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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1360/2024

ATA/817/2024 du 09.07.2024 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1360/2024-AIDSO ATA/817/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 juillet 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______, représenté par sa mère, B______ recourant

contre

HOSPICE GÉNÉRAL intimé

 



EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : le bénéficiaire), né le ______ 1998, est au bénéfice de prestations d’aide financière versées par l’Hospice général
(ci-après : l’hospice) depuis le 1er août 2023.

b. Il suit un apprentissage en vue d’obtenir un « CFC Mécanotricien ».

B. a. Le 6 février 2024, son assistante sociale lui a remis une « attestation d’aide financière » mentionnant notamment qu’il était au bénéfice d’une aide financière depuis le 1er août 2024 (sic) à raison d’un montant de CHF 664.60 par mois, hors supplément d’intégration et autres prestations circonstancielles et qu’une participation mensuelle de CHF 1'465.- pouvait lui être octroyée. L’attestation précisait qu’elle ne valait « en aucune manière engagement de l’hospice de verser chaque mois le montant indiqué ».

b. Par courrier du 5 mars 2024, la mère du bénéficiaire, B______, représentant son fils, a formé opposition à l’attestation financière, critiquant tant sa forme que son contenu. Telle que rédigée, l’attestation n’encourageait pas les régies ou les propriétaires à lui accorder un logement. L’attestation mentionnait en outre une date erronée et des données confidentielles. Elle a conclu à la reformulation de l’attestation, ajoutant espérer que son fils serait aidé activement par son assistante sociale dans la recherche d’appartement.

c. Par décision sur opposition du 21 mars 2024, le directeur de l’hospice a déclaré l’opposition irrecevable faute de décision attaquable.

L’attestation d’aide financière avait pour vocation d’attester de sa situation de bénéficiaire de l’aide sociale et des droits qui découlaient en vertu de la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) et de son règlement d’exécution (règlement d'exécution de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 [RIASI - J 4 04.01]). De telles informations ne modifiaient pas sa situation juridique puisqu’il continuait à bénéficier des mêmes prestations financières. Il a toutefois transmis l’opposition du 5 mars 2024 au Centre d’action sociale de Carouge, afin qu’il établisse « un document adapté au but poursuivi ».

C. a. Par acte du 23 avril 2024, le bénéficiaire a recouru devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à ce « que la somme destinée à son entretien personnel ne figure pas sur l’attestation de prise en charge de loyer, surtout que pas spécifié que c’est une aide en complément d’une activité scolaire et professionnelle à 100% insuffisante à son entretien ; que la date erronée du début de son droit à l’hospice soit corrigée ; que l’attestation stipule clairement le montant plafonné qui peut être pris en charge (CHF 1'460.-) et préciser si avec ou sans charges ; que l’attestation stipule clairement que c’est une garantie de prise en charge, sans équivoque, et qu’elle diminue ou cesse seulement au cas où la situation de l’ayant droit s’améliore ou qu’une tierce partie puisse payer le loyer ».

Il était « inacceptable » que l’attestation précise qu’elle ne valait en aucune manière engagement de l’hospice de verser chaque mois le montant indiqué. Cela rendait difficile l’octroi d’un logement et contribuait à la précarité.

b. Le 30 avril 2024, l’hospice a établi une nouvelle attestation, confirmant que le recourant était au bénéfice de l’aide sociale et financière. Les prestations étaient calculées en tenant compte du loyer et des charges locatives, dans les limites fixées par l’art. 3 RIASI. Le montant maximum pris en compte pour le loyer (charges comprises) pour une personne était de CHF 1’465.-. L’aide financière était susceptible de varier de mois en mois ou de cesser, notamment si la situation financière ou personnelle du bénéficiaire venait à se modifier.

Il n’était pas mentionné que l’attestation ne valait « en aucune manière engagement de l’hospice de verser chaque mois le montant indiqué ».

c. Par réponse du 24 mai 2024, l’hospice a conclu au rejet du recours.

L’attestation litigieuse ne constituait pas une décision au sens des art. 4 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 50 LIASI, dès lors qu’elle ne tendait pas à modifier la situation juridique du recourant. Son contenu, bien que contenant une erreur de date, reflétait fidèlement sa situation. Une nouvelle attestation, répondant en partie aux critiques formulées, lui avait été remise le 30 avril 2024. Les attestations d’aide financière ne sauraient constituer une garantie de paiement de loyer ou de « prise en charge », compte tenu du caractère subsidiaire et potentiellement variable des prestations financières.

d. Le recourant n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet, si bien que la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Le recours est interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ;
art. 62 al. 1 let. a LPA).

2.             Le recourant conclut à la modification du contenu de l’attestation d’aide financière.

2.1 Lorsqu'un recours est dirigé contre une décision d'irrecevabilité, les conclusions qui vont au-delà de l'annulation de cette décision et du renvoi de la cause à l'autorité inférieure pour nouvelle décision sont irrecevables (arrêts du Tribunal fédéral 2F_31/2021 du 8 décembre 2021 consid. 1.2 ; 1C_451/2019 du 6 septembre 2019 consid. 2 ; ATA/1063/2022 du 18 octobre 2022 consid. 1). Il en va de même lorsque l'autorité n'entre pas en matière sur une demande de reconsidération (ATA/757/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.2).

2.2 Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (al. 2).

Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d'une certaine souplesse s'agissant de la manière par laquelle sont formulées les conclusions du recourant. Le fait qu'elles ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est, en soi, pas un motif d'irrecevabilité, pour autant que l'autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant. Ainsi, une requête en annulation d'une décision doit être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a, de manière suffisante, manifesté son désaccord avec la décision ainsi que sa volonté qu'elle ne déploie pas d'effets juridiques (ATA/313/2019 du 26 mars 2019 ; ATA/123/2019 du 5 février 2019 ; ATA/1251/2018 du 20 novembre 2018).

2.3 Aux termes de l'art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir les parties à la procédure ayant abouti à la décision attaquée (let. a), ainsi que toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (let. b).

Les let. a et b de cette disposition doivent se lire en parallèle. Ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s'il était partie à la procédure de première instance (ATA/888/2020 du 15 septembre 2020 ; ATA/130/2016 du 9 février 2016 et les références citées).

Pour disposer d’un intérêt digne de protection, le recourant doit disposer d'un intérêt actuel et pratique à l'admission du recours (ATF 135 I 79 consid. 1 ; 134 II 120 consid. 2 ; ATA/376/2021 du 30 mars 2021 consid. 4b et les références citées). Un intérêt seulement indirect à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée n'est pas suffisant (ATF 138 V 292 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_665/2013 du 24 mars 2014 consid. 3.1).

2.4 En l’occurrence, dans la mesure où le recourant a reçu une nouvelle attestation de l’hospice datée du 30 avril 2024, laquelle répond en grande partie aux critiques formulées dans son opposition du 5 mars 2024, on peut se demander s’il conserve un intérêt pratique à recourir. Cette question peut toutefois rester indécise, au vu de ce qui suit.

La décision attaquée est une décision d’irrecevabilité, l’hospice ayant estimé que l’attestation d’aide financière du 6 février 2024 n’était pas une décision susceptible de recours. Les conclusions en modification de l’attestation d’aide financière sont dès lors irrecevables, seul un renvoi à l’autorité intimée pour examen de sa demande étant envisageable. Or, le recourant n’a pas pris de conclusions formelles en annulation de la décision sur opposition de l’hospice du 21 mars 2024. On comprend toutefois de son écriture qu’il la conteste, si bien qu’il convient d’entrer en matière sur le fond.

3.             Le litige porte donc sur le point de savoir si c’est à juste titre que l’autorité intimée a déclaré l’opposition du recourant irrecevable.

3.1 En vertu de l’art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions au sens de l’art. 1 LPA les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal, communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits ou des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations (let. c). Lorsqu’une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (al. 4).

3.2 Pour qu’un acte administratif puisse être qualifié de décision, il doit revêtir un caractère obligatoire pour les administrés en créant ou constatant un rapport juridique concret de manière contraignante. Ce n’est pas la forme de l’acte qui est déterminante, mais son contenu et ses effets (ATA/327/2023 du 28 mars 2023 consid. 2.1 et les arrêts cités).

En droit genevois, la notion de décision est calquée sur le droit fédéral (ATA/649/2023 du 20 juin 2023 consid. 1.3 ; ATA/141/2020 du 11 février 2020 consid. 1b et les arrêts cités). Toute décision administrative au sens de l’art. 4 LPA doit avoir un fondement de droit public. Il ne peut en effet y avoir décision que s’il y a application, au travers de celle-ci, de normes de droit public (Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, p. 314 n. 857 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3e éd., 2011, p. 194 n. 2.1.1.1). De nature unilatérale, une décision se réfère à la loi dont elle reproduit le contenu normatif de la règle (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, p. 285 n. 798 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, op. cit., p. 174 n. 2.1.1.1). Une décision tend à modifier une situation juridique préexistante. Il ne suffit pas que l’acte visé ait des effets juridiques, encore faut-il que celui-ci vise des effets juridiques. Sa caractéristique en tant qu’acte juridique unilatéral tend à modifier la situation juridique de l’administré par la volonté de l’autorité, mais sur la base et conformément à la loi (ATA/29/2023 du 17 janvier 2023 consid. 3b et l’arrêt cité ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, op. cit., p. 320 n. 876).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, en droit public, la notion de « décision » au sens large vise habituellement toute résolution que prend une autorité et qui est destinée à produire un certain effet juridique ou à constater l’existence ou l’inexistence d’un droit ou d’une obligation ; au sens étroit, c’est un acte qui, tout en répondant à cette définition, intervient dans un cas individuel et concret (ATF 135 II 328 consid. 2.1 ; 106 Ia 65 consid. 3 ; 99 Ia 518 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_282/2017 du 4 décembre 2017 consid. 2.1). La notion de décision implique donc un rapport juridique obligatoire et contraignant entre l’autorité et l’administré (ATF 141 I 201 consid. 4.2). Constitue une décision un acte étatique qui touche la situation juridique de l’intéressé, l’astreignant à faire, à s’abstenir ou à tolérer quelque chose, ou qui règle d’une autre manière obligatoire ses rapports avec l’État (arrêt du Tribunal fédéral 1C_150/2020 du 24 septembre 2020 consid. 5.2 et les références citées). De simples déclarations, comme des opinions, des communications, des prises de position, des recommandations et des renseignements n’entrent pas dans la catégorie des décisions, faute de caractère juridique contraignant (arrêts du Tribunal fédéral 1C_593/2016 du 11 septembre 2017 consid. 2.2 ; 8C_220/2011 du 2 mars 2012 consid. 4.1.2). Pour déterminer s’il y a ou non décision, il y a lieu de considérer les caractéristiques matérielles de l’acte. Un acte peut ainsi être qualifié de décision (matérielle), si, par son contenu, il en a le caractère, même s’il n’est pas intitulé comme tel et ne présente pas certains éléments formels typiques d’une décision, telle l’indication des voies de droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_282/2017 précité consid. 2.1 et les références citées).

Les décisions doivent être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies et délais de recours (art. 46 al. 1 LPA). Elles sont notifiées aux parties, le cas échéant à leur domicile élu auprès de leur mandataire, par écrit (art. 46 al. 2
1re phr. LPA). Toute décision prise par l'Hospice général en application de la présente loi est écrite et motivée. Elle mentionne expressément dans quel délai, sous quelle forme et auprès de quelle autorité il peut être formé une opposition (art. 50 LIASI).

3.3 En l’espèce, l’opposition était dirigée contre l’attestation d’aide financière de l’hospice, laquelle n’est pas énoncée comme étant une décision et ne comporte pas d’indication des voies de recours. Ainsi que l’a relevé l’autorité, un tel document a pour vocation d’attester de la situation financière du bénéficiaire de l’aide sociale. Elle n’a aucune incidence sur la situation juridique concrète du recourant : elle ne s’accompagne d’aucune injonction, mais vise seulement à porter à la connaissance de tiers la situation du recourant au regard de la règlementation en matière d’aide sociale. Elle n’emporte donc aucun effet formateur de droit ou d’obligation à l'égard du recourant, ni aucun effet constatatoire par rapport à l’existence ou l’inexistence d’un tel droit ou d’une telle obligation. Il s’agit d’une simple communication qui ne déploie aucun effet juridique. En cela, l’attestation ne revêt pas les caractéristiques matérielles d’une décision et ne pouvait donc faire l’objet d’une opposition devant l’autorité intimée.

La décision attaquée est ainsi conforme au droit.

Mal fondé, le recours sera rejeté dans la mesure où il est recevable.

4.             Vu la nature du litige, il n’est pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA). Il n’y a pas lieu d’allouer d’indemnité de procédure, compte tenu de l’issue du litige (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, en tant qu’il est recevable, le recours interjeté le 23 avril 2024 par A______ représenté par sa mère B______ contre la décision de l’Hospice général du 21 mars 2024  ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______, représenté par sa mère B______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :