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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2595/2020

ATA/683/2021 du 29.06.2021 sur JTAPI/880/2020 ( LCI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2595/2020-LCI ATA/683/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 juin 2021

3ème section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Marc Lironi, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
15 octobre 2020 (JTAPI/880/2020)


EN FAIT

1) Le 27 juillet 2020, le département du territoire (ci-après : DT) a refusé de régulariser la barrière métallique et l’espace de parcage que M. A______ avait fait agencer sur la parcelle n° 1______ dont il était propriétaire au chemin B______ à C______.

Il a imparti à M. A______ un délai de trente jours pour faire procéder à la suppression de la barrière et à l’évacuation des véhicules parqués sans autorisation et lui a infligé une amende administrative de CHF 2'000.-.

2) Le 28 août 2020, M. A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation et à l’octroi de l’autorisation.

3) Le 2 septembre 2020, le TAPI imparti à M. A______ un délai au 2 octobre 2020 pour s’acquitter d’une avance de frais de CHF 900.-, à défaut de quoi son recours serait déclaré irrecevable.

Il ressort du système informatisé de suivi des envois de la poste suisse que le courrier recommandé du 2 septembre 2020 a été remis le 4 septembre 2020 à 08h05 à l’étude du conseil de M. A______.

4) Le 5 octobre 2028, le conseil de M. A______ a indiqué au TAPI que son client s’était rendu à la poste le 2 octobre 2020 pour acquitter l’avance de frais dans le délai imparti, mais s’était malheureusement trompé de bulletin de versement et avait payé les CHF 880.- exigés par le service des autorisations de construire dans le cadre de la procédure devant le DT, une somme qu’il n’aurait d’ailleurs pas dû payer puisqu’il avait précisément recouru contre la décision.

M. A______ priait le TAPI de bien vouloir excuser son erreur au vu de la proximité des montants visés et de prolonger le délai de paiement de l’avance de frais, le temps qu’il puisse récupérer le montant versé indûment au service des autorisations de construire.

5) Le 15 octobre 2020, le TAPI a déclaré le recours irrecevable.

L’avance de frais n’avait pas été versée dans le délai imparti. Le recourant avait demandé tardivement un nouveau délai. Il n’établissait pas qu’il avait été victime d’un empêchement non fautif de payer en temps utile. Ses explications n’emportaient pas la conviction, puisqu’en accordant le minimum d’attention, il eut aisément pu distinguer les deux bulletins de versement dont les destinataires, les montants et les échéances différaient.

6) Par acte remis à la poste le 12 novembre 2020, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à ce qu’il soit ordonné à l’office des autorisations de construire (ci-après : OAC) de transférer le montant de CHF 880.- indûment perçu au TAPI et à ce dernier de lui fixer un nouveau délai pour procéder au complément de l’avance de frais requise, par
CHF 20.-. Cela fait, la cause devait être renvoyée au TAPI pour l’instruction de la procédure au fond. Préalablement, l’effet suspensif devait être octroyé au recours.

Dans les jours qui avaient suivi la notification à son domicile élu du bulletin de versement du 2 septembre 2020 lui réclamant l’avance de frais de CHF 900.-, il avait reçu un nouveau bulletin de versement du 7 septembre 2020 de l’OAC pour un montant de CHF 880.- dont il s’était acquitté par erreur.

Au regard de la chronologie et de la quasi identité des montants requis, il avait été victime d’une erreur excusable. Dès qu’il en avait pris conscience, soit le
5 octobre 2020, soit encore trois jours après l’expiration du délai, il avait sollicité du TAPI un nouveau délai pour rectifier la situation, lequel lui avait été refusé par pur formalisme excessif.

Sa véritable intention était de s’acquitter de l’avance de frais afin que son recours soit traité et en aucune manière de payer les frais administratifs du traitement de sa demande de mise en conformité. Les montants étaient quasiment identiques et les invitations à payer formellement très similaires. Sa méprise était excusable.

Le formalisme excessif dont avait fait preuve le TAPI violait les garanties générales de procédure consacrées à l’art. 29 de la constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ainsi que le principe de la bonne foi exprimée aux art. 9 et 5 al. 3 Cst.

Il pouvait à bon droit penser en toute bonne foi que le montant serait transmis par ledit office au TAPI ou qu’un remboursement interviendrait « sous délai de jours ». Sa bonne foi pouvait être mise en corrélation avec la pratique qui avait cours en matière de dépôt d’écritures à la mauvaise autorité et à leur transmission automatique à l’autorité devant être effectivement saisie.

7) Le 27 novembre 2020, le DT s’en est rapporté à justice.

8) Le 4 décembre 2020, la présidence de la chambre administrative a déclaré sans objet la requête d’octroi, respectivement de constatation de l’effet suspensif.

9) Le recourant n’a pas répliqué dans le délai qui lui avait été imparti.

10) Le 6 mai 2021, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Est litigieuse l’irrecevabilité du recours formé devant le TAPI pour paiement tardif de l’avance de frais.

3) Le recourant se plaint de formalisme excessif et de violation du principe de la bonne foi.

4) Selon l'art. 86 LPA, la juridiction saisie invite le recourant à payer une avance de frais destinée à couvrir les frais et émoluments de procédure présumables. À cette fin, elle lui fixe un délai suffisant (al. 1). Si l'avance de frais n'est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2). La référence au « délai suffisant » laisse une certaine marge d'appréciation à l'autorité judiciaire saisie.

À rigueur de texte, l'art. 86 LPA ne laisse aucune place à des circonstances extraordinaires qui justifieraient que l'avance de frais n'intervienne pas dans le délai imparti (ATA/1251/2020 du 8 décembre 2020 consid. 2a ; ATA/1334/2017 du 26 septembre 2017 consid. 3c). Selon la jurisprudence, il convient d'appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l'art. 16 al. 1 LPA afin d'examiner si l'intéressé a été empêché sans sa faute de verser l'avance de frais dans le délai (ATA/1251/2020 précité ; ATA/184/2019 du 26 février 2019 consid. 3 ; ATA/1028/2016 du 6 décembre 2016 consid. 4).

Il n'y a pas de rigueur excessive à ne pas entrer en matière sur un recours lorsque, conformément au droit de procédure applicable, la recevabilité de celui-ci est subordonnée au versement d'une avance de frais dans un délai déterminé. Il faut cependant que son auteur ait été averti de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour le paiement et des conséquences de l'inobservation de ce délai (ATF 133 V 402 consid. 3.3 ; 104 Ia 105 consid. 5 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_54/2020 du 4 février 2020 consid. 8.2). La gravité des conséquences d'un retard dans le paiement de l'avance sur la situation du recourant n'est pas pertinente (arrêts du Tribunal fédéral 2C_734/2012 du 25 mars 2013 consid. 3.1 ; 2C_703/2009 du 21 septembre 2010 consid. 4.4.2).

5) Aux termes de l'art. 16 al. 1 LPA, un délai fixé par la loi ne peut être prolongé ; les cas de force majeure sont réservés.

Tombent sous la notion de force majeure les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/160/2019 du 19 février 2019 consid. 2b ; ATA/916/2015 précité consid 2c ; ATA/378/2014 du 20 mai 2014 consid. 3d ; ATA/515/2009 du 13 octobre 2009 consid. 4b). Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. Ce dernier doit être imprévisible et sa survenance ne doit pas être imputable à faute à l'administré (arrêt du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.2 et la jurisprudence citée ; ATA/1028/2016 et ATA/916/2015 précités consid. 2c ; ATA/735/2015 du 14 juillet 2015 consid. 3b et la jurisprudence citée), partant de son représentant. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l'on ne peut raisonnablement attendre de la part d'un homme d'affaires avisé (ATA/544/2013 du 27 août 2013 ; ATA/397/2013 du 25 juin 2013 consid. 9 ; Danielle YERSIN/Yves NOËL, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2008, ad art. 133, n. 14 et 15 p. 1283).

A été considéré comme un cas de force majeure donnant lieu à restitution de délai le fait qu'un détenu, qui disposait d'un délai de recours de trois jours, n'ait pu expédier son recours dans ce délai, du fait qu'il ne pouvait le poster lui-même et qu'en outre ce pli avait été soumis à la censure de l'autorité (ATA/515/2009 précité consid. 6). Il en allait de même du recourant qui se voyait impartir, par pli recommandé, un délai de quinze jours pour s'acquitter d'une avance de frais alors que le délai de garde pour retirer le pli en question était de sept jours, de sorte qu'il ne restait qu'une semaine au justiciable pour s'exécuter (ATA/477/2009 du
20 septembre 2009 consid. 5).

En revanche, n'ont pas été considérés comme des cas de force majeure une panne du système informatique du mandataire du recourant l'ayant empêché de déposer un acte de recours dans le délai légal (ATA/222/2007 du 8 mai 2007 consid. 3b), le fait qu'un avocat ait transmis à son client la demande d'avance de frais par pli simple en prenant le risque que celui-ci ne reçoive pas ce courrier (ATA/596/2009 du 17 novembre 2009 consid. 6), pas plus que la maladie, celle-ci n'étant admise comme motif d'excuse que si elle empêche le recourant d'agir par lui-même ou de donner à un tiers les instructions nécessaires pour agir à sa place (ATA/50/2009 du 27 janvier 2009 consid. 3c).

6) Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l'une et l'autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administrée ou l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_227/2015 du 31 mai 2016 consid. 7 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème ed., n. 568 p. 203).

7) a. En l’espèce, il n’est pas contesté que l’avance de frais n’a pas été acquittée dans le délai imparti. Personne ne soutient par ailleurs que le délai pour le paiement de l’avance aurait été insuffisant.

b. Le recourant se plaint d’avoir été victime d’une confusion excusable, qui ne pouvait échapper au TAPI.

Il ne saurait être suivi. Ainsi que l’a relevé le TAPI, sans excès ni abus de son pouvoir d’appréciation, les deux bulletins de versement étaient distincts par leurs montants, leurs destinataires et leurs échéances. À cela s’ajoute que l’envoi du 7 septembre 2020 – adressé au recourant à son adresse privée et non à celle de son mandataire comme l’amende de CHF 2'000.- du 27 juillet 2000 – était libellé comme une « première lettre de rappel » faisant référence à une facture restée impayée de CHF 870.- augmentée de CHF 10.- de frais de rappel. On peut enfin supposer que le conseil du recourant, en lui transmettant la demande d’avance de frais, a attiré son attention sur sa nature et les conséquences d’un retard.

Le recourant doit ainsi se laisser opposer l’erreur qu’il dit avoir commise. Celle-ci ne saurait en tout cas revêtir la qualité d’événement extraordinaire et imprévisible qui serait survenu en dehors de sa sphère d'activité et qui se serait imposé à lui de façon irrésistible, ni être vue partant comme un cas de force majeure au sens de la jurisprudence précitée.

Le grief sera écarté.

c. Le recourant soutient que le TAPI devait comprendre son intention de payer l’avance de frais au vu des circonstances et qu’en refusant de lui octroyer un nouveau délai, il a fait preuve de formalisme excessif.

En l’espèce, le TAPI n’a pris connaissance de l’erreur que le recourant dit avoir commise et de son intention de payer l’avance de frais, qu’avec le courrier de son conseil du 5 octobre 2020, alors que le délai avait expiré.

En constatant que le délai avait expiré et que le recourant ne se trouvait pas dans un cas de force majeure, le TAPI a appliqué correctement l’art. 86 LPA, soit sans formalisme excessif.

Le grief sera écarté.

d. Le recourant soutient enfin qu’il pouvait penser de bonne foi que l’OAC transmettrait son paiement au TAPI ou le lui rembourserait.

Ce faisant il perd de vue que la somme qu’il avait virée au DT était considérée comme due. Celui-ci ne pouvait donc détecter l’erreur invoquée par le recourant et pourrait probablement opposer même sa bonne foi aux demandes de remboursement du recourant. Le recourant ne peut en tout état se prévaloir d’aucune tromperie ni d’aucun manque de loyauté de l’administration.

Le grief sera écarté.

e. Enfin, le recourant se prévaut de l’art. 64 al. 2 LPA, qui prévoit que le recours adressé à une autorité incompétente est transmis d’office à la juridiction administrative compétente et le recourant en est averti. L’acte est réputé déposé à la date à laquelle il a été adressé à la première autorité.

Il n’expose toutefois pas en quoi le paiement d’une somme due à un service de l’État devrait automatiquement être transmis à une autre service attendant un autre montant pour une autre cause, ni en quoi l’art. 64 al. 2 LPA s’appliquerait par analogie à une telle situation.

Le grief sera écarté.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

8) Vu l'issue du litige, le recourant supportera un émolument de CHF 400.- et aucune d'indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 novembre 2020 par M. A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
15 octobre 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de M. A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Marc Lironi, avocat du recourant, au département du territoire - OAC ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :