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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2345/2022

ATA/1234/2022 du 06.12.2022 sur JTAPI/868/2022 ( AMENAG ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2345/2022-AMENAG ATA/1234/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 décembre 2022

3ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OCEN

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 août 2022 (JTAPI/868/2022)


EN FAIT

1) Par décision du 17 juin 2022, le département du territoire (le département) a refusé d’accorder à Monsieur A______ une subvention pour l’installation d’une pompe à chaleur.

2) Par acte du 14 juillet 2022, M. A______ a interjeté recours à l’encontre de cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

3) Par courrier recommandé du 19 juillet 2022, expédié à l’adresse privée de M. A______, le TAPI lui a imparti un délai échéant le 18 août 2022 pour procéder au paiement d’une avance de frais de CHF 700.-, sous peine d’irrecevabilité de son recours.

Cette lettre a été retournée au TAPI le 2 août 2022 avec la mention « non réclamé ».

4) Par jugement du 30 août 2022, notifié le lendemain, le TAPI a déclaré le recours irrecevable et mis un émolument de CHF 250.- à la charge de M. A______.

La demande d’avance de frais avait été correctement acheminée et il ne l’avait pas retirée au terme du délai de garde de 7 jours. Cette demande avait donc été notifiée de manière régulière le dernier jour du délai de garde, le 27 juillet 2022, de sorte que l’intéressé était réputé en avoir pris connaissance à cette date. L’avance de frais n’avait pas été effectuée dans le délai imparti, raisonnable au sens de la loi.

5) M. A______ s’est, par acte expédié à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 30 septembre 2022, opposé à la décision du département du 17 juin 2022 et à la « décision » de refus de son recours du 30 août 2022.

Il avait, en substance, effectué toutes les démarches nécessaires auprès de son chauffagiste, lequel avait omis d’annoncer le chantier 30 jours à l’avance, ce qui le pénalisait lourdement et injustement.

Il était à l’étranger en juillet et août et n’avait pu retirer « la décision qui lui reproch[ait] de ne pas avoir retiré son courrier en pleine période de vacances ».

6) Le département s’en est, le 14 octobre 2022, rapporté à l’appréciation de la chambre administrative s’agissant de la recevabilité du recours, faute d’indication de la décision attaquée. Au fond et motivation à l’appui, il a conclu à son rejet.

7) M. A______ n’a pas fait usage de son droit à la réplique dans le délai imparti à cet effet.

8) Les parties ont été informées le 17 octobre 2022 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10)).

2) Se pose la question de sa recevabilité au regard des exigences de l’art. 65 LPA.

a. Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (al. 2). Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d'une certaine souplesse s'agissant de la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait qu'elles ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est, en soi, pas un motif d'irrecevabilité, pour autant que l'autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/204/2021 du 23 février 2021 consid. 2b ; ATA/1718/2019 du 26 novembre 2019 consid. 2).

b. En l’espèce, bien que les conclusions du recourant ne ressortent pas expressément de l’acte de recours, on comprend qu’il conteste la décision du département du 17 juin 2022, de même que le jugement d’irrecevabilité de son recours du TAPI du 30 août 2022.

La décision du 17 juin 2022 n’est toutefois pas l’objet du litige, vu le jugement d’irrecevabilité du TAPI qui seul peut à ce stade être attaqué. Les arguments du recourant en lien avec l’installation d’une pompe à chaleur sont donc irrecevables.

Le recours est donc recevable uniquement en tant qu’il vise le jugement du TAPI du 30 août 2022.

3) Le litige porte sur le bien-fondé dudit jugement du TAPI déclarant le recours irrecevable en l’absence du paiement de l’avance de frais dans le délai imparti échéant le 18 août 2022.

4) a. L'exigence de l'avance de frais et les conséquences juridiques en cas de non-paiement de celle-ci relèvent du droit de procédure cantonal. Les cantons sont libres, dans le respect des garanties constitutionnelles, d'organiser cette matière à leur guise (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1022/2012 du 25 mars 2013 consid. 5.1 ; ATA/1262/2017 du 5 septembre 2017 consid. 2a et les références citées).

b. En vertu de l'art. 86 LPA, la juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables ; elle fixe à cet effet un délai suffisant (al. 1). Si l'avance n'est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2).

Les juridictions administratives disposent d’une grande liberté d’organiser la mise en pratique de cette disposition et peuvent donc opter pour une communication des délais de paiement par pli recommandé (ATA/83/2018 du 30 janvier 2018 consid. 3a et les références citées).

c. Aux termes de l’art. 16 LPA, un délai fixé par la loi ne peut être prolongé ; les cas de force majeure sont réservés (al. 1) ; le délai imparti par l’autorité peut être prolongé pour des motifs fondés si la partie en fait la demande avant son expiration (al. 2) ; la restitution pour inobservation d’un délai imparti par l’autorité peut être accordée si le requérant ou son mandataire a été empêché sans sa faute d’agir dans le délai fixé ; la demande motivée doit être présentée dans les dix jours à compter de celui où l’empêchement a cessé (al. 3).

d. À rigueur de texte, l'art. 86 LPA ne laisse aucune place à des circonstances extraordinaires qui justifieraient que l’avance de frais n’intervienne pas dans le délai imparti. La référence au « délai suffisant » de l’al. 1 ouvre toutefois la porte à une certaine marge d’appréciation de la part de l’autorité judiciaire (ATA/881/2010 du 14 décembre 2010 consid. 4a). Ainsi, selon la jurisprudence, il convient d’appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l’art. 16 al. 1 LPA afin d’examiner si l’intéressé a été empêché sans sa faute de verser l’avance de frais dans le délai fixé (ATA/636/2017 du 6 juin 2017 consid. 4b et les références citées). Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de façon irrésistible (ATA/1262/2017 précité consid. 4 et les références citées).

A été considéré comme un cas de force majeure donnant lieu à restitution de délai le fait qu’un recourant se soit vu impartir, par pli recommandé, un délai de 15 jours pour s’acquitter d’une avance de frais, alors que le délai de garde pour retirer le pli en question était de 7 jours, de sorte qu’il ne lui restait qu’une semaine pour s’exécuter (ATA/477/2009 du 20 septembre 2009 consid. 5).

En revanche, n’a pas été considéré comme des cas de force majeure la maladie, celle-ci n'étant admise comme motif d’excuse que si elle empêche le recourant d’agir par lui-même ou de donner à un tiers les instructions nécessaires pour agir à sa place (ATA/50/2009 du 27 janvier 2009 consid. 3c).

e. La notification d’un acte soumis à réception, comme une décision ou une communication de procédure, est réputée faite au moment où l’envoi entre dans la sphère de pouvoir de son destinataire (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3ème éd., 2011, n. 2.2.8.3 p. 302 s). Il suffit que celui-ci puisse en prendre connaissance (ATF 137 III 308 consid. 3.1.2 ; 118 II 42 consid. 3b). Celui qui, pendant une procédure, omet de prendre les dispositions nécessaires pour que les envois postaux lui soient transmis ne peut se prévaloir de son absence lors de la tentative de notification d’une communication officielle à son adresse habituelle s’il devait s’attendre, avec une certaine vraisemblance, à recevoir une telle communication (ATF 130 III 396 consid. 1.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_549/2009 du 1er mars 2010 consid. 3.2.1 et les références citées). Un envoi est réputé notifié à la date à laquelle son destinataire le reçoit effectivement (ATA/378/2014 précité consid. 3b).

f. La preuve de la notification d’un acte et de la date de celle-ci incombe en principe à l’autorité qui entend en tirer une conséquence juridique. L’autorité qui veut contrer le risque d’un échec de la preuve de la notification peut communiquer ses décisions par pli recommandé. En tel cas, lorsque le destinataire de l’envoi n’est pas atteint et qu’un avis de retrait est déposé dans sa boîte aux lettres ou dans sa case postale, l’envoi est considéré comme notifié au moment où il est retiré. Si le retrait n’a pas eu lieu dans le délai de garde, il est réputé notifié le dernier jour de celui-ci (ATF 134 V 49 consid 4 ; ATA 130 III 396 consid. 1.2.3).

Cette fiction de notification n'est cependant applicable que lorsque la communication d'un acte officiel doit être attendue avec une certaine vraisemblance, ce qui est le cas lorsque l'intéressé est partie à une procédure pendante (ATF 139 IV 228 consid. 1.1 p. 230).

Dès lors qu’un administré a déposé un recours, il se doit de prendre toutes les dispositions utiles afin de réceptionner les communications qui vont immanquablement lui parvenir en rapport avec ce contentieux. Il lui incombe d’avertir l’autorité de son absence, ou de prendre des dispositions pour faire réceptionner son courrier de façon à être averti de l’arrivée, pendant cette période, d’une décision le concernant. Dans ce sens, un ordre de retenue du courrier à la poste n’est pas suffisant, dans la mesure où, malgré cela, à l’échéance du délai de dépôt de l’avis de pli recommandé, la décision est malgré tout considérée comme notifiée à l’échéance du délai de garde. Si le recourant a omis de prendre les dispositions nécessaires pour que les envois postaux lui soient transmis, il ne peut se prévaloir de son absence lors de la tentative de notification d’une communication officielle à son adresse habituelle s’il devait s’attendre, avec une certaine vraisemblance, à recevoir une telle communication (ATF 134 V 49 consid. 4 ; 130 III 396 consid. 1.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_549/2009 du 1er mars 2010 consid. 3.2.1 et les références citées ; ATA/177/2015 du 6 octobre 2015 ; ATA/2653/2010 du 20 avril 2010).

g. De manière générale, la sanction du non-respect d'un délai de procédure n'est pas constitutive de formalisme excessif, une stricte application des règles relatives aux délais étant justifiée par des motifs d'égalité de traitement et par un intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit (ATF 142 V 152 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8D_6/2016 du 1er juin 2017 consid. 3.2).

5) En l’espèce, il n'est pas contesté que le délai de 30 jours, fixé par le TAPI, constitue un délai suffisant, ni que l'avance de frais n'a pas été acquittée.

Le courrier du TAPI du 19 juillet 2022 lui est revenu avec la mention « non réclamé », le recourant ne l’ayant pas retiré avant l'échéance du délai de garde de 7 jours. En application de la fiction jurisprudentielle susmentionnée, ce pli recommandé lui a été valablement notifié à l'issue dudit délai de garde, soit dans le cas d'espèce le 27 juillet 2022.

Par ailleurs, le droit genevois ne prévoit pas d'office, à l'instar par exemple de l'art. 62 al. 3 2ème phrase de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), l'octroi d'un délai supplémentaire lorsque le versement de l'avance de frais n'est pas effectué dans le délai fixé en vertu de l'art. 86 al. 1 LPA. L'octroi d'un tel délai ne résulte pas non plus d'une pratique constante des juridictions administratives cantonales (arrêt du Tribunal fédéral 1C_339/2020 du 20 octobre 2020 consid. 2.4). Le TAPI n'avait en conséquence aucune obligation de lui adresser un nouveau courrier par pli simple (ATA/684/2021 du 29 juin 2021 consid. 4g ; ATA/150/2021 du 9 février 2021consid. 6b), ce que le recourant ne prétend au demeurant pas.

Enfin, dans la mesure où il a recouru devant le TAPI le 14 juillet 2022, il appartenait au recourant de prendre toutes les dispositions nécessaires pour être atteint, conformément à la jurisprudence précitée, pour le cas où il s’absentait de son domicile pour des vacances, comme il soutient que tel a été le cas durant les mois de juillet et août 2022.

Dans ces circonstances, la chambre administrative ne peut que constater que, l’avance de frais n’ayant pas été acquittée dans le délai imparti, le TAPI était fondé à déclarer le recours irrecevable, conformément à l’art. 86 al. 2 LPA.

Manifestement mal fondé, le présent recours doit être rejeté, sans échange d’écritures (art. 72 LPA).

6) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 septembre 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 août 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, au département du territoire-ocen, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :