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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2670/2023

ATA/675/2024 du 04.06.2024 ( PATIEN ) , REJETE

En fait
En droit

république et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2670/2023-PATIEN ATA/675/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 juin 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

COMMISSION DU SECRET PROFESSIONNEL intimée

_________



EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1985, s’est vu prescrire par le docteur B______ les 14 septembre 2019, 20 septembre 2019 et 1er février 2021 des séances de physiothérapie pour soigner une coxalgie droite avec notion d’œdème de l’articulation et une inflammation synoviale au niveau de la hanche droite avec petite fracture au niveau du labrum de la hanche.

b. Elle a reçu des séances de physiothérapie de C______, physiothérapeute diplômée, du 8 février au 25 juin 2021.

c. Le 8 mai 2023, la police judiciaire a convoqué C______ pour être entendue en qualité de prévenue au sujet de la plainte pénale qu’A______ avait formée contre elle.

d. Le 15 mai 2023, C______ a saisi la commission du secret professionnel (ci‑après : la commission) d’une demande de levée de son secret professionnel afin de pouvoir répondre à la police au sujet de sa prise en charge d’A______, sans limitations quant à l’étendue du secret.

A______ avait porté plainte contre elle pour lésions corporelles par négligence commises durant la séance du 25 juin 2021. Il ressortait du mandat de comparution de la police qu’elle n’avait accepté de la délier de son secret que pour la journée du 25 juin 2021 et non pour toute la durée du traitement.

Elle souhaitait être relevée de son secret professionnel sans limitation afin de pouvoir se défendre efficacement, pouvoir s’exprimer librement sur l’ensemble de sa relation avec sa patiente et produire tout document utile à sa défense.

e. Le 8 juin 2023, A______ s’est dite d’accord de délier du secret professionnel C______ pour la totalité du traitement de février à juin 2021.

Elle s’opposait cependant à la transmission de documents et demandait à pouvoir assister à l’audition de C______. Elle produisait une copie des notes de soin de C______ qu’elle avait annotées, indiquant entre autres les phrases à enlever.

f. Le 13 juin 2023, la commission a demandé à C______ si elle était d’accord de taire les informations relatives à la vie privée et sexuelle d’A______, ainsi que le demandait celle-ci.

g. Le 20 juin 2023, C______ a indiqué ne pas avoir d’objection à taire les informations relatives à la vie privée et sexuelle de sa patiente. Elle souhaitait cependant pouvoir révéler les motifs de la consultation, le syndrome dont souffrait sa patiente et la rééducation pelvienne qu’il appelait, et transmettre à la police ses notes de soins, les courriels échangés avec la patiente, les programmes d’exercices, les prescriptions de physiothérapie, le compte rendu échographique et tout autre document pouvant être utile à la manifestation de la vérité, y compris des documents postérieurs au 25 juin 2021.

A______ avait biffé le nom du docteur D______, l’épisode de sa chute sur ses métatarses ou encore la durée de la séance du 25 juin 2021, qui s’expliquait par son retard au rendez-vous, soit autant d’éléments sans lien avec sa vie privée ou sexuelle. Or, la durée de la séance du 25 juin 2021 était déterminante, car c’était lors de cette séance que s’étaient produits les agissements dont se plaignait A______.

Elle pouvait procéder à certains caviardages concernant la vie privée et sexuelle de sa patiente mais non modifier ses notes de suite comme le souhaitait celle-ci. Les faits seraient établis par l’enquête pénale.

h. Le 22 juin 2023, A______ a indiqué à la commission que le diagnostic posé par C______ était erroné et que celle-ci avait pratiqué sur elle le 25 juin 2021 des étirements qui avaient été interdits par son médecin traitant. Durant les manipulations, elle avait protesté quatre fois pendant l’étirement de sa jambe droite et crié deux fois pendant l’étirement de sa jambe gauche, mais C______ avait continué le geste, ce qui avait provoqué les lésions corporelles qu’une IRM avait mis en évidence.

i. Le 29 juin 2023, A______ a informé la commission qu’elle ne pourrait assister à l’audition fixée le 13 juillet 2023 en raison du traitement médical qu’elle devait suivre.

j. Par courriel du 4 juillet 2023, A______ a posé à la commission une question.

k. Le 11 juillet 2023, E______, agissant en qualité de mandataire d’A______, a consulté le dossier de la commission.

l. Le même jour, A______ a indiqué qu’il manquait au dossier les treize pièces jointes à son courrier du 4 juillet 2023.

Elle levait C______ de son secret professionnel pour la transmission des pièces mentionnées dans son courrier du 20 juin 2023. Elle refusait par contre qu’elle communique tout autre document, y compris les documents postérieurs au 25 juin 2021. Certains aspects concernaient sa vie privée et sexuelle. Elle produisait quatorze pièces.

m. Le 13 juillet, A______ a indiqué par écrit à la commission qu’elle autorisait C______ à transmettre les documents mentionnés dans son courrier du 20 juin 2023. Son représentant lirait sa détermination durant l’audition.

n. Le même jour, lors de l’audition de C______ par la commission, A______ était représentée par E______.

C______ a exposé qu’elle n’avait pas d’éléments lui permettant de comprendre la plainte d’A______. Elle avait su qui était l’auteur de la plainte par le mandat de comparution.

E______ a indiqué qu’A______ s’opposait à la levée du secret professionnel de C______ et qu’elle s’était déterminée par écrit. Il a répondu à un appel téléphonique et n’y a pas mis fin malgré les demandes de la commission, si bien que celle-ci a fini par mettre un terme à l’audience.

o. Le 13 juillet 2023, A______ s’est plainte à la commission que E______ n’avait pas été autorisé à lire sa détermination.

p. Le 17 juillet 2023, la commission a demandé à C______ de lui transmettre toutes les pièces qu’elle souhaitait communiquer à la police, notamment celles mentionnées dans son courrier du 20 juin 2023.

q. Le 26 juillet 2023, C______ a transmis à la commission un résumé de sa prise en charge ainsi que les pièces désignées dans son courrier du 20 juin 2023 : notes de soins, courriels échangés avec A______, programmes d’exercices, prescriptions de physiothérapie et compte-rendu échographique.

r. Le 28 juillet, A______ a sollicité un délai pour se déterminer, son conseil et celui de C______ étant en pourparlers.

Le 3 août 2023, la commission a refusé de prolonger le délai.

s. Le 5 août 2023, A______ a adressé à la commission ses déterminations par trois courriels.

Elle déliait C______ du secret professionnel pour la transmission des documents figurant dans son courrier du 20 juin 2023, mais pas pour tout autre document utile à la manifestation de la vérité ni pour les documents postérieurs au 25 juin 2021, car ceux-ci n’étaient pas pertinents et portaient atteinte à sa vie privée et à sa vie sexuelle.

Elle demandait copie de toute la correspondance de la commission avec C______.

t. Le 10 août 2023, la commission lui a répondu que toute la correspondance avec C______ lui avait été transmise depuis qu’elle avait pris copie du dossier.

u. Par décision du 17 août 2023, la commission a levé partiellement le secret professionnel de C______ et l’a autorisée à transmettre à la police judiciaire les informations strictement nécessaires à sa défense, à l’exception de celles concernant la vie privée et sexuelle d’A______.

C______ avait le droit de se défendre de la plainte d’A______. Le principe de proportionnalité commandait d’exclure que soient révélées les pièces concernant la vie privée et sexuelle d’A______.

Le courriel d’A______ du 4 juillet 2023 ne comportait qu’une annexe, soit une copie de son courriel du 8 juin 2023.

Il était pris acte du consentement d’A______ à la transmission des documents figurant dans le courrier du 20 juin 2023 de C______ notes de soins, courriels échangés avec A______, programmes d’exercices, prescriptions de physiothérapie et compte tendu échographique, tels que produits

B. a. Par acte remis au greffe le 28 août 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre cette décision

Le 13 juillet 2023, la commission avait refusé d’entendre la lecture de sa prise de position. C’était après ce refus que E______ avait tenté de la joindre, que la commission avait refusé avant de mettre fin à l’audience. E______ avait refusé de signer le procès-verbal et pris une photographie de celui-ci malgré la « résistance physique » de la membre de la commission

La commission avait ignoré les treize pièces jointes à son courriel du 6 juillet 2023 et ne les avait pas placées dans son dossier tel que consulté par E______ le 11 juillet 2023.

C______ avait transmis des notes de soins « fabriquées a posteriori », soit après qu’elle l’eut interpellée le 26 juin 2021.

La commission avait favorisé C______ en échangeant de la correspondance avec elle.

C______, masseuse-kinésithérapeute semblait « (à vérifier) » avoir déjà abusé ses droits privés en se prononçant sur sa vie privée, psychologique et sexuelle dans son rapport, ce pour quoi elle n’avait aucune compétence.

C______ semblait « (à vérifier) » avoir déjà violé son secret médical. Le centre de Physiothérapie des F______ avait confirmé qu’elle avait eu des échanges à propos de son cas, contre sa volonté, et lui avait indiqué qu’elle recevrait de C______ « les différents échanges avec les médecins dès le 30 juillet », mais elle n’avait jamais rien reçu et ne l’avait jamais autorisée à avoir ces échanges. Les notes indiquaient qu’elle avait exprimé une douleur de 1 à 6 sur 10, alors que le résumé indiquait de 2 à 6 sur 10, ce qui était contradictoire. La notation dans le dessin n’était pas habituelle. Elle avait indiqué une douleur de 2/10 en arrivant à la consultation et de 6/10 après la consultation. Elle ne pouvait pas faire confiance à une physiothérapeute de respecter le secret médical si elle semblait « (à confirmer) » manipuler les documents déjà en sa possession.

Elle donnait son accord pour la transmission des échanges de courriels, des programmes d’exercices, des prescriptions de physiothérapie et du compte-rendu échographique, mais elle refusait son accord pour tout autre document utile à la manifestation de la vérité y compris ceux postérieurs au 25 juin 2021, car cela risquerait de violer le secret médical mais aussi les « remarques fauteuses » de C______ par rapport à sa vie privée et sexuelle qui porteraient atteinte à ses droits civils et donneraient lieu à de nouvelles poursuites pénales.

C______ avait retenu des faits complètement faux en-dehors du champ de son expertise. Elle avait par exemple noté qu’elle était fiancée depuis trois ans alors qu’elle l’était depuis treize ans, et elle était surprise que C______ suggère qu’elle avait plusieurs fiancés. C______ avait noté qu’elle avait grandi dans la peur des hommes, ce qui était faux et allait contre les témoignages de son grand-père, de son père et de son partenaire, et était hors de propos pour une physiothérapeute. C______ avait noté qu’elle avait vécu un harcèlement sexuel, ce qui était faux et contredisait les témoignages de ses collègues. Elle avait encore noté qu’elle avait une « libido très petite », ce qui était faux et contredit par le témoignage de son partenaire, et hors propos.

Elle demandait un délai pour produire des pièces car elle avait subi deux fractures à la main droite.

b. Le 12 octobre 2023, A______ a demandé un délai au 1er novembre 2023 pour produire d’autres documents. Elle se trouvait en Pologne pour recevoir des soins le 14 octobre 2023 et serait en incapacité de travail jusqu’au 28 octobre 2023.

Il apparaît sur l’enveloppe du courrier recommandé que celui-ci a été mis à la poste à Mendrisio le 14 octobre 2023 à 11h15.

c. Le 31 octobre 2023, la commission a conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

Durant l’audition du 13 juillet 2023, C______ expliquait qu’elle ne voyait pas d’éléments lui permettant de comprendre la plainte d’A______ lorsque le téléphone de E______ avait sonné. Ce dernier avait répondu et était resté plusieurs minutes au téléphone sans raccrocher malgré les demandes de la commission. La commission avait d’abord suspendu l’audience puis décidé d’y mettre un terme compte tenu de l’attitude de E______.

La recourante ne disposait pas d’un intérêt à recourir puisque la décision attaquée respectait strictement la limitation qu’elle avait posée et qu’aucune information concernant sa vie privée ou sexuelle ne pouvait être transmise. La recourante avait spontanément consenti à la transmission des documents désignés.

La recourante ne soulevait aucun grief contre la décision, et ses griefs étaient difficiles à comprendre. Cela étant, la décision attaquée respectait les principes d’aptitude, de nécessité et de proportionnalité au sens étroit.

d. Le 17 novembre 2023, A______ a demandé à recevoir copie sur une clé USB de tout le dossier.

e. Le 30 novembre 2023, un exemplaire de la clé USB produite par la commission et contenant le dossier de la recourante a été transmis à celle-ci.

f. Le 1er décembre 2023, A______ a indiqué à la chambre de céans qu’elle n’avait pas reçu le courrier du 30 novembre 2023 et a demandé la prolongation au 21 décembre 2023 du délai pour de déterminer.

g. Il ressort du relevé des envois de la Poste suisse que le courrier 98.41.900053.52607640 remis en recommandé à la poste le 30 novembre 2023 a été retiré au guichet de la poste de Malagnou le 2 décembre 2023 à 11h34.

h. Le 20 décembre 2023, une avocate a annoncé se constituer pour la recourante et a demandé une prolongation du délai pour se déterminer. Sa cliente lui avait indiqué n’avoir pu retirer le courrier que la chambre administrative lui avait envoyé dernièrement.

i. Le 18 janvier 2024, le conseil de la recourante a indiqué que des pourparlers étaient en cours entre A______ et C______ et a demandé la suspension de la procédure pour une durée de trois mois.

j. Le 23 janvier 2024, la commission s’en est rapportée à justice au sujet de la suspension.

k. Le 26 janvier 2024, le juge délégué a ordonné la suspension de la procédure.

l. Le 22 mars 2024, le conseil de C______ a informé la chambre administrative que le conseil de la recourante avait cessé d’occuper le 19 janvier 2024, que les pourparlers étaient rompus et qu’elle demandait la reprise de la procédure.

m. Le 26 mars 2024, le juge délégué a transmis à la recourante une copie de ce courrier et lui a demandé de lui indiquer si elle avait un nouveau conseil, ce qu’il en était des pourparlers et si la procédure pouvait être reprise.

n. Le 9 avril 2024, la recourante a indiqué qu’elle avait informé de son absence la procureure en charge de sa plainte et que celle-ci lui avait répondu qu’elle attendrait jusqu’en juin 2024 pour avoir des nouvelles relatives aux négociations entre les parties.

Elle aurait un nouvel avocat dès le 10 juin 2024. Elle avait été informée qu’elle avait reçu des nouvelles du conseil de C______ alors qu’elle n’était pas joignable durant plusieurs mois et n’était pas en mesure de lui répondre. Elle était ouverte à la possibilité d’accepter les conditions proposées. La procédure ne devait pas être reprise. Son nouveau conseil reprendrait contact avec la chambre de céans dans le courant du mois de juin 2024. Si l’instruction était reprise, un délai au 1er juin devait lui âtre octroyé pour se déterminer.

o. Le 11 avril 2024, le juge délégué a ordonné la reprise de la procédure, compte‑tenu de la rupture des pourparlers et de la nécessité de respecter le principe de célérité.

Ce pli a fait l’objet d’un avis le 12 avril 2024. Le délai de garde a été prolongé le 16 avril 2024 et le pli a été retiré au guichet par E______ le 29 avril 2024.

p. Le 11 avril 2024, un délai au 30 avril 2024, non prolongeable, a été imparti à la recourante pour produire d’éventuelles déterminations.

q. Le 30 avril 2024, la recourante s’est déterminée.

Il était faux que la commission avait délié C______ « partiellement » de son secret médical. Elle avait donné plusieurs fois, y compris dans ses courriers à la chambre administrative, son accord au fait que C______ soit « partiellement » déliée de son secret médical. La problématique était plutôt que la commission l’avait déliée « totalement » de son secret médical. C’était dans ce contexte de remarques écrites de C______ concernant sa vie sexuelle qu’elle ne donnait pas son accord à ce qu’elle soit déliée de son secret pour « toute information qui peut être utile pour établir la vérité », soit la totalité du secret médical.

Elle demandait un délai au 10 mai 2024 pour trouver un nouveau conseil.

Elle recourrait au Tribunal fédéral contre la décision de reprise de la procédure.

r. Le 6 mai 2024, la chambre administrative a prolongé à titre exceptionnel au 10 mai 2024 le délai pour produire une écriture.

s. Par arrêt du 21 mai 2024, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours formé par A______ contre la reprise de la procédure.

t. Le 24 mai 2024, aucune écriture de la recourante ni aucun courrier de constitution d’avocat n’avait été reçu et les parties ont été informées que la procédure était gardée à juger.

u. Il sera revenu en tant que de besoin dans la partie en droit sur les arguments et les pièces produits par les parties.

EN DROIT

1.             Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

L’intimée soutient que le recours serait irrecevable faute pour la recourante de contester matériellement la décision attaquée, à laquelle elle acquiescerait par ailleurs.

1.1 L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours, les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/242/2020 du 3 mars 2020 consid. 2a). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/1628/2019 du 5 novembre 2019 consid. 2b).

1.2 L’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (art. 65 al. 1 LPA). Il contient également l’exposé des motifs, ainsi que l’indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes. À défaut, la juridiction saisie impartit un bref délai au recourant pour satisfaire à ces exigences, sous peine d’irrecevabilité (art. 65 al. 2 LPA).

L’exigence de la motivation au sens de l’art. 65 al. 2 LPA a pour but de permettre à la juridiction administrative de déterminer l’objet du litige qui lui est soumis et de donner l’occasion à la partie intimée de répondre aux griefs formulés à son encontre. Elle signifie que le recourant doit expliquer en quoi et pourquoi il s’en prend à la décision litigieuse. L’exigence de la motivation est considérée comme remplie lorsque les motifs du recours, sans énoncer les conclusions formelles, permettent de comprendre aisément ce que le recourant désire (ATA/172/2024 du 6 février 2024 consid. 1.1 et l'arrêt cité ; ATA/1204/2023 du 7 novembre 2023 consid. 1.2 et les arrêts cités).

Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de juger qu'un arrêt de la chambre administrative déclarant un recours irrecevable au motif que les griefs avancés par le recourant n'étaient pas concrets, examen qui relevait du fond, et non de la recevabilité, violait le droit fédéral, non sans rappeler le caractère peu formaliste de l'exigence de motivation découlant de l'art. 65 al. 2 LPA (arrêt du Tribunal fédéral 1C_477/2012 du 27 mars 2013 consid. 2.2 = SJ 2014 I 22 ; ATA/720/2018 du 10 juillet 2018 consid. 4b ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 810 ad art. 65 LPA).

1.3 En l’espèce, si la recourante n’y conclut pas formellement, on comprend de son recours qu’elle demande l’annulation de la décision attaquée.

Les griefs qu’elle soulève portent sur l’instruction devant la commission (déroulement de l’audition et complétude du dossier), les compétences de C______ et le contenu de ses notes de suite, et enfin la portée de son consentement ainsi que de la décision de la commission. Ce dernier grief portant sur l’objet du litige, soit le bien-fondé de la décision levant partiellement C______ de son secret professionnel, il y a lieu d’entrer en matière sur le recours et de le déclarer recevable.

2.             La recourante se plaint de ce que la commission avait empêché son représentant de lire sa prise de position puis avait mis un terme à l’audition, ce qui constituait une inégalité de traitement des parties. La commission avait en outre omis de verser au dossier des pièces annexées à son courriel du 4 juillet 2023.

2.1 Selon l'art. 19 LPA, l'autorité établit les faits d'office. Elle n'est pas limitée par les allégués et les offres de preuves des parties. À teneur de l'art. 20 al. 1 LPA, l'autorité réunit les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties. Elle recourt s'il y a lieu aux moyens de preuve énumérés à l'art. 20 al. 2 LPA, notamment au moyen de documents (let. a).

2.2 Le droit d'être entendu garanti par les art. 29 al. 2 Cst. et 41 LPA comprend notamment le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves pertinentes quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités). Le droit de consulter le dossier, déduit de l'art. 29 al. 2 Cst., s'étend à toutes les pièces décisives figurant au dossier et garantit que les parties puissent prendre connaissance des éléments fondant la décision et s'exprimer à leur sujet (ATF 142 I 86 consid. 2.2 ss ; 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 I 85 consid. 4.1 ; 125 II 473 consid. 4c.cc ; 121 I 225 consid. 2a).

Ce droit ne s’étend qu’aux éléments pertinents pour l’issue du litige et n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3).

Le recours à la chambre administrative ayant un effet dévolutif complet, celle-ci dispose d'un libre pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 61 LPA). Celui-ci implique la possibilité de guérir une violation du droit d'être entendu, même si l'autorité de recours n'a pas la compétence d'apprécier l'opportunité de la décision attaquée (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral du 12 mai 2020 8C_257/2019 consid. 2.5 et les références citées), sous réserve que ledit vice ne revête pas un caractère de gravité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_541/2017 du 14 mai 2018 consid. 2.5 ; ATA/872/2022 du 30 août 2022 consid. 4c ; ATA/447/2021 du 27 avril 2021 consid. 6c). La réparation d'un vice de procédure en instance de recours peut se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; ATA/1194/2019 du 30 juillet 2019 consid. 3c).

2.3 En l’espèce, la commission soutient que le courriel du 4 juillet 2023 ne comportait en annexe qu’une copie du courriel de la recourante du 8 juin 2023. La recourante n’a produit ni une copie de son courriel du 4 juillet 2023 qui mentionnerait les annexes, ni une copie de ces annexes, et n’indique d’ailleurs pas en quoi consisteraient celles-ci. Elle échoue ainsi à rendre vraisemblable que la commission aurait omis de tenir compte de pièces ou de les verser au dossier, étant observé qu’une éventuelle omission de la commission serait sans effet sur le sort du litige, ainsi qu’il sera vu plus loin.

La commission a exposé avoir mis un terme à l’audition lorsque le représentant de la recourante a refusé de mettre fin à sa conversation téléphonique, et ce avant qu’il ait été question pour E______ de lire à haute voix la détermination de la recourante. Quoi qu’il en soit, il aurait été loisible à la commission de ne pas autoriser la lecture à haute voix lors de l’audition d’une prise de position détaillée dès lors qu’elle l’avait déjà reçue par écrit de la part de la recourante le matin même. La recourante a ainsi pu, en son absence, exposer sa détermination de manière détaillée et par écrit. La commission a pris en compte cette détermination dans la décision attaquée. L’interruption de l’audition, quelque fondée qu’elle ait été, n’a ainsi porté aucune atteinte au droit d’être entendue de la recourante et n’a, partant, pas pu créer d’inégalité de traitement entre les parties.

Les griefs seront écartés.

3.             La recourante adresse un certain nombre de critiques aux notes de C______. Elle soutient notamment qu’elles auraient été produites a posteriori et ad hoc et qu’elles contiendraient de nombreuses inexactitudes, dont elle semble vouloir obtenir la rectification.

Ces griefs sont exorbitants à l’objet du litige, qui est de savoir quels documents C______ est autorisée à transmettre à la police et non pas d’examiner la véracité de ceux-ci. Ils sont donc irrecevables.

4.             La recourante reproche enfin à la commission d’avoir en pratique ordonné la levée totale du secret professionnel de C______.

4.1 Selon l'art. 321 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), les médecins qui auront révélé un secret à eux confié en vertu de leur profession ou dont ils avaient eu connaissance dans l'exercice de celle-ci, seront, sur plainte, punis d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (ch.1) ; la révélation ne sera pas punissable si elle a été faite avec le consentement de l'intéressé ou si, sur la proposition du détenteur du secret, l'autorité supérieure ou l'autorité de surveillance l'a autorisée par écrit (ch. 2) ; demeurent réservées les dispositions de la législation fédérale et cantonale statuant une obligation de renseigner une autorité ou de témoigner en justice (ch. 3).

Le secret médical couvre tout fait non déjà rendu public, communiqué par le patient à des fins de diagnostic ou de traitement, mais aussi des faits ressortissants à la sphère privée de ce dernier révélés au médecin en tant que confident et soutien psychologique (ATA/714/2018 du 10 juillet 2018 et les références citées).

En droit genevois, l'obligation de respecter le secret professionnel est rappelée à l'art. 86 al. 1 la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03). Elle est le corollaire du droit de toute personne à la protection de sa sphère privée, garanti par les art. 13 Cst. et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

Aux termes de l'art. 86 LS, une personne tenue au secret professionnel peut en être déliée par le patient ou, s'il existe de justes motifs, par l'autorité supérieure de levée du secret professionnel (al. 2) ; sont réservées les dispositions légales concernant l'obligation de renseigner une autorité ou de témoigner en justice (al. 3).

Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après : CourEDH), le respect du caractère confidentiel des informations de santé est capital non seulement pour protéger la vie privée des malades, mais également pour préserver leur confiance dans le corps médical et les services de santé en général. La législation interne doit ménager des garanties appropriées pour empêcher toute communication ou divulgation des données à caractère personnel relatives à la santé qui ne serait pas conforme à l'art. 8 CEDH, garantissant le droit au respect de la vie privée et familiale. Ainsi, le devoir de discrétion est unanimement reconnu et farouchement défendu (ACEDH Z. M.S. c/Suède du 27 août 1997, cité in Dominique MANAÏ, Droits du patient face à la biomédecine, 2013, p. 138 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 4C.111/2006 du 7 novembre 2006 consid. 2.3.1).

4.2 Comme tout droit découlant d'une liberté publique, le droit à la protection du secret médical peut, conformément à l'art. 36 Cst., être restreint moyennant l'existence d'une base légale (al. 1), la justification par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui (al. 2) et le respect du principe de la proportionnalité, par rapport au but visé (al. 3).

La base légale pouvant fonder la restriction est, en cette matière, constituée par l'art. 321 ch. 2 CP et par l'art. 86 al. 2 LS. L'autorité supérieure au sens de ces deux dispositions est, conformément à l'art. 12 al. 1 LS, la commission, qui, bien que rattachée administrativement au département chargé de la santé (art. 12 al. 6 LS), exerce en toute indépendance les compétences que la LS lui confère (art. 12 al. 7 LS).

4.3 Une décision de levée du secret professionnel doit, en l'absence d'accord du patient, se justifier par la présence de « justes motifs » (art. 86 al. 2 LS). Les intérêts du patient ne peuvent pas constituer un « juste motif » de levée du secret, si ce dernier n'a pas expressément consenti à la levée du secret le concernant (ATA/11/2018 du 9 janvier 2018 consid. 6a ; ATA/202/2015 du 24 février 2015 consid. 6). La notion de justes motifs se réfère donc uniquement à l’existence d’un intérêt public prépondérant, tel que le besoin de protéger le public contre un risque hétéro-agressif ou à la présence d’un intérêt privé de tiers dont le besoin de protection serait prépondérant à celui en cause, conformément à l’art. 36 Cst. (ATA/11/2018 précité ; ATA/1006/2017 du 27 juin 2017).

4.4 En l’espèce, la recourante explique comprendre que la commission a en pratique ordonné la levée complète du secret professionnel de sa physiothérapeute.

Tel n’est cependant pas le cas. La commission a en effet décidé de « lever partiellement [ce mot est souligné] le secret professionnel de Madame C______. Ainsi, elle l’autorise à transmettre des informations strictement nécessaires à sa défense à la Police judiciaire concernant Madame A______, à l’exception [ces deux derniers mots sont soulignés] de celles qui concernent la vie privée et la vie sexuelle de cette dernière. »

Ce dispositif est dénué de toute ambiguïté. Il ne peut être compris que comme excluant par exemple la transmission, dans le bilan du 8 février 2021 mentionné par C______ le 20 juin 2023 et transmis le 26 juillet 2023, des quatre lignes au milieu de la première page commençant par « A 1 fiancé[…] », ainsi bien entendu que toute évocation orale de ces éléments ayant trait à la vie sexuelle et privée de la recourante.

C______ a d’ailleurs acquiescé durant l’instruction devant la commission à la demande de ne pas évoquer la vie privée et sexuelle de la recourante. Ses déclarations à la police seront accessibles le moment venu à la recourante compte tenu de sa qualité de plaignante, et il lui sera alors loisible de s’assurer que la décision de la commission a été respectée.

La recourante ne conteste pas pour le surplus que C______, à laquelle elle reproche une faute professionnelle pouvant être qualifiée pénalement, doive pouvoir pour se défendre évoquer les troubles qu’elle a été chargée de soigner, le traitement qu’elle a proposé, celui qu’elle a appliqué, ses effets et sa relation en général avec sa patiente. Elle y consent même à plusieurs reprises, en dernier lieu dans son recours, indiquant quels documents peuvent être transmis. Ce faisant, elle reconnait l’existence d’un intérêt privé d’un tiers dont le besoin de protection est prépondérant et qui justifie une atteinte au secret médical.

Elle s’oppose toutefois à la transmission de documents postérieurs au 25 juin 2021. Elle n’explique cependant pas pourquoi ceux-ci devraient être soustraits de la transmission, et notamment en quoi leur transmission constituerait une atteinte disproportionnée au secret médical. Elle se borne à évoquer des erreurs factuelles dans le compte-rendu détaillé. Or, celles-ci concernent précisément les quatre lignes ayant trait à sa vie sexuelle, et dont la transmission comme l’évocation sont exclues. La recourante n’explique pas en quoi les autres notes et documents, même établis postérieurement au 25 juin 2021 mais portant sur le traitement, de même d’ailleurs que sa correspondance avec C______, ne seraient pas pertinents pour instruire le bien-fondé de sa plainte pénale. Il apparaît au contraire qu’ils doivent pouvoir être évoqués par cette dernière et que leur transmission ne viole pas le principe de la proportionnalité.

C’est ainsi de manière entièrement conforme à la loi que la commission a autorisé la production et l’évocation de tout document, même postérieur au 25 juin 2021, à l’exclusion de tout renseignement sur la vie sexuelle ou privée de la recourante, afin de permettre à C______ de se défendre des reproches de cette dernière.

Le grief sera écarté.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 août 2023 par A______ contre la décision de la commission du secret professionnel du 17 août 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à la commission du secret professionnel.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean - Marc VERNIORY, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. MARMY

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :