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ACJC/906/2023 du 27.06.2023 sur OTPI/210/2023 ( SP ) , IRRECEVABLE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/1744/2023 ACJC/906/2023 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 27 JUIN 2023 |
Entre
1) A______ SA, sise ______ (VD),
2) B______ SARL, sise ______ (VD),
appelantes d'une ordonnance rendue par la 16ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 27 mars 2023, comparant toutes deux par Me C______, avocate, ______ (VD), en l'Étude de laquelle elles font élection de domicile,
et
1) D______ SARL, sise ______ [GE],
2) E______ SARL, sise ______ [GE],
intimées, comparant toutes deux par Me Adrien RAMELET, avocat, LENOIR DELGADO & ASSOCIÉS SA, rue des Battoirs 7, 1205 Genève, en l'Étude duquel elles font élection de domicile.
A. Par ordonnance OTPI/210/2023 du 27 mars 2023, reçue le 29 mars 2023 par les parties, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures provisionnelles, a rejeté la requête formée le 3 février 2023 par A______ SA et B______ SARL à l'encontre de D______ SARL et E______ SARL, dans la mesure de sa recevabilité (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 1'800 fr., mis à la charge de A______ SA et B______ SARL et compensés avec l'avance fournie par elles (ch. 2), condamné celles-ci, solidairement entre elles, à verser à D______ SARL et E______ SARL, prises conjointement, 2'000 fr. à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).
B. a. Par acte expédié le 11 avril 2023 au greffe de la Cour de justice, A______ SA et B______ SARL ont formé appel contre cette ordonnance, sollicitant son annulation. Cela fait, elles ont conclu, principalement, à ce que la Cour déclare recevable leur requête du 3 février 2023, s'agissant de la compétence ratione materiae du Tribunal et de la qualité pour agir, respectivement pour défendre, de B______ SARL et E______ SARL, et renvoie la cause au Tribunal afin qu'il statue sur leurs conclusions, sous suite de frais judiciaires de première et seconde instances, aucun dépens ne devant être alloué à D______ SARL et E______ SARL. Subsidiairement, elles ont conclu au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision sur les mesures provisionnelles requises.
b. Dans leur réponse du 8 mai 2023, D______ SARL et E______ SARL ont conclu, principalement, à l'irrecevabilité de l'appel, subsidiairement à son rejet, sous suite de frais judiciaires et dépens.
c. Par avis du 25 mai 2023 du greffe de la Cour, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure:
a. La société vaudoise A______ SA a pour but le commerce et l'installation de produits audio et vidéo, ainsi que d'antennes par satellite.
Son capital-actions était détenu par F______, G______ et H______.
I______ en est le directeur et C______ en est l'administratrice, tous deux avec un pouvoir de signature individuelle.
b. La société vaudoise B______ SARL est notamment active dans la fabrication, le commerce, la représentation, la distribution et l'entretien de systèmes et produits dans les domaines de l'électronique, de l'informatique et de la sécurité, ainsi que tous services et conseils y relatifs.
I______ en est le directeur, avec signature individuelle.
c. Le 1er janvier 2004, un contrat de travail a été conclu entre A______ SA, en qualité d'employeur, et F______, en qualité de travailleur.
Par avenant à ce contrat du 1er novembre 2019, F______ s'est engagé, durant les vingt-quatre mois suivants la cessation de ses activités au sein de A______ SA, à ne pas faire concurrence à celle-ci (art. 2). Une peine conventionnelle à hauteur de 500'000 fr. était prévue en cas de violation de cette clause.
d. Par contrat du 1er novembre 2019, F______, G______ et H______ ont vendu le capital-actions de A______ SA à J______ SA (devenue K______ SA), dont I______ est l'unique administrateur, avec signature individuelle.
Ce contrat prévoyait une clause de non-concurrence à charge de chaque vendeur, d'une durée de deux ans dès la signature du contrat (art. 11.1), une peine conventionnelle de 500'000 fr. en cas de violation de cette clause (art. 11.2), ainsi qu'une clause d'arbitrage pour "tous litiges, différends ou prétentions nés [de ce contrat] ou se rapportant à celui-ci" (art. 15).
e. Le 29 janvier 2021, F______ a démissionné de A______ SA avec effet au 30 avril 2021, et a créé la société D______ SARL, active dans la fourniture de conseils, l'assistance et le suivi de chantier dans le domaine de la domotique, de l'automatisme et de la technique audiovisuelle, dont il est associé gérant président, avec signature individuelle.
f. Le 9 avril 2021, A______ SA et D______ SARL ont conclu un contrat de collaboration, prévoyant notamment le maintien des clauses de non-concurrence du 1er novembre 2019, les questions en lien avec celles-ci devant être réglées dans un accord séparé.
Par avenant à ce contrat du même jour, A______ SA et F______ ont rappelé l'existence des clauses de non-concurrence et stipulé que celle prévue dans l'avenant au contrat de travail du 1er novembre 2019, qui avait une durée de vingt-quatre mois dès la cessation des activités de F______, prendrait fin le 1er mai 2023 et que celle inclue dans le contrat de vente et d'achat d'actions du 1er novembre 2019, qui avait une durée de deux ans dès la signature du contrat, était valable jusqu'au 1er novembre 2021.
A teneur de l'art. 3 de cet avenant, la constitution de D______ SARL et la conduite de ses activités étaient acceptées par A______ SA et ses sociétés affiliées, comme ne contrevenant pas aux clauses de non-concurrence susvisées. Les comportements prohibés par ces clauses pouvaient être réalisés, jusqu'au 1er mai 2023, à l'exception du fait que D______ SARL ne pouvait pas présenter d'autres produits que ceux vendus par A______ SA, à défaut de quoi les peines conventionnelles, découlant de l'avenant au contrat de travail du 1er novembre 2019 et du contrat de vente du capital-actions du 1re novembre 2019, seraient applicables.
g. Par avenant audit contrat de collaboration du 23 mai 2022, A______ SA et D______ SARL ont rappelé que les clauses de non-concurrence du 1er novembre 2019 n'étaient pas annulées et faisaient l'objet d'un accord séparé entre F______ et A______ SA. Elles convenaient également que "les engagements relatifs" pris par D______ SARL ou en faveur de A______ SA étaient applicables à B______ SARL.
h. Le 30 mai 2022, F______ a fondé la société E______ SARL, active dans la distribution et la vente de matériel électrique-domotique, la gestion d'éclairage, la vente d'interrupteurs et de motorisation de stores pour les professionnels et les particuliers, de même que l'import-export du matériel, dont il est associé gérant président, avec signature individuelle.
i. Par courrier du 13 décembre 2022, A______ SA a reproché à D______ SARL, E______ SARL et F______ d'avoir violé les clauses de non-concurrence, en faisant notamment appel à des concurrents.
j. Par acte du 3 février 2023, A______ SA et B______ SARL ont formé une requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles à l'encontre de D______ SARL et E______ SARL tendant à ce que le Tribunal fasse interdiction à celles-ci, ainsi qu'à toutes personnes ou intermédiaires employés par elles, de leur faire concurrence, leur ordonne de communiquer sur l'ensemble de leurs projets en cours et futurs, leur interdise d'exercer leurs activités définies dans leurs statuts, "sous leur propre raison individuelle ou auprès de toute autre société", sur le territoire genevois et leur interdise de créer ou de participer à toutes sociétés ayant pour but de déployer leurs activités définies dans leurs statuts, ces mesures devant être prononcées sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, sous suite de frais judiciaires et dépens.
Elles ont allégué que les relations contractuelles entre les parties étaient régies par le contrat de collaboration du 9 avril 2021 et son avenant du même jour. Les parties avaient décidé de maintenir les clauses de non-concurrence contenues dans l'avenant au contrat de travail du 1er novembre 2019 et le contrat de vente d'actions du 1er novembre 2019, plus particulièrement les peines conventionnelles y relatives. L'avenant au contrat de collaboration du 23 mai 2022 étendait l'application desdites clauses en faveur de B______ SARL. "Par interprétation tant téléologique que systématique", E______ SARL était également soumise à celles-ci. En effet, A______ SA avait donné son accord à la création de cette société et elles s'étaient entendues, afin que E______ SARL distribue des produits L______, la programmation de ceux-ci devant être assurée par A______ SA.
Elles ont reproché à D______ SARL et E______ SARL d'avoir violé les clauses de non-concurrence à plusieurs reprises.
k. Par ordonnance du 3 février 2023, le Tribunal, statuant sur mesures superprovisionnelles, a rejeté la requête, dans la mesure de sa recevabilité, sa compétence étant douteuse, de même que la légitimation passive de E______ SARL et la légitimation active de B______ SARL.
l. Dans leur réponse sur mesures provisionnelles, D______ SARL et E______ SARL ont conclu à l'irrecevabilité de la requête et au rejet de celle-ci, sous suite de frais judiciaires et dépens.
Elles ont notamment allégué que la clause de non-concurrence prévue dans le contrat de vente d'actions du 1er novembre 2019 était échue et que celle contenue dans l'avenant au contrat de travail du même jour s'éteindrait le 1er mai 2023. En tous les cas, le Tribunal n'était pas compétent pour traiter d'un litige concernant une clause de non-concurrence tirée d'un contrat de travail et de son avenant et elles ne bénéficiaient pas de la légitimation passive. Enfin, elles n'avaient pas violé les clauses de non-concurrence concernées.
m. Dans leurs déterminations du 10 mars 2023, A______ SA et B______ SARL ont notamment fait valoir que l'avenant au contrat de collaboration du 9 avril 2021 liait D______ SARL. Cet avenant avait modifié les clauses de non-concurrences du 1er novembre 2019, en redéfinissant de nouvelles obligations et il se limitait à renvoyer aux peines conventionnelles prévues dans lesdites clauses. Il ne s'agissait donc pas d'un litige relevant du droit du travail.
n. Lors de l'audience du Tribunal du 13 mars 2023, D______ SARL et E______ SARL ont déposé des déterminations écrites sur les allégués complémentaires de leurs parties adverses et ont notamment allégué que l'avenant du 9 avril 2021 ne les liait pas.
A l'issue de l'audience, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions, sur quoi le Tribunal a gardé la cause à juger.
D. Dans la décision querellée, le Tribunal a relevé que B______ SARL et E______ SARL ne disposaient vraisemblablement pas de la qualité pour agir, respectivement de la qualité pour défendre. Les clauses de non-concurrence litigieuses étaient inclues dans un avenant à un contrat de travail et dans un contrat de vente d'actions, qui ne liaient pas les précitées. Par ailleurs, il ne semblait pas compétent pour connaître d'un litige découlant d'un contrat de travail, étant relevé que F______ n'était pas partie à la procédure. Il ne semblait pas non plus compétent pour statuer sur la clause de non-concurrence inclue dans le contrat de vente d'actions du 1er novembre 2019, ce contrat contenant une clause d'arbitrage. En tous les cas, cette clause était arrivée à échéance le 1er novembre 2021, de sorte qu'aucune mesure provisionnelle ne pouvait être prononcée sur cette base.
1. 1.1 L'ordonnance querellée constitue une décision sur mesures provisionnelles (art. 308 al. 1 let. b CPC) susceptible de faire l'objet d'un appel pour autant que la valeur litigieuse au dernier état des conclusions prises devant l'autorité de première instance atteigne 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CO).
En l'occurrence, les appelantes n'ont pas articulé de valeur litigieuse. Celle-ci correspond à la quotité du prétendu dommage découlant des violations alléguées des clauses de prohibition de concurrence. L'avenant au contrat de travail du 1er novembre 2019, ainsi que le contrat de vente d'actions du 1er novembre 2019, prévoient chacun une peine conventionnelle de 500'000 fr. en cas de violation desdites clauses. Ainsi, il y a lieu de considérer, sous l'angle de la vraisemblance, que cette somme équivaut a minima à la valeur litigieuse du cas d'espèce. La voie de l'appel est dès lors ouverte.
1.2 Interjeté dans le délai utile de dix jours (art. 142 al. 3, 314 al. 1 CPC et art. 1 let. c LJF), l'appel est recevable à cet égard.
1.3.1 Selon l'art. 311 CPC, l'appel doit être écrit et motivé. Il doit également comporter des conclusions. Etant une voie de réforme dans la mesure où la Cour peut confirmer la décision ou statuer à nouveau (art. 318 let. a et b CPC), l'appelant ne doit pas se borner à demander l'annulation de la décision attaquée et le renvoi de la cause à l'instance cantonale. Il doit également, sous peine d'irrecevabilité, prendre des conclusions sur le fond du litige, lesquelles doivent indiquer sur quels points la partie appelante demande la modification ou l'annulation de la décision attaquée (ATF 137 III 617 consid. 4.2, 4.3, 4.5 et 5.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_587/2012 du 9 janvier 2013 consid. 2).
Les conclusions doivent être interprétées selon le principe de la confiance, à la lumière de la motivation de l'acte. L'interdiction du formalisme excessif commande, pour sa part, de ne pas se montrer trop strict dans la formulation des conclusions si, à la lecture du mémoire, on comprend clairement ce que veut le recourant (arrêts du Tribunal fédéral 4A_274/2020 du 1er septembre 2020 consid. 4 et 5A_368/2018 du 25 avril 2019 consid. 4.3.3).
1.3.2 En l'espèce, les appelantes ont conclu à l'annulation de l'ordonnance querellée, principalement, à l'admission de la recevabilité de leur requête du 3 février 2023, ainsi qu'au renvoi au Tribunal pour nouvelle décision. Subsidiairement, elles ont sollicité un tel renvoi.
Or, le premier juge a rejeté la requête susvisée, dans la mesure de sa recevabilité. Les appelantes devaient ainsi conclure, en appel, à l'admission de leur requête sur le fond. On comprend toutefois à la lecture de l'appel que ces dernières sollicitent le prononcé des mesures provisionnelles requises dans leur requête.
L'appel ne sera donc pas déclaré irrecevable pour ce motif.
2. La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). Les mesures provisionnelles étant soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. d CPC), la cognition du juge est toutefois limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit (ATF 131 III 473 consid. 2.3; 127 III 474 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5A_293/2019 du 29 août 2019 consid. 4.2).
3. Les intimées font valoir que l'appel serait irrecevable, au motif que les appelantes n'auraient plus d'intérêt actuel à l'admission de celui-ci, les clauses de non-concurrence litigieuses étant arrivées à échéance.
3.1.1 Selon l'art. 59 al. 1 et 2 let. a CPC, le tribunal n'entre en matière que sur les demandes qui satisfont aux conditions de recevabilité, lesquelles comprennent notamment l'existence d'un intérêt digne de protection.
Le recourant doit en règle générale justifier d'un intérêt actuel, c'est-à-dire qui existe déjà et subsiste au moment du dépôt du recours. La recevabilité d'un moyen de droit suppose que le jugement soit de nature à procurer au recourant l'avantage qu'il recherche. Le juge n'a pas à statuer sur un recours qui, s'il devait être admis, ne modifierait pas la situation juridique dans le sens des conceptions du plaideur (arrêt du Tribunal fédéral 4P.137/2003 du 17 novembre 2003 consid. 2.1).
Il n'y a d'intérêt pratique que lorsque la décision sur recours peut influencer la situation de fait ou de droit du recourant. L'admission du recours doit pouvoir procurer au recourant un avantage concret. L'exigence de l'existence d'un intérêt digne de protection actuel et pratique est inspirée du souci de l'économie de la procédure et vise à garantir que les tribunaux se prononcent sur des questions concrètes et non pas simplement théoriques. L'intérêt actuel requis fera défaut, en général, lorsque la décision attaquée a été exécutée ou est devenue sans objet ou encore lorsque l'admission du recours ne permettrait pas la réparation du préjudice subi (arrêts du Tribunal fédéral 5A_945/2018 du 21 juin 2019 consid. 1.1 et 1.4.2; 4A_304/2018 du 23 octobre 2018 consid. 3.2.1 et 5A_916/2016 du 7 juillet 2017 consid. 2.3).
Le plaideur ne peut ainsi pas se limiter à soulever des questions de droit qui dans les faits, sont sans pertinence (arrêts du Tribunal fédéral 5A_241/2012 du 3 mai 2012 consid. 2 et 5A_229/2007 du 31 août 2007 consid. 2).
Il peut être dérogé exceptionnellement à l'exigence d'un intérêt actuel lorsque la contestation à la base de la décision attaquée est susceptible de se reproduire en tout temps dans des circonstances identiques ou analogues, que sa nature ne permet pas de la trancher avant qu'elle ne perde son actualité et que, en raison de sa portée de principe, il existe un intérêt public suffisamment important à la solution de la question litigieuse (ATF 139 I 206 consid. 1.1; 137 I 23 consid. 1.3.1; 136 II 101 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_122/2019 du 10 avril 2019 consid. 2.6).
3.1.2 Le juge ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (art. 261 al. 1 CPC).
Le tribunal peut ordonner toute mesure provisionnelle propre à prévenir ou à faire cesser le préjudice et notamment prononcer une interdiction (art. 262 let. a CPC).
Le requérant doit rendre vraisemblable tant l'existence de sa prétention matérielle de nature civile que sa mise en danger ou atteinte par un préjudice difficilement réparable, ainsi que l'urgence (Huber, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 2016, n° 23 ad art. 261 CPC).
Ainsi, le requérant doit rendre vraisemblable que le droit matériel invoqué existe et que le procès a des chances de succès, la mesure provisionnelle ne pouvant être accordée que dans la perspective de l'action au fond qui doit la valider (art. 263 et 268 al. 2 CPC; ATF 131 III 473 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1016/2015 du 15 septembre 2016 consid. 5.3; Bohnet, Commentaire romand CPC, 2019, n° 7 ad art. 261 CPC). Il doit en outre rendre vraisemblable une atteinte au droit ou son imminence, sur la base d'éléments objectifs (Bohnet, op. cit., n° 10 ad art. 261 CPC).
3.1.3 La qualité pour agir (communément qualifiée de légitimation active) ou la qualité pour défendre (communément qualifiée de légitimation passive) relève du fondement matériel de l'action; elle appartient au sujet (actif ou passif) du droit invoqué en justice (ATF 142 III 782 consid. 3.1.3.2; 130 III 417 consid. 3.1 et 3.4; 126 III 59 consid. 1a; arrêts du Tribunal fédéral 4A_397/2018 du 5 septembre 2019 consid. 3.1 et 4A_619/2016 du 15 mars 2017 consid. 3). Le défaut de qualité pour agir ou pour défendre entraîne le rejet de la demande (ATF 142 III 782 consid. 3.1.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_560/2015 du 20 mai 2016 consid. 4.1).
3.2 En l'espèce, les intimées plaident, à juste titre, l'absence d'intérêt actuel à l'admission de l'appel. En effet, les clauses de prohibition de concurrence litigieuses sont arrivées à échéance, au plus tard le 1er mai 2023.
L'avenant au contrat de travail du 1er novembre 2019 prévoyait une clause de non-concurrence pour une durée de vingt-quatre mois dès la cessation des activités de F______ au sein de l'appelante A______ SA. Il est établi que ce dernier a démissionné avec effet au 30 avril 2021. Ladite clause est donc arrivée à échéance le 1er mai 2023, ce que F______ et l'appelante A______ SA ont expressément stipulé dans l'avenant au contrat de collaboration du 9 avril 2021.
Le contrat de vente d'actions de l'appelante A______ SA du 1er novembre 2019, qui ne lie aucune des parties à la procédure, prévoyait une clause de non-concurrence pour une durée de deux ans dès sa signature. Cette clause est donc arrivée à échéance le 1er novembre 2021, comme retenu par le Tribunal. A nouveau, F______ et l'appelante A______ SA ont expressément stipulé, dans l'avenant au contrat de collaboration du 9 avril 2021, que cette clause était valable jusqu'au 1er novembre 2021.
Bien que ledit avenant semble, sous l'angle de la vraisemblance, modifier le contenu des clauses de non-concurrence litigieuses, comme soutenu par les appelantes, celui-ci ne prolonge pas la durée de validité de ces clauses, ce que les précitées n'allèguent au demeurant pas. Il ressort d'ailleurs de l'art. 3 dudit avenant que les obligations en lien avec la prohibition de concurrence étaient expressément maintenues jusqu'au 1er mai 2023.
L'avenant au contrat de collaboration du 23 mai 2022 ne prolonge pas non plus la durée de validité des clauses de non-concurrence litigieuses.
Dans la mesure où ces clauses sont antérieures au présent arrêt, les appelantes ne possèdent plus d'intérêt actuel au prononcé de mesures provisionnelles. En effet, l'intérêt à recourir doit s'examiner au regard des conclusions prises. Or, celles-ci concernent exclusivement des interdictions de faire concurrence fondées sur lesdites clauses, arrivées à échéance. Le droit matériel invoqué n'existe donc plus, de même que sa mise en danger, de sorte qu'il n'y a pas de place pour une mesure provisionnelle.
Les parties n'ayant pas conclu d'autres clauses de non-concurrence, que ce soit le 9 avril 2021 ou le 23 mai 2022, les conditions nécessaires pour déroger à l'existence d'un intérêt actuel des appelantes ne sont pas remplies. En effet, les violations alléguées par celles-ci de prohibition de concurrence ne sont pas susceptibles de se reproduire, en tout temps, dans des circonstances identiques ou analogues.
Par conséquent, l'appel est irrecevable, faute d'intérêt à agir.
4. Les appelantes, qui succombent, supporteront les frais judiciaires d'appel (art. 106 al. 1 CPC), arrêtés à 1'440 fr. (art. 26 et 37 RTFMC), soit un montant correspondant à l'avance effectuée par elles, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).
Les appelantes seront également condamnées, solidairement entre elles, à verser aux intimées, prises solidairement, 2'000 fr. à titre de dépens d'appel, débours et TVA compris (art. 84, 88 et 90 RTFMC, art. 25 et 26 LaCC), étant relevé que le conseil de ces dernières n'a déposé qu'une seule écriture devant la Cour.
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La Chambre civile :
Déclare irrecevable l'appel interjeté le 11 avril 2023 par A______ SA et B______ SARL contre l'ordonnance OTPI/210/2023 rendue le 27 mars 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/1744/2023-16 SP.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'440 fr., mis à la charge de A______ SA et B______ SARL, solidairement entre elles, et compensés avec l'avance de même montant fournie par elles, acquise à l'Etat de Genève.
Condamne A______ SA et B______ SARL, solidairement entre elles, à verser à D______ SARL et E______ SARL, prises solidairement, 2'000 fr. à titre de dépens d'appel.
Siégeant :
Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame
Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.
La présidente : Pauline ERARD |
| La greffière : Mélanie DE RESENDE PEREIRA |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.