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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1406/2024

ATA/640/2024 du 28.05.2024 ( PROF ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1406/2024-PROF ATA/640/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 mai 2024

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

COMMISSION DU BARREAU intimée



EN FAIT

A. a. A______ est inscrit au registre cantonal des avocats dans le canton de Genève et exerce en cette qualité, en indépendant, depuis 2004.

b. Il a fait l’objet d’un avertissement en 2014.

B. a. Le 16 avril 2021, B______ a mandaté A______ dans le cadre d’une procédure en mesures protectrices de l’union conjugale.

b. Le 30 mai 2023, il a dénoncé A______ à la commission du barreau (ci‑après : la commission). Il avait versé CHF 800.- pour l’ouverture du dossier le 24 avril 2021, CHF 700.- le 6 septembre 2021 et CHF 2'500.- le 6 décembre 2021. Il avait déposé tous les documents demandés. Son conseil n’avait « pas fait grand‑chose » depuis cette date. Chaque fois qu’il avait contacté l’étude, il lui avait été répondu que son avocat attendait la réponse du mandataire de la partie adverse. À sa grande surprise, on lui avait annoncé en avril 2023 que son dossier avait été perdu. Il s’agissait d’une faute professionnelle grave. Il souhaitait l’intervention de la commission aux fins qu’une explication tangible soit donnée sur sa situation et la « restitution de tous ses frais ».

c. Interpellé par la commission en vue d’une clarification de sa requête, le mandant a précisé que son litige portait sur deux points : d’une part, la lenteur de l’affaire et la disparition du dossier, d’autre part, le remboursement des honoraires versés. Le premier point relevait de la commission du barreau.

d. L’avocat a contesté toute faute. Il a précisé que, le 16 avril 2021, son client souhaitait résilier le mandat de son précédent conseil. Il avait reçu son dossier quelques jours plus tard. Il était volumineux et contenait un projet de requête en mesures protectrices de l’union conjugale daté du mois de février 2020 ainsi qu’une requête du même mois. Il avait eu plusieurs contacts avec l’avocat de l’épouse de son client afin d’examiner les possibilités de trouver un accord. Il avait toutefois été convenu, notamment compte tenu du temps écoulé depuis la séparation des époux, qu’il était plus réaliste et efficient de déposer, avec l’accord des parties, une convention de divorce sur requête commune, les intéressés souhaitant également liquider leur régime matrimonial. Lors d’un entretien du 25 novembre 2021, il avait sollicité de son client l’apport de tous les documents nécessaires à la liquidation du régime matrimonial, notamment en lien avec leur bien au Portugal. Le client, s’absentant pour quelques mois au Maroc, lui avait indiqué qu’il reprendrait contact à son retour, soit fin janvier 2022.

Il s’était alors « retrouvé brutalement en arrêt maladie pendant une période de longue durée jusqu’au mois de septembre 2022 ».

Contrairement à ce que soutenait le client, son dossier n’avait jamais été perdu. La secrétaire ne l’avait toutefois pas immédiatement trouvé lorsqu’elle avait eu le client au téléphone. Cette situation était due au récent déménagement de l’étude. Il joignait une photo confirmant que le dossier concerné était toujours à disposition du client et son caractère volumineux. Il était curieux, compte tenu des motifs invoqués, que le client se plaigne du retard pris dans le traitement de son dossier alors qu’il avait attendu plus d’une année pour se manifester. Il ne ressortait ainsi pas des faits exposés que le client aurait été traité différemment des autres mandants de l’étude.

« Les retards accumulés résultaient non seulement du dossier lui-même, suffisamment complexe pour avoir entraîné plusieurs échanges d’écritures entre les parties, mais également de la propre personne concernée (réception différée des documents originaux du Maroc en vue de la liquidation du régime matrimonial des époux et compte tenu du voyage du demandeur au Maroc pendant plusieurs mois) ainsi que d’un malheureux concours de circonstances (état d’épuisement du soussigné entraînant un arrêt de travail de longue durée, diverses interventions et actes médicaux, déménagement de l’étude, etc.) à l’évidence malvenue mais n’entraînant en aucun cas une responsabilité du soussigné dans le retard pris dans le traitement du dossier ».

e. Le 13 juillet 2023, l’avocat a transmis au client une note d’honoraires.

Elle ne comprend pas d’activité entre le 27 janvier 2022, date d’un entretien (15 minutes) avec le client et l’étude (25 minutes), des documents transmis, et le 13 avril 2023 où sont facturés deux entretiens téléphoniques de dix minutes avec le client. Suit, le 13 juillet 2023, l’établissement de la note d’honoraires, facturée 20 minutes, et la lettre d’accompagnement de 20 minutes aussi.

f. En séance plénière du 15 janvier 2024, la commission a décidé l’ouverture formelle d’une procédure disciplinaire contre l’avocat.

g. Ce dernier a contesté tout manquement. Le dossier n’avait jamais été perdu mais avait fait l’objet d’un mauvais classement lors du déménagement. Sa secrétaire avait uniquement indiqué au client par téléphone qu’elle ne retrouvait pas le dossier. Le client ne l’avait par ailleurs jamais réclamé. Celui-ci n’avait subi aucun préjudice en lien avec la prétendue lenteur prise dans son traitement. Le retard « s’expliquait, pour une partie non négligeable, par le retard pris par le dénonciateur lui-même à transmettre les documents nécessaires à la poursuite du dossier, par une succession d’empêchements sur le plan médical (soit, un burn-out dû à un état d’épuisement généralisé, une intervention chirurgicale avec convalescence de plusieurs semaines, une radiothérapie dans le cas d’une récidive, etc.) ainsi que par un déménagement de l’étude (avec les conséquences rattachées) au mois de mars 2023 ». Le litige sur les honoraires ne relevait pas de la compétence de la commission.

h. Par décision du 11 mars 2024, la commission a constaté que l’avocat avait violé l’art. 12 let. a de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61), lui a infligé un blâme et a dit que le délai de radiation était de cinq ans après son prononcé.

Il était établi, par la note d’honoraires, deux périodes d’inactivité. Si la première était apparemment justifiée par l’attente des documents que le client devait réunir, tel n’était pas le cas de la seconde, longue de près de 18 mois. L’avocat admettait qu’il ne s’était pas occupé du dossier mais expliquait que la cause résidait dans son état de santé gravement déficient et au déménagement de son cabinet. Son atteinte à la santé ne le libérait pas de ses obligations à l’égard de sa clientèle. Un avocat ne pouvait accepter un mandat ou le poursuivre que s’il était en mesure de le faire. Tel n’était pas le cas, du propre aveu de l’intéressé. Il lui incombait de prendre les mesures nécessaires afin que le dossier du dénonciateur soit suivi par un confrère, quitte à saisir, au besoin, la commission d’une requête tendant à la désignation d’un suppléant. À tout le moins, il aurait dû contacter le dénonciateur pour lui exposer la situation afin qu’il puisse décider de confier ses intérêts à un autre avocat ou accepter en toute connaissance de cause que le traitement de son dossier demeure en suspens durant plusieurs mois. En ne le faisant pas, l’avocat avait violé de manière significative son obligation de diligence. Le déménagement étant intervenu au mois de mars 2023, il n’expliquait pas l’inactivité antérieure. En tout état, il appartenait au mandataire de s’organiser de façon à ce que sa logistique ne paralyse pas son activité.

La question de la perte du dossier était laissée ouverte. Le client avait toutefois nécessairement subi un préjudice du simple fait que le traitement de son affaire n’avait pas avancé durant plusieurs mois. L’avocat ne pouvait se défausser de sa responsabilité au motif que son mandant n’avait qu’à le relancer.

En ne s’occupant pas d’un dossier pendant 18 mois sans l’assentiment éclairé du client, ou en ne veillant pas à ce qu’un autre avocat s’en charge vu sa propre indisponibilité, l’intéressé avait significativement violé son obligation de diligence. Cette faute était mitigée par le fait qu’il était gravement atteint dans sa santé, ce qui avait pu influer sur sa capacité à prendre les bonnes décisions, mais aggravée par l’absence totale de prise de conscience. En effet, alors même qu’il n’indiquait pas être toujours incapable de travailler et que la dénonciation aurait dû l’amener à considérer la situation selon la perspective du client délaissé, il s’était retranché derrière le fait qu’il n’était pas responsable de ses maladies et avait déménagé, non sans reprocher au client de ne pas l’avoir relancé, ce tout en s’empressant de lui adresser une note d’honoraires, sans un mot d’explication, ni, a fortiori, de regrets.

Il était inscrit au registre des avocats depuis plus de 24 ans et avait fait l’objet d’un avertissement en 2014. Vu son ancienneté, ce dernier avait été radié, de sorte qu’il ne pouvait en être tenu compte en défaveur de l’avocat. À l’inverse, il ne pouvait être retenu en sa faveur que sa longue carrière serait exempte de sanction disciplinaire. Au regard de l’ensemble des circonstances, un avertissement ne pouvait entrer en considération, le cas n’étant pas bénin. Une amende serait excessivement sévère. Un blâme lui était donc infligé.

C. a. Par acte du 25 avril 2024, A______ a interjeté recours contre cette décision devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu à son annulation.

Son état de santé n’avait pas eu d’influence sur le traitement de ses dossiers, qu’il avait continué à suivre avec diligence. Lors de l’appel du client, tous les cartons employés lors du déménagement n’avaient pas encore été rangés. Le client n’avait d’ailleurs toujours pas pris contact avec lui pour récupérer son dossier, qui restait à sa disposition. Il avait été traité de la même manière que ses autres mandants. Le retard résultait surtout de l’absence du client à l’époque. Pendant plusieurs mois, il ne lui avait pas donné de nouvelles et avait tardé à lui transmettre les pièces nécessaires. Le mandant n’avait montré que peu d’intérêt au traitement de son dossier et était malvenu de se plaindre, plusieurs mois après, du retard pris dans le traitement de celui-ci. Le temps passé n’avait, en l’espèce, causé aucun préjudice au concerné.

La commission avait mal établi les faits. Il n’avait aucunement admis qu’il ne s’était pas occupé de ses dossiers. Elle avait de même retenu à tort que le client aurait, du simple fait que le traitement de son affaire n’aurait pas avancé durant plusieurs mois, nécessairement subi un préjudice. Or, le simple écoulement du temps ne pouvait amener la commission à une telle conclusion. Pour le surplus, le dénonciateur ne se prévalait d’aucun dommage dû au retard pris dans la procédure avec son épouse en Suisse, un divorce ayant finalement été prononcé au Maroc.

Il n’était pas contesté par le dénonciateur qu’entre le 29 septembre 2021 et le 27 janvier 2022, aucune prestation n’avait été effectuée, le client étant en déplacement à l’étranger.

Les entretiens téléphoniques avec le client en avril 2023 étaient intervenus alors que l’avocat n’avait plus de nouvelles de celui-là depuis plusieurs mois. Le client, qui avait manifestement entrepris des démarches en vue de divorcer au Maroc, ne s’était plus manifesté auprès de l’étude. Il n’était pas possible d’affirmer, contrairement à ce qu’avait fait la commission, que le traitement du dossier aurait causé un dommage. L’examen de l’éventualité d’un divorce à l’étranger avait été abordé notamment lors d’un entretien à l’étude. De surcroît, le fait que le client ait estimé l’avancement de son dossier comme insuffisamment rapide ne pouvait en aucun cas être assimilé à un manquement significatif aux devoirs de la profession. L’interprétation faite par la commission de l’art. 12 let. a LLCA était arbitraire.

Au vu des circonstances, le prononcé d’un blâme constituait un excès respectivement un abus du pouvoir d’appréciation de la commission. La sanction n’était pas justifiée et devait être annulée.

b. Le 6 mai 2024, la commission a conclu au rejet du recours, se référant à sa décision.

c. Sur ce, les parties ont été informées, le 7 mai 2024, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige a pour objet le blâme prononcé par la commission à l’encontre du recourant pour violation de l’art. 12 let. a LLCA.

Le recourant conteste avoir contrevenu aux dispositions susmentionnées.

2.1 Aux termes de l’art. 12 let. a LLCA, l’avocat exerce sa profession avec soin et diligence.

L’avocat autorisé à pratiquer doit respecter les règles professionnelles énoncées aux art. 12 et 13 LLCA. Ces règles professionnelles sont des normes destinées à réglementer, dans l’intérêt public, la profession d’avocat, afin d’assurer son exercice correct et de préserver la confiance du public à l’égard des avocats (ATF 135 III 145 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_124/2022 du 26 avril 2022 consid. 4.1.1).

L’art. 12 let. a LLCA constitue une clause générale qui permet d’exiger de l’avocat qu’il se comporte correctement dans l’exercice de sa profession et qu’il s’abstienne de tout ce qui pourrait mettre en cause la fiabilité de celle-ci. Le devoir de diligence de l’avocat ne se limite pas aux rapports professionnels de celui-ci avec ses clients, mais comprend aussi les relations avec les confrères et les autorités ainsi qu’avec le public (ATF 144 II 473 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_137/2023 du 26 juin 2023 consid. 7.1). L’art. 12 let. a LLCA suppose l’existence d’un manquement significatif aux devoirs de la profession, qui n’a toutefois pas à atteindre un haut seuil de gravité pour être sanctionné (ATF 148 I 1 consid. 12.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_137/2023 précité consid. 7.1).

2.2 La LLCA définit de manière exhaustive les règles professionnelles auxquelles les avocats sont soumis. Les règles déontologiques conservent toutefois une portée juridique en permettant de préciser ou d’interpréter les règles professionnelles, dans la mesure où elles expriment une opinion largement répandue au plan national (ATF 136 III 296 consid. 2.1). Dans le but d'unifier les règles déontologiques sur tout le territoire de la Confédération, la Fédération suisse des avocats a édicté le Code suisse de déontologie (ci-après : CSD ; consultable sur http://www.sav-fsa.ch, entré en vigueur le 1er juillet 2023 et ayant abrogé celui précédemment en vigueur depuis le 1er juillet 2005).

À teneur de l’art. 6 CSD, l’avocat exerce sa profession avec soin et diligence, en se conformant à l’ordre juridique. Il s’abstient de tout comportement susceptible de mettre en cause la confiance mise en lui. L’avocat fait en sorte d’être disponible. Il informe ses clients de l’évolution du mandat.

L’avocat fait en sorte qu’en cas de perte de sa capacité d’exercer, en particulier en cas de perte de l’exercice des droits civils, ou à son décès, les intérêts de ses clients et le secret professionnel soient sauvegardés (art. 10 CSD).

2.3 En cas d’empêchement majeur, d’absence prolongée, de maladie grave ou de décès, ainsi qu’en cas d’interdiction, temporaire ou définitive, de pratiquer, la sauvegarde des intérêts des clients doit être confiée à un autre avocat inscrit au registre cantonal, qui est désigné par l’avocat intéressé avec l’accord du président de la commission du barreau ou, à défaut, par ledit président, après consultation de cet avocat ou de sa famille (art. 9 al. 1 de la loi sur la profession d’avocat du 26 avril 2002 [LPAv - E 6 10]).

2.4 En l’espèce, dans un premier grief, le recourant considère que la commission a mal établi les faits. Il conteste avoir admis qu’il ne se serait pas occupé de ses dossiers entre le 27 janvier 2022 et le 13 juillet 2023.

Force est toutefois de constater que dans ses écritures du 4 février 2024, s’il a relevé que le mandant n’arguait d’aucun dommage imputable à l’étude du fait d’un prétendu retard, ce dernier s’expliquait par trois facteurs, soit l’attitude du dénonciateur lui-même, l’état de santé de l’avocat et le déménagement. Il a détaillé, avoir fait l’objet d’un burn-out dû à un état d’épuisement généralisé, une intervention chirurgicale avec convalescence de plusieurs semaines, une « radiothérapie dans le cas d’une récidive » et fait mention d’un « etc. », laissant supposer qu’il avait rencontré d’autres difficultés médicales.

Il est en conséquence établi que le recourant a été absent de l’étude pour raisons de maladie à plusieurs reprises dont une fois pour une période qu’il qualifie lui-même de longue en raison d’un « burn-out dû à un état d’épuisement généralisé ».

L’intéressé ne donne aucun renseignement sur l’organisation qu’il aurait mise en place pendant ces périodes d’incapacité de travail. Il n’indique pas qu’elles auraient été partielles et précise qu’en tous les cas la première a été longue. Il ne fait pas mention d’un confrère qu’il aurait sollicité pour gérer ses dossiers en son absence. Seuls deux avocats stagiaires sont mentionnés sur le papier à en-tête de son étude sous réserve d’un avocat conseil à C______ et d’un correspondant à Paris. Le recourant admet lui-même que son état médical a été un facteur de retard dans le traitement de ce dossier.

En conséquence, la commission n’a pas mal établi les faits en retenant que l’avocat avait admis ne pas s’être occupé de ses dossiers pendant une certaine période.

2.5 Dans un second grief, le recourant se plaint d’une violation de l’art. 12 let. a LLCA.

La période entre le 29 septembre 2021 et le 27 janvier 2022 n’est pas litigieuse.

La commission a retenu une faute dans le fait que l’avocat ait été absent plusieurs mois, sans l’assentiment éclairé du client ou sans veiller à ce qu’un autre avocat se charge du suivi de ses dossiers. Au vu des déclarations du recourant qui, conformément à ce qui précède, a admis ne pas s’être occupé de ses dossiers pendant une certaine période, l’existence d’une faute est établie.

Elle a par ailleurs dûment tenu compte du fait que la faute était mitigée par le fait que l’avocat était gravement atteint dans sa santé, ce qui avait pu influer sur sa capacité à prendre les bonnes décisions, mais aggravée par l’absence totale de prise de conscience. Ce raisonnement ne prête pas flanc à la critique. Le recourant admet une longue incapacité de travail et le retard, induit notamment par son état de santé, sur la gestion de ses dossiers. Il ne fait par ailleurs pas mention de dispositions prises en faveur de sa clientèle dans cette situation.

C’est dès lors à juste titre que la commission a considéré que le recourant avait contrevenu à son obligation de diligence au sens de l’art. 12 let. a LLCA.

3.             Le recourant conteste la proportionnalité de la sanction qui lui a été infligée.

3.1 Selon l’art. 17 al. 1 LLCA, en cas de violation de la LLCA, l’autorité de surveillance peut prononcer des mesures disciplinaires, soit l’avertissement (let. a), le blâme (let. b), une amende de CHF 20'000.- au plus (let. c), l’interdiction temporaire de pratiquer pour une durée maximale de deux ans (let. d) ou l’interdiction définitive de pratiquer (let. e). L’amende peut être cumulée avec une interdiction de pratiquer (art. 17 al. 2 LLCA). Si nécessaire, l’autorité de surveillance peut retirer provisoirement l’autorisation de pratiquer (art. 17 al. 3 LLCA). L’avertissement, le blâme et l’amende sont radiés du registre cinq ans après leur prononcé (art. 20 al. 1 LLCA).

L’avertissement est la sanction prévue la moins grave et est réservée aux cas bénins. Le blâme est destiné à sanctionner des manquements professionnels plus graves et doit apparaître comme suffisant pour ramener l’avocat à ses devoirs et l’inciter à se comporter de manière irréprochable, conformément aux exigences de la profession (ATA/213/2022 du 1er mars 2022 consid. 6a et les références citées).

3.2 La loi reconnaît à l’autorité compétente en matière disciplinaire une marge d’appréciation dans la détermination de la sanction prononcée, que la chambre administrative ne censure qu’en cas d’excès ou d’abus (ATA/479/2023 du 9 mai 2023 consid. 4.1.2). L’autorité doit néanmoins toujours respecter les principes de l’égalité de traitement, de la proportionnalité et de l’interdiction de l’arbitraire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_137/2023 précité consid. 9.1).

L’autorité tiendra notamment compte de la gravité de la faute commise, des mobiles et des antécédents de son auteur, ou encore de la durée de l’activité répréhensible. Elle pourra également prendre en considération, suivant les cas, des éléments plus objectifs extérieurs à la cause, comme l’importance du principe de la règle violée ou l’atteinte portée à la dignité de la profession. Elle devra enfin tenir compte des conséquences que la mesure disciplinaire sera de nature à entraîner pour l’avocat, en particulier sur le plan économique, ainsi que des sanctions ou mesures civiles, pénales ou administratives auxquelles elle peut s’ajouter (ATA/479/2023 précité consid. 4.1.2).

3.3 Dans sa jurisprudence, la chambre administrative a confirmé le blâme prononcé à l’encontre d’une avocate (sans antécédents) ayant facturé à sa cliente des honoraires non retenus par l’assistance juridique et ayant procédé à une compensation sans l’accord de sa cliente, dont elle connaissait la situation précaire, celle-ci suivant un plan de désendettement (ATA/395/2015 du 28 avril 2015 consid. 6f). Elle a également confirmé le blâme sanctionnant l’avocat (sans antécédents) qui avait omis d’entreprendre les démarches pour que sa cliente, pour qui il avait déjà obtenu l’assistance juridique dans le passé, bénéficie de celle-ci pour une autre procédure, omis d’en demander l’extension et avait procédé à une brusque compensation de ses honoraires avec des montants recouvrés pour sa cliente (ATA/288/2014 du 29 avril 2014 consid. 5e). Elle a encore confirmé le blâme infligé à l’avocat (sans antécédents) qui s’était exprimé dans le cadre d’une procédure d’arbitrage dans laquelle il avait rappelé chronologiquement les conventions fiduciaires successives résultant de son activité d’avocat sans en avoir préalablement requis l’accord de l’ensemble de ses mandants pour ce faire, en violation de son secret professionnel (ATA/837/2018 du 21 août 2018 consid. 8, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 2C_879/2018 précité consid. 3.3). Plus récemment, elle a confirmé le prononcé d’un blâme dans le cas d’un avocat ayant été condamné pénalement pour diffamation et injure. Elle a considéré que le choix de ladite sanction, compte tenu de la gravité de la faute, des circonstances particulières du cas, soit notamment le fait que les actes reprochés avaient eu lieu dans le cadre de l’exercice de la profession d’avocat, ne constituait ni un excès ni un abus du pouvoir d’appréciation (ATA/812/2021 du 10 août 2021 consid. 15, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 2C_712/2021 du 8 novembre 2022 consid. 8.2). La chambre administrative a confirmé un blâme à l’encontre d’un avocat qui avait contrevenu aux art. 12 let. a et 13 LLCA en saisissant directement le greffe de l’assistance juridique de la demande de relief de son mandat d’office et en lui exposant les motifs et pièces pour lesquels il présentait sa demande (ATA/200/2024 du 13 février 2024).

La chambre administrative a confirmé l’avertissement infligé à un avocat ayant transgressé l’art. 12 let. a LLCA en refusant de retirer la poursuite qu’il avait introduite contre son ancien client alors que ce dernier avait renoncé à la prescription (ATA/820/2016 du 4 octobre 2016 consid. 10, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 2C_1060/2016 du 13 juin 2017 consid. 4.3) ou encore en produisant en justice un moyen de preuve qu’il savait illégal (ATA/1405/2017 du 17 octobre 2017 consid. 4, confirmé par l’ATF 144 II 473). Elle a également confirmé l’avertissement prononcé à l’encontre d’un avocat qui avait manqué à ses obligations professionnelles en produisant en justice des pièces émanant d’un confrère et protégées par une obligation de confidentialité (ATA/213/2022 du 1er mars 2022 consid. 7, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 2C_209/2022 du 22 novembre 2022 consid. 4.3).

3.4 En l’espèce, la commission a dûment motivé le choix de la sanction, retenant qu’un avertissement n’était pas suffisant compte tenu de la gravité de la faute et qu’une amende serait disproportionnée.

La commission indique ne pas pouvoir tenir compte de l’avertissement au vu de son ancienneté et du fait qu’il a été radié. Cependant, mentionner qu’ « à l’inverse, il ne peut être retenu en sa faveur que sa longue carrière serait exempte de sanction disciplinaire » revient de facto à tenir compte de l’avertissement. Le raisonnement de la commission ne peut être suivi sur ce point.

Toutefois, c’est à juste titre que l’autorité intimée a retenu que la faute du recourant était grave. L’absence de prise de mesures pendant une longue incapacité de travailler a un impact sur la gestion de tous les dossiers. La situation a par ailleurs duré manifestement plusieurs mois. La question du statut des stagiaires souffrira de rester indécise en l’état, la commission n’ayant pas fait mention de cette problématique. L’autorité n’a en conséquence pas abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant que le cas n’était pas bénin et qu’en conséquence un avertissement n’apparaissait pas suffisant. La sanction infligée, soit un blâme, est justifiée tant dans son principe que dans le choix de la mesure disciplinaire.

La durée du délai de radiation est en outre conforme à l’art. 20 al. 1 LLCA.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 avril 2024 par A______ contre la décision de la commission du barreau du 11 mars 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu’à la commission du barreau.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Claudio MASCOTTO, Michèle PERNET, juges.

 


Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. MICHEL

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :