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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3073/2020

ATA/601/2021 du 08.06.2021 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3073/2020-FPUBL ATA/601/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 juin 2021

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Thomas Barth, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA DÉTENTION



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1984, a été engagé en qualité de stagiaire agent de détention le 1er septembre 2010.

2) Il a été affecté à la prison de Champ-Dollon (ci-après : la prison) dès le ______ 2011 et intégré à la brigade ______ dès le ______ 2013.

3) M. A______ a fait l'objet de trois entretiens d'évaluation et du développement du personnel (ci-après : EEDP) durant la période probatoire, respectivement les 15 novembre 2011, 30 juillet 2012 et 5 décembre 2013. Les bilans généraux étaient positifs.

4) Après avoir obtenu son brevet d'agent de détention, il a été confirmé dans ses fonctions dès le 1er janvier 2014.

5) M. A______ a fait l'objet d'un entretien de service le 23 février 2016 pour avoir, en janvier 2016, alors qu'il se trouvait en incapacité de travail pour accident à la suite d'une entorse au pied, participé à un stage de jiu-jitsu à Nyon et à un tournoi à Lisbonne. Le directeur de la prison avait toutefois renoncé à prononcer une sanction disciplinaire à son encontre.

6) a. Le 31 mai 2017, Monsieur B______, ressortissant biélorusse, détenu à la prison, a fait l'objet d'une mise en cellule forte.

Vers 18h15, il avait refusé de quitter sa cellule et s'était planté un couteau qu'il tenait à la main dans le ventre, à au moins deux reprises. Il avait été maîtrisé par les gardiens et mis au sol, dans le couloir, à plat ventre, menotté puis relevé.

Selon un premier constat de lésions traumatiques, il présentait, le 31 mai 2017 à 18h30, une hyperhémie conjonctivale bilatérale, sans hémorragie
sous-conjonctivale ni aux yeux et une tuméfaction discrète diffuse au visage, sensible à la palpation. Transféré aux Hôpitaux universitaires de Genève
(ci-après : HUG), il avait fait l'objet d'un examen clinique et d'un scanner cérébral le 1er juin 2017. Il avait été constaté, principalement, une fracture du complexe zygomatico-maxillaire gauche ayant nécessité une hospitalisation du 1er au 9 juin 2017.

Le 2 juin 2017, ces faits ont été portés à la connaissance du Procureur général qui a ouvert une information (P/1______/2017) et transmis le dossier à l'inspection générale des services (ci-après : IGS) pour complément d'enquête (art. 309 al. 2 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007
- CPP - RS 312.0).

b. M. B______ a été expulsé de Suisse le 25 juillet 2017 sans être entendu dans le cadre de cette affaire.

c. Il ressort notamment des images de vidéosurveillance de la prison que, le 31 mai 2017 à 18h14'15, l'agent de détention Monsieur C______ a ouvert la porte de la cellule de M.  B______ où il est entré avec cinq collègues, dont M. A______. À 18h15'52, M. A______ est sorti de la cellule et a ramassé le couteau. À 18h16'02, M. B______ est sorti de sa cellule par la force, traîné sur le flanc gauche et mis à plat ventre. À 18h16'13, M. B______ a résisté, mis ses mains devant lui ; les gardiens ont tenté de saisir ses bras. À 18h16'21, M. A______ a donné un coup de pied à la tête du détenu, laquelle a heurté le sol. Un autre gardien, Monsieur D______, a donné un coup de poing au détenu (18h16'28) et lui a asséné un coup de genou sur le haut du corps, pendant que deux autres gardiens le tenaient. À 18h16'53, M. B______ a été menotté. À 18h18'34, un linge a été placé sur sa tête. À 18h19'44, M. A______ a mis son pied sur la tête du détenu. À 18h20'10, M. B______ a été relevé, puis conduit hors du couloir.

d. Dans le cadre de la procédure pénale, M. A______ a reconnu qu'il avait asséné un coup de pied à l'arrière de la tête de M. B______ avec la semelle, de haut en bas. Il s'agissait d'un coup de déstabilisation. Il avait agi « dans l'urgence sans trop calculer ». Le coup était nécessaire pour qu'il puisse mettre la main du détenu dans le dos.

M. C______, gardien-chef, a précisé, en visionnant les images de vidéosurveillance, que M. A______ avait mis son pied sur l'arrière de la tête du détenu et l'avait retiré à 18h19'50. « Normalement, c'est pour éviter que le détenu bouge ou se débatte. En l'occurrence, il est vrai que B______ ne se débattait pas. Peut-être A______ a-t-il cru que B______ avait relevé la tête au moment où E______ glissait le linge sous le visage du détenu ».

Le contenu des images de vidéosurveillance et des pièces de la procédure sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

7) Le 29 juin 2017, M. A______ a postulé auprès du service « recrutement et développement des compétences » de l'office cantonal de la détention (ci-après : OCD) pour effectuer une activité spécifique de formateur en techniques et tactiques d'intervention (ci-après : TTI). Il a indiqué suivre régulièrement les cours TTI dispensés à Champ-Dollon. Il était détenteur d'une ceinture bleue de jiu-jitsu brésilien, avait participé à des compétitions internationales et dispensé des cours à des enfants et des adultes.

8) M. A______ a obtenu la certification de formateur TTI fin avril 2018. Le service de recrutement et de développement des compétences de l'OCD n'était pas informé des faits du 31 mai 2017.

9) M A______ a fait l'objet d'un EEDP en vue de son accession au grade d'appointé le 14 décembre 2017. Le bilan général était positif.

10) M. A______ a été nommé appointé à compter du 1er janvier 2018.

11) Au mois de mai 2018, la direction des ressources humaines de l'OCD
(ci-après : DRH-OCD) a appris que la brigade ______ pratiquait des « bizutages » et a pu visionner les vidéos de celui qui s'était déroulé le 29 septembre 2017, de même que de celui de Monsieur F______, le 9 avril 2018.

12) La DRH-OCD a tenu à l'écart la direction de la prison le temps d'investiguer sur une éventuelle implication de celle-ci et de l'état-major. Elle a contacté, le 5 juillet 2018, le secrétariat général du département de la sécurité, devenu depuis le département de la sécurité, de la population et de la santé
(ci-après : DSPS ou le département).

13) L'instruction ayant conclu que ni l'état-major ni la direction n'étaient impliqués dans les « bizutages », le directeur en a été informé le 21 novembre 2018. Il a visionné les vidéos le 5 décembre 2018.

14) Par arrêté du 6 février 2019, le chef du département a ouvert quatorze enquêtes administratives contre quatorze agents de détention, dont M. A______, pour avoir participé au « bizutage » de M. F______.

15) Par courrier du 20 février 2019, le département a sollicité de l'enquêteur, ancien juge à la Cour de justice, que les événements du 31 mai 2017 soient intégrés à l'enquête administrative ouverte contre M. A______.

16) Le 7 février 2020, l'enquêteur a rendu son rapport.

Il était établi et non contesté que M. A______ avait participé au « bizutage » de M. F______ et n'avait rien fait pour en empêcher le déroulement, s'associant pleinement et sans réserve à tous les épisodes de cette manifestation qu'il savait contrevenir à des dispositions réglementaires. Il avait adopté une attitude de déni par rapport à l'enquête. La faute commise était qualifiée de légère.

En frappant le détenu, le 31 mai 2017, d'un coup de pied à la tête, alors que celui-ci se trouvait à sa merci, maîtrisé au sol et en passe d'être menotté, M. A______ avait contrevenu à ses devoirs sans qu'il soit nécessaire de savoir si son action relevait également du droit pénal. Le coup de pied à la tête n'était ni nécessaire ni ne ressortait à l'enseignement d'intervention des agents de détention. Le stress allégué, de même que l'inquiétude par rapport à la situation étaient inhérents à ce genre d'intervention, raison pour laquelle M. A______ aurait dû montrer une meilleure maîtrise de soi. Par ailleurs, il était le seul à avoir agi de la sorte parmi les six agents présents. Il était intervenu avec une agressivité inopportune et excessive, en violant son devoir d'exercer une contrainte physique sur autrui par rapport à ce qui était nécessaire à l'accomplissement de ses devoirs de fonction. Il avait porté atteinte au respect de la personne humaine et les excès pratiqués sur les détenus étaient contraires au respect de la dignité humaine.

Il n'avait pas adopté d'attitude contrite par rapport aux deux aspects de l'enquête. Le fait de persister à considérer que son comportement sur le détenu était conforme aux techniques TTI, que par ailleurs il enseignait, constituait un sujet d'inquiétude.

17) Le 27 février 2020, le chef du département a informé M. A______ qu'il renonçait à prononcer une sanction relevant de sa compétence et renvoyait l'affaire à la direction de la prison pour suite disciplinaire utile.

18) Par courrier du 3 mars 2020, le directeur de la prison a transmis copie du rapport à M. A______. Il envisageait une sanction sous forme de services supplémentaires. Un délai lui était imparti pour se prononcer.

19) Après une prolongation du délai de réponse justifiée par la crise sanitaire du Covid-19, M. A______, par courrier du 4 mai 2020, a conclu à ce qu'il soit renoncé à toute sanction.

20) Par décision du 28 août 2020, le directeur de la prison a infligé à M. A______ quinze services supplémentaires correspondant à soixante heures de travail sans contrepartie salariale, pour violation des devoirs de service et violence sur un détenu.

21) Par acte du 1er octobre 2020, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision. Il a conclu à son annulation et à ce qu'il soit dit qu'aucune sanction disciplinaire n'était prononcée à son encontre. Préalablement, la procédure devait être suspendue jusqu'à droit connu dans la procédure pénale P/1______/2017 portant sur les événements du 31 mai 2017. Subsidiairement, un blâme devait être prononcé à titre de sanction disciplinaire.

Un mandat d'expertise médico-légale avait été donné, en mars 2020, en vue de déterminer si les lésions subies par M. B______ étaient consécutives de la contrainte exercée par les agents de détention présents lors de l'incident et plus précisément si la fracture dont il avait souffert était le résultat du coup de déstabilisation effectué par M. A______. Or, le rapport d'expertise n'était pas encore disponible et était pertinent dans le cadre de la procédure administrative.

Au fond, sa responsabilité disciplinaire en lien avec le « bizutage » du 9 avril 2018 était prescrite. Le directeur de la prison avait pris connaissance des faits litigieux en mai 2018 lorsque l'OCD avait recueilli les dénonciations et pu visionner les vidéos. Le délai était suspendu pendant l'enquête administrative, soit du 7 février 2019 au 27 février 2020. La décision ayant été rendue le 28 août 2020, soit quinze mois après la connaissance des faits litigieux, sous imputation du délai d'enquête, les faits étaient prescrits.

Pour le surplus, l'autorité intimée avait constaté de façon inexacte les faits pertinents relatifs au « bizutage » et violé son pouvoir d'appréciation en le sanctionnant.

Concernant les événements du 31 mai 2017, l'autorité intimée avait mal établi les faits. Le détenu concerné était dangereux, agressif et les interventions à son encontre étaient risquées. Le coup donné par le recourant était nécessaire. Il s'agissait d'un coup de déstabilisation qui lui avait permis de mettre le bras du détenu dans son dos et de lui passer les menottes. Il n'avait pas violé le principe de la proportionnalité en intervenant de la sorte. La sanction était disproportionnée. La plupart des gardiens concernés avait reçu un avertissement ou un blâme pour l'épisode du « bizutage ». Si le recourant devait être puni, il devait être tenu compte de l'ancienneté des faits. Toute autre sanction qu'un avertissement admonestatif serait disproportionnée. L'intéressé pouvait se prévaloir de très bons EEDP et de nombreuses années au service de l'établissement.

22) L'OCD a conclu au rejet du recours.

Il n'était pas nécessaire de suspendre la procédure administrative dans l'attente de l'issue de la procédure pénale. L'expertise médico-légale du 8 octobre 2020 avait confirmé que le coup donné par le recourant était à l'origine de la fracture zygomatico-maxillaire subie par le détenu.

Dès lors que la compétence de sanctionner avait été donnée au directeur de la prison, la responsabilité disciplinaire n'était pas prescrite, le délai ne commençant à courir qu'à compter du 5 décembre 2018, date à laquelle le directeur de l'établissement avait pu visionner les images du « bizutage ».

23) Dans sa réplique, le recourant a persisté dans ses conclusions. Le rapport d'expertise ne concluait pas au lien de causalité entre son coup de pied et la fracture zygomatico-maxillaire du détenu. La conclusion mentionnait que la fracture était compatible avec la projection de la partie gauche du visage de M. B______ contre le sol suite à un coup porté à l'arrière de la tête. Le lien de causalité demeurait hypothétique, mais n'était pas affirmé. Il persistait dans ses conclusions en suspension de la procédure administrative dans l'attente de l'issue de la procédure pénale. Il avait eu un geste maladroit qui pouvait aisément être compris par tout un chacun comme un geste de légitime défense afin d'affronter une personne dont il connaissait les antécédents et la réputation, et qu'il avait devant lui. La question de la nécessité de son coup de pied ne se posait pas, dès lors que sa propre sécurité était en jeu. En opérant une pesée des intérêts entre sa sécurité et le fait de commettre un geste potentiellement contraire à la déontologie de la profession d'agent de détention, le choix avait été rapidement fait, d'autant plus que l'intervention s'était déroulée extrêmement rapidement et dans l'urgence. Les gestes qu'il avait effectués s'inscrivaient dans la mission qui lui était confiée en tant qu'agent de détention, soit de veiller au maintien de l'ordre dans l'établissement pénitentiaire et d'intervenir promptement sur toute situation problématique.

24) a. Lors de l'audience de comparution personnelle des parties du 25 février 2021, M. A______ a rappelé que M. B______ était dangereux. Les gardiens se méfiaient de lui. Il sollicitait l'audition de trois témoins.

b. Le représentant de la prison a expliqué que les services supplémentaires infligés pour une insoumission se montaient entre deux et quatre environ. Ils s'élevaient à plus de dix s'il y avait atteinte à l'intégrité corporelle d'un tiers. Il avait connaissance de deux cas, extraordinaires, de vingt services supplémentaires, une dizaine d'années auparavant, suite à des lésions corporelles sur les détenus. Aller au-delà de vingt services supplémentaires pouvait poser des problèmes administratifs. Dans les deux cas précités, l'enquête administrative évoquait une éventuelle révocation et une dégradation, mais le département avait renvoyé à la prison pour sanction car il y avait un doute sur l'intention du gardien.

M. B______ avait été longtemps en détention. Son attitude était assez virulente, très procédurière et exigeante quant à sa médication. Il pouvait être menaçant verbalement. Il lui arrivait de jouer de son statut, étant « sous mesure » au sens de l'art. 59 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0). Il aimait bien impressionner et avait fait l'objet de trois sanctions (menaces sur un tiers le 31 mai 2017, refus d'obtempérer le 24 janvier 2017 et attitude incorrecte envers le personnel le 9 novembre 2016 pour avoir bousculé un collaborateur). Il n'y avait pas eu de violence sur d'autres détenus ou sur les collaborateurs.

Dans le cadre des « bizutages », un participant avait été sanctionné à hauteur de vingt services supplémentaires. Les autres avaient été soit avertis soit blâmés. Dans le cas de M. A______, les quinze services supplémentaires étaient principalement liés à la violence contre M. B______ et le « bizutage » avait été inclus dans l'appréciation globale au moment de fixer la sanction.

Un « bizutage » ultérieur avait été sanctionné de trois services supplémentaires environ. Toutefois, il s'était déroulé alors que l'affaire des « bizutages » notamment de M. F______ était en cours et qu'un rappel de l'interdiction de ces pratiques avait été adressé à tous les agents de détention.

25) a. À la demande de la chambre de céans, le recourant a transmis copie du procès-verbal de l'audience au Ministère public du 26 février 2021 au cours de laquelle les auteurs du rapport d'expertise médico-légale du 8 octobre 2020 avaient été entendus.

Selon ce procès-verbal, le « CT-Scan » avait mis en évidence plusieurs fractures, les principales touchant la zone maxillaire et la zone zygomatique du visage de M. B______. Le fait qu'il y avait deux zones évoquait un choc contre un objet large, soit davantage évocateur d'un impact contre le sol que d'un coup. Il fallait beaucoup d'énergie pour provoquer les lésions constatées. Après analyse, les experts avaient conclu que le coup de pied donné par M. A______ expliquait les lésions constatées. Lors dudit coup, « on vo[yait] que la tête de Rousslan B______ heurt[ait] le sol de manière violente ».

b. Par le même courrier, le recourant a indiqué renoncer aux auditions qu'il avait sollicitées lors de l'audience du 25 février 2021.

26) Dans ses écritures finales, la prison a relevé que le lien de causalité entre le coup de pied donné par le recourant sur la tête du détenu et la fracture
maxillo-faciale subie par ce dernier était établi. La direction de la prison regrettait que le recourant n'ait toujours pas fait preuve de la moindre prise de conscience relative à la procédure disciplinaire le visant et persiste à considérer ses actes comme étant conformes au droit et à la déontologie de la profession. Les quinze services supplémentaires restaient fondés même pour les seuls faits du 31 mai 2017.

27) Le recourant a persisté dans ses conclusions en suspension de la procédure administrative. L'on ne pouvait exclure que la blessure du détenu ait été causée par le coup de poing ou le coup de genou donnés par un autre agent de détention peu avant son intervention. Il entendait solliciter une contre-expertise au vu des diverses contradictions découlant des auditions des experts afin de démontrer que les lésions n'avaient pas été causées par son intervention.

Le coup de déstabilisation litigieux avait été nécessaire, M. B______ pouvant agresser le recourant physiquement à tout moment. Selon les experts, le détenu était connu pour une dépendance à l'alcool et un trouble de la personnalité avec des traits d'impulsivité et de tendances au conflits marquées. Il avait été hospitalisé une dizaine de fois en milieu psychiatrique dans le contexte de passages à l'acte auto et hétéro-agressif. Une tendance à une interprétation persécutoire de M. B______ évoquant un possible délire à bas bruit ou des traits de troubles de la personnalité de type paranoïaque avaient aussi été relevés.

Son geste était dès lors justifié aux fins de se protéger.

Les pièces versées au dossier ne permettaient pas de retenir qu'une ou plusieurs fautes graves avaient été commises. Une sanction allant au-delà de dix services supplémentaires était extraordinaire. Elle n'avait lieu qu'en cas d'atteinte à l'intégrité, ce qui en l'espèce n'était pas établi. Enfin, aucune révocation ou dégradation n'avait été évoquée dans le cas de M. A______.

L'OCD avait un comportement contradictoire. Initialement, au terme de la décision querellée, la participation du recourant au « bizutage » était le principal acte reproché alors même que désormais il était placé au second rang. Le recourant était victime d'une inégalité de traitement, les agents de détention ayant participé au « bizutage » ultérieur n'ayant été sanctionnés qu'à hauteur de trois services supplémentaires alors même que ce dernier s'était déroulé à la vue de tous avec des actes bien plus dégradants à l'égard du « bizuté ». La sanction n'avait pas lieu d'être.

28) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision du 28 août 2020 du directeur de la prison infligeant quinze services supplémentaires au recourant.

3) Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA) ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). Selon l'art. 61 LPA, le pouvoir d'examen de la chambre administrative se limite à la violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation
(art. 61 al. 1 let. a LPA). Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA). Cette condition n'est pas réalisée en l'espèce.

4) a. Le personnel pénitentiaire est soumis à la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), et à ses dispositions d'applications sous réserve des dispositions particulières de la loi sur l'organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaire du 3 novembre 2016 (LOPP - F 1 50 ; art. 6 al. 1 LOPP).

b. Selon l'art. 7 LOPP, le personnel pénitentiaire est chargé notamment de garantir les tâches d'accompagnement et d'encadrement nécessaires aux personnes détenues dans le respect des droits fondamentaux et des principes en matière de privation de liberté, en particulier l'accompagnement à la réinsertion.

Dans le serment que les agents de détention prêtent lors de leur entrée en fonction (art. 19 LOPP), ils s'engagent à remplir avec dévouement les devoirs de la fonction à laquelle ils sont appelés et à suivre exactement les prescriptions relatives à leur office qui leur sont transmises par les supérieurs dans l'ordre hiérarchique.

c. Les membres du personnel pénitentiaire sont tenus au respect de l'intérêt de l'État et doivent s'abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 24
al. 2 du règlement sur l'organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaire du 22 février 2017 - ROPP - F 1 50.01).

Le personnel pénitentiaire observe à l'égard des personnes détenues une attitude courtoise et exemplaire (art. 26 al. 1 ROPP).

Les membres du personnel pénitentiaire ne peuvent employer la force et les moyens de contrainte qu'en dernier recours, lorsque toute autre mesure visant à rétablir l'ordre et la sécurité, tel le dialogue ou la négociation, a échoué (al. 1). Le recours à la force et aux moyens de contrainte doit être conforme au principe de proportionnalité (al. 2). Les procédures et modalités de recours à la force et aux moyens de contrainte sont précisées par voie de directive de la direction générale (art. 27 al. 3 ROPP).

d. Tel que rappelé par le Tribunal fédéral dans sa jurisprudence constante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_15/2019 du 3 août 2020), un fonctionnaire, pendant et lors de son travail, a l'obligation d'adopter un comportement qui inspire le respect et qui est digne de confiance, et sa position exige qu'il s'abstienne de tout ce qui peut porter atteinte aux intérêts de l'État. Il doit en particulier s'abstenir de tout ce qui peut porter atteinte à la confiance du public dans l'intégrité de l'administration et de ses employés et qui pourrait provoquer une baisse de confiance envers l'employeur. Il a précisé qu'il est sans importance que le comportement répréhensible ait été connu ou non du public et ait attiré l'attention.

e. Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu'elles ne sauraient être prononcées en l'absence de faute du fonctionnaire (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 1228 ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 8ème éd., 2020, n. 1493 ; Jacques DUBEY/Jean Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 2249).

Alors qu'en droit pénal les éléments constitutifs de la faute doivent être expressément indiqués dans la loi, en droit disciplinaire, les agissements pouvant constituer une faute sont d'une telle diversité qu'il est impossible que la législation en donne un état exhaustif (Peter HÄNNI, Personalrecht des Bundes, 2004, n. 231 ; Gabriel BOINAY, Le droit disciplinaire de la fonction publique et dans les professions libérales, particulièrement en Suisse romande, RJJ 1998, p. 27 n. 50). La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n'ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l'auteur (ATA/631/2017 du 6 juin 2017 consid. 4d et les arrêts cités). La faute disciplinaire peut même être commise par méconnaissance d'une règle. Cette méconnaissance doit cependant être fautive (Gabriel BOINAY, op. cit., p. 29 n. 55).

f. Traditionnellement, le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
(Cst. - RS 101), se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c).

5) En qualité d'agent de détention à la prison, le recourant est soumis à la LOPP.

a. Dans un premier argument, il invoque la prescription de l'action disciplinaire portant sur le « bizutage ».

À teneur de l'art. 25 al. 1 LOPP, l'agent de détention qui enfreint ses devoirs de service, soit intentionnellement soit par négligence, peut faire l'objet, selon la gravité de la faute, des sanctions disciplinaires suivantes : a) le blâme ;
b) les services supplémentaires ; c) la réduction du traitement pour une durée déterminée ; d) la dégradation pour une durée déterminée ; e) la révocation.

Le directeur est compétent pour prononcer, après validation par la direction générale, le blâme et les services supplémentaires (art. 26 al. 1 LOPP).

La responsabilité disciplinaire se prescrit par un an après la connaissance de la violation des devoirs de service et en tout cas par cinq ans après la dernière violation. La prescription est suspendue pendant la durée de l'enquête administrative, ou de l'éventuelle procédure pénale portant sur les mêmes faits (art. 25 al. 4 LOPP).

L'art. 25 al. 4 LOPP ne précise pas qui doit avoir eu connaissance de la violation et à partir de quand celle-ci doit être considérée comme étant « découverte » (arrêt du Tribunal fédéral 8C_621/2015 du 13 juin 2016 consid. 2.4, qui confirme l'ATA/652/2015 du 23 juin 2015 ; ATA/142/2020 du 11 février 2020 consid. 4b).

La chambre de céans a jugé de manière constante, dans des affaires où un fonctionnaire de police avait été sanctionné d'un blâme ou de services hors tours, que l'art. 37 al. 6 de l'ancienne loi sur la police (ci-après : aLPol), dont la teneur est identique aux art. 25 al. 4 LOPP et 27 al. 7 LPAC, faisait référence à la connaissance des faits par la cheffe de la police - la commandante, compétente pour prononcer le blâme et les services hors tour (art. 36 al. 2 aLPol ; ATA/435/2018 du 8 mai 2018 consid. 7b ; ATA/652/2015 précité consid. 7 et les références citées)

Le Tribunal fédéral a rappelé qu'il n'est pas insoutenable de considérer que le délai d'une année de l'art. 37 al. 6 aLPol commence à courir à partir seulement du moment où l'autorité compétente pour infliger la peine disciplinaire apprend elle-même l'existence d'une violation des devoirs de service. À la nécessité pour l'administration d'agir sans retard, on peut opposer, de manière défendable, que la prescription d'un an ne peut pas dépendre du seul comportement du supérieur hiérarchique, qui peut commettre une erreur d'appréciation sur la gravité des faits ou qui, pour d'autres motifs, tarderait à informer l'autorité compétente (arrêt du Tribunal fédéral 8C_621/2015 précité consid. 2.5).

Dans l'ATA/215/2017 du 21 février 2017 (consid. 11e), la chambre administrative a considéré qu'à teneur de l'art. 16 al. 1 let. c LPAC, dès lors que la compétence de prononcer la révocation d'un fonctionnaire appartenait au Conseil d'État, c'était le moment où celui-ci, en tant qu'autorité disciplinaire, avait eu connaissance de la violation des devoirs de service du recourant et qu'il avait pu décider de la suite à donner au dossier que le délai de prescription avait commencé à courir.

b. En l'espèce, la décision porte sur deux complexes de faits.

Le premier, du 31 mai 2017, a fait l'objet d'une procédure pénale immédiatement ouverte et toujours en cours. La prescription n'est dès lors pas acquise (art. 25 al. 4 LOPP), ce que les parties ne contestent pas.

Le second complexe de faits porte sur les événements du 9 avril 2018. Ils ont été portés à la connaissance de la DRH-OCD en mai 2018. Le directeur de la prison a pris connaissance des faits le 5 décembre 2018.

Est litigieuse la question de la prescription relative d'un an, notamment le dies a quo, le recourant considérant la date de mai 2018, et l'autorité intimée celle du 5 décembre 2018.

La particularité du cas d'espèce consiste dans le fait que la DRH-OCD a été informée des faits en mai 2018, soit avant le directeur, compétent pour prononcer les services supplémentaires.

Toutefois, l'OCD (art. 5 al. 1 let. c du règlement sur l'organisation de l'administration cantonale du 1er juin 2018 (ROAC - B 4 05.10) comprend la prison de Champ-Dollon (art 5 al. 1 let. c ch. 4 ROAC). Conformément au principe selon lequel « qui peut le plus peut le moins » (arrêt du Tribunal fédéral arrêt 2C_959/2016 consid. 6.3 du 17 mars 2017), l'OCD ayant aussi la compétence de prononcer les services supplémentaires à l'encontre du recourant, le dies a quo du délai de prescription doit être fixé en mai 2018. De surcroît, le délai de sept mois pour vérifier l'éventuelle connaissance de ces agissements par la direction de la prison apparaît excessif, étant rappelé qu'il ressort des travaux préparatoires relatifs à la LPAC, pertinents en l'espèce par analogie, que le législateur a souhaité contraindre l'employeur à prendre des mesures dans un délai relativement bref après la découverte de la violation des devoirs de service (MGC 2006-2007/VI A-4524 ; ATA 215/2017 précité consid. 15 c et d).

La prescription a été interrompue pendant l'enquête administrative, soit du 6 février 2019, date de l'ouverture de l'enquête administrative, au 7 février 2020, date de la remise du rapport de l'enquêteur (ATA/215/2017 précité consid. 15).

Le 27 février 2020, le conseiller d'État a informé le recourant qu'il renonçait à prononcer des sanctions relevant de sa compétence et transmettait le rapport à la direction générale de l'OCD et de la prison pour suite disciplinaire utile. La sanction a été prononcée le 28 août 2020.

À cette dernière date, le délai de prescription d'un an était échu, la prescription ayant couru pendant environ huit mois, avant une suspension de douze mois, et une reprise de six mois. Imputation faite de la suspension, la sanction est intervenue quelques quatorze mois après les faits.

Il n'est pas nécessaire d'investiguer plus précisément la date en « mai 2018 » de la connaissance des faits, le résultat étant identique que cela soit le 1er ou le 31 mai 2018.

La responsabilité disciplinaire pour le « bizutage » était donc prescrite au moment où l'intéressé a été sanctionné le 28 août 2020.

c. Après l'échéance du délai de prescription, la sanction d'une faute professionnelle n'est plus possible, même lorsqu'elle serait utile à la sauvegarde de l'intérêt général (Gabriel BOINAY, Le droit disciplinaire de la fonction publique et dans les professions libérales, particulièrement en Suisse, RJJ 1998, p. 26).

En conséquence, seuls les faits du 31 mai 2017 seront analysés.

6) Le recourant sollicite la suspension de la présente procédure.

a. Selon l'art. 14 LPA, lorsque le sort d'une procédure administrative dépend de la solution d'une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d'une autre autorité et faisant l'objet d'une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu'à droit connu sur ces questions.

La formulation potestative employée dans cette disposition légale laisse un large pouvoir d'appréciation à l'autorité. Une décision de suspendre une procédure administrative comme dépendant de l'issue d'une autre procédure, qui est de nature à en prolonger la durée, doit être utilisé de manière restrictive et dans un but d'économie de procédure. Elle est envisageable lorsque la décision qui doit intervenir conditionne son issue ou qu'elle permet d'économiser des mesures d'instruction (ATA/923/2014 du 25 novembre 2014 consid. 6).

b. En l'espèce, il n'est pas nécessaire d'attendre l'issue de la procédure pénale pour pouvoir trancher le présent litige compte tenu de ce qui suit.

7) Le recourant conteste avoir commis une faute.

a. Conformément à la jurisprudence constante de la chambre de céans, en présence de déclarations contradictoires, la préférence doit en principe être accordée à celles que l'intéressé a données en premier lieu, alors qu'il en ignorait les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (arrêt du Tribunal fédéral 9C_728/2013 du 16 janvier 2014 consid. 4.1.2 ; ATA/195/2021 du 23 février 2021 consid. 7c et les références citées).

b. Dans ses premières déclarations, le 15 décembre 2017, le recourant a reconnu avoir asséné un coup de pied à la tête de M. B______. Il ne se rappelait pas de ces faits. L'intervention s'était déroulée très rapidement. Elle était stressante, il toussait énormément et avait même dû s'écarter à un moment donné pour changer ses gants car ceux-ci étaient plein de sang. Son coup de pied avait été donné à l'arrière de la tête et non sur l'avant ou de côté. Il ne se rappelait pas avoir posé son pied sur la tête de M. B______ alors que ce dernier était au sol. Il avait ajouté que c'était probablement pour maintenir la tête du détenu au sol, car il bougeait.

Dans sa déclaration du 3 décembre 2018, le recourant a par ailleurs reconnu que, lorsqu'il a donné son coup de pied, la tête du détenu a touché le sol, ce dont les images de vidéosurveillance témoignent.

Il ressort du rapport d'expertise que la fracture du complexe
zygomatico-maxillaire, constatée sur M. B______, est la conséquence d'un traumatisme contondant d'une force certaine. Elle est compatible avec l'impact de la partie gauche du visage contre le sol à la suite d'un coup de pied donné à l'arrière de la tête par le recourant, comme proposé dans le dossier de procédure et constaté sur les images de vidéosurveillance. Le coup de pied donné par le recourant était en conséquence susceptible de causer la fracture du complexe zygomatico-maxillaire, les suites de ce qui précède étant à déterminer notamment par la procédure pénale.

c. Il est en conséquence établi, et il ressort des images de vidéosurveillance que le recourant a asséné un coup de pied à la tête du détenu, à 18h16'21, alors que ce dernier était couché à plat ventre sur le sol entouré de six gardiens et en passe d'être menotté (18h16'53). Le détenu a été sorti de sa cellule par la force, traîné sur le flanc gauche et mis à plat ventre dès 18h16'10. C'est en conséquence alors que le détenu était à terre depuis vingt-neuf secondes, entouré de six agents de détention, que le recourant a « eu un geste maladroit qui pouvait aisément être compris par tout un chacun par un geste de légitime défense », selon sa réplique devant la chambre de céans. Toutefois, contrairement à ce qu'il soutient, il ne ressort pas des images de vidéosurveillance qu'au moment d'infliger le coup de pied litigieux, la sécurité de l'agent de détention ait été menacée.

Il ressort des documents produits, notamment des « techniques et tactiques d'intervention » que la tête d'une personne est une zone « rouge », soit qui ne doit être touchée que dans le strict respect du principe de la proportionnalité. Rien n'indique en l'état qu'aucune autre forme d'intervention, moins invasive quant à la technique employée, la partie du corps concernée ou la force investie, n'était possible. Le recourant lui-même indique que le détenu s'agitait, sans citer d'autres formes de menaces qui auraient nécessité le choix de l'acte contesté.

Le recourant invoque la dangerosité du détenu. L'autorité intimée reconnaît que ce dernier pouvait être menaçant verbalement et qu'il aimait impressionner. Toutefois, les sanctions dont il a fait l'objet pendant sa détention ne se montent qu'à trois depuis fin 2016. Elles portent de même sur des actes de moindre gravité et ne font pas mention de violence inusuelle dans un milieu carcéral, même si elles ne peuvent être tolérées, s'agissant de menaces sur un tiers le 31 mai 2017, d'un refus d'obtempérer le 24 janvier 2017 et d'une attitude incorrecte envers le personnel le 9 novembre 2016 pour avoir bousculé un collaborateur.

d. Il est de même établi qu'à 18h19'44, le recourant a mis son pied sur la tête du détenu, toujours au sol, à plat ventre, maintenu, menotté, avec un tissu sur la tête pendant à tout le moins cinq secondes avant d'être relevé et conduit hors du couloir, en clé de bras. Le recourant ne se rappelait pas de ce geste quelques semaines après et en avait déduit qu'il s'agissait probablement de maintenir la tête du détenu au sol car il bougeait. Tel n'est toutefois pas le cas à la vue des images. Par ailleurs la tête du détenu, couverte par le linge, a été maintenue tant avant qu'après l'intervention du recourant, par la seule pression manuelle d'autres gardiens, en position accroupie à côté du détenu.

e. Les deux comportements précités ne respectaient pas le principe de la proportionnalité. Ils n'étaient pas nécessaires pour le maintien de l'ordre, n'étaient pas adéquats dans la situation telle que décrite et n'étaient clairement pas proportionnés au sens étroit.

Le recourant a en conséquence contrevenu à plusieurs dispositions légales en ne respectant pas les droits fondamentaux du détenu concerné (art. 7 LOPP), violant son serment (art. 19 LOPP), en portant atteinte à la crédibilité de l'État (art. 24 al. 2 ROPP), en manquant d'observer à l'égard du détenu une attitude courtoise et exemplaire (art. 26 ROPP) et en ayant recours à la force et à des moyens de contrainte d'une façon non conforme au principe de proportionnalité ( art. 27 al. 2 ROPP).

Dans ces conditions, la faute du recourant est établie, et ainsi le principe d'une sanction pour les faits du 31 mai 2017.

8) Le recourant critique le choix et la quotité de la sanction.

a. L'autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (arrêts du Tribunal fédéral 8C_292/2011 du 9 décembre 2011 consid. 6.2). La nature et la quotité de la sanction doivent être appropriées au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller
au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d'intérêt public recherchés. À cet égard, l'autorité doit tenir compte en premier lieu d'éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement du service en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l'intéressé (ATA/998/2019 du 11 juin 2019 consid. 6b ; ATA/118/2016 du 9 février 2016 consid. 3a ; ATA/94/2013 du 19 février 2013 consid. 15 et la jurisprudence citée).

b. En matière de sanctions disciplinaires, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation ; le pouvoir d'examen de la chambre de céans se limite à l'excès ou à l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/118/2016 précité ; ATA/589/2018 du 12 juin 2018).

c. Dans sa jurisprudence, la chambre de céans a confirmé dix services supplémentaires pour des refus répétés d'obtempérer, qualifiés de violations graves de ses devoirs de service, en entravant l'accès au service médical du quartier disciplinaire et de sécurité (ATA/988/2020 du 6 octobre 2020).

d. En l'espèce, la sanction porte sur quinze services supplémentaires. Elle couvre deux complexes de faits, soit les événements du 31 mai 2017 relatifs à M. B______ et le « bizutage » du 9 avril 2018 relatif à M. F______. Toutefois, comme précédemment mentionné, l'action disciplinaire relative au « bizutage » est prescrite. Il convient dès lors d'analyser l'incidence de cette prescription sur la quotité de la sanction prononcée, étant précisé que l'autorité intimée considère que les quinze services supplémentaires restent fondés pour les seuls faits du 31 mai 2017.

Il ressort du dossier que les autres participants au « bizutage » du 9 avril 2018 ont été soit avertis, soit blâmés. Un seul participant a été sanctionné à hauteur de vingt services supplémentaires. Rien n'indique, et le département ne le prétend pas, que le comportement du recourant pendant le « bizutage » se rapprocherait de celui ayant justifié la sanction de services supplémentaires. Il peut en conséquence en être déduit que l'attitude du recourant, sans les faits du 31 mai 2017, aurait fait l'objet, à l'instar de ses collègues, soit d'un avertissement, soit d'un blâme.

Les services supplémentaires infligés à des agents de détention suite à un « bizutage » étaient justifiés, selon l'autorité intimée, par le fait qu'ils étaient précisément postérieurs au « bizutage » du 9 avril 2018 et faisaient suite à l'interdiction de procéder à des « bizutages » qui avait été formellement rappelée à tous les agents de détention. Dans ces conditions, la situation de M. A______ n'est pas comparable avec celle des participants à ce « bizutage » ultérieur, ce qui confirme qu'elle n'aurait en conséquence pas justifié le prononcé de services supplémentaires.

Le « bizutage » du 9 avril 2018 ne justifiant pas une sanction en services supplémentaires, il ne se justifie pas non plus de réduire le nombre de ceux infligés dans la décision querellée au motif de la prescription de l'action disciplinaire du « bizutage ».

e. Selon le catalogue des sanctions à disposition de l'employeur, prévues à l'art. 25 al. 1 LOPP, les services supplémentaires sont d'une gravité juste supérieure au blâme, mais inférieure à la réduction du traitement pour une durée déterminée, à la dégradation pour une durée déterminée et à la révocation.

À l'évidence, un blâme serait insuffisant au vu des faits du 31 mai 2017. Le choix de services supplémentaires apparaît comme un strict minimum.

La quotité de quinze services supplémentaires, pour les faits du 31 mai 2017, s'inscrit par ailleurs dans la pratique de la prison de sanctionner de plus de dix services supplémentaires les cas d'atteinte à l'intégrité corporelle d'un tiers, les sanctions ayant été, à deux reprises, dans des cas exceptionnels avec lésions corporelles sur des détenus, portés à vingt services supplémentaires.

En l'espèce, au vu du coup de pied sur la tête du détenu, du fait que celle-ci touche le sol, que selon l'expertise médicale « la fracture du complexe zygomatico-maxillaire, constatée sur M. B______, était la conséquence d'un traumatisme contondant d'une force certaine », que la fracture était compatible avec l'impact de la partie gauche du visage contre le sol à la suite d'un coup de pied donné à l'arrière de la tête par le recourant, comme proposé dans le dossier de procédure et constaté sur les images de vidéosurveillance, que les images de vidéosurveillance attestent de la violence du coup et de l'absence de dangerosité du détenu dans cette situation, de l'absence de prise de conscience par le recourant de la gravité des faits, la fixation de quinze services supplémentaires apparaît même clémente, ce d'autant plus au vu du second acte, soit le pied posé sur la tête du détenu. Le fait qu'en l'état, l'enquête administrative n'ait pas évoqué une révocation et dégradation est sans pertinence, l'enquêteur devant établir les faits sans procéder au choix de la sanction, de la seule compétence de l'employeur.

Le recours sera en conséquence rejeté.

9) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er octobre 2020 par Monsieur A______ contre la décision du directeur de la prison de Champ-Dollon du 28 août 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt  peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Thomas Barth, avocat du recourant, ainsi qu'à l'office cantonal de la détention.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mme Lauber, M. Mascotto, Mme Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Balzli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :