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Décisions | Sommaires

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C/14420/2023

ACJC/1547/2023 du 22.11.2023 sur JTPI/12750/2023 ( SFC ) , RENVOYE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/14420/2023 ACJC/1547/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MERCREDI 22 NOVEMBRE 2023

 

Entre

A______ SNC, sise ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par la 19ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 6 novembre 2023,

et

B______ AG, sise ______ [BE], intimée.


EN FAIT

A. a. Le 11 juillet 2023, B______ AG a requis du Tribunal de première instance la faillite de A______ SNC, "chemin 1______ no. ______, [code postal] E______ [GE]", dans le cadre de la poursuite n° 2______.

b. Le 11 août 2023, une citation à comparaître pour une audience devant se tenir le 4 septembre 2023 a été envoyée à A______ SNC à l'adresse précitée.

Le pli, revenu sans aucune mention (motif non indiqué par la Poste), a été réexpédié à son destinataire par courrier simple le 24 août 2023.

Ce dernier courrier a été retourné au Tribunal avec la mention "déménagé retour à l'expéditeur".

b. Le 28 août 2023, le Tribunal a rendu une ordonnance impartissant à B______ AG un délai au 25 septembre 2023 pour lui fournir l'adresse de A______ SNC ou, à défaut, apporter la preuve des recherches utiles à cet effet accomplies en vain, ainsi que tout document officiel établissant l'adresse privée de l'organe C______, aux fins de tentative de nouvelle notification, ou à défaut, la démonstration documentée de l'échec des démarches tendant à la connaitre, et l'a informée qu'à défaut la demande serait déclarée irrecevable.

c. Le changement de siège de A______ SNC, désormais sise au chemin 3______ no. ______, [code postal] E______, a été publié dans la Feuille officielle suisse du commerce le ______ 2023.

d. Par courrier du 21 septembre 2023, B______ AG a transmis au Tribunal l'adresse de C______, "c/o D______, place 4______ no. ______, [code postal] Genève".

e. Une nouvelle citation à comparaître pour une audience devant se tenir le 16 octobre 2023 a été envoyée à la société A______ SNC à l'adresse de C______, associé. Ce pli ayant été retourné au Tribunal avec la mention "destinataire introuvable à l'adresse indiquée", celui-ci a procédé par voie de publication dans la Feuille d'avis officielle (FAO) du ______ 2023 et convoqué une nouvelle audience le 6 novembre 2023.

f. Lors de l'audience du 6 novembre 2023 devant le Tribunal, aucune des parties n'était présente ni représentée.

g. Par jugement JTPI/12750/2023 rendu le 6 novembre 2023, communiqué pour notification à B______ AG par pli recommandé du 9 novembre 2023, et à A______ SNC par publication dans la FAO, le Tribunal, statuant par voie de procédure sommaire, a déclaré A______ SNC en état de faillite dès le ______ 2023 à 14:15 heures (ch. 1 du dispositif), a arrêté les frais judiciaires à 330 fr., compensés avec l'avance effectuée par B______ AG, (ch. 2), mis à la charge de A______ SNC et condamné celle-ci à les verser à celle-là qui en avait fait l'avance (ch. 3).

B. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 14 novembre 2023, A______ SNC forme recours contre ce jugement, qu'elle dit avoir reçu le 14 novembre 2023, et en sollicite l'annulation.

Elle se plaint de n'avoir pas été convoquée à l'audience, de ne pas avoir eu notification du jugement et allègue que la dette, intérêts et frais compris aurait été payée.

EN DROIT

1. 1.1.1 S'agissant d'une procédure de faillite, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. b ch. 7 et 319 let. a CPC; art. 174 al. 1, art. 194 al. 1 LP).

Le recours doit être interjeté dans le délai de dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 321 al. 1 et 2 CPC).

1.1.2 Les citations, les ordonnances et les décisions sont notifiées par envoi recommandé ou d'une autre manière contre accusé de réception (art. 138
al. 1 CPC).

L'acte est réputé notifié, en cas d'envoi recommandé, lorsque celui-ci n'a pas été retiré : à l'expiration d'un délai de sept jours à compter de l'échec de la remise, si le destinataire devait s'attendre à recevoir la notification (art. 138 al. 3 let. a CPC).

La fiction de notification valant en cas d'envoi recommandé ne s'applique pas à l'avis de l'audience de faillite (art. 168 LP; ATF 138 III 225 consid. 3). En effet, comme le prévoit expressément l'art. 138 al. 3 let. a CPC, un acte judiciaire ne peut être réputé notifié que si son destinataire devait s'attendre à le recevoir. Un rapport procédural, qui impose aux parties de se comporter conformément aux règles de la bonne foi, soit, notamment, de se préoccuper de ce que les actes judiciaires concernant la procédure puissent leur être notifiés, ne prend toutefois naissance qu'à partir de la litispendance (ATF 138 III 225 consid. 3.1; 130 III 396 consid. 1.2.3 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5D_130/2011 du 22 septembre 2011 consid. 2.1, publié in Pra 2012 (42) 300). Or, la procédure tendant au prononcé de la faillite est une nouvelle procédure par rapport aux étapes précédentes y menant. Elle ne fait automatiquement suite ni à la procédure préalable, ni à la commination de faillite (art. 159 ss LP). Ainsi, la procédure de faillite n'est pendante qu'à partir de la réquisition de faillite et le devoir des parties de se comporter selon la bonne foi ne naît qu'après la création du rapport de procédure en découlant (ATF 138 III 225 consid. 3.2).

L'avis aux parties de l'audience de faillite avant la tenue de celle-ci (art. 168 LP) est une condition formelle de la décision de faillite. Si cet avis n'a pas lieu, le droit des parties d'être entendues, protégé par l'art. 29 al. 2 Cst., est violé, car il découle de ce droit notamment le droit d'être cité régulièrement aux débats. Cette garantie a pour but d'assurer à chaque partie le droit de ne pas être condamnée sans avoir été mise en mesure de défendre ses intérêts (ATF 131 I 185 consid. 2.1;
117 Ib 347 consid. 2b/bb et les références). En particulier, le débiteur est privé de la possibilité de prouver les faits qui doivent conduire au rejet de la réquisition de faillite (art. 172 LP). L'atteinte causée par le défaut d'une citation valablement notifiée est d'une gravité telle qu'elle ne peut pas être réparée devant l'instance de recours; si cette atteinte est réalisée, la cause doit être renvoyée à l'autorité de première instance (ATF 138 III 225 consid. 3.3 et les références).

La nullité doit être constatée d'office, en tout temps et par l'ensemble des autorités étatiques; elle peut aussi être constatée en procédure de recours (ATF 137 III 217 consid. 2.4.3; 132 II 342 consid. 2.1; 122 I 97 consid. 3a), y compris en dépit de l'irrecevabilité éventuelle du recours (arrêt du Tribunal fédéral 7B.20/2005 du 14 septembre 2005 consid. 1.3 non publié aux ATF 131 III 652).

1.1.3 La notification à une personne morale peut être faite auprès de tout organe habilité à représenter la personne morale, même à l’adresse privée de celui-ci. Cette réglementation légale tend à s’assurer que les courriers des tribunaux (de manière analogue aux actes de poursuite (ATF 134 III 112 c. 3.1 et réf.) parviennent aux personnes physiques qui peuvent agir pour la société.

1.1.4 Les inscriptions au Registre du commerce, accessibles au public par internet, sont notoires (arrêt du Tribunal fédéral 4A_473/2011 du 22 décembre 2011 consid. 2.2).

1.1.5 La notification est effectuée par publication dans la feuille officielle cantonale ou dans la Feuille officielle suisse du commerce lorsque le lieu de séjour du destinataire est inconnu et n’a pu être déterminé en dépit des recherches qui peuvent raisonnablement être exigées (art. 141 al. 1 let. a CPC).

Le fait d'utiliser la voie édictale alors que ses conditions ne sont pas réalisées constitue un motif de nullité (ATF 136 III 571 consid. 6.3, JdT 2014 II 108;
129 I 361 consid. 2.2, JdT 2004 II 47; arrêts du Tribunal fédéral 5A_41/2019 du 22 janvier 2020 consid. 4.3.1; 5A_667/2018 du 2 avril 2019 consid. 4.2). Il résulte toutefois de ces arrêts que la nullité doit être limitée aux cas où la partie n'a pas eu connaissance de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 5A_699/2019 du 30 mars 2020 consid. 5 n.p. in ATF 146 III 247).

1.2 En l'espèce, aucune des citations à comparaître à l'audience de faillite adressées par le Tribunal n'est parvenue à la recourante ou à son associé. Dans la mesure où, à la date de la convocation par publication dans la FAO, le nouveau siège de la société apparaissait au Registre du commerce, le Tribunal n'aurait pas dû procéder par voie édictale; ainsi cette citation doit être considérée comme nulle. Il ressort de ce qui précède que la recourante n'a pas valablement été atteinte. Or, l'avis aux parties de l'audience de faillite avant la tenue de celle-ci est une condition formelle de la décision de faillite.

Il résulte de ce qui précède que le droit d'être entendue de la recourante a été violé puisqu'elle n'a pas été valablement convoquée à l'audience du 6 novembre 2023 et qu'elle a ainsi été privée de la possibilité de faire valoir ses arguments devant le Tribunal.

La violation du droit d'être entendue de la recourante ne peut pas être réparée dans le cadre du présent recours puisque la Cour ne dispose pas d'un pouvoir d'examen complet. Enfin, rien ne permet de penser en l'état que le renvoi constituerait une démarche purement formaliste conduisant à un retard inutile, incompatible avec l'intérêt de l'intimée, étant relevé que la poursuite concernée a été réglée.

Il résulte de ce qui précède que la décision querellée doit être annulée, ce que la Cour peut constater d'entrée de cause (art. 253 CPC), sans préjudice de la recevabilité du recours, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner plus avant la tardiveté éventuelle de celui-ci.

La cause sera dès lors retournée au Tribunal, qui a choisi la procédure orale (art. 253 CPC), pour qu'il cite valablement les parties à comparaître afin que la recourante puisse, le cas échéant, faire valoir ses arguments.

2. 2.1 Selon l'art. 104 al. 1 CPC, le Tribunal statue sur les frais en règle générale dans la décision finale. Compte tenu du renvoi de la cause au Tribunal, le sort des frais de première instance sera réglé avec le jugement final (art. 104 al. 1 et art. 318 al. 3 CPC).

Les frais judiciaires qui ne sont pas imputables aux parties ni aux tiers peuvent être mis à la charge du canton si l'équité l'exige (art. 107 al. 2 CPC).

2.2 En l'espèce, les frais judiciaires de recours seront fixés à 220 fr. (art. 48
et 61 OELP). Compte tenu de l'issue du recours, il se justifie de mettre les frais à la charge du canton (art. 107 al. 2 CPC).

Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à la partie recourante, l’art. 107 al. 2 CPC ne permettant pas de mettre des dépens à la charge de l’Etat de Genève.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Annule le jugement JTPI/12750/2023 rendu le 6 novembre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/14420/2023‑19 SFC.

Renvoie la cause au Tribunal de première instance pour nouvelle décision.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 220 fr. et les met à la charge de l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du pouvoir judiciaire à restituer à A______ SNC la somme de 220 fr.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

 

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indifférente (art. 74 al. 2 let. d LTF).