Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1104/2024 du 19.09.2024 sur JTAPI/864/2024 ( MC ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/2746/2024-MC ATA/1104/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 19 septembre 2024 1ère section |
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dans la cause
A______ recourant
représenté par Me Sophie Bobillier, avocate
contre
COMMISSAIRE DE POLICE intimé
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 août 2024 (JTAPI/864/2024)
A. a. Né le ______1999, A______ est originaire de Tunisie. Il indique être arrivé en Suisse en août 2019.
Il n'est titulaire d'aucun titre de séjour et n'a pas de domicile connu.
Selon ses déclarations, toute sa famille, soit ses parents, un frère et une sœur, habitent la Tunisie.
b. Par jugement du 15 juin 2020, le Tribunal des mineurs l'a reconnu coupable de vol simple (art. 139 ch. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 [CP - RS 311.0]), de tentative de vol simple (art. 139 ch. 1 CP en relation avec l'art. 22 al. 1 CP), de recel (art. 160 ch. 1 al. 1 CP), de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) (art. 19a LStup) et de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 [LEI - RS 142.20]) pour des faits s'étant déroulés entre les 29 novembre 2019 et 10 mai 2020. Il l'a condamné à une peine de privation de liberté de 20 jours avec sursis, sous déduction de cinq jours de détention.
Il a par ailleurs été condamné à trois reprises pour séjour illégal au sens de l'art. 115 al. 1 let. b LEI, soit le 12 août 2020 par le Ministère public à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à raison de CHF 10.- par jour avec sursis, sous imputation de deux jours de détention avant jugement, le 8 décembre 2020 par le Tribunal de police à une peine pécuniaire ferme de 30 jours-amende à raison de CHF 10.- par jour, sous déduction de 30 jours de détention avant jugement, et le 26 juin 2021 par le Ministère public à une peine pécuniaire ferme de 120 jours-amende à raison de CHF 10.- par jour, sous déduction de 3 jours de détention avant jugement.
c. Une interdiction d'entrée valable du 21 novembre 2019 au 20 novembre 2021 a été prononcée à son encontre par le secrétariat d'état aux migrations (SEM).
Après avoir indiqué le 14 août 2024, lors de son audition par la police, qu'il lui arrivait de se rendre en France voisine, il a déclaré le 30 août 2024 devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) qu'il n'avait jamais quitté la Suisse depuis son arrivée en 2019, contestant ainsi avoir violé cette interdiction d'entrée.
d. Le 22 mars 2024, l'office cantonal de la population et des migrations (OCPM) a prononcé son renvoi de Suisse, lui impartissant un délai de départ au 22 juin 2024. Cette décision a été notifiée à l'intéressé le 26 mars 2024 par publication dans la feuille d'avis officielle (FAO).
Devant le TAPI, il a expliqué n'en avoir pris connaissance que le 15 août 2024, lors de son audition par la police.
e. Le 13 août 2024, A______ a été interpellé par une patrouille de police à la buvette de la pointe de la Jonction : il paraissait en effet correspondre aux images de surveillance d'une personne suspectée de s'être illégitimement approprié, deux mois plus tôt, le téléphone portable d'une femme qui l'avait oublié sur le comptoir d'un magasin de tabac sis à la rue de Carouge. Après l'avoir emmené au poste, les agents ont procédé à la fouille de son sac à dos, lequel contenait notamment deux « pains » de résine de cannabis d'environ 100 grammes chacun, un sachet contenant un morceau de résine de cannabis d'un poids net de 13 grammes, un paquet de cigarettes contenant deux morceaux de résine de cannabis d'un poids net de 3,3 grammes, trois emballages plastiques contenant de la marijuana, d'un poids brut respectif de 7, 4 et 3.9 grammes, et une petite balance.
Entendu le même jour, A______ s'est reconnu sur les images de surveillance mais a contesté s'être approprié le téléphone. Les produits stupéfiants retrouvés dans son sac à dos, qui lui appartenaient, étaient destinés à sa consommation personnelle et à celle de l'un de ses colocataires. Il les avait acquis d'un « Arabe » à la place des Grottes, pour le prix de CHF 420.-. La balance lui permettait d'éviter de se « faire arnaquer ».
Il habitait à Genève, dans une chambre d'étudiant en sous-location dont il refusait de donner l'adresse. Il lui arrivait de travailler comme peintre en bâtiment, ce qui lui permettait de réaliser un revenu mensuel d'environ CHF 2'000.-. Il ne connaissait cependant pas le nom des sociétés qui l'employaient.
Il avait entrepris des démarches pour se marier « avec [s]a copine B______ ».
f. Par ordonnance pénale du 15 août 2024, le Ministère public l'a, notamment, reconnu coupable d'appropriation illégitime (art. 137 ch. 1 CP), d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. d LStup et d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. b et c LEI, et l'a condamné à une peine privative de liberté de 120 jours, sous déduction de deux jours de détention avant jugement.
Le 26 août 2024, il a formé opposition à cette ordonnance pénale.
g. Par décision du 15 août 2024, le commissaire de police a fait interdiction à A______, en application de l'art. 74 al. 1 LEI, de pénétrer sur le territoire du canton de Genève pour une durée de 12 mois.
Ce dernier, qui ne disposait d'aucun titre de séjour, faisait l'objet d'une décision de renvoi entrée en force qu'il n'avait pas respectée. Son interpellation dans un lieu notoire pour le trafic de stupéfiants, les constatations policières, les drogues saisies et le fait qu'il ait admis en consommer régulièrement permettaient, au stade de soupçon, de retenir qu'il constituait une menace pour l'ordre et la sécurité publics. Les conditions au prononcé d'une interdiction territoriale étaient ainsi réalisées. La durée et la portée géographique de l'interdiction étaient par ailleurs conformes au principe de la proportionnalité.
B. a. Le 26 août 2024, A______ a formé opposition contre cette interdiction territoriale.
b. Entendu le 30 août 2024 par le TAPI, il a indiqué fumer environ 100 grammes de cannabis par mois et s'approvisionner toujours au même endroit et auprès du même vendeur. Lors de son interpellation, il était en possession de son stock mensuel et de celui de son colocataire. Il travaillait dans le bâtiment, « au gris », et avait un numéro AVS. Contrairement à ce qu'il avait indiqué lors de son audition par la police, il n'envisageait pas de se marier avec son amie B______. Il avait l'intention de commencer une formation auprès de l'université ouvrière de Genève (UOG) afin d'obtenir des bases en français et en mathématiques, de manière à pouvoir commencer un apprentissage de peintre en bâtiment. Ayant tous ses amis à Genève, il souhaitait s'y intégrer, commencer des études et trouver un « petit job ».
Il a produit une note de l'UOG faisant état d'un rendez-vous le 9 septembre 2024 pour passer un test de français et de mathématiques.
Dans sa plaidoirie, son conseil a conclu à l'annulation de la décision du commissaire de police du 15 août 2024, subsidiairement à ce qu'elle soit limitée au quartier de la Jonction et, plus subsidiairement encore, à ce que sa durée soit limitée à six mois.
La représentante du commissaire de police a conclu à la confirmation de l'interdiction prononcée.
c. Par jugement du 30 août 2024, le TAPI a rejeté l'opposition et confirmé la décision d'interdiction territoriale prononcée le 15 août 2024 par le commissaire de police pour une durée de douze mois.
A______ n'était au bénéfice ni d'une autorisation de courte durée ni d'une autorisation de séjour ni d'une autorisation d'établissement. Il avait fait l'objet d'une décision d'interdiction d'entrée ainsi que d'une décision de renvoi et ne s'était conformé ni à l'une ni à l'autre, n'ayant au demeurant aucune intention de quitter la Suisse. Sans domicile connu ni source de revenus licites, sa volonté de commencer une formation ne trouvait pas de fondement sérieux dans le dossier. Sa fréquentation du milieu de la drogue, dont rien ne permettait de penser qu'il entendait y mettre un terme, en faisait une menace pour l'ordre et la sécurité publics. Il n'avait pour le surplus aucun lien avec la Suisse. La durée de la mesure ordonnée était proportionnée aux condamnations pénales prononcées à son encontre, à son refus de se conformer aux décisions rendues à son égard par les autorités suisses et au risque qu'il commette de nouvelles infractions. En l'absence d'information sur son lieu de résidence, et faute de besoin démontré de se rendre à un endroit précis dans le canton, il ne pouvait par ailleurs être entré en matière sur une réduction du périmètre visé.
C. a. Le 12 septembre 2024, A______ a recouru devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre ce jugement, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif et, sur le fond, principalement à l'annulation de l'interdiction territoriale du 15 août 2024 ou, subsidiairement, à ce que sa durée soit ramenée à six mois et son périmètre réduit au quartier de la Jonction.
Dans la mesure où – sous réserve d'infractions d'une gravité relative et déjà anciennes – ces condamnations concernaient des infractions à la législation sur les étrangers, et où les faits ayant fait l'objet de l'ordonnance pénale du 15 août 2024 – frappée d'opposition – étaient contestés de manière crédible, l'existence d'un trouble ou d'une menace à l'ordre public ne pouvait être retenue. Il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir respecté la décision de renvoi du 22 mars 2024, faute pour lui d'en avoir eu connaissance. Il n'existait pas d'indice concret qu'il s'opposerait à son départ, une fois celui-ci dûment organisé. L'interdiction était en outre disproportionnée dans sa durée et son étendue géographique, le privant de contacts avec le réseau de connaissances qu'il s'était créé à Genève et qui constituait son seul soutien, et l'empêchant de poursuivre sa formation auprès de l'UOG ainsi que d'exercer une activité lucrative. Elle l'obligerait en outre à quitter son logement.
Le recourant a produit des pièces supplémentaires, soit notamment une attestation d'inscription à un cours de français auprès de l'université populaire du canton de Genève (UPCGe) pour le semestre courant du 9 octobre 2023 au 12 février 2024, une carte d'étudiant délivrée par le même établissement pour l'année scolaire 2023/2024, une attestation d'inscription à un cours de français auprès de l'UOG pour la période du 16 septembre 2024 au 16 janvier 2025, une attestation de participation à une activité organisée par la « Pastorale des milieux ouverts », et une dizaine d'attestations rédigées par des amis et connaissances faisant état de son caractère ouvert, volontaire et serviable ainsi que de sa volonté d'intégration.
b. Le 13 septembre 2024, le commissaire de police a conclu au rejet du recours, se référant à la motivation du jugement contesté.
c. Le recourant a persisté dans son argumentation et ses conclusions par réplique du 17 septembre 2024, ajoutant avoir commencé sa nouvelle formation auprès de l'UOG.
d. Le 18 septembre 2024, la chambre administrative a informé les parties que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
2. Selon l'art. 10 al. 2 LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 13 septembre 2024 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.
3. Le recourant sollicite l'audition en qualité de témoins de trois amis proches, susceptibles selon lui de confirmer les graves conséquences qu'aurait sur sa vie l'interdiction contestée et, plus généralement, d'attester de son bon comportement.
3.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).
3.2 En l’espèce, le recourant a valablement exercé son droit d'être entendu avant le prononcé de la décision querellée et a pu également exposer son point de vue et ses arguments dans son recours et sa réplique. Il n’explique pas quels éléments utiles autres que ceux déjà exposés les auditions sollicitées permettraient d’apporter à la solution du litige. En particulier, il n'indique pas que les témoignages requis permettraient d'éclairer la chambre de céans sur les éléments de fait manifestement pertinents et en l'état non établis que sont son adresse exacte, son lieu de travail et l'identité de ses employeurs allégués, sur lesquels il a refusé de fournir des informations. À bien le comprendre, les auditions requises viseraient à établir d'une part le caractère grave des conséquences de la mesure contestée sur ses intérêts privés et d'autre part son comportement généralement honnête et serviable ainsi que sa volonté d'intégration. Outre le fait que ces points sont abondamment développés dans ses écritures et font l'objet de nombreuses attestations versées à la procédure, dont certaines émanant des personnes dont l'audition est sollicitée, la valeur probante de leur témoignage devrait être considérablement relativisée puisque, du propre aveu du recourant, il s'agit d'« amis proches ».
Les mesures probatoires requises ne seront donc pas administrées.
4. Est litigieuse l’interdiction de pénétrer dans tout le territoire cantonal pendant douze mois.
4.1 Aux termes de l'art. 74 al. 1 LEI, l'autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger de ne pas pénétrer dans une région déterminée notamment lorsque l'étranger est frappé d'une décision de renvoi ou d'expulsion entrée en force et que des éléments concrets font redouter qu'il ne quittera pas la Suisse dans le délai prescrit ou qu'il n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour quitter le territoire (let. b). L’assignation à un territoire ou l’interdiction de pénétrer un territoire peut également être prononcée lorsque l’étranger n’est pas titulaire d’une autorisation de courte durée, d’une autorisation de séjour ou d’une autorisation d’établissement et trouble ou menace la sécurité et l’ordre publics ; cette mesure vise notamment à lutter contre le trafic illégal de stupéfiants (let. a).
4.2 Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2 ; 135 I 169 consid. 5.6).
4.3 L'art. 74 LEI ne précise ni la durée ni l'étendue géographique de la mesure. Elle doit dans tous les cas répondre au principe de proportionnalité, soit être adéquate au but visé et rester dans un rapport raisonnable avec celui-ci (ATF 142 II 1 consid. 2.3).
La mesure doit être nécessaire et suffisante pour empêcher que la sécurité et l'ordre publics ne soient troublés ou menacés. Il faut en outre qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 137 I 167 consid. 3.6 ; 136 I 197 consid. 4.4.4). En particulier, la délimitation géographique et la durée de la mesure doivent être prises en considération en fonction du but poursuivi. En matière d'interdiction de pénétrer sur une partie du territoire, le périmètre d'interdiction doit être déterminé de manière à ce que les contacts sociaux et l'accomplissement d'affaires urgentes puissent rester possibles (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3 ; ATA/748/2018 du 18 juillet 2018 consid. 4b). L'interdiction de pénétrer peut s'appliquer à l'entier du territoire d'un canton (arrêts du Tribunal fédéral 2C_231/2007 du 13 novembre 2007 ; 2A.253/2006 du 12 mai 2006), même si la doctrine relève que le prononcé d'une telle mesure peut paraître problématique au regard du but assigné à celle-ci (Tarkan GÖKSU, in Martina CARONI/Thomas GÄCHTER/Daniela TURNHERR [éd.], Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer, 2010, p. 725 n. 7). La portée de l'art. 6 al. 3 LaLEtr, qui se réfère à cette disposition et en reprend les termes, ne peut être interprétée de manière plus restrictive. C'est en réalité lors de l'examen du respect par la mesure du principe de la proportionnalité que la question de l'étendue de la zone géographique à laquelle elle s'applique doit être examinée.
La mesure ne peut pas être ordonnée pour une durée indéterminée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1). Des durées inférieures à six mois ne sont guère efficaces (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 précité consid. 4.2) ; des mesures d'une durée d'une année (arrêt du Tribunal fédéral 2C_330/2015 du 26 novembre 2015 consid. 3.2), voire de deux ans (arrêt du Tribunal fédéral 2C_828/2017 du 14 juin 2018 consid. 4.5) ont été admises.
4.4 La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA). Ce principe n’est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/573/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/99/2014 du 18 février 2014).
4.5 La chambre de céans a déjà plusieurs fois confirmé une interdiction territoriale de douze mois dans le canton de Genève, y compris à l’encontre d’une personne sans antécédents, interpellée et condamnée par le Ministère public pour avoir vendu une boulette de cocaïne, l’intéressé n’ayant aucune ressource financière ni aucun intérêt à venir dans le canton (ATA/1316/2022 du 29 décembre 2022 ; ATA/655/2021 du 23 juin 2021 ; ATA/802/2019 du 17 avril 2019), à l’encontre d’une ressortissante française condamnée à plusieurs reprises pour infractions à la LStup qui admettait consommer des stupéfiants et s’adonner au trafic de ceux-ci (ATA/255/2022 du 10 mars 2022), ou encore à l'encontre d'un ressortissant nigérian au bénéfice d'un titre de séjour valable délivré par les autorités italiennes, disant être domicilié à Brindisi et condamné à plusieurs reprises à Genève, notamment pour infractions à la LStup (ATA/1028/2024 du 30 avril 2024).
Elle a aussi confirmé des interdictions territoriales pour une durée de 18 mois prononcées contre un étranger interpellé en flagrant délit de vente de deux boulettes de cocaïne et auparavant condamné deux fois et arrêté une fois pour trafic de stupéfiants (ATA/2577/2022 du 15 septembre 2022) ou un étranger sans titre, travail, lieu de séjour précis ni attaches à Genève, condamné plusieurs fois pour infractions à la LEI et la LStup (ATA/536/2022 du 20 mai 2022).
4.6 Il n'est pas contesté en l'espèce que le recourant ne dispose d'aucun titre de séjour en Suisse, en particulier d'aucune autorisation de courte durée, de séjour ou d'établissement.
Condamné en 2020 pour des délits contre le patrimoine et, déjà, une infraction à la LStup, le recourant fait aujourd'hui l'objet de soupçons sérieux et concrets de commission d'infractions du même type. Il s'est ainsi reconnu sur les images de surveillance prises en mai 2024 lors la disparition d'un téléphone portable oublié par une cliente dans un magasin de tabac à la rue de Carouge, quand bien même il conteste se l'être approprié. Il admet également avoir été le 13 mai 2024 en possession de quantités non négligeables de produits stupéfiants dérivés de cannabis, conditionnés en différentes quantités, ainsi que d’une balance. Cet élément, ajouté au fait que le recourant n'a donné aucune indication vérifiable sur d'éventuelles sources de revenu licite, fait craindre qu'il ne subvienne en réalité à tout ou partie de ses besoins par des infractions contre le patrimoine ou par le trafic de stupéfiants. Sa présence dans le canton constitue donc bien une menace pour l'ordre et la sécurité publics, de telle sorte que le prononcé à son encontre d'une interdiction territoriale est fondée au regard de l'art. 74 al. 1 let. a LEI.
Il fait par ailleurs l'objet d'une décision de renvoi notifiée par voie de publication le 26 mars 2024, et donc aujourd'hui entrée en force, à laquelle il n'entend manifestement pas donner suite puisque, loin de préparer son départ alors même que le délai fixé par l'OCPM est déjà échu, il déclare vouloir entreprendre une formation afin de trouver une place d'apprentissage. Les conditions posées par l'art. 74 al. 1 let. b LEI au prononcé d'une mesure d'interdiction territoriale sont ainsi elles aussi réalisées.
Sous l'angle de sa durée, la mesure ordonnée est proportionnée à la gravité de la menace représentée par le recourant et ne porte pas une atteinte plus grave que nécessaire à ses intérêts privés. Il convient à cet égard de relever que le recourant a déjà été condamné pour des agissements du même type que ceux qui lui sont reprochés aujourd'hui. Il a par ailleurs vraisemblablement violé à plusieurs reprises l'interdiction d'entrée en Suisse prononcée à son encontre par le SEM et valable du 21 novembre 2029 au 20 novembre 2021, puisqu'il a commencé par admettre devant la police s'être rendu à plusieurs reprises en France voisine avant de revenir sur ces déclarations pour indiquer devant le TAPI ne jamais avoir quitté le territoire suisse depuis son arrivée en 2019. Il n'a par ailleurs pas démontré l'existence de liens particuliers avec le canton de Genève, où il ne dispose d'aucun titre de séjour.
Il n'apparaît pas non plus que la portée géographique de la mesure serait excessive, au regard notamment de l'intérêt public à lutter contre le trafic de stupéfiants sur l'ensemble du territoire cantonal. Le recourant a certes rendu vraisemblable qu'il disposait d'un certain nombre d'amis et de connaissances à Genève, mais rien ne l'empêchera de continuer à entretenir des relations avec eux hors du canton ou par les moyens modernes de communication, étant en tout état rappelé qu'il est tenu de quitter le territoire suisse en vertu de la décision de renvoi rendue à son encontre par l'OCPM. Cette remarque s'applique aussi à ses projets allégués de formation, dont les pièces produites ne démontrent au demeurant pas le caractère concret : on ignore ainsi, notamment, si le recourant a effectivement suivi le cours de français pour lequel il s'était inscrit auprès de l'UPCGe, et le cas échéant avec quel résultat.
En tout état, une analyse plus approfondie des intérêts privés du recourant à une limitation du périmètre d'interdiction, et donc des contours d'un périmètre restreint, aurait supposé que la chambre de céans sache où il réside et où il exerce ses activités alléguées. Or il a refusé de donner quelque information que ce soit sur ces points, empêchant par là même un examen précis de la proportionnalité au sens étroit de la mesure contestée. Il faut donc, comme l'a fait le TAPI, partir de la prémisse qu'il ne dispose d'aucun logement fixe dans le canton et n'y exerce aucune activité licite, avec pour conséquence que ses intérêts privés à la limitation du périmètre d'interdiction doivent s'effacer devant l'intérêt public précité. Une réduction dudit périmètre au quartier de la Jonction, telle que proposée par le recourant, serait particulièrement inadéquate au vu de ses déclarations constantes selon lesquelles il se procurerait des produits stupéfiants à la place des Grottes.
Mal fondé, le recours sera ainsi rejeté.
5. La procédure étant gratuite (art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), aucun émolument de procédure ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 12 septembre 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 août 2024 ;
au fond :
le rejette ;
dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à Me Sophie Bobillier, avocate du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'Etat aux migrations.
Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Jean-Marc VERNIORY, Patrick CHENAUX, juges.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière :
N. GANTENBEIN
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| le président siégeant :
C. MASCOTTO |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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