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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/21840/2023

ACPR/7/2025 du 07.01.2025 sur OMP/25749/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : EXPERTISE PSYCHIATRIQUE;MESURE(DROIT PÉNAL);DOUTE;PROPORTIONNALITÉ;RESPONSABILITÉ(DROIT PÉNAL)
Normes : CPP.182; CPP.139; CP.20

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/21840/2023 ACPR/7/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 7 janvier 2025

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre le mandat d'expertise rendu le 29 novembre 2024 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 10 décembre 2024, A______ recourt contre le mandat d'expertise psychiatrique décerné contre lui le 29 novembre 2024 et notifié le 2 décembre 2024.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, préalablement, à l'octroi de l'effet suspensif et, au fond, à l'annulation dudit mandat et à la constatation de la violation du principe de la présomption d'innocence, du principe de la proportionnalité et de la maxime d'instruction.

b. Par ordonnance du 11 décembre 2024, la Direction de la procédure de la Chambre de céans a accordé l'effet suspensif sollicité (OCPR/64/2024).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, ressortissant suisse, né le ______ 1986, est prévenu de tentative de meurtre (art. 111 cum 22 CP), lésions corporelles simples (art. 123 CP), séquestration et enlèvement (art.183 CP), contrainte (art. 181 CP), vol (art. 139 CP) et empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 CP) pour avoir, à Genève:

-        en septembre 2023, brûlé avec un chalumeau le bras de C______, la compagne avec laquelle il vivait, lui causant une marque sous son bras;

-        à des dates indéterminées, entre 2019 et 2023, causé à plusieurs reprises des lésions corporelles simples, en assénant des coups de poings/gifles sur le visage de C______, lui provoquant ainsi des hématomes;

-        à une date indéterminée, entre octobre 2019 et octobre 2023, tenté d'étouffer C______, en posant un coussin sur son visage, tenté ensuite de la tuer en essayant de la jeter par le balcon, envisageant à tout le moins de causer sa mort et en s'accommodant de ce résultat;

-        à une date indéterminée, entre octobre 2019 et octobre 2023, enfermé C______ dans une pièce et dans une cave, la privant ainsi de sa liberté;

-        à des dates indéterminées, entre octobre 2019 et octobre 2023, exercé des pressions psychologiques sur C______ en la critiquant et en la rabaissant, ainsi qu'avoir saisi plusieurs fois son téléphone portable, l'entravant ainsi dans sa liberté d'action;

-        le 9 mars 2024, dérobé trois paires de lunettes d'une valeur de CHF 615.- au préjudice de D______, à E______ [GE], ainsi qu'une trottinette électrique stationnée devant le centre commercial F______, en vue de se les approprier et de s'enrichir illégitimement de leur valeur ou contre-valeur;

-        le 2 avril 2024, à la rue 1______ no. ______, pris la fuite en courant à la vue de deux policiers en uniforme qui souhaitaient procéder à son contrôle;

-        le 18 avril 2024, au chemin 2______ no. ______, dérobé un vélo électrique de marque G______ appartenant à H______, afin de se l'approprier et de s'enrichir illégitimement de sa valeur ou contre-valeur; et

-        le 29 juin 2024, à l'avenue 3______ no. ______, dérobé la trottinette électrique de I______, afin de se l'approprier et de s'enrichir illégitimement de sa valeur ou contre-valeur.

b. Le 2 octobre 2023, les parents de C______, J______ et K______, ont adressé une dénonciation au Ministère public afin de dénoncer des violences physiques et psychologiques dont leur fille avait été victime, entre octobre 2019 et octobre 2023, de la part de A______, son compagnon depuis plus de quatre ans. Lors d'un épisode, survenu en octobre 2019, ce dernier l'avait frappée et posé un coussin sur son visage afin de l'étouffer. À une autre reprise, A______ l'avait enfermée dans une pièce et à la cave. Le 26 mai 2023, il l'avait poussée à l'intérieur de son appartement avant de tenter de la jeter par le balcon. À plusieurs reprises, notamment le 22 juin, 16 septembre et le 30 septembre 2023, ils avaient constaté des blessures sur le corps et le visage de leur fille. A______ avait également pris le téléphone de celle-ci, à réitérées reprises, afin d'y insérer le contrôle parental ou d'en retirer les réseaux sociaux.

c. Entendue par la police, le 26 août 2024, puis par le Ministère public, le 30 août 2024, J______ a confirmé sa dénonciation. Sa fille lui avait fréquemment fait part des violences physiques que son compagnon lui infligeait depuis plusieurs années. Elle avait plusieurs fois remarqué la présence de bleus sur le visage, les bras et les jambes de sa fille. Elle savait que A______ consommait beaucoup de stupéfiants, sa fille lui ayant relaté des épisodes lors desquels il l'avait enfermée dans une pièce afin de pouvoir en consommer hors sa présence.

d. Entendu par le Ministère public, le 30 août 2024, K______ a expliqué que depuis que sa fille avait rencontré A______, la situation était allée de mal en pis. Il avait fréquemment vu sa fille avec des bleus et des yeux noirs, ainsi qu'avec des marques de cigarettes sur les bras. Sa fille lui avait expliqué, ainsi qu'à J______, que A______ la frappait et lui faisait des marques sur les bras avec des cigarettes. Elle leur avait également relaté un épisode survenu un an et demi plus tôt lors duquel A______ avait essayé de la lancer par le balcon. Ils avaient à plusieurs reprises invité leur fille à dénoncer ces faits à la police, chose qu'elle n'avait toutefois pas souhaité faire.

e. Plusieurs photographies de C______, sur lesquelles on peut l'apercevoir avec des bleus sur le visage ou des pansements sur le bras, ont été versées à la procédure.

f.a. Entendu le 1er août 2024 par la police, puis le lendemain par le Ministère public, au sujet des vols commis entre mars et juin 2024, le prévenu a reconnu avoir volé un vélo électrique, une trottinette électrique et trois paires des lunettes. Il ne se souvenait toutefois pas du vol survenu le 9 mars 2024. Il consommait de la cocaïne à raison de deux grammes par semaine, consommation qu'il finançait avec la rente que lui versait l'Hospice ainsi qu'avec le produit de ses vols.

f.b. Entendu le 19 août 2024 par la police, puis le lendemain par le Ministère public, A______ a contesté l'ensemble des faits dénoncés par les parents de C______. Cette dernière, avec laquelle il n'entretenait plus de contacts depuis huit mois et qui souffrait par ailleurs de problèmes psychiques, s'était elle-même infligé les blessures et avait tenté de se suicider. Cela faisait un ou deux mois qu'il ne consommait plus de stupéfiants. Tout était organisé en vue de son départ la semaine suivante dans une clinique à L______ [VS] pour y faire une "cure", plusieurs personnes de sa famille ou de son cercle l'aidant à cet égard. Il ne suivait pas de traitement.

f.c. Entendu une nouvelle fois par le Ministère public, le 30 août 2024, A______ a persisté à contester les faits, admettant toutefois qu'il leur était arrivé, lors de "chamailleries" avec C______, de se frapper ou gifler mutuellement. Il consommait de la cocaïne depuis cinq ans. Il essayait de trouver un emploi et de "se sortir" de la toxicomanie. Il était d'accord que, pour s'en sortir, il fallait d'abord le vouloir, s'aider soi-même et se donner les moyens de le faire, mais il avait malheureusement, au cours des derniers temps, d'abord essayé d'aider les autres plutôt que lui-même. Il concédait que la toxicomanie était un poison susceptible d'avoir une finalité dramatique. Il avait un jour goûté au crack et avait tout perdu à cause de cela, ses amis, son logement et son travail. S'il avait pu sortir C______ de la toxicomanie au cours des deux premières années et bien qu'il eût beaucoup diminué sa propre consommation, il n'y était lui-même pas parvenu. Bien que celle-ci ne le rendît pas violent, elle l'affaiblissait, le "paralysait", l'empêchait d'être lui-même, lui faisait avoir une "paranoïa" et l'amenait à "perdre ses souvenirs".

f.d. Lors d'une nouvelle audience par devant le Ministère public, le 4 octobre 2024, A______ a persisté à nier être l'auteur des coups portés à C______. Il a produit une lettre qu'il avait adressée la veille à la Fondation M______ et par laquelle il sollicitait de l'aide afin de "commencer un traitement relatif à [son] addiction".

g. Après plusieurs tentatives infructueuses, les policiers ont pu procéder à l'audition de C______, le 4 septembre 2024. Celle-ci a confirmé que A______ l'avait frappée à plusieurs reprises au cours de leur relation, coups qui lui avaient occasionné des hématomes sur les bras, les jambes et le visage, et l'avaient parfois amenée à contacter la police. En septembre 2023, il l'avait également frappée au visage et brûlée sous le bras avec un chalumeau. Elle ne se souvenait en revanche pas si A______ avait tenté de la jeter du balcon. Elle réfutait avoir été enfermée dans une cave.

h. À teneur de l'extrait de son casier judiciaire, A______ a été condamné à cinq reprises, entre le 14 septembre 2017 et le 8 juillet 2023, pour diverses infractions à la loi sur la circulation routière (à réitérées reprises), contravention à la loi sur les stupéfiants (à trois reprises, le 14 septembre 2017, le 27 juin 2023 et le 8 juillet 2023), menaces, contrainte, lésions corporelles simples (à deux reprises), injure, vol simple, vol d'importance mineure (à deux reprises), recel (à deux reprises), délit contre la loi sur les armes, empêchement d'accomplir un acte officiel (à deux reprises) et dommages à la propriété.

i. A______ a été arrêté, respectivement détenu, du 1er août au 2 août 2024, puis du 19 août au 15 octobre 2024, date à laquelle il a été libéré moyennant la mise en œuvre de diverses mesures de substitution.

j. Le 3 décembre 2021, le Ministère public avait refusé d'entrer en matière sur une plainte déposée le 14 octobre 2021 par C______ à l'encontre de A______, pour des faits susceptibles d'être constitutifs d'injure, menaces et voies de fait, voire lésions corporelles simples, considérant que les déclarations des parties étaient contradictoires et qu'aucun élément objectif n'était propre à corroborer l'une ou l'autre des versions.

k. Les parties ont été invitées à se prononcer sur l'intention du Ministère public d'ordonner une expertise psychiatrique. A______ s'y est opposé, interjetant une première fois recours contre le projet de mandat d'expertise, lequel a été rejeté le 5 novembre 2024 par la Chambre de céans (ACPR/812/2024).

C. Dans son mandat querellé, après avoir brièvement rappelé les infractions reprochées au prévenu, le Ministère public relève qu'il ressort de la procédure que A______ est consommateur de crack depuis plusieurs années. Il était dès lors indispensable d'établir une expertise psychiatrique afin de déterminer si le précité ne souffrait pas d'une addiction, le cas échéant, si une mesure devait être ordonnée.

D. a. À l'appui de son recours, A______ invoque une violation des principes de la présomption d'innocence, de la libre appréciation des preuves et de la maxime d'instruction. Il avait réfuté les faits prétendument commis au préjudice de C______. Cette dernière, qui semblait totalement désintéressée par la procédure, n'avait au demeurant pas souhaité déposer plainte contre lui et réfuté la majeure partie des faits dénoncés par ses parents. La mise en œuvre d'une telle expertise était prématurée, dès lors que l'audience de confrontation n'était prévue qu'en janvier 2025.

Le mandat querellé violait en outre les art. 20 CP et 182 CP, ainsi que le principe de proportionnalité. Il avait cessé de consommer des stupéfiants au moment de son arrestation, en août 2024, et rien n'indiquait qu'il en eût consommé au moment des faits. Quand bien même tel eût été le cas, cela ne signifiait pas encore que ses facultés intellectuelles et volitives eussent été altérées au moment des faits reprochés. Aucun indice ou moyen de preuve ne validait une telle hypothèse, le Ministère public se contentant de rappeler les infractions reprochées à son endroit.

Le mandat querellé violait enfin les art. 10 al. 2 Cst, 13 al. 1 Cst et 6 CEDH. Il lui occasionnerait un examen invasif et des atteintes à sa sphère privée, dès lors que l'expert prendrait connaissance de l'intégralité de la procédure et des charges retenues à son encontre et rendrait un rapport faisant état d'un degré de responsabilité pénale, de mesures thérapeutiques préconisées et d'un éventuel diagnostic.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant estime que les conditions ne sont pas remplies pour une expertise psychiatrique.

3.1.       En vertu de l'art. 139 al. 1 CPP, les autorités pénales mettent en œuvre tous les moyens de preuves licites qui, selon l'état des connaissances scientifiques et l'expérience, sont propres à établir la vérité.

L'art. 182 CPP – qui figure au Titre 4 du CPP sur les moyens de preuve – prévoit que le ministère public et les tribunaux ont recours à un ou plusieurs experts lorsqu'ils ne disposent pas des connaissances et des capacités nécessaires pour constater ou juger un état de fait.

Le magistrat instructeur doit faire et ordonner tout ce qui lui paraît nécessaire pour établir la vérité dans le cadre fixé par la loi, il est le seul maître de l'instruction et c'est à lui seul qu'il appartient d'organiser et de conduire l'instruction, d'apprécier l'opportunité des actes à exécuter et de décider l'ordre dans lequel ces derniers seront accomplis (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, CPP, Code de procédure pénale, Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2016, n. 2 ad art. 62 CPP). Pour le reste, les preuves sont soumises à l'appréciation ainsi qu'à l'intime conviction du juge.

3.2.       L'art. 20 CP dispose que l'autorité d'instruction ou le juge ordonne une expertise s'il existe une raison sérieuse de douter de la responsabilité de l'auteur.

L'autorité doit ordonner une expertise non seulement lorsqu'elle éprouve effectivement des doutes quant à la responsabilité de l'auteur, mais aussi lorsque, d'après les circonstances du cas particulier, elle aurait dû en éprouver, c'est-à-dire lorsqu'elle se trouve en présence d'indices sérieux propres à faire douter de la responsabilité pleine et entière de l'auteur au moment des faits (arrêt du Tribunal fédéral 6B_352/2014 consid. 5.1 non publié in ATF 141 IV 273 ; ATF 133 IV 145 consid. 3.3 p. 147). La ratio legis veut que le juge, qui ne dispose pas de connaissances spécifiques dans le domaine de la psychiatrie, ne cherche pas à écarter ses doutes lui-même, fût-ce en se référant à la littérature spécialisée, mais que confronté à de telles circonstances, il recourt au spécialiste (arrêt du Tribunal fédéral 6B_987/2017 du 12 février 2018 consid. 1.1).

Constituent de tels indices, une contradiction manifeste entre l'acte et la personnalité de l'auteur, le comportement aberrant du prévenu, un séjour antérieur dans un hôpital psychiatrique, une interdiction prononcée en vertu du code civil, une attestation médicale, l'alcoolisme chronique, la dépendance aux stupéfiants, la possibilité que la culpabilité ait été influencée par un état affectif particulier ou l'existence de signes d'une faiblesse d'esprit ou d'un retard mental (ATF 116 IV 273 consid. 4a p. 274 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_341/2010 du 20 juillet 2010 consid. 3.3.1). En matière de stupéfiants, une légère ivresse induite par la consommation de drogue ne suffit pas à susciter des doutes sérieux quant à la pleine responsabilité de l'auteur. N'est significative qu'une ivresse moyenne ayant entraîné une nette perturbation de la conscience, de la faculté volitive ou de la capacité de réagir. Le seul fait que l'auteur s'adonne à la consommation de drogue ne suffit pas à faire douter de sa pleine responsabilité, lorsqu'il n'est pas établi que cette consommation a eu les incidences qui viennent d'être décrites lors de l'accomplissement de l'acte reproché (arrêts du Tribunal fédéral 6B_987/2017 du 12 février 2018 consid. 1.1 ; 6B_418/2009 du 21 octobre 2009 consid. 1.2.2 ; 6B_13/2009 du 9 février 2009 consid. 3.1). Alors que la (simple) consommation de stupéfiants ou d'autres substances psychotropes doit amener le magistrat à rechercher si les circonstances ne font pas douter de la responsabilité de l'auteur – une réponse négative débouchant sur le refus d'une expertise –, la dépendance (effective) aux produits susmentionnés commande de procéder à l'examen considéré (L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS (éds), Code pénal I (art. 1 – 110 CP), 2ème éd., Bâle 2021, n. 17 ad art. 20 CP).

Inversement, il n'y a pas de raison sérieuse de douter de la responsabilité de l'auteur du simple fait que celui-ci a agi de manière irréfléchie, évolue dans un contexte familial difficile ou encore lorsque son comportement avant, pendant et après l'infraction démontre une connexion à la réalité, soit une capacité de s'adapter aux nouveaux impératifs de la situation, par exemple d'attendre ou même de se représenter mentalement une occasion de passer à l'acte. De manière plus générale, la simple possibilité, voire même la vraisemblance, que l'infraction perpétrée puisse avoir une origine psychique ne suffit pas à faire naître un doute sérieux (R. ROTH / L. MOREILLON (éds), Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, Bâle 2009, n. 15 ad art. 20 et les références citées).

3.3.       En outre, pour ordonner une mesure thérapeutique institutionnelle ou un traitement ambulatoire, le juge est tenu de se fonder sur un rapport d'un expert (art. 56 al. 3, 4 et 4 bis CP).

3.4.       En l'espèce, les faits reprochés au recourant sont susceptibles d'être constitutifs, notamment, de tentative de meurtre, de séquestration et enlèvement, de contrainte et de lésions corporelles simples, soit des infractions particulièrement graves. Bien que la gravité des infractions ne suffise pas à elle seule à fonder un doute quant à la responsabilité du prévenu ou à la nécessité de prononcer une mesure au sens des art. 59ss CP, cet élément doit être pris en considération, au côté, notamment, de la manière dont les faits se sont déroulés et du comportement soupçonné du recourant avant et après ceux-ci.

Quoiqu'en pense le recourant, la mise en œuvre de l'expertise psychiatrique n'apparait pas prématurée à ce stade de l'instruction. Quand bien même le Ministère public ne l'a pas encore confronté à C______ en lien avec les faits dénoncés par les parents de cette dernière, l'absence de cet acte d'instruction ne rend pas sans objet la question de savoir si une expertise psychiatrique apparaît – déjà – nécessaire. En effet, les soupçons à cet égard sont suffisants au vu des explications de J______ et K______, lesquelles sont partiellement corroborées par les photos versées à la procédure. En outre, ces faits font écho à une autre procédure ayant visé le recourant en 2021, entre-temps abandonnée faute d'éléments de preuve suffisants, dans le cadre de laquelle C______ avait dénoncé le recourant pour l'avoir injuriée, menacée et frappée.

Dans son recours, le recourant souligne qu'il ne reconnaît pas les faits qui lui sont reprochés et que l'expertise querellée violerait ainsi le principe de la présomption d'innocence. Toutefois, il perd de vue que le rôle de l'expert n'est pas de se prononcer sur la commission, ou non, des actes qui lui sont reprochés ni sur leur qualification juridique, mais sur sa faculté, au moment des faits dénoncés, de pouvoir appréhender le caractère illicite d'un acte et de se déterminer d'après cette appréciation (art. 19 CP), même si les accusations sont contestées (arrêt du Tribunal fédéral 1B_245/2021 du 2 août 2021 consid. 3.5 et les références citées). Peu importe, dès lors, dans le cas présent, que le recourant conteste avoir tenté de tuer C______, l'avoir régulièrement frappée, l'avoir brûlée avec un chalumeau ou encore l'avoir enfermée dans une cave. Dans la mesure où les experts rendront leur rapport en tenant compte du fait que le recourant est en l'état seulement soupçonné des actes qui lui sont reprochés, l'on ne saurait considérer que l'expertise psychiatrique porterait atteinte à la présomption d'innocence.

Dans un autre grief, le recourant soutient que rien n'indique qu'il aurait consommé des stupéfiants au moment des faits reprochés ou qu'une telle consommation, si tant est qu'elle eût lieu, aurait altéré ses facultés cognitives et volitives. Il ne peut être suivi. En effet, les faits dénoncés par les parents de C______, quand bien même ils ne peuvent tous être datés avec précision, sont susceptibles d'être intervenus entre 2019 et 2023. Or, à teneur des éléments figurant au dossier, il existe des indices suffisant permettant de penser que, pendant cette période, le recourant consommait régulièrement de la cocaïne et souffrait visiblement d'une addiction à cette substance. Entendu par la police le 1er août 2024, le recourant a reconnu consommer de la cocaïne à raison de deux grammes par semaine. Les 19 et 20 août 2024, il a expliqué être sur le point de partir pour une "cure" dans une clinique à L______ [VS] – dont on ignore, en l'état, si elle eut lieu et fut fructueuse –. Réentendu le 30 août 2024, il a déclaré consommer de la cocaïne depuis cinq ans, ajoutant essayer de "se sortir" de la toxicomanie – ce qu'il n'était toujours pas parvenu à faire –, poison lui ayant fait tout perdre et par ailleurs susceptible d'avoir une finalité dramatique. Il a par ailleurs sollicité l'aide de la Fondation M______ en vue de commencer un traitement relatif à son addiction. À cela s'ajoute qu'à teneur de l'extrait de son casier judiciaire, il a été condamné à trois reprises, entre le 14 septembre 2017 et le 8 juillet 2023 – période se recoupant en partie avec celle des faits dénoncés par les parents de C______ –, pour contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants.

Ces éléments sont autant d'indices permettant de soupçonner que le recourant se trouvait, au moment des faits qui lui sont reprochés, sous l'effet de stupéfiants. De plus, au vu des explications qu'il a fournies lors de l'audience du 30 août 2024 – à teneur desquelles la consommation de stupéfiants l'affaiblissait, le "paralysait", l'empêchait d'être lui-même, lui faisait avoir une "paranoïa" et l'amenait à "perdre ses souvenirs" –, on peut raisonnablement se demander si la drogue absorbée a pu altérer ses facultés cognitives et volitives, ainsi que son comportement.

Partant, seule une expertise psychiatrique pourra confirmer ou démentir ce doute, et se prononcer sur la responsabilité de l'auteur au moment des faits, voire proposer une mesure ou un traitement. Dans ce contexte, quand bien même la décision querellée constituerait un examen invasif et porterait atteinte à la sphère privée du recourant, une telle atteinte reposerait sur une base légale, serait justifiée par des intérêts prépondérants et ne violerait nullement le principe de la proportionnalité au vu des circonstances, étant relevé que les biens juridiquement protégés concernent la vie, l'intégrité physique et la liberté de C______.

4.             Infondé, le recours doit ainsi être rejeté et, partant, le mandat querellé confirmé.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). L'autorité de recours est en effet tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

6.             Il n'y a pas lieu d'indemniser, à ce stade (cf. art. 135 al. 2 CPP), le défenseur d'office.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son défenseur, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Madame Valérie LAUBER et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/21840/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00