « C______ ») et BQ______ et de factures qu’elle avait adressées aux sociétés de BC______.

d. Ultérieurement, elle a communiqué au TAPI une liste de 23 témoins.

e. L'AFC-GE a dupliqué en maintenant sa position.

f. Les parties se sont derechef déterminées, en persistant dans leurs conclusions et motivations.

g. Par jugement du 10 juin 2024, le TAPI a rejeté le recours de A______.

La demande de suspension de la procédure n’avait plus d’objet, la Cour des plaintes ayant rendu sa décision le 21 août 2023. Cela étant, A______ soutenait désormais que cette décision n’aurait aucun impact sur l’issue de la procédure après avoir prétendu le contraire. Savoir où se situait le domicile fiscal de B______ entre 2009 et 2014 était insuffisant pour déterminer le lieu de l’administration effective de A______, cet élément ne constituant qu’un indice parmi d’autres. Une suspension de la procédure pour ce seul motif ne se justifiait pas.

Le grief portant sur la régularité de la procédure menée par la DAPE - soit l’absence de son audition par celle-ci - ne relevait pas de la compétence du TAPI. En tout état, la Cour des plaintes avait jugé que le droit d’être entendue de A______ avait été respecté dans ce cadre, ce droit ne comprenant pas celui d’être auditionnée avant que le rapport final ne fût rendu.

Aucun élément au dossier n’indiquait que les autorités suisses auraient, dans le cadre de la demande d’entraide, donné des assurances quant à l’utilisation ou l’absence d’utilisation des documents remis par les autorités BU______ ou ceux recueillis dans la procédure d’entraide. Aucun élément ne permettait non plus de retenir que les autorités suisses auraient participé aux vices ayant affecté la procédure monégasque, ce que le Tribunal fédéral avait également retenu (arrêt du Tribunal fédéral 9C_578/2023 du 27 novembre 2023 consid. 9.3). L’annulation de la procédure monégasque pour vices de procédure n’avait donc pas d’incidence sur l’exploitabilité des preuves récoltées par l’AFC-GE.

Concernant la collusion invoquée entre BW______ (qualifiée d’«" escort girl " inféodée au clan BC______ ») et un fonctionnaire de la DAPE, la récusation d’un membre de la DAPE relevait des autorités fédérales. En outre, il était douteux que A______ ait appris seulement au stade de sa réplique les éléments propres à fonder une éventuelle demande de récusation des fonctionnaires de la DAPE. Par le biais de son représentant, A______ connaissait le motif de récusation allégué à tout le moins depuis le 10 décembre 2021 (audition de B______par la DAPE), de sorte que sa demande de récusation était tardive.

Le grief relatif à la validité de l’ouverture de la procédure menée par l’AFC-GE en raison de la notification des décisions à B______, lequel n’aurait jamais eu le pouvoir de représenter A______, n’était pas fondé. Dès le début de l’enquête de la DAPE, A______ avait été dûment représentée par ses avocats, selon les mandats valablement signés par B______, au bénéfice d’une procuration générale lui permettant d’engager A______, y compris à l’égard des autorités étatiques. A______ avait également été valablement représentée par les mêmes avocats que ceux de B______ dans d’autres causes (arrêts du Tribunal fédéral 1B_434/2020 et 1B_435/2020 précités). Ainsi, la notification en mains propres de B______, lors de l’entretien du 30 novembre 2015, de l’acte d’ouverture de la procédure contre la société était valable. Au surplus, A______ ne pouvait se prévaloir des règles du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0), lesquelles n’étaient pas applicables aux procédures de rappel d’impôts ni à celles relatives à la soustraction fiscale. Même si le procès-verbal du 30 novembre 2015 n’avait pas été signé par les représentants de A______ et ne bénéficiait pas de la même valeur probante qu’un procès-verbal d’audience, rien ne s’opposait à sa prise en compte à titre d’élément de preuve, qu’il appartiendrait à l’autorité judiciaire d’apprécier, en tenant notamment compte du fait qu’il n’avait pas été établi de manière contradictoire. A______ ne contestait ce document que parce qu’il n’aurait pas été signé par ses représentants, et non parce qu’il ferait état de déclarations que B______n’aurait pas faites.

Le requête d’audition de 23 témoins devait être écartée, les faits déterminants pour l’issue du litige étant abondamment établis par pièces. Les témoignages proposés relatifs à l’existence de ses prétendus locaux commerciaux à AP______ et du centre de ses activités opérationnelles et commerciales à cet endroit, ainsi qu’à BB______ et à CB______, ne pouvaient pallier l’absence de tout contrat de bail y relatif ou de toute documentation attestant de son administration effective à AP______ ou ailleurs à l’étranger, et de l’établissement de sa comptabilité à BB______, par BT______. La déposition de témoins ayant des liens contractuels, de subordination, d’amitié ou de partenariat en affaires avec l’ayant droit économique de la société, B______, devrait être appréciée avec circonspection. L’audition de témoins n’était pas de nature à infirmer le constat de la Cour des plaintes selon lequel le rapport de la DAPE n’était pas vicié, ni apte à remettre en cause les éléments retenus dans ledit rapport sur la base notamment de l’importante documentation versée au dossier de la DAPE. A______ n’expliquait pas ce qui l’aurait empêchée de produire les témoignages écrits des personnes dont elle requérait l’audition. Il n’était donc pas donné suite à sa requête.

Sur le fond, concernant la détermination du lieu d’administration effective de la société durant les années 2009 à 2014 (le droit de taxer pour l’année 2008 étant périmé), le « day to day business » de A______ avait consisté exclusivement en l’acquisition d’œuvres d’art en vue de leur vente principalement aux entités de BC______. B______ était seul à acheter et vendre des œuvres pour le compte de A______. Une partie de celles-ci avaient transité par les BE______ et les locaux de F______ à Genève. BC______ était domicilié à Genève lorsque B______ avait fait sa connaissance. Toutes les ventes des œuvres qu’il avait achetées à A______ avaient été conclues et instrumentées à Genève. Les relations entre B______ et BC______ avaient pris naissance à Genève et avaient continué de s’y ancrer, même après leur départ à l’étranger. Les œuvres d’art avaient presque toutes été présentées et livrées aux acheteurs aux BE______.

Selon les déclarations de B______ aux autorités BU______, la société n’employait pas de personnel à AP______. Le for juridique était en Suisse. Pour « tous les documents faits », le droit suisse était applicable. A______ était hébergée dans une société de domiciliation et ne payait pas d’impôts. L’activité de A______ avait donc pris naissance à Genève et s’y était développée et déployée de manière prépondérante. Les premières indications de B______ avaient été largement corroborées par les éléments matériels récoltés par la DAPE dans le cadre de ses enquêtes. La société avait notamment confié un pouvoir illimité à B______ de la représenter et de gérer toutes ses affaires, notamment son compte bancaire en Suisse.

Durant les années en cause, l’activité de la société avait été organisée, dirigée, gérée et déployée principalement à Genève, directement par B______ ou sous sa supervision. Ce dernier et le personnel de ses deux sociétés genevoises étaient autorisés à gérer les transactions effectuées sur le compte bancaire de la société à Genève. B______ agissait régulièrement au nom de la société en signant des contrats, des attestations, des factures et des instructions de paiement auprès de la banque BA______. La négociation des prix de vente des œuvres d’art et leur présentation se déroulaient principalement à Genève, sous la supervision de B______. Le commerce d’œuvres d’art en lien avec BC______ se situait principalement à Genève et la société recourait régulièrement dans ce cadre aux services de la société genevoise de B______, notamment pour le transport et l’entreposage des œuvres. Les courriels échangés par B______ avec BQ______ confirmaient que le centre du commerce d’œuvres d’art se situait principalement à Genève. Leurs rencontres avaient eu lieu principalement à Genève. La correspondance et les offres de BL______ relatives aux œuvres à vendre avaient toutes été envoyées à Genève et les factures y relatives avaient été établies en langue française. La comptabilité de A______ avait été tenue principalement à Genève. La correspondance entre A______ et la banque BA______ avait été envoyée à leurs adresses respectives à Genève. Les décisions concernant le versement des commissions aux entités de BP______ étaient prises à Genève. Dans le cadre de la procédure relative à sa requête de levée des scellés, A______ avait admis que sa documentation se trouvait à Genève.

Au vu de l’ensemble des éléments du dossier, l’AFC-GE avait établi avec une vraisemblance suffisante que, pour une part prépondérante, les opérations proprement commerciales et la direction courante de A______ avaient été exercées à Genève. A______ s’était limitée à contester les faits retenus sans fournir de preuves matérielles les renversant ou permettant une autre interprétation. A______ n’avait jamais conclu de bail relatif à ses prétendus locaux commerciaux à AP______. La présence effective des « délégataires » dans ces supposés locaux n’était pas non plus établie. Aucun document n’attestait des rencontres entre les « délégataires » et les administratrices AP______, ni des validations par ces dernières des décisions prises par B______ et les autres « délégataires ». Elle n’avait produit aucun document attestant de l’emploi de personnel à AP______ ou ailleurs à l’étranger. A______ n’avait produit aucune documentation permettant de retenir que la majorité de ses tâches directionnelles et opérationnelles avait été accomplie à l’étranger. Son allégué selon lequel les administratrices AP______ auraient toujours eu « le dernier mot », s’agissant des décisions relatives aux activités commerciales et à la direction courante, n’était étayé par aucun document. Elle n’avait pas non plus démontré que B______s’était effectivement constitué un domicile à l’étranger en 2009 et 2014 alors que la thèse de l’AFC-GE, selon laquelle celui-ci avait conservé son domicile genevois durant cette période, avait été confirmée par la chambre administrative. La décision d’assujettir la société de manière illimitée à l’impôt des années 2009 à 2014, en raison de son administration effective en Suisse, devait donc être confirmée.

E. a. Par acte du 12 juillet 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, en concluant, principalement, à son annulation, au renvoi de la cause à l’AFC-GE, à ce qu’il soit enjoint à l’AFC-GE, subsidiairement au TAPI, de procéder à son audition et celle des témoins requis et d’écarter le rapport de la DAPE en tant que preuve, et qu’il soit dit qu’elle n’était pas assujettie à titre illimité à l’IFD et l’ICC pour les périodes fiscales 2009 à 2014. Plus subsidiairement, elle demandait à la chambre administrative de procéder à son audition et à celle de témoins, d’écarter le rapport de la DAPE et de dire qu’elle n’était pas assujettie à titre illimité à l’IFD et l’ICC pour les périodes fiscales 2009 à 2014. Préalablement, elle sollicitait la suspension de la procédure de recours jusqu’à droit définitivement connu dans la procédure 9C_122/2024 concernant le domicile de B______et qu’il soit ordonné au TAPI de suspendre la procédure A/1351/2024 jusqu’à droit définitivement connu sur son assujettissement entre 2009 et 2014.

Il ne lui appartenait pas de prouver le déplacement du domicile de B______à l’étranger et hors de Suisse entre 2009 et 2014, alors que cette question faisait l’objet d’une procédure séparée, à laquelle elle n’était pas partie et sur laquelle elle n’avait aucune influence. Compte tenu de l’importance de la procédure menée par B______ pour démontrer son départ de Suisse fin 2008, la requête de suspension de cette procédure jusqu’à droit jugé sur cette question ne pouvait être qualifiée de manœuvre dilatoire. Si la suspension de cette procédure devait ne pas être ordonnée, il conviendrait de lui donner accès au dossier de la cause ayant donné lieu à l’arrêt du 9 janvier 2024, en tant qu’il s’agissait de pièces dont le TAPI s’était servi comme fondement de sa décision et de lui impartir un délai suffisant pour se déterminer sur ces pièces, afin de respecter le principe de l’égalité des armes et son droit d’être entendue.

Concernant la question préjudicielle de l’assujettissement, le TAPI se référait à son jugement du 10 novembre 2022, rendu après que l’AFC-GE eut finalement accepté de rendre une décision préjudicielle sur son assujettissement. L’AFC-GE s’était toutefois autorisée à avancer, même après l’avoir rendue, sur la procédure traitant directement des bordereaux de rappels et d’amendes qu’elle entendait lui infliger pour les périodes fiscale 2009 à 2014 (A/1351/2024). La procédure portant sur la question préjudicielle de l’assujettissement imposait de suspendre celle portant sur les rappels d’impôts, dans le respect du droit d’accès au juge et du principe de l’économie de procédure. Le TAPI devait respecter le caractère préjudiciel de la question de son assujettissement entre 2009 et 2014 en suspendant l’examen de la cause traitant des bordereaux jusqu’à droit jugé.

Elle avait expressément développé un grief lié à sa représentation et au pouvoir de représentation des mandataires commerciaux fondé sur l’art. 462 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220). B______ne pouvait pas la représenter en procédure puisqu’il devait être qualifié de mandataire commercial et qu’il ne disposait pas de pouvoir exprès pour ce faire. Si B______ ne pouvait pas la représenter en tant que mandataire commercial, son droit d’être entendue avait été violé et la procédure devait être annulée puisque celle menée par la DAPE avait été faite en l’absence de représentant valable pour elle. De même, elle n’avait pas été informée de l’ouverture de la procédure fiscale la concernant par l’AFC-GE et n’avait donc pas pu y participer. Le jugement querellé ne contenait aucune référence à ce sujet ni à l’art. 462 CO. Il devait donc être annulé et la cause renvoyée au TAPI pour nouvelle décision traitant de ce grief.

En tant que délégataire, B______ n’était pas le contribuable directement concerné par les éventuelles taxations et tentatives de soustractions que l’AFC-GE envisageait de lui imposer à elle-même. Cela valait également si B______ avait produit des procurations judiciaires en faveur d’avocats qui laissaient faussement apparaître qu’il pouvait la représenter dans le cadre des procédures qui s’ouvraient alors contre elle pour lui notifier d’éventuelles taxations, voire des sanctions pénales pour tentatives de soustraction. Quand bien même B______ disposait d’un pouvoir de représentation octroyé par elle, celui-ci ne recouvrait que les activités commerciales que ce délégataire avait vocation à exécuter pour elle. La délégation de représentation (« general power of attorney ») ne contenait ni n’accordait aucun pouvoir de représentation à B______ dans le cadre d’une procédure judiciaire, que ce soit en Suisse ou ailleurs. Selon la conception du droit suisse, B______ ne disposait pas d’un statut au sein de la société lui permettant de la représenter. Il n’était pas inscrit au RC à AP______. Les propos que B______ avait tenus dans le cadre de l’enquête menée par la DAPE ne pouvaient donc lui être imputés. Même après la notification du rapport d’enquête de la DAPE, son droit d’être entendue avait été violé. Tandis que le document revêtait un caractère pénal, celle-ci avait refusé de l’auditionner pour apprécier les éléments subjectifs nécessaires à fixer la sanction recommandée avant l’émission de son rapport. Malgré la décision rendue depuis lors par la Cour des plaintes, elle n’avait toujours pas été entendue par la DAPE. La violation de son droit d’être entendue par la DAPE entraînait automatiquement l’annulation des décisions rendues depuis lors. Son droit d’être entendue avait également été violé par l’AFC-GE puisque celle-ci ne l’avait pas non plus auditionnée. En toute hypothèse, ses administratrices devraient être entendues par une instance judiciaire au cours des procédures.

Des témoignages ne pouvaient être refusés au motif que des pièces seraient plus à même de prouver certains faits que ceux-ci. Seule la force de persuasion des preuves devait être considérée. Pour les différents témoins dont elle requérait l’audition, elle en avait expliqué la nécessité. Sa remise en question du rapport de la DAPE et sa requête d’auditions visant à le corriger répondaient à la motivation de la décision sur réclamation de l’AFC-GE, laquelle ne faisait que reprendre ledit rapport. Le TAPI se limitait à avancer de prétendus liens entre les témoins et B______, mais non avec elle-même. Même dans une telle hypothèse, lesdits témoins restaient soumis dans le cadre d’une audition menée dans une procédure administrative aux conséquences pénales d’un faux témoignage. Il ne ressortait pas de la décision de la Cour des plaintes que celle-ci se serait prononcée sur l’audition des différents témoins. Le TAPI n’avait pas expliqué en quoi les pièces à sa disposition emportaient sa conviction, pas plus qu’il n’avait indiqué en quoi l’audition des témoins ne serait pas de nature à la modifier. Il ne lui appartenait pas de recueillir auprès des différents témoins leur déposition écrite. Il était d’ailleurs douteux que le TAPI aurait admis de tels témoignages écrits, dans la mesure où il aurait été nécessaire pour l’autorité d’exhorter les témoins à dire la vérité et de les rendre attentifs aux conséquences pénales d’un faux témoignage. Le TAPI ne l’avait pas interpellée sur la production de tels témoignages écrits par ses soins, ni ne lui avait imparti de délai pour ce faire, pas plus qu’il n’avait lui-même ordonné aux témoins de fournir des renseignements par écrit en leur adressant un ordre formel de production.

L’audition de ses différents délégataires apporterait des éléments probants pour démontrer l’extranéité des diverses opérations nécessaires à l’acquisition, la vente et le transport des œuvres d’art. Ils pourraient également attester des pouvoirs de ses administratrices à AP______. L’audition de ses différents administrateurs s’imposait également pour démontrer l’influence effective qu’ils avaient sur les transactions commerciales en matière d’art qu’elle avait réalisées. L’audition des autres intervenants, spécialistes du marché de l’art, pourrait démontrer le rôle actif qu’ils entretenaient avec elle pour la conseiller sur les différentes opérations commerciales réalisées en matière d’art. L’audition de BC______, comme représentant des sociétés BF______ et BG______, permettrait de démontrer que toute se passait hors de Suisse et de Genève en matière de vente et de prise de possession des œuvres. La cause devrait être renvoyée au TAPI, voire à l’AFC-GE, pour procéder à ces auditions afin de ne pas la priver d’un double degré de juridiction. Dans tous les cas, la chambre administrative devrait y procéder. Elle ajoutait l’audition de deux témoins supplémentaires aux 23 déjà cités précédemment.

S’agissant de son assujettissement à l’impôt en Suisse et à Genève, le TAPI s’était principalement fondé sur les déclarations en procédure de B______, lequel ne disposait pas d’un pouvoir de l’engager en procédure. Ces diverses déclarations étaient contestées, d’autant plus qu’elles avaient notamment été faites dans la procédure fiscale qui le concernait. De plus, les circonstances factuelles corroborées par les pièces qu’elle avait produites, contredisaient les propos de son délégataire et permettaient en réalité de retenir que son administration effective se situait à l’étranger pour la période considérée. Son siège social et ses locaux commerciaux avec plusieurs lignes téléphoniques et un fax étaient à AP______ et BB______. Son activité commerciale et son administration effective étaient déployées hors de Suisse. Les administratrices et le conseil d’administration prenaient leurs décisions exclusivement depuis AP______. Ses différents membres n’avaient jamais été résidents ni siégé en Suisse. AQ______ à AP______ assurait le rôle de fiduciaire et se chargeait principalement des aspects corporate. Les administratrices validaient ou non systématiquement chaque acquisition et vente d’œuvre d’art, sur présentation des différents délégataires qui se rendaient régulièrement dans ses bureaux à AP______, souvent accompagnés de différents experts du milieu de l’art. Aucun bail formel n’avait été établi pour ses bureaux de AP______ à son nom par AQ______ afin d’éviter de devoir requérir l’accord du propriétaire de l’immeuble. Elle disposait également de locaux à BB______, endroit où le transfert de la majorité des œuvres d’art dont elle faisait commerce avec les sociétés BF______ et BG______ se déroulait. Il s’agissait d’une suite louée à long terme aménagée en bureau, dont elle réglait le loyer. La galerie permanente dont elle disposait au BX______ de BB______ lui offrait une visibilité importante en Asie pour le commerce d’art. Elle n’avait en revanche jamais disposé d’un quelconque bureau ou local permanent en Suisse, avec du personnel sous contrat de travail.

Concernant son activité commerciale ou le « day to day business », les dossiers des œuvres d’art n’étaient pas préparés depuis Genève. Des experts étaient chargés de les préparer, principalement en France, à CB______. Ils étaient ensuite présentés aux administratrices à AP______, voire à des clients à l’étranger, lesquelles avaient seules le pouvoir d’accepter ou non les propositions de vente ou d’achat pour son compte. Le travail nécessaire à la constitution de ces dossiers lui était facturé par le biais de la prestation de 2% de B______. La négociation entre ses délégataires, principalement B______, et le mandataire de BF______ et BG______, soit BC______, s’effectuait à l’étranger, principalement à BU______ où ce dernier était domicilié, à la suite de son divorce. Selon les différents procès-verbaux BU______, seul BC______ négociait pour l’acquisition par ses sociétés des œuvres d’art qu’elle vendait, les rencontres pour présentation avaient lieu à BU______ et les représentants de ses family offices ne faisaient rien d’autre que de l’administratif. Il ressortait de l’analyse détaillée pour chacun des tableaux vendus que 82% d’entre eux étaient présentés hors de Suisse, tandis que 18% des œuvres étaient présentées à Genève. La conclusion des contrats avait lieu exclusivement à l’étranger. L’application du droit suisse n’avait ainsi pas été utilisée pour la conclusion des contrats et aucun for juridique n’était prévu en Suisse pour les périodes encore litigieuses dans le cadre de la présente procédure. Ce n’était pas F______ qui était chargée du transport des œuvres, mais la société BB______ BY______, laquelle avait également émis des factures à son attention pour ses services. Concernant le tableau récapitulatif lié aux étapes des ventes d’œuvres d’art, obtenu lors des perquisitions, B______ l’avait informée qu’il s’agissait d’une pièce issue de la « Data Room Avocats », couverte par le secret professionnel et établie pour sa propre défense. Les tableaux qu’elle avait elle-même établis et produits, résumant le processus d’achat, de vente et du transport des œuvres d’art, ainsi que du droit et du for juridique applicables aux contrats d’œuvres d’art, devaient être prioritairement pris en considération au vue de leur force probante accrue. Son activité commerciale avait donc été principalement réalisée à l’étranger, soit entre AP______, BB______, BU______ et CB______, et non pas en Suisse.

Le pouvoir décisionnel était uniquement entre les mains des administratrices et non entre celles de B______ ou des collaboratrices de celui-ci en Suisse. Elles avaient notamment refusé, en raison des séquestres à BB______ liés au divorce de BC______, mandataire de BF______ et BG______, de procéder à l’achat et à la vente d’un tableau en 2009. Dès 2009, elles avaient ouvert un compte bancaire auprès de la banque BZ______. Cette dernière n’offrant toutefois pas un service adapté à ses besoins, le compte auprès de la banque BA______ avait été maintenu pour assurer la bonne marche de ses affaires. L’envoi de la correspondance bancaire à une case postale en Suisse permettait d’éviter des envois postaux internationaux ou un ordre banque restante. Le TAPI avait admis que les activités du personnel de AN______ et AF______ relevaient d’un simple suivi administratif et financier, et non pas de son administration effective. À l’exception de quelques tâches sporadiques de back office, les employés des sociétés genevoises de B______ n’avaient aucune implication dans sa gestion courante et opérationnelle. Leur activité représentait moins d’une heure de travail par année, de sorte qu’elle ne lui était pas facturée. Dès lors qu’ils effectuaient les entrées et sorties de compte, ils disposaient d’une procuration sur ses comptes pour extraire les relevés bancaires, mais ne disposaient pas d’une formation comptable leur permettant de tenir une comptabilité « en double ». Sa comptabilité était gérée uniquement à BB______ par BT______. Les décisions liées au versement des commissions aux entités de BP______ étaient en réalité prises à AP______ par les administratrices. Les attestations établies en français et signées par B______ l’avaient été à la demande des représentants des entités de BP______ à BU______ pour des motifs de compliance bancaire. Contrairement à ce qu’avait retenu le TAPI, l’adresse électronique utilisée par B______dans les transactions en matière d’art réalisées pour son compte (CA______) appartenait à BY______ et non pas au I______. Seules les factures adressées au family office de BC______ à BU______ en charge pour BG______ étaient en français, étant adressées à ses employés francophones. L’adresse communiquée à BL______ par J______ avait été dès le début de la relation contractuelle celle du siège aux Îles Vierges britanniques, que BL______ a continué d’utiliser par la suite. Finalement, le TAPI fondait essentiellement son raisonnement sur la domiciliation de B______à Genève, alors qu’il ne lui appartenait pas de démontrer que celui-ci s’était effectivement constitué un domicile à l’étranger entre 2009 et 2014 s’agissant d’un contribuable distinct. B______n’était donc pas son organe de fait et les administratrices exerçaient leur rôle d’organe avec diligence depuis AP______, où elles étaient domiciliées.

b. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours, en se référant à l’ensemble de ses écritures produites par-devant le TAPI.

Elle relevait avoir d’ores et déjà répondu précisément aux griefs procéduraux invoqués par la recourante, et exposé de manière détaillée et documentée, les éléments sur lesquels elle s’était fondée pour déterminer l’assujettissement.

Les arguments invoqués par la contribuable étant similaires à ceux développés précédemment, elle se limitait à se positionner sur les nouveaux éléments.

Le sort du litige concernant B______n’avait aucune influence sur cette procédure, dans la mesure où celle-ci contenait les éléments suffisants et nécessaires à l’examen des griefs de la recourante. Les deux procédures ne se rapportaient pas à une cause juridique commune, dès lors qu’elles concernaient deux contribuables distincts, soumis à des régimes d’imposition différents. La domiciliation de l’organe de fait de la recourante en Suisse n’était qu’un indice parmi d’autres dans l’examen de l’assujettissement de celle-ci. C’étaient avant tout les actions entreprises à Genève qui permettaient de constater que le centre de gravité des affaires de la recourante s’y trouvait durant les années concernées et que son administration effective s’y déployait. En outre, la suspension de la procédure aggraverait le risque de prescription et contreviendrait au principe de célérité.

Concernant la demande de production du dossier de la cause ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_122/2024, elle avait produit tous les éléments déterminants permettant de retenir l’assujettissement de la recourante. Le TAPI s’était fondé sur des éléments factuels concernant la contribuable pour démontrer que son administration effective se trouvait à Genève. Donner l’accès aux pièces du dossier fiscal d’un tiers contreviendrait au principe du respect du secret fiscal.

La demande d’astreindre le TAPI à suspendre la cause A/1351/2024 outrepassait le cadre du présent litige et les compétences ratione materiae de la chambre administrative. Cela étant, elle remettait sa prise de position concernant la suspension de la cause en lien avec les reprises et les tentatives de soustraction dans l’attente d’une décision définitive s’agissant de l’assujettissement de la contribuable, à laquelle elle s’était opposée devant le TAPI.

Contrairement aux allégations de la recourante, le TAPI avait instruit la question de sa représentation. Les avocats de la recourante l’avait défendue devant les autorités cantonales et fédérales. B______et A______ avaient les mêmes représentants, lesquels avaient requis la jonction de leurs causes respectives concernant la levée des scellés. Le fait que le TAPI ait choisi d’examiner la question de la représentation sous un autre angle que celui proposé par la recourante relevait de son libre pouvoir d’appréciation. Les actes d’enquêtes avaient été effectués par la DAPE, de concert pour B______, J______ et la recourante. B______, en tant que représentant de A______ (procuration illimitée), avait pleinement exercé directement ou par l’entremise de ses mandataires, le droit d’être entendue de la contribuable en se prononçant sur l’ensemble des griefs retenus. Cette question avait également été examinée par la Cour des plaintes, laquelle avait rappelé que la procédure menée par la DAPE était réglée par les dispositions des art. 19 à 50 de la loi fédérale sur le droit pénal administratif du 22 mars 1974 (DPA - RS 313.0) et retenu que le droit d’être entendue de la contribuable n’avait pas été violé. Le droit d’être entendue ne comprenait pas celui de l’être oralement, ni d’obtenir l’audition de témoins, dès lors que le dossier contenait l’ensemble des éléments fiscaux permettant de statuer sur l’assujettissement de la contribuable et compte tenu de la problématique de la prescription imminente de plusieurs années litigieuses.

Les éléments suivants permettaient de fonder l’assujettissement illimité de la recourante en Suisse pour les années 2009 à 2014 : la contribuable utilisait les services d’une société de domiciliation à AP______, à l’instar d’une quarantaine d’autres sociétés appartenant à B______; elle n’avait remis aucune pièce démontrant son assujettissement fiscal à AP______ ; l’ensemble des tâches administratives, de gestion et de représentation de A______ se faisait à Genève, lieu où se déroulait son activité économique. Ainsi, les dossiers de la recourante étaient préparés à Genève, les négociations du prix de vente des œuvres qu’elle vendait se tenaient à Genève, les présentations des œuvres d’art se déroulaient de manière générale à Genève, le droit suisse était applicable aux contrats la liant et étaient signés à Genève, aucun collaborateur de la recourante ne se trouvait à AP______ et sa comptabilité était tenue en français, la correspondance de la contribuable était essentiellement envoyée depuis et vers Genève, aucune contreprestation des sociétés détenues par B______, pour les tâches administratives qu’elles accomplissaient pour le compte de la recourante, n’était comptabilisée. Selon ce faisceau d’indices suffisant, l’administration effective de la recourante s’exerçait en réalité depuis Genève et son assujettissement illimité s’y trouvait durant les années 2009 à 2014. Il appartenait à la recourante de remettre, pièces probantes à l’appui, cette conclusion en cause en démontrant qu’elle avait effectivement son administration effective à AP______, ce qu’elle n’avait pas fait.

Étaient jointes des copies de l’ensemble de ses écritures par-devant le TAPI.

c. La recourante a répliqué, en maintenant ses conclusions et concluant à la nullité du jugement querellé.

N’étant pas en mesure de prendre position sur les allégués que l’intimée contestait dans son exposé des faits, ce mode de procéder n’était pas recevable et relevait d’une motivation insuffisante de l’intimée, mettant en doute la recevabilité de sa réponse. En cas d’admission d’un tel procédé, elle renvoyait également à ses écritures de première instance.

De « graves vices » ayant entaché l’ensemble de la procédure ayant abouti au jugement attaqué, en particulier la procédure d’enquête devant la DAPE, la nullité de celui-ci devait être constatée. S’il pouvait être admis qu’elle n’avait pas un droit à être entendue oralement devant la DAPE avant l’émission du rapport, elle disposait néanmoins d’un droit à participer à la procédure selon le DPA. Par l’intermédiaire de ses administratrices, elle aurait dû être admise à participer aux auditions de B______.

Dans l’hypothèse où la nullité du jugement devait ne pas être constatée, il fallait prendre en considération qu’en omettant d’élaborer son argumentation factuelle et juridique en lien avec le jugement attaqué, puis le contenu de son recours, l’intimée n’avait pas satisfait à son devoir de motivation de sa réponse. Celle-ci devait donc être déclarée irrecevable, dans la mesure où l’intimée aurait renoncé à s’exprimer sur son recours.

Le risque de prescription relevait de la responsabilité de l’AFC-GE puisque si elle avait ouvert la procédure en novembre 2015, elle n’avait rendu sa décision sur son assujettissement qu’en date du 5 septembre 2022, soit près de sept ans après. Elle avait d’ailleurs dû rendre une telle décision plus de six ans après la première requête formulée en ce sens et après avoir été expressément interpellée par le TAPI dans le cadre de la procédure pour déni de justice. La prochaine période fiscale potentiellement visée par la prescription, soit l’année 2009, ne portait, selon les montants revendiqués par l’AFC-GE dans la procédure A/1351/2024, que sur une prétention fiscale totale de CHF 598.40. Ces motifs ne pouvaient justifier de ne pas donner suite à ses requêtes d’instruction.

Contrairement à l’argumentation de l’AFC-GE selon laquelle B______ et la recourante constituaient deux contribuables distincts, son prétendu assujettissement en Suisse entre 2009 et 2014 était en réalité basé majoritairement sur la personne de B______ et la domiciliation de celui-ci en Suisse. Cela étant, les autorités fiscales suisses utilisaient à son encontre des documents auxquels elle‑même n’avait pas accès, de façon contraire à l’égalité des armes. Contrairement à ce que retenait l’AFC-GE, les « actions entreprises à Genève » ne permettaient pas de retenir que son centre de gravité s’y trouvait durant les années 2009 à 2014, pas plus que son administration effective ne s’y déployait. L’unique point de rattachement éventuel avec la Suisse restait le domicile de B______pour autant qu’il fût pertinent, son activité commerciale se déroulant principalement entre AP______, BB______, CB______ et BU______.

L’AFC-GE avait elle-même rendu nécessaire l’examen d’une suspension ou de la priorité du traitement de la question de son assujettissement par rapport à la cause traitant des rappels et tentative de soustraction d’impôts, en ne respectant pas le caractère préjudiciel de cette procédure et en tardant à rendre les décisions en ce sens. L’imbrication entre la question de l’assujettissement et la suite de la procédure de taxation était contraire à la volonté des législateurs cantonal et fédéral, mais également inopportune puisqu’elle faisait nécessairement entrer des éléments impropres à l’assujettissement (cette question n’étant pas tranchée) dans la procédure concernant les bordereaux de rappels d’impôts. La poursuite de ces procédures parallèles engendrait également des frais financiers supplémentaires pour les parties et les tribunaux, violant ainsi le principe de l’économie de procédure. Au vu de la responsabilité du risque de prescription qui pesait sur l’AFC-GE seule et des intérêts financiers restreints de la collectivité par rapport à la période fiscale 2009, il ne se justifiait pas de relayer le principe d’économie de procédure au second plan en appelant à celui de la célérité.

L’AFC-GE se fourvoyait lorsqu’elle estimait avoir produit tous les éléments déterminants afin de retenir son assujettissement, car elle avait elle-même déconstruit en détail les éléments qu’elle considérait pertinents pour son assujettissement. L’AFC-GE n’était pas non plus fondée à lui opposer le secret fiscal pour lui refuser l’accès au dossier de la procédure concernant B______ (arrêt du Tribunal fédéral 9C_122/2024), dans la mesure où des renseignements pouvaient lui être communiqués lorsqu’une disposition légale fédérale ou cantonale le prévoyait expressément. Tandis qu’elle avait démontré que B______ ne pouvait être considéré comme son organe de fait, un nombre important de pièces relatives aux déclarations de celui-ci qu’il n’était pas possible d’identifier, manquait au dossier de la cause. Le dossier de la cause n’était pas suffisamment complet pour lui permettre de comprendre et de s’exprimer sur les pièces, notamment celles issues de la procédure en lien avec B______, sur lesquelles l’AFC-GE se basait pour justifier son assujettissement illimité en Suisse. Il appartenait à la chambre administrative ou à l’AFC-GE de s’enquérir auprès de B______ pour savoir si celui-ci s’opposait à sa demande de production du dossier de la cause ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_122/2024.

La procuration générale octroyée à B______ ne faisait pas mention du pouvoir utile en procédure, notamment pas devant les autorités fiscales et judiciaires suisses, ni de transférer ce pouvoir à des mandataires professionnellement qualifiés. Ainsi, jusqu’à la constitution de son conseil en juin 2022, elle n’avait pas été valablement représentée en procédure. Il était surprenant que, dans les arrêts 1B_435/2020 et 1B_434/2020 précités, le Tribunal fédéral n’ait pas examiné la question de la validité de sa représentation, laquelle aurait dû l’être d’office. Elle s’était donc retrouvée partie à différentes procédures judiciaires en Suisse sans le savoir ni être valablement représentée. Ses droits procéduraux avaient été bafoués. De leur propre faute ou négligence, les autorités fiscales suisses s’étaient satisfaites de procéder dans une telle affaire sur la base des seules déclarations d’un « mandataire commercial » non expressément autorisé à plaider et de procuration signées en l’absence de pouvoir de représentation en justice. Elle n’avait ainsi été informée des charges qui pesaient à son encontre que le 11 mai 2022, sans avoir été informée de l’ouverture de la procédure à son encontre ni pu participer aux auditions menées par les autorités fiscales.

Il était faux de prétendre que la domiciliation de B______à Genève pouvait être retenue comme un élément parmi d’autres, alors que l’AFC-GE soutenait à tort qu’il était son organe de fait. En se référant sans réserve au rapport de la DAPE en ignorant les pièces qu’elle avait fournies et son argumentation détaillée sur la réalisation de son activité commerciale à l’étranger, les autorités concernées ne satisfaisaient pas à leur devoir d’instruire d’office. Si, en dépit des pièces produites par ses soins démontrant le contraire, il devait être reconnu qu’elle avait une activité administrative en Suisse et à Genève, au contraire de son activité commerciale qui était exclusivement exécutée à l’étranger, elle devait bénéficier du statut de société auxiliaire (en vertu des anciens art. 28 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990
[LHID - RS 642.14] et 23 de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 [LIPM - D 3 15]) pour les périodes fiscales 2009 à 2014, dans la mesure où ce régime était encore en vigueur à cette époque.

Au surplus, elle reprenait et persistait dans ses précédents développements.

À l’appui de ses écritures, elle produisait notamment les documents suivants :

- un courrier des avocats de B______et elle-même à l’AFC-GE du 9 avril 2015, par lequel ceux-ci transmettaient notamment une copie des procurations qui leur avaient été transférées par leurs mandants, à l’encontre desquels diverses mesures avaient été prises par les autorités BB______ et BU______ à la suite d’ « accusations calomnieuses » proférées par BC______ ;

- un courrier de la DAPE du 20 juin 2022, demandant à son nouveau conseil de lui indiquer l’identité de la personne ayant signé la procuration au nom de A______ et de lui confirmer son pouvoir de représentation et la date à partir de laquelle elle était investie de ce pouvoir, dès lors que Me EZ______ était au bénéfice d’une procuration signée par B______. Me David BITTON mentionnait également représenter ce dernier, lequel n’aurait pas la qualité pour représenter A______ dans le cadre de l’enquête, alors que de nombreuses pièces au dossier attestaient que B______ était, au moment des faits concernés, l’organe matériel et l’organe dirigeant de A______ et qu’il avait seul tout pouvoir décisionnel. Il s’était également annoncé à la DAPE dès le début de la procédure comme le représentant autorisé de A______. Le fait que B______ niait désormais représenter A______ et la révocation de son mandat par Me EZ______ n’y changeait rien. En qualité de représentant de A______, B______ avait eu le droit de participer aux actes d’enquête, de prendre position sur les reproches formulés à l’encontre de celle-ci, de faire usage du droit d’être entendu au nom de cette société, d’offrir des preuves ou de faire valoir des éléments à décharge, de demander des actes d’enquête au nom de A______, ce qu’il avait fait. B______ et Me EZ______, dûment autorisé pour l’un et dûment mandaté pour l’autre, avaient connaissance de l’ouverture de l’enquête pénale et des reproches retenus à l’encontre de A______. Cette dernière ne pouvait donc se prévaloir du fait qu’elle n’aurait jamais été mise au courant des reproches retenus à son encontre ou qu’elle n’aurait jamais été conviée à participer à une audition.

d. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 145 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 [LIFD - RS 642.11] ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2.             2.1 Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (al. 2).

Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d'une certaine souplesse s'agissant de la manière par laquelle sont formulées les conclusions du recourant. Le fait qu'elles ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est, en soi, pas un motif d'irrecevabilité, pour autant que l'autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant. Ainsi, une requête en annulation d'une décision doit être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a, de manière suffisante, manifesté son désaccord avec la décision ainsi que sa volonté qu'elle ne déploie pas d'effets juridiques (ATA/1790/2019 du 10 décembre 2019 ; ATA/1199/2019 du 30 juillet 2019 ; ATA/313/2019 du 26 mars 2019).

2.2 L'absence de conclusions ne peut être réparée que dans le délai de recours. Hors ce délai, le fait d'être autorisé à compléter une écriture de recours ne permet pas de suppléer le défaut de conclusions. Partant, des conclusions nouvelles prises au stade de la réplique sont irrecevables (ATA/1790/2019 précité ; ATA/223/2019 du 5 mars 2019).

2.3 In casu, la recourante, qui comparaît par le biais d'un mandataire, a conclu, dans son acte de recours du 12 juillet 2024, à la suspension de la présente procédure jusqu’à droit connu dans la procédure fédérale 9C_122/2024, à ce qu’il soit ordonné au TAPI de suspendre la procédure A/1351/2024, à l’annulation du jugement attaqué, au renvoi de la cause à l’AFC-GE en lui enjoignant de l’entendre, ainsi que les témoins requis, d’écarter le rapport de la DAPE, et de dire qu’elle n’était pas assujettie de manière illimitée à l’ICC et l’IFD pour les périodes fiscales 2009 à 2014. Subsidiairement, elle transposait ses conclusions principales au TAPI ou à la chambre de céans.

En tant qu’elles ont été formées dans le délai de recours lesdites conclusions sont recevables.

En revanche, dans sa réplique du 27 septembre 2024, la recourante a ajouté des conclusions supplémentaires, à savoir le constat de la nullité du jugement querellé, en raison des vices graves ayant affecté l’ensemble de la procédure, tant durant l’enquête menée par la DAPE que devant l’AFC-GE et le TAPI. Cette nouvelle conclusion ayant été formulée hors du délai de recours, elle est par conséquent tardive et sera déclarée irrecevable.

Cela étant, en toute hypothèse, en présence d’une cause de nullité du jugement querellé, la chambre de céans devrait la constater d’office.

3.             La recourante conteste la recevabilité des écritures responsives de l’AFC-GE, dans la mesure où celles-ci renverraient globalement à l’ensemble de ses précédentes déterminations par-devant le TAPI. Elle lui reproche de ne pas s’être positionnée sur les arguments invoqués dans son recours.

3.1 L’autorité qui a pris la décision attaquée et toutes les parties ayant participé à la procédure de première instance sont invitées à se prononcer sur le recours (art. 73 al. 1 LPA). Dans ce cas, la juridiction administrative fixe les délais dans lesquels les parties doivent produire leurs écritures (art. 75 LPA).

L'art. 73 LPA n'impose pas d'exigences particulières auxquelles doit satisfaire la réponse au recours. Cette disposition se limite à offrir aux parties ayant participé à la procédure de première instance la possibilité de s'exprimer sur le recours et de faire valoir leurs points de vue (ATA/170/2024 du 6 février 2024 consid. 3.4 ; ATA/1194/2021 du 9 novembre 2021 consid. 2a). En outre, le délai fixé par la juridiction administrative à teneur de l'art. 75 LPA est, au sens technique, un terme, susceptible d'être prolongé (ATA/1662/2019 du 12 novembre 2019 consid. 3a).

3.2 In casu, l’AFC-GE a fait usage de cette possibilité.

Contrairement à la recourante qui, au travers des 127 pages de son recours, reprend globalement les 98 pages de sa réplique du 5 juin 2023 par-devant le TAPI, l’AFC‑GE a fait le choix de la concision, ce qui n’est pas critiquable.

Il ressort du dossier de la procédure par-devant le TAPI, lequel l’a transmis à la chambre de céans qui a pu - à l’évidence - en prendre connaissance, que, déjà dans sa duplique du 26 juillet 2023, répondant à la réplique de la recourante précitée, l’AFC-GE avait relevé que l’intéressée ne faisait valoir aucun argument nouveau susceptible d’influer sur le sort du litige et qu’aucune pièce nouvelle déterminante n’était produite. Nonobstant ce constat, l’intimée a expliqué sa position sur les éléments lui paraissant pertinents. Elle en a fait de même dans sa réponse par-devant la chambre de céans. Il en ressort qu’elle conteste les griefs formulés par la recourante contre le jugement attaqué, lesquels sont similaires à ceux invoqués en première instance contre la décision sur réclamation, et qu’elle conclut au rejet du recours.

L’intimée n’ayant ainsi pas d’obligation de se déterminer sur chaque allégué exposé dans le recours, étant rappelé que ni la LPA, ni le droit supérieur n'impose une telle prise de position – mode de faire lourd et inutile en procédure administrative, laquelle est généralement peu formaliste –, ce grief est infondé.

4.             La recourante conclut à la suspension de la procédure jusqu'à droit connu dans la procédure opposant B______ aux intimées sur la question de son domicile en Suisse durant les années 2009 à 2015 (procédure fédérale 9C_122/2024).

Elle demande également qu’il soit ordonné au TAPI de suspendre la procédure A/1351/2024 relative aux bordereaux de rappels d’impôts la concernant, pour les périodes fiscales ICC et IFD 2009, aux bordereaux de taxation ICC et IFD 2010 à 2014, ainsi qu’aux bordereaux d’amendes pour tentative de soustraction relatifs aux périodes fiscales ICC et IFD 2010 à 2014.

4.1.1 L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/499/2021 du 11 mai 2021 consid. 2a). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/499/2021 du 11 mai 2021 consid. 2a).

4.1.2 Selon la doctrine, l’autorité de chose jugée ou force matérielle de chose jugée (materielle Rechtskraft) se rapporte à la stabilité du contenu d’une décision. On peut également distinguer ici entre autorité de chose décidée, qui se rapporte à la stabilité d’une décision d’une autre administration entrée en force, et autorité de chose jugée, qui se rapporte à celle d’une décision prise sur recours ou par une juridiction saisie d’une action. Dans le premier cas, la question est simplement celle de la modification d’une décision administrative. On indiquera seulement ici que la révocation partielle ou totale d’une décision exige une pesée de l’intérêt à une application correcte du droit objectif, qui plaiderait par hypothèse pour une modification de la décision, et de l’intérêt à la sauvegarde de la sécurité du droit, qui favorise le maintien de la décision. Dans le second cas, le réexamen approfondi de l’affaire qui a dû être effectué sur recours ou par la juridiction saisie d’une action justifie de reconnaître une plus grande portée à l’autorité de chose jugée : les points tranchés sur recours ou par une juridiction ne pourront être revus, en ce qui concerne les mêmes parties, les mêmes faits et les mêmes motifs, que si des motifs de révision (art. 80 LPA) sont présents. À cet égard, il faut souligner que l’autorité de chose jugée ne se rapporte qu’aux points effectivement tranchés par l’autorité de recours ; il y aura donc lieu de se référer aux motifs de sa décision pour définir la portée de l’autorité de la chose jugée (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 867 à 869 p. 308).

4.2 Lorsque le sort d'une procédure administrative dépend de la solution d'une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d'une autre autorité et faisant l'objet d'une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu'à droit connu sur ces questions (art. 14 al. 1 LPA).

L'art. 14 LPA est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu'une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/1493/2019 du 8 octobre 2019 consid. 3b et l'arrêt cité). La suspension de la procédure ne peut pas être ordonnée chaque fois que la connaissance du jugement ou de la décision d'une autre autorité serait utile à l'autorité saisie, mais seulement lorsque cette connaissance est nécessaire parce que le sort de la procédure en dépend (ATA/630/2008 du 16 décembre 2008 consid. 5). Une procédure ne saurait dès lors être suspendue sans que l'autorité saisie n'ait examiné les moyens de droit qui justifieraient une solution du litige sans attendre la fin d'une autre procédure. Il serait en effet contraire à la plus élémentaire économie de procédure et à l'interdiction du déni de justice formel fondée sur l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) d'attendre la décision d'une autre autorité, même si celle-ci est susceptible de fournir une solution au litige, si ledit litige peut être tranché sans délai sur la base d'autres motifs (ATA/1493/2019 précité consid. 3b).

4.3 En l'occurrence, par arrêt 9C_122/2024 précité, le Tribunal fédéral a mis un terme à la procédure cantonale en confirmant l’arrêt du 9 janvier 2024. Il a ainsi été retenu que le domicile de B______ se trouvait effectivement en Suisse, en particulier à Genève, pour les périodes fiscales 2009 à 2015.

Par conséquent, en tant qu’elle était justifiée par la nécessité de connaître la réponse apportée à cette problématique par le Tribunal fédéral afin de pouvoir déterminer son sort, cette conclusion est désormais devenue sans objet. La suspension demandée sous cet angle ne présentant plus aucun intérêt pour l’issue du litige, il n’y sera pas donné suite.

4.4 Quant à la requête de la recourante visant à ordonner au TAPI de suspendre la cause A/1351/2024, il apparaît que celle-ci porte sur une procédure administrative distincte de celle dont il s’agit ici. En effet, tandis que l’objet de la procédure A/1351/2024 vise les bordereaux de rappels d’impôts ICC/IFD 2009, de taxation ICC/IFD 2010 à 2014 et pour tentative de soustraction relatifs aux ICC/IFD 2010 à 2014, le présent litige concerne la question - préjudicielle - de savoir si la recourante doit être assujettie de manière illimitée pour les années 2009 à 2014 en Suisse, en particulier à Genève.

Pour rappel, c’est à la demande de la recourante que l’intimée a rendu deux décisions séparées, dont la contestation a abouti à l’ouverture de deux procédure successives, soit les causes A/112/2023 et A/1351/2024 ayant deux objets distincts. Alors que la chambre de céans est saisie de la première, le TAPI l’est de la seconde.

Conformément à l’art. 14 LPA, de même qu’au principe du double degré de juridiction, il n’appartient pas à la chambre de céans d’ordonner au TAPI de suspendre une procédure dont lui seul est saisi, et ce, alors qu’il appartient à la recourante de lui adresser directement cette demande de suspension.

Faute d’être elle-même saisie de la cause A/1351/2024, la chambre de céans ne dispose pas de la compétence d’en ordonner la suspension au TAPI. Dite requête apparaît dès lors irrecevable. Il revient à la recourante de l’adresser au TAPI, ce qu’elle semble au demeurant avoir fait.

5.             La recourante se plaint d’une violation de son droit d’être entendue sous l’angle d’un défaut de motivation de la part du TAPI relatif au grief concernant l’absence de représentation valable au cours de l’enquête de la DAPE et lors de l’ouverture de la procédure à son encontre par l’AFC-GE.

En parallèle, elle fait valoir, sur le fond, que B______ ne pouvait valablement la représenter.

Étant donné le lien entre ces deux griefs d’ordre formel et matériel, ceux‑ci seront examinés simultanément.

5.1 Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 Cst. implique notamment l’obligation pour l’autorité de motiver ses décisions, afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer ses droits de recours à bon escient (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3 ; 141 V 557 consid. 3.2.1). Il suffit cependant que l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause (ATF 142 II 154 consid. 4.2). L’autorité n’est pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties et peut se limiter aux questions décisives (ATF 146 II 335 consid. 5.1 ; 142 II 154 consid. 4.2).

5.2 Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1). En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel lorsqu'elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 136 I 229 consid. 5.2).

5.3 Les organes exécutifs, mais aussi toutes les personnes qui peuvent valablement représenter la société anonyme dans les actes juridiques avec des tiers en vertu des règles du droit civil, peuvent accomplir des actes judiciaires en son nom, comme signer des écritures, donner procuration à un avocat et comparaître aux audiences. Sont en premier lieu légitimés à représenter la société en justice les membres du conseil d'administration et, à moins que les statuts ou le règlement d'organisation ne l'exclue, un seul des membres de celui-ci (art. 718 al. 1 CO). En deuxième lieu, la société peut être représentée en justice par un ou plusieurs des membres du conseil d'administration (délégués) ou par des tiers (directeurs), auxquels le conseil d'administration a délégué son pouvoir de représentation (art. 718 al. 2 CO). Toutes ces personnes sont organes, expriment directement la volonté de la société et sont inscrites au RC (art. 720 CO). En troisième lieu, sans avoir la qualité d'organes, en vertu de leurs pouvoirs de représentation, peuvent représenter la société en justice les fondés de procuration (art. 458 CO), qui sont inscrits au RC et n'ont pas besoin de pouvoir spécial pour plaider, à moins que leur procuration n'ait été restreinte (art. 460 al. 3 CO), ainsi que les mandataires commerciaux (art. 462 CO), qui ne sont pas inscrits au RC, à condition qu'ils aient reçu le pouvoir exprès de plaider (art. 462 al. 2 CO ; ATF 140 III 70 consid. 4.3). Chacune doit justifier de sa qualité et de son pouvoir en produisant un extrait du RC ou, dans le cas du mandataire commercial, une procuration lui conférant en plus le pouvoir exprès de plaider (art. 462 al. 2 CO ; ATF 141 III 159 consid. 2.6 et 141 III 80 consid. 1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral précité 4A_612/2017 ibidem). En revanche, une personne morale ne peut pas comparaître par un simple organe de fait, car l'autorité de conciliation doit pouvoir vérifier rapidement et aisément si l'individu qui se présente au nom de cette personne revêt la qualité voulue (ATF 141 III 159 consid. 2.4 et 2.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_530/2021 du 3 août 2022 consid. 3.1).

5.4 En l’espèce, contrairement aux allégations de la recourante, le TAPI a bel et bien examiné la question de la validité de sa représentation par B______ dans le cadre de l’enquête menée par la DAPE, aux consid. 14 et 15 de la partie « en droit » du jugement attaqué. Certes, il n’est pas fait expressément référence à l’art. 462 CO cité par la recourante. En revanche, le TAPI indique clairement les motifs pour lesquels il considère que ce grief est mal fondé, en se référant à l’arrêt de la Cour des plaintes du 21 août 2023, au fait que la recourante avait été représentée par les mêmes avocats que B______ dans les causes 1B_434/2020 et 1B_435/2020 (dont elle avait elle-même demandé la jonction), à l’inapplicabilité des règles du CPP aux procédures de rappel d’impôts et de soustraction fiscale et en examinant la validité du procès-verbal du 30 novembre 2015.

Pour mémoire, dans son arrêt précité du 21 août 2023, la Cour des plaintes a considéré sur ce point précis que « l’enquête avait été ouverte contre la recourante en 2017. Dès le début, celle-ci a[vait] été dûment représentée par ses avocats de choix, selon les mandats valablement signés par B______, lequel était au bénéfice d’un « general power of attorney » lui permettant d’engager la société en ce sens. Les avocats de la recourante représentaient également B______. Ils avaient ainsi participé aux nombreuses auditions de ce dernier, à l’occasion desquelles, le rôle de la recourante avait été plusieurs fois évoqué, B______ spécifiant à cet égard les activités de la société. Par ailleurs, le dossier de la procédure avait été à la disposition des inculpés durant toute la durée de l’enquête. La recourante et ses conseils étaient donc parfaitement informés du contexte dans lequel se déroulait l’enquête, quelle était l’implication potentielle de la recourante et des agissements qui pouvaient lui être reprochés bien avant la notification du rapport final. Partant, elle ne pouvait être suivie lorsqu’elle prétend[ait] qu’elle pouvait croire qu’elle échapperait à toute enquête fiscale […]. Contrairement à ce que soutenait la recourante, il n’était pas nécessaire qu’elle soit entendue "de vive voix" avant que le rapport final ne soit rendu ou qu’ait lieu une audition pour que les charges la concernant lui soient communiquées. La notification du rapport final suffisait pour cela. Or, celui-ci avait été dûment notifié au représentant de la recourante le 22 juillet 2022. En outre, il lui avait été conféré un délai de 30 jours à compter de ladite notification pour déposer ses observations et requérir un complément d’enquête ainsi que de consulter le dossier. Ainsi, le droit d’être entendue de la recourante avait été pleinement respecté. Au surplus, il appart[enait] au fonctionnaire enquêteur de choisir les mesures ou actes d’enquête à effectuer pour pouvoir faire avancer les investigations. Libre à lui d’opter d’entendre quelqu’un ou non en fonction des éléments de preuve dont il disposait au dossier. Partant, il était loisible au fonctionnaire enquêteur d’entendre B______, et ce, qu’il puisse ou non représenter la recourante en tant qu’organe de fait, question qui pouvait en l’occurrence souffrir de rester indécise » (consid. 2.3.4).

Tel que retenu par le TAPI, il n’y a pas lieu de s’écarter de la décision précitée, que les éléments du dossier tendent à confirmer. Dès le début des procédures entamées par la DAPE et l’AFC-GE, le conseil de la recourante représentait également B______, lequel était aussi assisté d’autres avocats représentant à leur tour l’intéressée. Lors de sa première audition par la DAPE le 19 juillet 2018, B______ a été informé qu’il était entendu notamment en tant qu’ayant droit économique et administrateur de fait de la recourante. Ses conseils ont alors remis une procuration en son nom et celui de la recourante signée de sa main. Puis, toutes les citations à comparaître adressées par la DAPE à B______, alors entendu en tant qu’inculpé, visaient l’enquête pénale dirigée contre la recourante, J______ et lui-même. En dépit de ces circonstances, ce n’est qu’au terme de l’enquête diligentée par la DAPE que B______ a fait valoir, après environ une dizaine d’auditions par ladite autorité, lui rappelant à chaque occasion qu’il intervenait également pour la recourante, son incapacité à la représenter.

Or, selon la procuration de la recourante du 1er mai 2006, signée de son directeur, CC______, en faveur de B______, ce dernier était autorisé à la représenter devant les autorités étatiques et bénéficiait notamment d’une clause générale de représentation, à savoir « d'une manière générale, d'agir en tant qu'agent de la société et d'exécuter et de réaliser au nom de la société tous les actes légaux et raisonnables de manière aussi complète et efficace que la société pourrait ou pourrait le faire » (point 6). La procuration de la recourante du 8 août 2006 en faveur de B______, signée de AV______, avait le même contenu. Il s’ensuit que B______ disposait - à tout le moins - de la capacité de représenter la recourante tant devant la DAPE que l’AFC-GE, celles-ci ne constituant pas des juridictions.

En ces circonstances, même s’il fallait considérer que B______ devait présenter une procuration expresse de la part de la recourante pour la représenter en justice, force est de constater que cette question ne se pose pas puisque l’intéressée est intervenue en procédure par l’intermédiaire de son administratrice donnant directement mandat à son conseil actuel dès le 7 juin 2022, soit juste avant la remise de son rapport d’enquête par la DAPE le 2 juillet 2022. Cela étant dit, il sied de constater que, si la recourante conteste avoir été valablement représentée par B______ dans le cadre de l’enquête menée par la DAPE, elle n’a aucunement soulevé cette exception au cours de la procédure menée par l’AFC-GE, tandis qu’elle a informé cette dernière de son changement d’avocat par courrier du 4 juillet 2022. Et ce, alors même que, dans ce cadre également, ses conseils étaient identiques, depuis le début de la procédure, à ceux de B______.

Finalement, il est constaté que, bien qu’invoqué à plusieurs reprises, notamment au cours de l’enquête menée par la DAPE, le règlement d’organisation de la recourante n’a pas été produit. De surcroît, il apparaît pour le moins surprenant, en particulier compte tenu de l’importance médiatique des affaires concernant B______ et du rôle de celui-ci dans les affaires de la recourante, que celle-ci puisse prétendre ne pas avoir été informée de l’ouverture de ces procédures.

Par conséquent, c’est à bon droit que le TAPI a écarté le grief de la recourante visant une prétendue absence de représentation valable au cours de l’enquête pénale menée par la DAPE et de la procédure ouverte par l’AFC-GE, en mentionnant les éléments sur lesquels il se fondait à cet effet, respectant par là-même le droit d’être entendue de l’intéressée à cet égard. Cette dernière a d’ailleurs pu les contester en connaissance de cause, quand même bien le TAPI ne se serait pas référé à l’art. 462 CO.

Ces griefs seront donc écartés.

6.             La recourante invoque également une violation de son droit d’être entendue, faute d’avoir été auditionnée dans le cadre de la procédure dirigée à son encontre par l’AFC-GE, bien que celle-ci revêtait un caractère pénal. En outre, sa demande d’audition de témoins avait été écartée à tort et elle n’avait pas eu accès au dossier de la cause cantonale ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_122/2024, ni aux arrêts y relatifs, sur lesquels se fondaient le TAPI et l’AFC-GE.

6.1.1 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 148 II 73 consid. 7.3 ; 145 I 73 consid. 7.2.2.1). Il sert non seulement à établir correctement les faits, mais constitue également un droit indissociable de la personnalité garantissant à un particulier de participer à la prise d'une décision qui touche sa position juridique (ATA/872/2023 du 22 août 2023 consid. 4.2).

Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_576/2020 du 1er avril 2021 consid. 3.1). En outre, le droit de faire administrer des preuves n'implique pas le droit à l’audition de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

6.1.2 L'art. 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) n'est pas applicable à la procédure de rappel d'impôts, mais son volet pénal l'est à la procédure – pénale – en soustraction d'impôts (ATF 140 I 68 consid. 9.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_503/2022 du 22 mars 2023 consid. 2). Le fait que le contribuable ait pu s'expliquer oralement devant les autorités administratives n'est pas déterminant, car le droit à être entendu oralement et en personne découlant de l'art. 6 par. 1 CEDH ne se rapporte qu'à la procédure judiciaire (ATF 140 I 68 précité consid. 9.2). À cet égard, il suffit, selon la jurisprudence, que les parties ait eu la possibilité de s’exprimer devant un tribunal indépendant au moins une fois au cours de la procédure (ATF 124 I 322 consid. 4a ; 121 I 30 consid. 5d-f ; arrêt du Tribunal fédéral 8D_5/2022 du 22 février 2023 consid. 4.2.2). En ce domaine, le contribuable peut donc en principe se prévaloir d'un droit à être entendu oralement. Cette position correspond du reste à la jurisprudence de la CourEDH, qui réserve toutefois des circonstances particulières (ACEDH Jussila c. Finlande du 23 novembre 2006, Rec. 2006-XIV, §§ 40 ss). Cette audition n'est cependant pas automatique ; il faut que le contribuable en fasse la demande (ATF 140 I 68 précité consid. 9.2).

En outre, selon l’art. 6 par. 3 let. d CEDH, également applicable à la procédure de soustraction d’impôt, tout accusé a le droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge et d'obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge. Le droit d'obtenir l'audition de témoins à décharge est relatif : l'autorité peut y renoncer si, dans le cadre d'une appréciation anticipée des preuves dénuée d'arbitraire, elle peut dénier à ce témoignage une valeur probante décisive pour le jugement. L'art. 6 par. 3 let. d CEDH ne va à cet égard pas plus loin que l'art. 29 al. 2 Cst. (arrêts du Tribunal fédéral 9C_715/2022 du 19 juillet 2023 consid. 7.4.2 ; 2C_700/2022 du 25 novembre 2022 consid. 6.4 et les références citées).

6.1.3 Selon la circulaire n° 21 de l’AFC-CH intitulée « Le droit de rappel d’impôt et le droit pénal fiscal dans la LIFD », du 7 avril 1995 (ci‑après : circulaire 21 ; ch. III.7.2 p. 34), le droit d'être entendu de l'inculpé doit obligatoirement être sauvegardé avant la clôture de l'instruction. L'inculpé peut s'exprimer oralement ou par écrit. S'il demande expressément à être entendu, une entrevue doit lui être accordée. À cette occasion, il faut tenir un procès-verbal qui sera ensuite signé par l'inculpé.

6.1.4 En tant que directive, la circulaire ne constitue pas du droit et ne lie pas le juge, faisant partie des ordonnances administratives, qui s’adressent aux administrations fiscales cantonales afin d’unifier et de rationaliser la pratique, d’assurer l’égalité de traitement, le bon fonctionnement de l’administration et la sécurité juridique. Ces autorités ne s’en écartent que dans la mesure où elles contreviennent au sens et au but de la loi (ATF 136 I 129 consid. 6.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_866/2019 précité consid. 4.4 ; ATA/1121/2023 du 10 octobre 2023 consid. 2.4.2 et les arrêts cités).

6.2 Dans son arrêt du 9 janvier 2024 précité, confirmé par le Tribunal fédéral (arrêt 9C_122/2024 précité), la chambre de céans a retenu que, concernant le volet judiciaire pénal de la procédure (procédure en rappel et soustraction d’impôts), il avait été satisfait aux exigences de l’art. 6 CEDH, dès lors que la chambre de céans avait procédé à l’audition du recourant. En outre, le fait que B______ n'ait pas été entendu spécifiquement par l'AFC-GE n'avait pas emporté violation de son droit d'être entendu, compte tenu du déroulement de l’enquête spéciale de la DAPE (durant laquelle il avait été entendu à au moins neuf reprises) et l’absence de demande d’audition auprès de l’AFC-GE avant la procédure de réclamation, (consid. 2.6).

6.3 Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA).

En application de la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public (art. 19 et 20 LPA), l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés ; cette maxime oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d'office l'ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits (ATF 124 II 361 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1) ; il leur incombe d'étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

La constatation des faits est, en procédure administrative, gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2e phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/1278/2023 du 28 novembre 2023 consid. 2.6 et les arrêts cités).

6.4 La chambre administrative et les autorités fiscales sont soumises au secret fiscal en vertu des art. 110 LIFD, 39 LHID et 11 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17). Des renseignements peuvent être communiqués dans la mesure où une disposition légale fédérale ou cantonale le prévoit expressément (art. 110 al. 2 LIFD ; art. 39 al. 1 LHID ; art. 12 al. 6 LPFisc). Le contribuable a le droit de consulter les pièces du dossier qu’il a produites ou signées (art. 114 al. 1 LIFD, art. 41 al. 1 LHID, art. 17 al. 1 LPFisc). Il peut prendre connaissance des autres pièces une fois les faits établis et à condition qu’aucune sauvegarde d’intérêts publics ou privés ne s’y oppose (art. 114 al. 2 LIFD, art. 41 al. 1 LHID, art. 17 al. 2 LPFisc). Lorsqu’une autorité refuse au contribuable le droit de consulter une pièce du dossier, elle ne peut se baser sur ce document pour trancher au détriment du contribuable que si elle lui a donné connaissance, oralement ou par écrit, du contenu essentiel de la pièce et qu’elle lui a au surplus permis de s’exprimer et d’apporter ses propres moyens de preuve (art. 114 al. 3 LIFD).

En particulier, le secret fiscal est opposable à l’actionnaire d’une société, dans la mesure où celle-ci dispose de la personnalité morale et qu’elle constitue une personne tierce et distincte de l’actionnaire, en dépit de la position de celui-ci au sein de ladite société en tant que directeur ou administrateur (ATF 126 I 122 consid. 5b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_669/2008 du 8 décembre 2008 consid. 5.2 ; 2P.185/2006 du 27 novembre 2006 consid. 4.2 ; Peter LOCHER, Kommentar zum Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, III. Teil - Art. 102 -222 DBG, 2015, ad art. 110 n. 20 et 24, et ad art. 114 n. 22 et 28 s). Dans ce dernier cas, lorsqu’en raison de sa position au sein de la société, les données de celle-ci ne sont pas secrètes envers l’actionnaire, celui-ci doit cependant s’adresser à la société (art. 715a CO) et non aux autorités fiscales (Walter FREI, Das Akteneinsichtsrecht im Zürcher Steuerrecht und das Sonderproblem der Bewertung nichtkotierter Aktien beim Minderheitsaktionär, in Zürcher Steuerpraxis vol. 1, 1992, p. 73 ss, p. 89 s). Lorsque des documents de la société se trouvent dans le dossier fiscal de l’actionnaire, celui-ci peut en prendre connaissance seulement après une pesée des intérêts conforme à l’art. 114 al. 2 LIFD, à l’art. 41 al. 1 LHID et à la disposition cantonale pertinente (arrêt du Tribunal fédéral 2C_160/2008 du 1er septembre 2008 consid. 2.4.2 ; Peter LOCHER, op. cit., n. 29 ad art. 114 LIFD).

L’administration fiscale, lorsqu’elle effectue la pesée d’intérêts nécessaire pour décider de soustraire une pièce à la consultation en mettant en balance d’un côté, l’intérêt du contribuable à prendre connaissance des pièces constituant son dossier et, de l’autre, les intérêts publics ou privés à ce que certains actes restent secrets, est tenue au respect du principe de proportionnalité (Denis BERDOZ et Marc BUGNON, La procédure mixte en matière d'impôts directs, in OREF [éd.], Les procédures en droit fiscal, 4e éd., 2021, 501-724, p. 629).

6.5 Le recours à la chambre administrative ayant un effet dévolutif complet (art. 67 al. 1 LPA), celle-ci dispose d'un libre pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 61 LPA). Celui‑ci implique en principe la possibilité de guérir une violation du droit d'être entendu, même si l'autorité de recours n'a pas la compétence d'apprécier l'opportunité de la décision attaquée (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_257/2019 du 12 mai 2020 consid. 5.2 ; ATA/1033/2023 du 19 septembre 2023 consid. 3.1).

6.6.1 En l’occurrence, tant auprès de la DAPE que de l’AFC-GE, la recourante a sollicité son audition.

Alors que, tel que retenu précédemment, B______ la représentait valablement au cours de l’enquête menée par la DAPE, ouverte le 31 mars 2011, celui-ci a été entendu à douze reprises et a également pu s’exprimer par écrit. Il a lui-même indiqué lors de l’une de ses auditions, en référer aux administratrices de la recourante à AP______, ne serait-ce que pour fournir les documents requis, qu’il n’a finalement pas remis, ni la recourante ultérieurement. Au cours de ladite enquête, divers témoins ont été auditionnés, dont CD______, CE______, BR______, CF______ et BP______. B______ et ses conseils ont pu participer à l’ensemble des actes d’enquête concernant la recourante. En outre, selon le rapport de la DAPE, AW______, administratrice signataire de la procuration remise le 7 juin 2022, ne figurait comme administratrice de la recourante au RC de AP______ que depuis le 9 décembre 2016, de sorte qu’elle ne l’était pas au moment des faits. Elle n’avait donc eu aucun rôle dans l’activité déployée par la recourante au niveau opérationnel ou décisionnel durant la période concernée. Ainsi, son audition en tant que représentante de la recourante portant sur les faits reprochés à celle-ci s’avérait donc d’emblée impropre à apporter de nouveaux éléments dans l’enquête, que ce soit à charge ou à décharge. Les administratrices formelles de la société durant la période sous enquête, soit AU______ et AV______, avaient révoqué leur mandat dans le courant de l’année 2016 et l’enquête avait démontré qu’elles n’avaient agi que comme administratrices de paille. AW______ n’avait non plus adresser aucune requête d’instruction (rapport de la DAPE, p. 12 à 14).

La recourante ne contredit pas les éléments susmentionnés, ni que le rapport de la DAPE en question lui a été dûment notifié et qu’elle a pu faire valoir son droit d’être entendue par écrit à ce sujet. À cet égard, le fait que le rapport de la DAPE soit daté du 2 juillet 2022 ne saurait altérer sa transmission tant à la recourante qu’à l’AFC‑GE le 22 juillet 2022. Contrairement à ce qu’elle insinue, elle n’en a pas été informée tardivement par rapport à l’autorité concernée et ledit délai de transmission n’a aucunement affecté son droit de se déterminer par écrit. À cela s’ajoute que, dès le 11 juillet 2022, la DAPE a accordé l’accès au dossier au conseil de la recourante après que la nouvelle procuration signée par AW______ ait été authentifiée. Ainsi, en sus de l’accès complet au dossier dont disposait B______ tout au long de l’enquête pénale de la DAPE, la recourante a encore bénéficié d’un nouvel accès à celle-ci, avant la reddition du rapport de la DAPE, étant rappelé que ses conseils étaient les mêmes que ceux de B______.

En outre, l’ouverture de la procédure dont est objet par l’AFC-GE a été notifiée à B______ par écrit lors d’un entretien du 30 novembre 2015, à l’occasion duquel celui-ci a également pu se prononcer oralement. Puis, le 11 mai 2022, la recourante a mis en demeure l’AFC-GE de rendre une décision préalable sur son assujettissement pour les périodes fiscales 2007 à 2014, en confirmant que ses conseils étaient Mes EZ______ et FC______, avant de l’informer, par courrier du 4 juillet 2022, que Me David BITTON représentait désormais ses intérêts. À ce stade, la recourante n’a toutefois aucunement requis son audition auprès de l’AFC-GE, pas plus que celle de témoins. De même, elle n’a pris aucune conclusion en ce sens dans sa réclamation du 6 octobre 2022.

Il ressort de ce qui précède que la recourante entend invoquer in casu une violation de son droit d’être entendue, alors qu’elle a été entendue depuis le début des procédures diligentées par la DAPE et l’AFC-GE par l’intermédiaire de ses différents conseils et de B______, ainsi que de ses déterminations écrites. Par ailleurs, dans la mesure où elle a elle-même sollicité une décision préjudicielle de l’intimée sur la question de son assujettissement illimité en Suisse, la présente procédure ne porte pas à proprement parler sur celle en rappel et soustraction d’impôts, laquelle est actuellement pendante devant le TAPI (A/1351/2024).

Dès lors qu’il ne s’agit pas de trancher le volet pénal de la procédure, l’objet du litige portant uniquement sur la détermination du lieu d’assujettissement illimité de la recourante, l’art. 6 CEDH n’est pas applicable en l’espèce (ATF 140 I 68 consid. 9).

6.6.2 Par ailleurs, la recourante requiert également l’audition des 23 témoins qu’elle n’a sollicitée pour la première fois que par-devant le TAPI, sans avoir demandé d’actes d’instruction supplémentaires auprès de la DAPE et de l’AFC‑GE. Elle en a ajouté deux dans le cadre de la procédure de recours, soit CG______, employé de BL______ en Angleterre, et CH______, directeur de BY______.

La recourante reproche au TAPI d’avoir écarté sa requête, estimant que les éventuels liens contractuels, de subordination, d’amitié ou de partenariat en affaires pouvant exister entre les témoins mentionnés (notamment CI______,
CJ______, BV______, CK______, CL______, CF______, CM______, CN______ et CO______) et B______ ne la concerneraient pas en tant que personne morale distincte. Cependant, dite argumentation fait fi du rôle prépondérant tenu par B______ dans le cadre des procédures la visant, de sa propre gestion et administration - laquelle sera examinée dans les considérants suivants -, ainsi que du fait qu’il en est lui-même le détenteur et ayant droit économique.

Par ailleurs, la recourante persiste à soutenir que les auditions demandées permettraient de rétablir les faits et corriger le rapport de la DAPE. Or, ceux-ci sont déjà largement prouvés par pièces, étant précisé que le dossier, composé d’une quarantaine de classeurs, comporte en particulier une abondante correspondance entre B______ et ses différents interlocuteurs dans le cadre de ses affaires au nom et pour le compte de la recourante (BQ______ et CG______). En outre, parmi les trois autres « délégataires » de la recourante, à savoir, selon elle, CI______, CJ______ et BV______, il apparaît que seul ce dernier disposait d’une procuration de sa part. Toutefois, le dossier ne contient aucun écrit signé de celui-ci au nom de la recourante. Il ne bénéficiait d’ailleurs pas d’une procuration sur le compte BA______ de celle-ci, à l’inverse de B______, de sa tante et de ses employées auprès du I______ à Genève. L’audition de spécialistes du marché de l’art (CP______, CQ______, CR______, CS______) ne concerne pas l’objet du litige, étant précisé que le dossier contient également une importante documentation relative aux œuvres d’art concernées. Il est douteux que BC______, outre qu’il serait difficile à joindre, se présenterait au vu du contentieux qu’il a avec B______au sujet des ventes effectuées par l’intermédiaire de la recourante. Il en va de même des membres de la famille ou du family office de celui-ci, dont certains noms ne sont même pas mentionnés dans la procédure ou n’entretenait aucun lien direct avec B______ ou la recourante (CT______, CU______, CV______). Finalement, tel que relevé par le TAPI, l’audition des administrateurs (CC______, AV______ et AU______) ne saurait pallier l’absence de contrat de bail relatif aux locaux de la recourante ou de contrat de travail de son personnel à AP______. Ce n’est pas tant l’existence d’administrateurs formels qui est controversée que leur rôle réel dans les activités et l’administration de la recourante, lequel devrait aisément pouvoir être démontré par pièce, sans qu’il soit nécessaire de les faire venir de AP______.

Au surplus, tel que rappelé précédemment, la Cour des plaintes a effectivement retenu que le rapport de la DAPE ne pouvait être considéré comme vicié (arrêt du 21 août 2023 9______ consid. 2.3.4).

À cela s’ajoute que l’intéressée a pu produire toutes les pièces qu’il estimait utiles. En cas de nécessité, elle conservait la possibilité de remettre des témoignages écrits si elle estimait ceux-ci essentiels, ce qu’elle n’a pas fait, y compris dans le cadre de la procédure de recours. D’ailleurs, elle n’a elle-même pas donné suite au courrier de l’AFC-GE du 13 avril 2016 lui demandant de lui remettre divers documents en lien notamment avec ses relations d’affaires avec BG______, BF______ et BC______ consistant en particulier à requérir des attestations de ces tiers pour les justifier. Elle s’y était refusé en invoquant que l’art. 52 LPFisc n’était pas applicable à des tiers étrangers et était subsidiaire à son propre devoir de collaboration, lequel s’exercerait selon les possibilités prévues par le droit BB______ et compte tenu du fait qu’elle contestait son assujettissement illimité en Suisse.

Elle ne démontre ainsi aucunement que lesdites auditions apporteraient des éléments nouveaux, lesquels ne ressortiraient pas déjà de l’ensemble du dossier. Elle se contente d’invoquer le caractère infondé du rapport de la DAPE basé sur plusieurs années d’enquête, audiences et perquisitions.

Dès lors que le dossier contient l’ensemble des pièces relatives aux éléments visés par cette procédure, y compris les procès-verbaux des auditions de B______, les déterminations écrites de celui-ci et de la recourante, c’est à juste titre que les premiers juges ont retenu qu’il ne se justifiait pas d’auditionner les témoins de la recourante, laquelle a largement pu faire usage de son droit de se déterminer.

Ainsi, conformément à son pouvoir d’appréciation en la matière, la chambre de céans considère disposer d’un dossier complet lui permettant de trancher le litige, de sorte qu’il ne sera pas fait droit aux requêtes d’instruction de la recourante. Les développements suivants démontreront que, contrairement à ses allégations, la question ne porte pas sur l’extranéité des opérations nécessaires à l’acquisition, la vente et le transport des œuvres d’art, mais sur l’implication prépondérante de B______ et du I______ à Genève dans le cadre de celles-ci, ainsi que dans sa gestion et son administration.

6.6.3 La recourante soutient également que son droit d’être entendue aurait été violé dès lors que le TAPI a notamment fait référence dans son jugement à des arrêts concernant la détermination du domicile de B______ pour les années 2009 à 2015, auxquels elle n’aurait pas eu accès.

Or, d’une part, la recourante, représentée successivement par B______ et AW______, ainsi que par ses conseils au cours de l’enquête pénale de la DAPE et de la procédure ouverte par l’AFC-GE, a eu accès à l’ensemble des pièces sur lesquelles s’est fondé le TAPI pour rendre son jugement. Ce dernier comprend notamment le rapport d’enquête de la DAPE, dont les annexes mentionnent les deux rapports d’enquête à l’encontre de B______ pour les périodes fiscales respectivement 2005 à 2008 et 2009 à 2015. Elle a d’ailleurs elle-même produit lesdits documents avec sa réplique auprès du TAPI.

D’autre part, dans la mesure où la recourante et B______ sont assistés des mêmes conseils et que ce dernier a représenté la première au cours des procédures susmentionnées, force est de constater qu’elle pouvait par ce biais facilement avoir accès aux décisions le concernant. Cela étant, en cas de nécessité, rien ne l’empêchait d’en demander une version anonymisée aux juridictions concernées, la jurisprudence étant au demeurant publiquement accessible. De plus, en dépit de ce qui précède, la recourante prétend qu’il appartenait à l’AFC-GE de requérir la levée du secret fiscal auprès de B______ et ne pas avoir eu accès aux procédures administratives le concernant. Cependant, le fait qu’elle ait elle-même produit à l’appui de sa réplique auprès du TAPI, une écriture de B______ à la chambre de céans du 25 avril 2023 visant les causes le concernant tend à démontrer le contraire (réplique de la recourante auprès du TAPI, pièce n° 123). En toute hypothèse, elle pouvait certainement s’adresser directement à son représentant légal par l’intermédiaire de leurs conseils communs pour obtenir une levée du supposé secret fiscal existant entre eux.

Par conséquent, tant les autorités intimées que le TAPI n’ont commis aucune violation du droit d’être entendue de la recourante.

Pour le surplus, il n’est - à juste titre - pas contesté que les pièces couvertes par le secret professionnel de l’avocat, écartées de la procédure par la Cour des plaintes et le Tribunal fédéral, n’ont pas été prises en considération.

7.             Sur le fond, le litige concerne principalement l’assujettissement illimité de la recourante en Suisse et à Genève pour les années 2009 à 2014, compte tenu de la prescription des périodes fiscales 2007 et 2008.

7.1 De jurisprudence constante, les questions de droit matériel sont résolues par le droit en vigueur au cours des périodes fiscales litigieuses (arrêts du Tribunal fédéral 2C_663/2014 du 25 avril 2015 consid. 4 ; 2C_476/2014 du 21 novembre 2014 consid. 4.1 ; ATA/1270/2017 du 12 septembre 2017). Le rappel d'impôts relevant du droit matériel, le droit applicable obéit aux mêmes règles (arrêts du Tribunal fédéral 2C_663/2014 précité consid. 4 ; 2C_620/2012 du 14 février 2013 consid. 3.1 ; ATA/1270/2017 précité).

7.2 Le présent litige concernant les périodes fiscales 2009 à 2014, la cause est régie par le droit en vigueur durant cette période, à savoir respectivement les dispositions de la LIFD, de la LHID et celles de la LIPM.

8.             Les personnes morales sont assujetties à l'impôt à raison du rattachement personnel lorsqu'elles ont leur siège ou leur administration effective en Suisse et dans le canton (art. 50 LIFD et 2 LIPM). Ce second rattachement alternatif ne concerne que les sociétés ayant leur siège à l'étranger (arrêt du Tribunal fédéral 2A.196/2001 du 13 mai 2002 in StE 2002 B 91.3 n. 3).

L'assujettissement fondé sur un rattachement personnel est illimité, mais ne s'étend pas aux établissements stables et aux immeubles situés à l'étranger et hors du canton (art. 52 al. 1 LIFD et 4 al. 1 LIPM).

8.1 Le lieu où s’exerce l’administration effective se trouve à l’endroit où sont conduites les affaires sociales et où sont prises les décisions importantes concernant l’entreprise. Il ne s’agit pas d’une notion différente de celle de direction effective des affaires qui est utilisée plus couramment dans le droit international de double imposition. Le critère de l’administration effective doit être compris comme celui du siège de la direction effective (FF 1983 II 1, 114 ; Jean-Blaise PASCHOUD/Raphaël GANI, Commentaire romand - Impôt fédéral direct, 2e éd., 2017 [ci-après : CR-IFD], n. 8 ad art. 50 LIFD).

8.2 Pendant longtemps, le Tribunal fédéral n'a pas eu à se prononcer au sujet de ce second rattachement tel qu'il est consacré par l'art. 50 LIFD. II a eu, en revanche, à trancher à diverses reprises des conflits de double imposition intercantonale. Dans ce contexte, il a jugé que le lieu de l'administration effective se trouvait à l'endroit où la société avait le centre effectif et économique de son existence, à l'endroit où est assurée la gestion qui, normalement, se déploie au siège de la société, à l'endroit où sont accomplis les actes qui, dans leur ensemble, servent à la réalisation du but statutaire. La doctrine admet pour sa part que cette jurisprudence doit s'appliquer également s'agissant de l'administration effective au sens de l'art. 50 LIFD. La détermination du lieu de l'administration effective s'effectue à l'aide d'indices dont la résidence des organes directionnels de la société, le lieu où les opérations de gestion s'effectuent, voire celui où les documents sont conservés. La doctrine définit l'administration effective comme la direction courante, notion qui s'oppose à une simple activité administrative d'exécution ainsi qu'à une activité des organes sociaux suprêmes de la société limitée soit à la prise des décisions fondamentales de principe, de caractère stratégique, soit au contrôle de la direction courante proprement dite. Elle ne considère comme nécessairement déterminants ni le lieu où se tiennent les séances du conseil d'administration ou les assemblées générales, ni le domicile des actionnaires. Enfin, lorsque cette activité de direction courante est exercée en plusieurs endroits, est déterminant celui où elle est déployée de manière prépondérante, celui où se situe son centre de gravité (arrêt du Tribunal fédéral 2A.321/2003 du 4 décembre 2003 consid. 3.1 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.196/2001 du 13 mai 2002 in RDAF 2002 II 452 consid. 2.3.1, 2.4 et 3.2 ; ATA/856/2016 du 11 octobre 2016 consid. 8 consid. 6 et 7).

Ultérieurement, le Tribunal fédéral a confirmé que la jurisprudence développée sous l’angle de l’interdiction de la double imposition intercantonale était applicable à la détermination du lieu de l’administration effective (Jean-Blaise PASCHOUD/Raphaël GANI, CR-IFD, n. 15 ad art. 50 LIFD).

Selon la pratique, le lieu de l’administration effective se trouve à l’endroit où se situe le centre effectif et économique de son existence ou à l’endroit où est assurée la gestion qui, normalement, se déploie au siège de la société, à l’endroit où sont accomplis les actes qui, dans leur ensemble, servent à la réalisation du but statutaire. Si les affaires courantes sont conduites depuis plusieurs lieux différents, il s’agira de l’endroit où se déploie la part prépondérante de son activité. À cet égard, il est impensable que l’administration effective soit exercée par des tiers mandatés à cette fin. Cette pratique, essentiellement développée à l’origine dans le but de pouvoir déterminer la souveraineté fiscale en cas de litiges entre cantons, est aujourd’hui employée par le Tribunal fédéral pour décider de l’assujettissement fiscal selon l’art. 50 LIFD. À cet égard, le Tribunal fédéral distingue entre « l’administration purement administrative » d’une part, et l’activité des organes de la société d’autre part, dans la mesure où cette dernière se borne à l’exercice du contrôle sur l’administration effective et la prise de certaines décisions de principe. En revanche, les lieux où se tiennent les séances du conseil d’administration, les assemblées générales ou encore le domicile des actionnaires n’ont aucune incidence en la matière (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1086/2012 du 16 mai 2013 in RDAF 2013 II 500 consid. 2.1 et 2.2 ; 2C_211/2019 du 6 avril 2022 consid. 4.2.2 ; 2C_24/2021 du 6 octobre 2021 consid. 4.2). Cette jurisprudence, très importante en pratique, offre à l’administration un moyen efficace pour lutter contre les sociétés offshores, pures boîtes aux lettres, qui sont en fait gérées depuis la Suisse. Ces sociétés sont assujetties de façon illimitée aux impôts suisses sur le bénéfice et le capital (au niveau cantonal ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 5e éd., 2021, nos 13 ss p. 246 s.).

En appliquant récemment l’art. 20 al. 1 LHID en matière intercantonale, le Tribunal fédéral a repris sa jurisprudence précitée, en précisant que sont déterminantes en fin de compte l’ensemble des circonstances du cas d’espèce (ATF 147 I 325 consid. 2 in RDAF 2021 II 460). Le point de savoir si l'administration effective d'une société anonyme se situe à un endroit précis du territoire cantonal doit être établi selon le degré de preuve de la vraisemblance prépondérante (ATF 150 II 321 consid. 3).

8.3 La détermination du lieu de l’administration effective est à charge des autorités fiscales, sur la base d’indices rendant vraisemblable le rattachement personnel au lieu considéré. Il appartient à la personne morale, qui conteste un tel rattachement, d’établir les faits propres à détruire cette vraisemblance (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_123/2014 du 30 septembre 2015 consid. 11.2 ; ATA/856/2016 précité consid. 8 ; Jean-Blaise PASCHOUD/Raphaël GANI, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, CR-IFD, n. 16 ad art. 50 LIFD). Le devoir de collaboration du contribuable est particulièrement qualifié dans les relations juridiques internationales. Ainsi, si le contribuable entend déduire un quelconque avantage de la relation internationale, le degré d'exigence de preuve et le devoir de renseigner sont plus élevés (ATF 144 II 427 consid. 2.3.2 et 8.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 2C_700/2022 du 25 novembre 2022 consid. 9.4 ; ATA/404/2023 du 18 avril 2023 consid. 10g).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, il est admis qu'il y a lieu de passer outre l'indépendance juridique d'une personne morale pour s'en prendre à la personne physique qui la contrôle, lorsque l'indépendance est invoquée de manière abusive (imposition en transparence, Durchgriff ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_700/2022 précité consid. 9.2 et les références citées). En pareilles circonstances, analysées sous l'angle de l'évasion fiscale, le revenu affecté à la personne morale de manière abusive est fiscalement attribué à son propriétaire économique (voire à une société sœur, arrêt du Tribunal fédéral 2A.145/2005 du 30 janvier 2006 consid. 8.1), par une approche en transparence fiscale. Ce genre de situation est en particulier susceptible de se présenter, dans des contextes de répartition internationale, lorsqu'une construction est adoptée pour aboutir à une taxation du revenu dans un État plus avantageux fiscalement, ou lorsque les deux sujets de droit impliqués relèvent de la même souveraineté fiscale, mais que la répartition (abusive) des revenus entre eux aboutit à une économie d'impôt (ATF 142 II 69 consid. 5.1.4).  Ainsi, la plus grande circonspection s'impose, d'un point de vue fiscal, chaque fois qu'apparaissaient des établissements situés dans des États dont les règles juridiques favorisent la domiciliation fictive. En effet, de tels établissements n'étant pas tenus d'exercer une activité dans l'État de leur siège, ils peuvent fixer ce dernier sans rapport avec la réalité et, en raison de l'anonymat dont ils bénéficient, sont à même de permettre à leurs ayants droit d'assurer l'indépendance juridique de certains éléments de leurs patrimoines et de certaines affaires (arrêt du Tribunal fédéral 2A.145/2005 précité et la référence citée). 

8.4 L’imposition en Suisse peut entrer en concurrence avec l’assujettissement personnel de la contribuable à l’étranger. En l’absence de convention de double imposition, le pouvoir d’imposer de la Suisse n’est pas limité. Est réservée l’application de l’art. 52 al. 1 LIFD en cas d’établissement stable à l’étranger. L’imposition en Suisse peut en revanche être mise en cause lorsque la Suisse est liée avec l’autre État concerné par une convention de double imposition. Si le lieu du siège prévaut selon cet accord, il s’agira alors d’examiner si la personne morale n’est pas assujettie en Suisse en raison d’un rattachement économique (Jean-Blaise PASCHOUD/Raphaël GANI, CR-IFD, n. 6 ad art. 50 LIFD).

8.5 Le présent litige portant sur la question du lieu de domiciliation de la recourante, notamment en Suisse, en particulier à Genève, ou à AP______, il convient également de l’examiner au regard du droit international.

L’accord entre le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement de la Région administrative spéciale de AP______ de la République populaire de Chine en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu, conclu le 4 octobre 2011 et entré en vigueur le 15 octobre 2012 (RS 0.672.941.61 ; ci-après : accord CH-HK) s’applique aux personnes qui sont des résidents d’une partie contractante ou des deux parties contractantes (art. 1 accord CH-HK). L’accord CH‑HK s’applique à l’impôt sur le bénéfice (art. 2 par. 3 let. a ch. i accord CH‑HK).

L’expression « résident d’une Partie contractante » désigne notamment dans la Région administrative spéciale de AP______ : une société constituée dans la Région administrative spéciale de AP______ ou, si une société a été constituée en dehors de cette Région, dont la direction et la surveillance se font normalement dans la Région administrative spéciale de AP______, ou toute autre personne constituée selon le droit de la Région administrative spéciale de AP______ ou, si une personne a été constituée en dehors de cette Région, dont la direction et la surveillance se font normalement dans la Région administrative spéciale de AP______ (art. 4 par. 1 let. a ch. iii et iv accord CH-HK), et en Suisse : une personne, qui est assujettie à l’impôt en Suisse en vertu du droit suisse en raison de son domicile, de son séjour permanent, du lieu du siège de sa direction ou une autre caractéristique analogue. Ce terme n’inclut pas cependant une personne qui est assujettie à l’impôt en Suisse uniquement à raison de revenus de sources situées en Suisse (art. 4 par. 1 let. b accord CH-HK).

Lorsque, selon les dispositions de l’art. 4 par. 1 accord CH-HK, une personne autre qu’une personne physique est un résident des deux Parties contractantes, elle est considérée comme un résident seulement de la Partie contractante où son siège de direction effective est situé (art. 4 par. 3 accord CH-HK).

Les trusts et les personnes physiques ou sociétés œuvrant comme fiduciaires pour un trust ne peuvent pas être considérés comme des résidents d’une partie contractante. Cela est précisé au ch. 2 du protocole à l’accord CH-HK. Cette disposition a été introduite à la demande de la Suisse afin d’éviter d’entrée de jeu des abus éventuels. Le but est d’éviter qu’un non-résident de AP______ puisse investir en Suisse par l’intermédiaire d’un trust à AP______ et profiter des avantages de l’accord CH-HK (message concernant l’approbation de l’accord CH‑HK du 23 novembre 2011, FF 2012 9).

L’accord CH-HK s’applique dans la Région administrative spéciale de AP______ aux années de taxation débutant le 1er avril 2013 et en Suisse, aux années fiscales débutant le 1er janvier 2013 (art. 28 par. 2 ch. 2 accord CH-HK).

8.6 In casu, la recourante considère que son administration effective se trouvait à l’étranger pendant la période considérée, compte tenu du fait qu’elle était domiciliée à AP______, lieu où se trouvaient ses administratrices qui prenaient les décisions, ainsi que ses locaux commerciaux avec plusieurs lignes téléphoniques et un fax. Elle disposait également de locaux et d’une galerie permanente au BX______ à BB______. Aucun bail formel pour ses locaux à AP______ n’avait été établi, pour éviter de devoir requérir l’accord du propriétaire de l’immeuble ; ceux-ci se trouvaient toutefois chez sa fiduciaire AQ______. Elle n’avait en revanche jamais disposé d’un quelconque bureau ou local permanent en Suisse avec du personnel sous contrat de travail.

Selon elle, le TAPI s’est, à tort, fondé principalement sur les déclarations de B______ pour retenir le contraire, alors que celui-ci ne disposait pas du pouvoir de la représenter et que les pièces produites par ses soins démontraient ses développements.

Les parties distinguent deux composantes, à savoir l’activité commerciale ou le « day to day business » et l’administration ou la gestion effective de la société, pour déterminer le lieu de son administration effective. Ces deux aspects seront ainsi examinés séparément ci-après.

8.6.1 S’agissant de l’activité commerciale (« day to day business »), la recourante fait valoir que celle-ci se déroulait principalement à l’étranger, par l’intermédiaire de BC______, domicilié à Genève, puis à BU______. L’application du droit suisse n’avait ainsi pas été utilisée pour la conclusion des contrats et aucun for juridique n’était prévu en Suisse pour les périodes fiscales demeurant litigieuses. Le transport des œuvres d’art n’avait pas été effectué par F______ mais par BY______. Les tableaux récapitulatifs établis par elle-même (réplique par-devant le TAPI, pièces n° 69 et 70), retraçant son activité commerciale, devaient être prioritairement pris en considération.

Pour rappel, lors de l’entretien du 30 novembre 2015, B______ a lui-même confirmé avoir été l’actionnaire unique de la recourante durant les années 2005 à 2008 au travers d’une autre de ses sociétés, en spécifiant que celle-ci avait été spécialement créée pour faire des acquisitions d’œuvres destinées à son client russe. J______ avait été utilisée pour effectuer des transactions avec des maisons de ventes aux enchères car il ne voulait pas utiliser la recourante dans ce but afin qu’aucun lien ne puisse être fait entre eux. Selon lui, la recourante disposait d’un bureau dans les locaux de la société AQ______ à AP______ ; il ignorait si elle était titulaire d’un contrat de bail à loyer. Elle n’employait pas directement de personnel, mais faisait appel à de multiples sous‑traitants. Il disposait lui-même de la signature sur les comptes bancaires de celle-ci, lesquels se trouvaient auprès des banques BA______ en Suisse et BZ______ à AP______. Il avait confirmé pouvoir lui-même engager la recourante par sa signature et être le seul à acheter et/ou vendre des œuvres d’art pour le compte de A______. Les commissions d’intermédiaires versées par la recourante visaient à rémunérer et entretenir le réseau d’apporteurs d’affaires. Aucune des œuvres achetées par la recourante n’avait transité par le I______ avant leur acquisition. Deux employées de AQ______ à AP______ tenaient la comptabilité de la recourante. Les travaux administratifs étaient effectués à AP______ sous sa dictée pour des questions de responsabilité. AN______ avait pu effectuer très occasionnellement de tels travaux.

Lors de son audition du 17 décembre 2019, B______ a remis des listes des transactions relatives à quinze tableaux effectuées par la recourante à BF______, entre 2006 et 2010. Les commissions y relatives avaient été versées sur les comptes bancaires de B______ et de la recourante à Genève.

Selon les tableaux produits et établis par la recourante à l’appui de ses écritures de réplique par-devant le TAPI (pièces n° 69 et 70), il apparaît que seul le tableau « CW______ » de BO______ a fait l’objet d’une convention de vente entre BC______ et B______, prévoyant un for en Suisse (notamment convention portant sur la vente du tableau « CW______ » de BO______ du 16 octobre 2006). Il en ressort également que l’intégralité des autres œuvres concernées, indiquées comme ayant été vendues par la recourante à BG______ ou BF______ en faveur de BC______, avaient fait l’objet de factures à l’en-tête de l’intéressée, non signées, lesquelles avaient, dans leur grande majorité, été transmises directement par courriel par B______ à BQ______. En outre, bien que lesdits tableaux mentionnent que « CU______ à BU______ a remplacé BQ______ pour le family office et les paiements » à partir de 2010, les nombreux échanges de courriels entre B______ et BQ______ démontrent que la négociation et l’achat des œuvres d’art avaient bien lieu entre eux et que celles-ci étaient principalement consultées au BE______, où ils se donnaient rendez-vous à cette fin (par exemple pour le tableau « CX______ » de CY______ selon courriels du 27 septembre 2012 ; la vente de la « CZ______ » de DA______ et de celle du tableau « DB______ » de DC______ selon courriels du 2 août et d’octobre 2011 ; le tableau « DD______ » de DE______ selon courriels au mois de mars 2012 ; la vente du tableau « DF______ » de DG______ et la « DH______ » de DE______ selon courriels au mois de septembre 2012). Ceux-ci se retrouvaient d’ailleurs régulièrement à Genève pour déjeuner ensemble. Aucun « CU______ » n’est en revanche mentionné dans les pièces figurant au dossier.

Un processus similaire s’est répété pour l’ensemble des 38 œuvres d’art visées par l’enquête menée par la DAPE.

Dans ce contexte, la recourante invoque à tort une confusion par le TAPI entre F______ et BY______. Tandis que la première, radiée du RC le 7 juin 2018, faisait partie du I______ à Genève et avait pour but « de fournir tous services en relation avec l’administration et la gestion d’entreprises de transport et notamment de transport d’œuvres d’art, courtage, représentation et tout service dans le domaine des transports et assurances » ; la seconde se trouve à BB______.

Si des factures figurant au dossier indiquent que BY______ a facturé des frais à la recourante pour le transport de certaines œuvres d’art (par exemple, « DI______ » de BO______ du 13 mai 2011, « DJ______» de DK______ du 6 août 2012, « DD______ » de DE______ du 23 août 2012, « DL______ » DM______ du 31 août 2012, « DB______ » de DC______ du 31 octobre 2012, « DN______ » de DO______ du 31 octobre 2012, « Le DF______ » de DG______ le 1er août 2013), ces mêmes documents mentionnent également la recourante comme expéditrice avec pour adresse celle de F______ à Genève, ainsi que comme destinataire l’adresse de BY______ à BB______. Les échanges de courriels entre B______ et BQ______ indiquent également que plusieurs des œuvres d’art précitées étaient conservées au BE______ (par exemple, « DP______ » de DQ______ ou « DD______ » de DE______). De même, en 2014, lors de l’achat du tableau « DR______ » de DS______ par la recourante pour le revendre ensuite à BG______, ladite œuvre a été livrée et entreposée à Genève dans les locaux du I______.

De plus, il apparaît curieusement que, dans certains cas, pour le transport d’un même tableau, des factures avaient été émises tant par F______ que par BY______. Ainsi, par exemple, le tableau « DT______ » de DU______ aurait transité le 7 novembre 2012 par avion avec BY______ de Genève pour BB______, puis à BB______ même pour être livré à BG______ le 8 novembre 2013 ; tandis qu’en même temps, par l’intermédiaire de F______, il aurait été transporté par camion de Genève à CB______ le 8 novembre 2013, puis de CB______ à BB______ le 21 novembre 2013 et par avion de Genève à BB______ le 3 décembre 2013. Finalement, le 2 décembre 2013, F______ aurait adressé une facture d’expédition (shipping invoice) à BY______.

Les listes de préparation de F______ en lien avec les factures établies par la recourante figurant au dossier indiquent aussi que la première était chargée du transport et de l’entreposage de nombre d’œuvres d’art et de mobilier ancien, lesquels faisaient notamment l’objet des ventes effectuées par la seconde (par exemple, le « très important salon en bois sculpté et doré, à ornement de vases fleuris, de guirlandes et de branches », la paire d’armoires et la paire de consoles visées par la facture du 10 juillet 2007 de la recourante à BF______). Les relevés de compte pour la période du 1er janvier 1999 au 23 janvier 2017 adressés par F______ à la recourante démontrent également que ladite société avait régulièrement pris en charge plusieurs transports ou dépôts durant les années concernées en faveur de l’intéressée.

Ces éléments sont confirmés par le rapport de la DAPE constatant que, selon un document retrouvé auprès d'AN______, sur 37 œuvres vendues, 27 avaient été présentées en Suisse, 6 en France, 3 aux États-Unis, une en Autriche et aucune à BB______ et BU______.

Les éléments qui précèdent tendent donc à confirmer les déclarations de B______en ce sens que la recourante a bel et bien été créée pour assurer le commerce d’œuvres d’art entre lui-même et BC______. À cet égard, il apparaît que la vente du tableau « CW______ » est concomitante avec le début des activités de la recourante. En revanche, une fois celle-ci établie, la vente des œuvres d’art suivantes a globalement répondu à un même mode de procéder, consistant en la négociation, la présentation et l’achat avec BQ______ à Genève, avant la transmission par courriel d’une facture à l’en-tête de la recourante, établie par les employées du I______ et non signée, par B______. Le transport subséquent de certaines œuvres d’art à BB______ n’altère en rien la réalité selon laquelle les activités commerciales de la recourante se déroulaient principalement à Genève, par l’intermédiaire de B______et de son I______.

En ces circonstances, la part des activités commerciales de la recourante déployées à l’étranger, en particulier à AP______ et BB______, ne saurait donc être qualifiée de prépondérante.

8.6.2 Concernant la gestion effective de la recourante, celle-ci estime que son pouvoir décisionnel était exercé uniquement par ses administratrices, et non par l’intermédiaire de B______. Elle cite pour exemple le refus de procéder à l’achat du tableau « CX______» en raison des séquestres la concernant à BB______ en 2009 ou l’ouverture d’un compte auprès de la banque BZ______. Le travail des employés de AF______ et AN______ à Genève était limité à certaines activités de back-office. Chacun des critères retenus par le TAPI trouvait une explication pratique.

Lors de l’audience du 19 décembre 2018, sur la direction du personnel de AF______ et AN______, sociétés dont l’activité s’était limitée à du family office, B______a indiqué avoir donné des instructions pour des activités de secrétariat. À partir de 2008 ou 2009, celle-ci avait été transférée à des sociétés à BB______ rendant des services identiques. À cette même occasion, la DAPE a demandé à B______ - demande réitérée lors de l’audition suivante du 30 septembre 2019 - de lui fournir divers documents, dont les contrats de bail portant sur ses locaux à l’étranger et toute preuve démontrant l’existence d’un établissement stable à l’étranger pour son commerce d’œuvres d’art en lien avec BC______.

Lors de l’audience du 11 mai 2022, B______ a confirmé que les factures adressées à BF______ et BG______ au nom de la recourante avaient été établies par des employées de AN______. Ces prestations n’avaient pas été facturées à la recourante car elles étaient de peu d’importance, de sorte qu’elles avaient été effectuées « à titre gracieux ». La direction et les tâches administratives de la recourante se trouvaient à AP______. B______ se rendait trois ou quatre fois par année pour présenter les dossiers aux administratrices de la recourante, lesquelles étaient libres de refuser ou accepter la transaction. Bien qu’il ait alors invoqué une audition de ces personnes et l’apport des pièces à AP______ susceptibles de prouver qu’elles intervenaient également dans le processus de décision de l’achat/vente des œuvres d’art, aucun document n’a été remis.

Outre les déclarations de B______, les éléments figurant au dossier viennent corroborer le fait que son activité au nom de la recourante et celle de ses employées auprès de AF______ et de AN______ ne se limitaient pas à des opérations sporadiques soumises à l’approbation systématique des administratrices de la recourante à AP______.

En premier lieu, le procès-verbal du conseil d’administration de la recourante du 17 août 2006 indique qu’une procuration était donnée à B______, sa tante et trois employées du I______ à Genève, sur le compte bancaire de A______ auprès de la banque BA______. Cependant, ultérieurement, sur courriers à en-tête de la recourante des 10 mai 2010 et 25 janvier 2017, adressés à la banque BA______, B______, signant au nom de celle-ci, a révoqué lui-même (sans intervention des administratrices de la recourante) la procuration dont deux des employées du I______ à Genève disposait sur celui-ci. Il n’est pas non plus contesté que, selon le formulaire A du compte de la recourante auprès de la banque BA______ du 14 août 2006, B______ y est indiqué comme en étant l’ayant droit économique, avec pour adresse celle de son I______ à l’avenue G______ 1______ à H______. Par ailleurs, il est surprenant de constater que, si BV______ disposait également d’une procuration du 3 septembre 2009 de la part de la recourante (réplique par-devant le TAPI, pièces n° 102), il n’avait cependant aucun pouvoir sur le compte BA______ de la recourante.

Il ressort d’ailleurs de la documentation relative audit compte bancaire, versée au dossier, que nombre de transferts et prélèvements ont été effectués depuis celui-ci en faveur de B______, de sa tante, ou d’autres sociétés également détenues par ce dernier, dont J______. Les ordres de virement depuis le compte BA______ de la recourante étaient signés par B______, voire certaines de ses employées à Genève.

En second lieu, CF______ a confirmé qu’en tant qu’employée d’AN______, ses tâches avaient trait à la gestion des sociétés offshore de B______. Ainsi, « la gestion des sociétés offshore consistait en tout ce qui était l’administratif, la comptabilité, les documents. Chaque employé de AN______ n’avait pas de rôle défini. Lorsqu’il y avait quelque chose à faire ou lorsqu’ils recevaient des instructions, ils le faisaient  ». Ils s’occupaient de l’administratif, soit principalement de saisir la comptabilité, les entrées et les sorties du compte et établir les factures. Selon elle, « le reste » était effectué à « BB______ ». À sa connaissance, « il n’y avait pas d’autres documents sur le serveur à BB______ ou même à AP______, que les documents qu’ils scannaient à Genève ». Elle n’avait jamais « eu de contact avec une employée de la recourante ou J______ à BB______ ou à AP______, excepté B______ » (audition du 19 avril 2017).

Un échange de courriels – en français – du 17 février 2012, remis par la recourante, entre une employée du I______ à Genève et un collaborateur du BX______ de BB______ confirme ces déclarations. En effet, la première demande au second d’adresser toutes les factures à elle-même et sa collègue à Genève, et non pas à la fiduciaire de la recourante ou ailleurs. Elle lui « ferait parvenir dans les deux semaines des instructions claires et précises pour sa facturation ». Il lui confirme alors qu’il attendra « effectivement ses instructions car rien n’était clair et précis ». Le 20 février 2012, l’employée de Genève lui a encore précisé que « toutes les factures devaient être envoyées par mail uniquement à sa collègue et elle ».

Ainsi, contrairement aux allégations de la recourante, l’activité des employées d’AN______ ne visait pas uniquement la simple traduction des factures en français à l’attention du client. Au contraire, tel qu’indiqué précédemment, les divers échanges de courriels figurant au dossier entre B______ et ses employées à Genève, d’une part, et lui-même et BQ______, d’autre part, démontrent que l’activité de celles-ci consistait en réalité à établir les factures et les envoyer à B______ qui les faisait parvenir à BC______ en les adressant aux sociétés de ce dernier, par l’intermédiaire de BQ______. En effet, le processus adopté pour la transmission des factures établies au nom de la recourante et non signées était le même : une employée d’AF______ ou AM______ la transmettait par courriel à B______ qui l’envoyait lui-même par courriel à BQ______. La facture était datée du jour de l’envoi du courriel par B______ à BQ______ (cf. courriel du 10 juillet 2007 transmettant deux factures concernant, d’une part, le « très important salon en bois sculpté, à ornement de vases fleuries, de guirlandes et de branches », « une paire d’armoires à une porte en placage d’amarante à bandes de satiné et ornementation de bronze doré représentant "Apollon et Marsyas" et "Apollon et Daphné" », une « paire de consoles » et, d’autre part, un « secrétaire en amarante, satiné, panneaux de fixé sous verre, médaillons de biscuit et ornementation de bronze doré » et un « important ensemble composé d’une commode à vantaux en ébène et laque et d’un secrétaire à abattant », en indiquant les coordonnées bancaires de la recourante auprès de la banque BA______ pour effectuer le virement). En d’autres termes, aucun employé de la recourante à AP______ n’établissait les factures en question.

Le processus a été identique pour la transmission des factures relatives aux tableaux « DV______» de BO______ le 8 octobre 2010, « DW______» de BO______ le 24 avril 2008, « DX______» de DU______ le 30 juin 2008, « DY______) » de DE______ le 31 juillet 2008, « DZ______» de DS______ le 11 août 2008, « EA______ » de EB______ le 12 septembre 2008, « DV______» de BO______ du 8 octobre 2010, « EC______» de DO______ le 15 décembre 2010, « ED______» de EE______ le 2 novembre 2010, « DI______ » ou « EF______» de BO______ le 1er avril 2011, « DJ______» de DK______ le 23 juin 2011, « DP______ » de DQ______ le 14 novembre 2011, « DB______ » de DC______ le 5 décembre 2011, « DD______ » de DE______ le 16 janvier 2012, « EG______ » de DO______ du 30 mars 2012, « Le DF______ » de DG______ du 13 septembre 2012, « CX______ » de CY______ le 14 février 2013, « EH______ » de EI______ du 3 mai 2013, « EJ______ » de DU______ le 16 septembre 2013 « EK______» de DS______ le 8 septembre 2014, les bronzes « EL______» EM______, « EN______ » de DM______ le 15 avril 2011, « CZ______ » de DA______ le 6 octobre 2011 et « DL______ » de DM______ le 8 mars 2012, ainsi que le marbre « EO______» de DM______ le 27 juillet 2011, la « DH______ » de DE______ du 7 janvier 2013, deux dessins « EP______ » et « EQ______ » de BO______ du 6 mars 2013. Il en est allé de même de l’« exceptionnelle petite table à décor chinois » le 20 décembre 2007, « très important salon en bois sculpté et doré, à ornement de vases fleuris, ainsi que d’ « une table en bois doré sculpté à huit piliers en gaines dont le soubassement de devant est orné d’un soleil, entre deux cornes d’abondance » du 2 mars 2007.

Par ailleurs, par courriel du 9 janvier 2013 concernant le paiement de la « DH______ » de DE______, B______ a indiqué à BQ______ : « le plus simple est de faire la facture au nom de la recourante et me la passer par mail uniquement », confirmant cette pratique dans le cadre de leurs échanges. Ainsi, dans une précédente correspondance par courriels entre eux concernant l’établissement de factures et des acomptes à verser sur le compte bancaire de la recourante, B______ avait déjà indiqué à BQ______ que le versement devait être effectué sur « le compte habituel de A______ » (cf. échange de courriels du 3 septembre 2008).

Bien qu’il ne s’agissait pas uniquement de l’établissement de factures adressées à BG______ ou BF______ afin de les libeller en français, les factures établies, en anglais mais aussi parfois en français, au nom de la recourante à son en‑tête de AP______ et adressées à BF______ ou BG______, ne comportaient toutefois aucune signature d’une des administratrices à AP______. D’ailleurs, tant le rapport de la DAPE que la consultation des relevés de l’agenda de B______montrent que des adresses de courriels BB______ avaient été créées et étaient utilisées par les employées du I______ à Genève, mentionnant des noms fictifs, à savoir « ER______, ES______, ET______, EU______, EV______». Il n’y a donc rien de surprenant que B______ lui-même utilisait également une adresse de courriel BB______ dans le cadre de ces échanges. À l’inverse, cela démontre davantage une volonté de créer l’apparence que l’activité était déployée depuis BB______, alors qu’elle l’était en réalité depuis Genève.

BR______ (audition du 19 avril 2017 par la DAPE), en charge de la direction administrative et financière de plusieurs sociétés du I______ et d’autres sociétés offshore détenues par B______, a confirmé recevoir ses instructions de la part de B______et qu’il y avait parfois des factures de prestations pour la recourante et J______.

En troisième lieu, s’agissant de ses locaux, la recourante a notamment produit des photographies de l’hôtel EW______ à BB______ et d’une suite s’y trouvant sur lesquelles figurent un bureau et plusieurs œuvres d’art mentionnées dans une liste à part et qui appartiendraient à B______ ; un relevé des factures payées par elle pour la location de ladite suite du 1er septembre 2008 au 30 juin 2015 (le titulaire du compte bancaire était A______ auprès de la banque BA______ et les ordres de paiement étaient adressés à B______ à son adresse « c/o AF______, avenue G______ 1______ » à H______, avec la référence « B______ ») ; et des photographies d’une galerie sur lesquelles se trouve B______, prétendument sise au BX______ de BB______. Dans l’hypothèse où ces éléments devaient être considérés comme suffisamment probants pour démontrer que la recourante disposait d’une suite aménagée en bureaux et d’une galerie à BB______, ils ne sauraient suffire à établir que ses bureaux se trouvaient effectivement à AP______ où son personnel propre effectuait toutes les activités en charge avec sa gestion et son administration effective. Force est de constater qu’à ce stade de la procédure, la recourante persiste, à ce sujet, à invoquer sa domiciliation auprès de la fiduciaire AQ______ pour établir son siège à AP______. Elle ne fournit cependant aucun contrat de bail relatif aux locaux prétendument loués, ni aucun contrat de travail pour des collaborateurs employés à cet endroit. Elle n’indique pas davantage les numéros de téléphone et de fax mentionnés. Outre le fait que la location de locaux au nom de la recourante à BB______ ne saurait induire que le siège de celle-ci se situe à AP______, il sied de rappeler que le déploiement de l’administration effective en Suisse n’empêche aucunement l’exercice d’une activité subsidiaire à l’étranger.

À cela s’ajoute que peu de correspondance rédigée par les administratrices de la recourante figure au dossier. La proportion est d’autant plus flagrante au regard de celle entre B______, ses employées de Genève et BQ______ en particulier. En effet, le seul échange de courriels entre AV______ et B______ ressortant du dossier date des 10, 20 et 27 septembre 2004 concernant l’achat du tableau « EX______» en lien avec la fixation du prix de celui-ci. AV______ laisse alors le soin à B______ de prendre la décision de l’achat ou non dudit tableau en raison de l’augmentation du prix de vente de celui-ci. Le transport de cette œuvre d’art depuis New York vers Genève a été effectué au nom de F______, d’après le courrier de l’entreprise EY______ du 1er novembre 2004. C’est sans compter le fait que le projet de contrat transmis par B______ à BQ______ par courriel du 15 décembre 2004 en vue de l’achat de ce tableau, prévoyait une clause d’élection de for en Suisse.

Cette circonstance est précisément de nature à renforcer la thèse selon laquelle la part d’activités et de direction courante était exercée à Genève, et à AP______, et par d’autres que les administratrices d’alors de la recourante.

L’activité exercée à AP______ était purement administrative, si bien que la part prépondérante de la direction de l’entreprise, à savoir l’accomplissement des actes servant à la réalisation du but statutaire, se déroulait, non pas à AP______, mais en Suisse.

Par conséquent, le dossier fait apparaître un faisceau d’indices dont il résulte avec une suffisante vraisemblance que, pour une part prépondérante, la direction courante de la recourante était exercée à Genève. La confirmation par le Tribunal fédéral de la domiciliation de B______ à Genève durant les années 2009 à 2015 vient encore renforcer les considérations qui précèdent, compte tenu du fait que l’ensemble de l’activité de la recourante était déployée selon ses instructions et par son intermédiaire.

8.6.3 Au vu des divers éléments, il est établi avec une vraisemblance prépondérante que la plupart des opérations proprement commerciales et des opérations de direction courantes de la recourante était effectuée depuis Genève. En effet, conformément au rapport de la DAPE du 2 juillet 2022, la recourante a été créée depuis Genève par B______, constituée dans un pays à fiscalité nulle et réputé pour la domiciliation de sociétés, AP______, et domiciliée, comme plusieurs sociétés détenues par B______, auprès d’un bureau fiduciaire à l’étranger, AQ______, proposant notamment des services de domiciliation de sociétés offshore.

À l’évidence, la recourante ne possède pas de bureaux propres et n’utilise pas de personnel au lieu du siège. Le personnel gérant la gestion de ses affaires courantes est salarié de sociétés genevoises appartenant à B______, soit AF______ et AN______. Ce personnel travaille indépendamment pour la recourante dans des locaux ne lui appartenant pas.

Inversement, la recourante a échoué à établir des faits propres à détruire cette vraisemblance. Elle n’a pas su démontrer l’absence de liens de dépendance personnels ou financiers la liant à B______.

Sur la base de ces constatations, c’est à juste titre que l’instance précédente a retenu que la décision de l’AFC-GE d’assujettir la recourante de manière illimitée à l’impôt des années 2009 à 2014, en raison d’administration effective en Suisse, devait être confirmée.

Au vu des bases légales susrappelées, dite décision est également conforme à l’accord CH-HK faisant également référence au lieu de situation du siège de direction effective, et non pas du siège officiel selon le RC.

9.             À titre subsidiaire, la recourante fait valoir un statut de société auxiliaire prévu par les anciens art. 28 al. 4 LHID et 23 LIPM, afin de bénéficier de l’exonération fiscale sur le bénéfice résultant de l’activité économique déployée à l’étranger.

9.1 Conformément à son intitulé, l’art. 28 LHID règle le calcul de l’impôt sur le bénéfice des personnes morales dans certains cas particuliers, notamment en réglementant, à ses al. 3 et 4 (abrogés à compter du 1er janvier 2020 [RO 2019 2395 ; RO 2019 2413]), le statut des sociétés de domicile, d’administration ou de base, appelées aussi sociétés auxiliaires, qui se caractérisent par le fait qu’elles sont implantées en Suisse, où elles ont une activité essentiellement administrative, tandis que leur activité économique produit ses effets à l’étranger (arrêt du Tribunal fédéral 2C_420/2009 du 4 décembre 2009 consid. 2.1).

Selon l’ancien art. 28 al. 3 LHID, les sociétés de capitaux, les sociétés coopératives et les fondations qui ont en Suisse une activité administrative, mais pas d’activité commerciale, paient l’impôt sur le bénéfice comme suit : a) le rendement des participations au sens de l’al. 1, ainsi que les bénéfices en capital et les bénéfices de réévaluation provenant de ces participations sont exonérés de l’impôt ; b) les autres recettes de source suisse sont imposées de façon ordinaire ; c) les autres recettes de source étrangère sont imposées de façon ordinaire en fonction de l’importance de l’activité administrative exercée en Suisse ; d) les charges justifiées par l’usage commercial, en relation économique avec des rendements et des recettes déterminés, doivent être déduites de ceux-ci en priorité. Les pertes subies sur des participations au sens de la let. a ne peuvent être compensées qu’avec les rendements mentionnés à la let. a. Cette réglementation est reprise à l’ancien
art. 23 al. 1 LIPM, complété par ses al. 2 à 4 pour la question de la déduction prévue à la let. d précitée.

À teneur de l’ancien art. 28 al. 4 aLHID, les sociétés de capitaux et les sociétés coopératives dont l’activité commerciale est essentiellement orientée vers l’étranger et qui n’exercent en Suisse qu’une activité subsidiaire, paient l’impôt sur le bénéfice conformément à l’al. 3. Les autres recettes de source étrangère, mentionnées à l’al. 3 let. c, sont imposées selon l’importance de l’activité commerciale exercée en Suisse. Son pendant au niveau cantonal est l’art. 23 al. 1 aLIPM.

Les al. 3 et 4 de l’art. 28 aLHID réglementaient le statut des sociétés de domicile, d’administration ou de base, appelées aussi sociétés auxiliaires. Ces sociétés se caractérisaient, selon le Tribunal fédéral, par le fait qu’elles étaient implantées en Suisse où elles avaient une activité essentiellement administrative, tandis que leur activité économique (commerciale) produisait ses effets à l’étranger (arrêt du Tribunal fédéral 2C_420/2009 du 4 décembre 2009 consid. 2.1).

9.2 Faisant partie de la section 2 « Calcul de l’impôt » du Chapitre II « Impôt sur le bénéfice » de la LIPM, l’art. 21 est consacré à la « réduction pour participations ayant une influence déterminante », l’art. 22 aux sociétés holding et l’art. 23 aux sociétés auxiliaires. Dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 janvier 2019, cette dernière norme disposait que les sociétés de capitaux, les sociétés coopératives et les fondations qui ont en Suisse une activité administrative, mais pas d’activité commerciale, de même que les sociétés de capitaux et les sociétés coopératives dont l’activité commerciale est essentiellement orientée vers l’étranger et qui n’exercent en Suisse qu’une activité subsidiaire, paient l’impôt sur le bénéfice de la manière suivante (al. 1) : le rendement des participations ainsi que les bénéfices en capital et les bénéfices de réévaluation provenant de ces participations sont exonérés de l’impôt (let. a) ; les autres recettes de source suisse sont imposées selon le barème ordinaire (let. b) ; les autres recettes de source étrangère sont imposées selon le barème ordinaire, en fonction de l’importance de l’activité administrative, respectivement commerciale, exercée en Suisse (let. c). Des comptes distincts seront tenus pour chaque catégorie de revenus à laquelle doivent être imputés les frais d’acquisition qui lui sont directement liés (al. 2). Si les frais ne peuvent être imputés à une catégorie particulière de revenus, les charges financières sont réparties proportionnellement à la valeur comptable des participations et des autres actifs ; les frais généraux, après déduction des charges financières, sont répartis proportionnellement aux recettes de sources suisse et étrangère (al. 3). Les pertes subies sur des participations au sens de l’al. 1 let. a ne peuvent être compensées qu’avec les rendements mentionnés dans cette disposition (al. 4).

9.3 À Genève, la tolérance de l’activité commerciale exercée en Suisse par rapport à l’activité exercée à l’étranger était de 30% de la marge commerciale brute (ATA/486/2011 du 27 juillet 2011 consid. 6). Selon les travaux préparatoires de la LIPM, entrée en vigueur en 1995, l’art. 23 al. 1 aLIPM, dont la teneur d’alors ne faisait pas expressément référence à l’exercice d’une activité commerciale à l’étranger, visait « les sociétés qui, tout en étant basées à Genève, ne déployaient pas d’activité commerciale sur sol suisse, mais qui servaient de base administrative, de centre de communication d’ordres, de point de contact ou encore de centre de gestion des liquidités d’un groupe multinational ». La raison d’être de leur imposition privilégiée était de « fixer à Genève des entités qui en temps ordinaire n’auraient pas de raisons particulières de s’y établir plutôt qu’en un autre emplacement offrant les mêmes facilités logistiques et financières, la charge fiscale modérée étant pour ces entités un critère important du choix de leur emplacement » (Mémorial des séances du Grand Conseil, 1994, 34/IV, p. 3883 ; ATA/486/2011 précité consid. 5).

9.4 En l’espèce, après avoir soutenu que son administration effective se trouvait à AP______, la recourante invoque, subsidiairement, le statut de société auxiliaire, impliquant que seule son administration se situait en Suisse, en particulier à Genève, la majorité de son activité commerciale étant déployée à l’étranger.

Outre le fait que cette argumentation subsidiaire paraît en contradiction avec la position principale de la recourante, elle l’est également avec les considérants qui précèdent retenant son administration effective en Suisse pour les années 2009 à 2014. En effet, ledit raisonnement suggère que, non seulement sa gestion effective était effectuée à Genève, mais également que la part prépondérante de son activité commerciale (le « day to day business ») y était déployée.

Il s’ensuit que, dès lors que l’assujettissement illimité de la recourante doit être admis sur la base des art. 52 al. 1 LIFD et 4 al. 1 LIPM, celle-ci ne peut se voir reconnaître le statut de société auxiliaire au sens des anciens art. 28 al. 4 LHID et 23 LIPM.

10.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante sera condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 9’000.-, lequel tient compte en particulier de l'importance et de la complexité de la procédure et de l'ampleur particulière du présent arrêt. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la recourante (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 juillet 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 juin 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 9'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la demanderesse, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me David BITTON, avocat de la recourante, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean‑Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :