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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/26152/2022

ACPR/930/2024 du 11.12.2024 sur OTMC/3301/2024 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : RISQUE DE COLLUSION;RISQUE DE RÉCIDIVE;MESURE DE SUBSTITUTION À LA DÉTENTION;PROLONGATION
Normes : CPP.221.al1.letb; CPP.221.al1.letc; CPP.237

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/26152/2022 ACPR/930/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 11 décembre 2024

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant

 

contre l'ordonnance de prolongation des mesures de substitution rendue le 29 octobre 2024 par le Tribunal des mesures de contrainte,

 

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 11 novembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 29 octobre 2024, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après: TMC) a prolongé, jusqu'au 1er février 2025, des mesures de substitution suivantes à sa charge : obligation de respecter les décisions des autorités civiles (Tribunal de première instance civil, ci-après TPI, et Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, ci‑après, TPAE), notamment s'agissant de ses relations avec ses enfants et son épouse et de se détourner en cas de rencontre fortuite avec ceux-ci hors du cadre autorisé (let. a); et respecter la règle de conduite prononcée le 20 octobre 2022 par le Tribunal correctionnel lui faisant obligation de se soumettre à un suivi psychologique et d'en justifier régulièrement auprès de la Direction de la procédure (let. b).

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de ladite ordonnance et à la révocation des mesures de substitution prononcées "jusqu'ici". Il demande sa mise au bénéfice de l'assistance juridique pour les besoins du recours, avec effet au 30 octobre 2024.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. Dans le cadre de la séparation du couple A______/C______, par jugement du 3 juin 2020 (JTPI/6812/2020), le TPI, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a, sous la menace de l'art. 292 CP (ch. 6 du dispositif), attribué à C______ la jouissance du domicile conjugal sis avenue 1______ no. ______ (ch. 2), fait interdiction à A______ de s'approcher à moins de 300 mètres de C______ et leurs enfants D______, E______, F______, G______, H______ et I______ (ch. 3), ainsi que du domicile conjugal sis avenue 1______ no. ______ (ch. 4) et fait interdiction à A______ de prendre contact de quelque manière que ce soit avec C______ de même qu'avec leurs enfants (ch. 5).

a.b. Par ordonnance du 29 janvier 2024 (OTPI/79/2024), le TPI a, sur mesures provisionnelles et d'accord entre les parties, annulé les ch. 2 et 4 du jugement du 3 juin 2020 précité (ch. 1 du dispositif) et attribué à A______ la jouissance exclusive du domicile conjugal sis avenue 1______ no. ______ (ch. 2).

b. Par jugement du 20 octobre 2022 (JTCO/140/2022), dans la procédure pénale P/2______/2020, le Tribunal correctionnel a déclaré A______ coupable de tentatives de lésions corporelles graves, lésions corporelles simples aggravées, voies de fait, de contrainte et violation du devoir d'assistance sur C______ et leurs enfants; l'a condamné à une peine privative de liberté de 30 mois, sous déduction de 534 jours de détention avant jugement; a dit que la peine était prononcée sans sursis à raison de 15 mois, le mettant pour le surplus au bénéfice du sursis partiel; a fixé la durée du délai d'épreuve à 4 ans; et a ordonné à A______, à titre de règle de conduite, de se soumettre à un suivi psychologique pendant la durée du délai d'épreuve.

c.a. Dans la présente procédure (P/26152/2022) A______ est prévenu, depuis le 6 mars 2024, de violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 CP), d'insoumission à une décision de justice (art. 292 CP), de menaces (art. 180 CP) et d'injures (art. 177 CP) pour avoir, à Genève, à des dates indéterminées depuis sa sortie de prison et jusqu'au 17 juillet 2023, omis de se conformer aux interdictions prononcées par le jugement du 3 juin 2020 précité, soit :

- à réitérées reprises, abordé C______, dans des lieux publics, notamment le 24 juin 2023 et lors d'un match de football de E______, à J______ [BE]; tenté de la joindre téléphoniquement; déposé des courses non sollicitées au domicile familial; le 19 novembre 2022, contacté D______ par message et l'avoir attendu à la sortie de la mosquée, alors que ce dernier était accompagné de G______, H______ et I______, avant de les raccompagner tous en voiture au domicile familial; approché, le 26 novembre 2022, D______, G______, H______ et I______ dans la mosquée et insisté pour qu'ils montent dans sa voiture; approché, en décembre 2022, H______ alors qu'elle participait à la course de l'Escalade; approché G______, le 4 ou 5 octobre 2023, à l'arrêt de bus "L______" et l'avoir accompagnée en bus à la maison de quartier sis avenue 3______ no. ______ où se trouvaient H______ et I______;

- le 26 novembre 2022, alors qu'il conduisait D______, G______, H______ et I______ à leur domicile et que D______ lui avait indiqué qu'il devait effectuer son changement d'adresse auprès de l'Office cantonal de la population et des migrations, "planté" les freins et hurlé que c'était sa maison et que le bail était à son nom; et répondu, alors que H______ venait de l'informer qu'elle devait se faire opérer des pieds, qu'il allait faire mettre leur mère en prison et que H______ serait placée en foyer où l'on s'occuperait bien d'elle;

- à réitérées reprises, rabaissé C______ auprès de leurs enfants, en leur disant notamment qu'elle était une mauvaise mère et qu'elle avait des mœurs dissolues;

- entre le 17 avril 2023, fin de la période atteinte par la prescription et le 17 juillet 2023, à réitérées reprises, traité C______ de "pute", notamment le 24 juin 2023, soit le jour de la remise de la maturité de D______, et lors d'un match de football de E______, à J______ [BE];

- entre le 17 avril 2023, fin de la période atteinte par la prescription et jusqu'au 17 juillet 2023, à des dates indéterminées, menacé, à réitérées reprises, C______ d'enlever leurs enfants, l'effrayant de la sorte.

c.b. Il est également reproché à A______ :

- d'avoir adressé à son épouse un courrier recommandé daté du 11 avril 2024, dans lequel il lui réclamait le remboursement de divers frais, ainsi que des courriels des 12 et 29 mars 2024 et 29 avril 2024, sur le même thème;

- le 9 mars 2024, alors qu'il avait croisé C______ par hasard dans une boucherie, de l'avoir "sortie" du magasin, suivie en hurlant qu'elle devait prendre le tram, puis face au refus de celle-ci, hurlé qu'elle était avec un autre homme;

- d'avoir, le 11 avril 2024, fait en sorte de croiser I______;

- de s'être caché, le 18 avril 2024, dans les buissons alors que C______ amenait I______ à l'Institut K______;

- à réitérées reprises à des dates indéterminées en avril 2024, suivi G______ lorsqu'elle se rendait chez l'orthodontiste;

- d'avoir, à une date indéterminée en avril 2024, été présent devant le domicile familial alors que F______ rentrait;

- de s'être, à tout le moins entre sa sortie de prison et le 30 avril 2024, à réitérées reprises, rendu régulièrement à l'école de I______, avoir attendu G______ lorsqu'elle sortait du domicile familial et raccompagné fréquemment ses filles chez elles.

d. C______ a déposé plainte en raison de ces faits les 9 décembre 2022, 17 juillet 2023 et 30 avril 2024.

e. A______ a, en substance, contesté les faits reprochés et donné des explications qui, selon lui, les justifiaient ou, à tout le moins, permettaient de ne pas lui imputer "la volonté" de violer des interdictions.

f.a. Le 30 avril 2024, A______ a été arrêté.

f.b. Par ordonnance du 2 mai 2024 (OTMC/1332/2024), le TMC a refusé la mise en détention provisoire de A______ et ordonné sa mise en liberté immédiate avec des mesures de substitution similaires à celles querellées.

Eu égard aux éléments au dossier, les charges retenues à l'encontre de A______ – identiques à celles précitées (cf. let. B. c. supra) – étaient suffisamment graves et suffisantes pour justifier sa mise en détention provisoire.

L'instruction se poursuivant, un risque de collusion concret devait être retenu vis-à-vis de la partie plaignante et des enfants [de] A______, compte tenu de la nature des agissements reprochés à A______, et du fait qu'il ne devait pas pouvoir faire pression sur eux afin qu'ils modifient leurs déclarations en sa faveur.

Un risque de réitération existait également au vu des infractions pour lesquelles A______ avait été condamné le 20 octobre 2022. Quand bien même un solde de peine restait à exécuter, il avait adopté de nouveaux comportements pénalement répréhensibles à l'égard des mêmes personnes, y compris alors qu'il se savait visé par la présente procédure, notamment pour violation du devoir d'assistance ou d'éducation, de sorte qu'il compromettait sérieusement et de manière imminente leur sécurité.

Toutefois, vu la gravité moindre des comportements reprochés et en application du principe de proportionnalité, il y avait lieu de prononcer des mesures de substitution.

Si le logement de A______ se situait désormais dans le périmètre visé par la décision du 3 juin 2020, non modifiée par celle du 29 janvier 2024, cette configuration ne saurait pour autant justifier des contacts non autorisés, A______ pouvant et devant, désormais, se détourner en cas de rencontre fortuite.

Il appartenait au prénommé de démontrer qu'il respectait les mesures décidées, y compris de se soumettre à un suivi psychologique et en justifier régulièrement auprès de la direction de la procédure.

g. Le 24 juin 2024, A______ a adressé au Ministère public un "récapitulatif de [ses] [c]onsultations", auprès d'un psychologue-psychothérapeute, faisant état de 18 rendez-vous, dont 2 excusés, pour la période du 30 octobre 2022 au 21 juin 2024.

h. Le 24 octobre 2024, le Ministère public a demandé la prolongation des mesures de substitution.

A______ reconnaissait partiellement les faits reprochés, en les minimisant et rejetant la faute tant sur la justice que sur C______, faisant fi des souffrances qu'il imposait à sa famille. Les pièces produites attestant, selon A______, que c'était son épouse qui le contactait de son plein gré, se rapportaient à des épisodes antérieurs à janvier 2023, soit sans pertinence pour l'entier de la période pénale visée par la présente procédure. Les thérapeutes de G______ et H______, les différents intervenants sociaux et témoins entendus avaient confirmé l'effet délétère du comportement répété de A______ envers ses enfants. Au surplus, l'intéressé n'avait pas justifié d'un suivi psychologique.

Les charges, sans conteste graves, étaient suffisantes pour justifier la prolongation des mesures de substitution compte tenu des éléments au dossier.

i. Le 28 octobre 2024, A______ s'y est opposé.

L'absence de faits nouveaux depuis l'ordonnance du 2 mai 2024 était la preuve qu'il avait respecté ladite ordonnance et que la reconduction des mesures de substitution n'était fondée ni "EN FAIT ni EN DROIT".

Il faisait également grief au Ministère public d'avoir omis des faits importants de la cause, à savoir notamment :

-          que F______ et E______ venaient spontanément chez lui, situation connue des intervenants et de C______;

-          qu'il avait apporté, par le biais des pièces produites, des preuves "fortes et indiscutables" des sollicitations reçues de la part de C______;

-          qu'il avait prouvé avoir entrepris toutes les démarches thérapeutiques qui lui avaient été demandées.

Malgré ses explications sur les différents évènements reprochés, le Ministère public n'avait retenu que la version de C______.

Il n'existait pas, à son encontre, de charges suffisamment instruites et dont la gravité avait été prouvée. Il ne cherchait pas à minimiser les faits mais à les contextualiser. Tous les faits, certes nombreux, dataient d'avant sa mise en détention du 30 avril 2024. Depuis lors, il avait respecté les interdictions ordonnées.

Le risque de collusion n'était pas allégué de manière concrète ni détaillé. Aucune tentative de pression de sa part et/ou de collusion sur les témoins entendus n'avait été rapportée, de sorte qu'il n'y avait aucune raison que cela se produise dans le futur. S'agissant de l'époux d'une des témoins, l'interprétation du Ministère public était "totalement inacceptable". Il avait déposé plainte contre la personne en question après divers épisodes de provocation de la part de cette dernière.

Enfin, le risque de récidive n'était pas fondé en l'absence de faits nouveaux depuis l'ordonnance du 2 mai 2024.

j. Le 30 octobre 2024, A______ a produit des documents médicaux attestant notamment d'un suivi psychologique, auprès d'un psychologue-psychothérapeute, jusqu'au 23 octobre 2024.

k. Par courrier du 1er novembre 2024, le curateur de représentation des mineurs D___/E___/F___/G___/H___/I___ a informé le Ministère public que la situation s'était légèrement apaisée les dernières semaines, dans la mesure où leur père était moins souvent dans le quartier. Lorsque les filles cadettes l'avaient croisé en bas de l'immeuble, des échanges respectueux avaient eu lieu, lesquels n'avaient pas été de nature à déstabiliser les enfants. A______ dénigrait moins leur mère en leur présence. Cette dernière avait également croisé A______ sans que celui-ci ne l'importune.

C. Dans l'ordonnance querellée, le TMC a renvoyé à l'ordonnance du 2 mai 2024 précitée, s'agissant de l'existence de charges suffisantes et graves et de l'existence des risques de collusion et récidive.

Aucun élément n'était intervenu depuis lors permettant une reconsidération des critères justifiant le prononcé de mesures de substitution. Il n'appartenait pas au juge de la détention de se livrer à une pesée complète des éléments à charge et à décharge.

Le risque de collusion demeurait concret vis-à-vis de la partie plaignante et des enfants mais également à l'égard des témoins, dès lors que l'instruction se poursuivait, et au vu de la plainte déposée par A______ contre le mari de l'une de ceux-ci. Il convenait ainsi d'éviter que le prénommé ne fasse pression sur eux ou ne les menaces afin qu'ils modifient leurs déclarations en sa faveur.

"Ces risques" pouvaient être palliés par les mesures de substitution ordonnées, lesquelles demeuraient aptes, adéquates et proportionnées à la peine concrètement encourue.

D. a. Dans son recours, A______ reproche au TMC d'avoir commis un déni de justice "car [il avait] le sentiment, au vu de la motivation de l'ordonnance du 29 octobre 2024, que la procédure conduite par le [TMC] n'a[vait] été qu'un simple protocole pour une décision déjà prise". L'ordonnance litigieuse s'était uniquement basée sur la demande du 24 octobre 2024 et avait ignoré tous les éléments de fait et considérations de droit qu'il avait développés dans ses déterminations du 28 octobre 2024. Bien que le TMC ne soit pas tenu de répondre à chaque argument avancé, il n'était pas autorisé à "vider ce contrôle judiciaire de toute utilité en ignorant tous les faits importants, et surtout les considérations actualisées de [s]a situation […], pour accomplir une simple formalité".

En ne prenant pas en compte l'état du dossier et les nouveaux arguments soulevés au sujet de la suffisance des charges, de la conduite de l'instruction, ainsi que des conditions requises pour retenir un risque de collusion et un risque de réitération, le TMC avait également abusé de son pouvoir d'appréciation.

Par ailleurs, les conditions pour la mise en œuvre de mesures de substitution n'étaient pas remplies. Il reprend les arguments développés dans son courrier du 28 octobre 2024.

Il n'avait jamais minimisé les charges portées à son encontre mais avait répondu aux fausses accusations et apporté des précisions qui confirmaient l'absence de toute volonté de sa part de violer sciemment les interdictions visées. Ses explications – détaillées à nouveau dans l'écriture du recours – avaient été ignorées par les autorités pénales sans aucune raison valable. Ainsi, à en croire la motivation "très lacunaire et trop choquante" du TMC, il n'avait aucune chance de voir lever les mesures de substitution, quel que soit l'effort déployé et l'évolution de sa situation, que cette instance refusait de voir.

Quelques incidents s'étaient produits, qu'il n'avait pas tardé à regretter, mais sans que cela ne doive conduire à l'appréciation exagérée de l'existence d'un danger envers C______ et leurs enfants. Enfin, l'absence de prise en compte tant par le Ministère public que par le TMC des pièces attestant de son suivi psychologique régulier relevait de l'acharnement procédural.

Il sollicite l'octroi de l'assistance judiciaire dès lors que son recours procédait d'une démarche totalement raisonnable et imposée par les circonstances, "plus particulièrement eu égard à la légèreté avec [laquelle] le Ministère public a traité la prolongation des mesures de substitution […], ce qui n'a[vait] pas manqué de lui porter une atteinte, y compris dans sa santé". Son indigence était établie par les documents joints à son écriture.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant conteste l'existence de charges suffisantes.

2.1. Pour qu'une personne soit placée en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, il doit exister à son égard des charges suffisantes ou des indices sérieux de culpabilité, susceptibles de fonder de forts soupçons d'avoir commis une infraction (art. 221 al. 1 CPP). L'intensité de ces charges n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître avec une certaine vraisemblance après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables. Au contraire du juge du fond, le juge de la détention n'a pas à procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge ni à apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure (ATF 143 IV 330 consid. 2.1; 143 IV 316 consid. 3.1 et 3.2).

2.2. En l'espèce, l'ordonnance du 2 mai 2024, instituant les mesures de substitution litigieuses avait, déjà à l'époque, retenu l'existence de charges suffisantes et graves. Le concerné n'avait pas recouru à son encontre.

Depuis lors, les éléments au dossier et les actes d'enquêtes menés, tels que l'audition des témoins et des thérapeutes des enfants, ainsi que les explications fournies par le recourant – qui ne conteste pas en soi la survenance des évènements reprochés – ne permettent pas de considérer que les soupçons pesant sur lui se seraient amoindris.

Par ailleurs, il est rappelé qu'il est reproché au recourant notamment des délits, en particulier, des menaces (art. 180 CP) et une violation du devoir d'assistance et d'éducation (art. 219 CP).

3.             Le recourant conteste tout risque de collusion et réitération.

3.1. Selon l'art. 221 al. 1 let. b CPP, applicable aux mesures de substitution par renvoi de l'art. 237 al. 4 CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsqu'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuves.

3.2. Pour retenir l'existence d'un risque de collusion, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction doivent être encore effectués et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_577/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1).

3.3. L'art. 221 al. 1 let. c CPP, relatif au risque de récidive, dans sa nouvelle teneur au 1er janvier 2024 (RO 2023 468), présuppose désormais que l'auteur compromette sérieusement et de manière imminente la sécurité d'autrui en commettant des crimes ou des délits graves après avoir déjà commis des infractions du même genre.

Selon la jurisprudence relative à l'art. 221 al. 1 let. c aCPP (dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2023 [RO 2010 1881]) – transposable au nouveau droit (arrêt du Tribunal fédéral 7B_155/2024 du 5 mars 2024, destiné à la publication, consid. 3.1 s.) –, trois éléments doivent être réalisés pour admettre le risque de récidive : en premier lieu, le prévenu doit en principe déjà avoir commis des infractions du même genre, et il doit s'agir de crimes ou de délits graves; deuxièmement, la sécurité d'autrui doit être sérieusement compromise; troisièmement, une réitération doit, sur la base d'un pronostic, être sérieusement à craindre (ATF 146 IV 136 consid. 2.2; 143 IV 9 consid. 2.5). La prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3 et 4).

3.4. Concrétisant le principe de la proportionnalité, l'art. 237 al. 1 CPP prévoit que le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention provisoire ou de la détention pour des motifs de sûreté, si ces mesures permettent d'atteindre le même but que la détention. Selon l'al. 2 de cette disposition, fait notamment partie des mesures de substitution l'interdiction de se rendre dans un certain lieu ou un certain immeuble (let. c); l'obligation de se soumettre à un traitement médical ou à des contrôles (let. f) ; et l'interdiction d'entretenir des relations avec certaines personnes (let. g). Cette dernière lettre a été conçue avant tout pour éviter les risques de collusion ou de récidive, p. ex. en matière de violences domestiques (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 14 ad art. 237).

3.5. En l'occurrence, si le risque de collusion à l'égard des témoins pourrait ne plus paraître d'actualité, dès lors qu'ils ont déjà été entendus devant le Ministère public et que rien n'indique, à ce stade, que de nouvelles auditions auront lieu, tel n'est pas le cas envers la partie plaignante et les enfants [de] A______. D'une part, l'instruction est toujours en cours, avec une audience à appointer afin d'entendre les parties. D'autre part, il ne peut être exclu, au vu des antécédents du recourant et des actes reprochés dans la présente procédure – consistant notamment à intervenir sans droit auprès de son épouse et ses enfants ou à les contacter –, que celui-ci ne soit tenté de les amener à modifier leurs déclarations en sa faveur si l'interdiction de contact avec ces derniers était levée.

Partant, c'est à juste titre qu'un tel risque a été retenu à l'encontre du recourant.

3.6. Compte tenu des antécédents judiciaires du recourant, soit une condamnation pour des faits similaires, en raison desquels il a été détenu et de ceux objets de la présente procédure reprochés dès sa sortie de prison et alors qu'il avait connaissance de la présente procédure, un risque de réitération élevé doit être retenu.

Au vu des explications persistantes du recourant consistant, en substance, à invoquer sa situation géographique, voire à rejeter la responsabilité de ses actes sur sa femme et/ ou ses enfants, ce risque apparaît d'autant plus concret.

Partant, les mesures ordonnées paraissent ainsi aptes et adéquates, encore à ce jour, pour diminuer les risques sus-détaillés que présente le recourant.

Le déménagement du recourant dans l'ancien domicile conjugal ne modifie pas ce qui précède. La localisation du logement en question, à proximité des lieux fréquentés par les filles [de] A______, n'interfère en effet pas avec les mesures litigieuses, dans la mesure où ce sont les contacts recherchés et/ou volontaires de la part du recourant qui sont prohibés. Les rencontres fortuites, lesquelles apparaissent inévitables, ont été réglementées, pour le bien des enfants. Les mesures prises à cet égard semblent d'ailleurs efficaces, dès lors que, selon le curateur des mineurs, lorsque de tels cas sont survenus, des échanges respectueux avec le recourant, sans déstabilisation des filles [de] A______ et sans dérangement de C______, ont pu avoir lieu.

3.7. S'agissant du suivi thérapeutique imposé par le Tribunal correctionnel, il apparaît que le recourant le poursuit et n'entend pas l'interrompre. Seule sa justification auprès des autorités semble contestée par le recourant. Or, la simple obligation de respecter la communication de son suivi n'apparaît pas être disproportionnée, en l'état. En effet, si des améliorations du comportement du concerné vis-à-vis de sa famille sont à saluer, sa propension à relativiser sa participation aux faits reprochés justifie de continuer le suivi et qu'il en soit référé à la Direction de la procédure.

Les mesures mises en place apparaissent ainsi justifiées, efficaces et proportionnées et il est ainsi prématuré, à ce stade, de les supprimer.

4. Enfin, le recourant reproche au TMC d'avoir, dans sa décision querellée, commis un déni de justice, un abus de pouvoir d'appréciation et fait preuve d'arbitraire en se fondant sur une instruction "très" lacunaire et en ne tenant pas compte de son domicile actuel, ni de ses attestations de suivi psychologique.

Dans la mesure où le TMC a rendu la décision querellée, il ne peut avoir commis de déni de justice, celui-ci consistant, pour l'autorité, à s'abstenir de rendre une décision dans un délai convenable, conformément aux art. 29 al. 2 Cst et 5 al. 1 CPP (ATF 142 II 154 consid. 4.2; 135 I 6 consid. 2.1; 134 I 229 consid. 2.3).

Partant, ce grief sera rejeté.

Même à considérer que le recourant entendait en réalité invoquer une constatation erronée ou incomplète, voire arbitraire des faits, dès lors que la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2), les éventuelles constatations incomplètes ou inexactes du Ministère public auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.

Au vu de ce qui précède, soit la confirmation de la prolongation des mesures de substitution, en tenant compte de l'ensemble des éléments au dossier y compris les arguments et preuves produits par le recourant, les griefs d'abus de pouvoir d'appréciation de l'autorité intimée et d'arbitraire ne peuvent être que rejetés.

5.             Le recours, infondé, doit être rejeté et l'ordonnance confirmée.

6.             Le dispositif sera communiqué à C______ et au curateur des mineurs D___/E___/F___/G___/H___/I___, pour information (art. 214 al. 4 CPP).

7.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

8.             Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

8.1. Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

8.2. En l'occurrence, le recours est le premier à être dirigé contre les mesures de substitution de sorte que l'on peut admettre qu'il ne procède pas d'un abus.

L’indemnité du défenseur d’office sera cependant fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Admet l'assistance judiciaire pour la procédure de recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à
CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

En communique le dispositif, pour information, à C______ et au curateur des mineurs D___/E___/F___/G___/H___/I___.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/26152/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00