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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/22174/2023

ACPR/914/2024 du 05.12.2024 sur OMP/21892/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DÉFENSE OBLIGATOIRE;AUDITION OU INTERROGATOIRE;POLICE
Normes : LPAv.8; CP.187; CPP.130; CPP.131; CPP.307; CPP.309; CPP.141

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/22174/2023 ACPR/914/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 5 décembre 2024

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

contre l'ordonnance de refus de retrait de preuve rendue le 17 octobre 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 28 octobre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 17 octobre 2024, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a refusé d'écarter de la procédure le procès-verbal de son audition à la police du 5 septembre 2023.

Le recourant conclut, sous suite de frais, à l'annulation de cette décision, à ce que ledit procès-verbal soit retranché de la procédure, de même que toutes les références à ce document, et à ce que son interrogatoire soit répété.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 16 août 2023, C______ a déposé plainte pénale à la police contre A______, né le ______ 1997, lui reprochant d'avoir eu, durant la nuit du 15 au 16 juillet 2023, un rapport sexuel avec sa fille mineure âgée de 15 ans, D______.

Cette dernière a été entendue le même jour par la police selon le protocole NICHD.

b. A______ a été convoqué oralement et par mandat de comparution de la police, le 30 août 2023, pour être auditionné le 5 septembre 2023.

Informé de ses droits au début de l'audition, il a accepté d'être entendu hors la présence d'un avocat.

Il a alors reconnu avoir eu plusieurs rapports sexuels consentis avec D______ durant la nuit du 15 au 16 juillet 2023, mais déclaré n'avoir pas eu connaissance de son âge.

c. Le rapport de renseignements de la police du 5 octobre 2023 mentionne, sous la rubrique "faits reprochés" que le précité a reconnu ceux-ci, lesquels étaient constitutifs d'actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 CP).

d. Par ordonnance du 18 janvier 2024, le Ministère public a ordonné la défense d'office en faveur de A______ en la personne de Me B______, l'intéressé relevant du régime de la défense obligatoire et n'ayant pas désigné de défenseur privé.

e. Le 21 juin 2024, le Ministère public a ouvert une instruction contre A______ pour infraction à l'art. 187 CP.

f. Par pli du 16 août 2024, le prévenu, par la voix de son conseil, a sollicité du Ministère public le retranchement immédiat du procès-verbal de son interrogatoire du 5 septembre 2023, dans la mesure où il constituait un moyen de preuve inexploitable, ainsi que la répétition de cet interrogatoire. Il se trouvait, lors son audition du 5 septembre 2023 par la police, dans un cas de défense obligatoire clairement reconnaissable, de sorte que la police aurait dû veiller à ce qu'il soit assisté d'un avocat, voire à informer le Ministère public afin qu'il ouvre une instruction et mette en œuvre une défense obligatoire.

g. Le 22 août 2024, le Ministère public a auditionné le prévenu en présence de son défenseur et lui a notifié les charges à son encontre.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public refuse d'écarter du dossier le procès-verbal litigieux, retenant que la défense obligatoire n'avait pas à être mise en œuvre lors de cette audition, celle-ci étant intervenue dans le cadre de l'investigation policière. Au surplus, le prévenu, dûment informé de ses droits, avait accepté de s'exprimer hors la présence d'un avocat.

D. a. Dans son recours, A______ allègue que l'infraction à l'art. 187 CP qui lui était reprochée était "grave", selon la liste édictée par la Commission du Barreau dans le cadre de la permanence de l'avocat de la première heure – qui allait plus loin que l'art. 3.1 de la directive D.1 du Procureur général –. Dès lors, la police aurait dû faire spontanément appel à un défenseur, voire à tout le moins informer sans retard le Ministère public en vue de l'ouverture d'une instruction et de la mise en œuvre d'une défense obligatoire. Ses droits de la défense avaient ainsi été enfreints lors de son audition du 5 septembre 2023. Peu importait qu'il ait renoncé à la présence d'un défenseur. En retenant que le procès-verbal de l'interrogatoire n'avait pas à être écarté du dossier, le Ministère public avait violé les art. 131 al. 3, 141, 307 et 309 CPP.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échanges d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure, a qualité pour agir (art. 104 al. 1 let. a CPP), ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant considère que ses déclarations à la police du 5 septembre 2023 ainsi que les références à ce document figurant au dossier seraient inexploitables et devraient être écartés du dossier, au motif qu'il aurait dû obligatoirement être assisté d'un défenseur lors de son audition.

3.1. Selon l'art. 130 let. b CPP, le prévenu doit avoir un défenseur notamment lorsqu'il encourt une peine privative de liberté de plus d'un an, une mesure entraînant une privation de liberté ou une expulsion.

3.2. Dans les cas d'une défense obligatoire, la direction de la procédure pourvoit à ce que le prévenu soit assisté aussitôt d'un défenseur (art. 131 al. 1 CPP). Si les conditions d'une telle défense sont remplies lors de l'ouverture de la procédure préliminaire, la défense doit être mise en œuvre avant la première audition exécutée par le ministère public ou, en son nom, par la police (art. 131 al. 2 CPP). À défaut, les preuves administrées ne sont exploitables qu'à condition que le prévenu renonce à en répéter l'administration (art. 131 al. 3 CPP).

Sous l'empire de l'ancien droit, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2023, la défense obligatoire n'avait pas davantage à être mise en œuvre lors de l'audition du prévenu par la police lors de l'investigation policière, mais seulement après la première audition par le ministère public et, en tout état de cause, avant l'ouverture de l'instruction (art. 131 al. 2 aCPP; cf. aussi ACPR/40/2023 du 18 janvier 2023 et les arrêts cités).

Même si la question est controversée en doctrine, le Tribunal fédéral a confirmé, à plusieurs reprises, que le Code de procédure pénale ne prévoyait pas de droit à une "défense obligatoire de la première heure" lors du premier interrogatoire dans le cadre de l'investigation policière (c'est-à-dire avant l'ouverture de l'instruction pénale); la défense obligatoire ne commençait qu'après l'enquête préliminaire de la police (art. 131 al. 2 CPP), même si celle-ci visait une infraction pour laquelle un défenseur obligatoire devrait être en principe désigné (arrêts du Tribunal fédéral 1B_464/2022 du 10 novembre 2022, 1B 159/2022 du 13 avril 2022 consid. 4.5.3, 6B 322/2021 du 2 mars 2022 consid. 1.3 et les références citées).

3.3. Les art. 307 al. 1 et 309 al. 1 CPP, dont la teneur est restée identique au 1er janvier 2024, prévoient que la police informe sans retard le ministère public sur les infractions graves et tout autre évènement sérieux, respectivement, que le ministère public ouvre une instruction lorsqu'il est informé par la police conformément à l'art. 307 al. 1 CPP.

Sont considérées comme des infractions graves au sens de la directive du Procureur général D.1 (art. 3.1), toutes atteintes à la vie d'une personne, notamment, ainsi qu'en matière d'intégrité sexuelle, tout évènement au cours duquel une personne a subi une agression à caractère sexuel commise par plusieurs auteurs.

Nonobstant l'art. 8A LPav, qui règle le système de permanence de l'avocat de la première heure, et la liste établie par la Commission du barreau qui mentionne les infractions graves pour lesquelles un avocat de permanence peut être mis en œuvre – au nombre desquelles figure l'art. 187 CP – les droits et obligations relatifs à l'intervention d'un défenseur sont exclusivement régis par le CPP, l'art. 8A LPav et la liste susvisée fondant uniquement une obligation pour la profession de mettre sur pied une permanence (art. 3.4. de la Directive du Procureur général C.8).

En résumé, et suivant en cela les Directives du Procureur général, il appartient exclusivement au Ministère public de statuer sur l'existence d'un cas de défense obligatoire. En cas d'infraction grave (art. 307 CPP), il ordonne une défense obligatoire (art. 130 CPP). Une instruction est ouverte (art. 309 al. 1 CPP) et les auditions faites par la police sont des auditions déléguées avec la précision qu'il s'agit d'un cas de défense obligatoire (art. 312 CPP), lors desquelles le prévenu ne peut pas être entendu hors de la présence de son avocat (Directives D.4, art. 23.4 et 24.1; C.8, art. 5.3).

3.4. En l'espèce, l'audition du recourant par la police le 5 septembre 2023 est intervenue dans le cadre de l'investigation policière, soit avant l'ouverture de l'instruction pénale. Une défense obligatoire n'avait ainsi pas à être mise en œuvre à ce stade par la police, même si les investigations concernaient des faits pour lesquels une telle défense devrait être en principe ordonnée, et ce, que l'on applique l'ancien ou le nouveau droit.

En l'absence d'une infraction grave au sens de l'art. 307 CPP, seul applicable ici à l'exclusion de l'art. 8 LPav et de la liste en découlant, la police n'avait pas non plus à informer immédiatement le Ministère public pour qu'il ouvre une instruction et mette en œuvre la défense obligatoire.

Au surplus, le recourant, dûment informé de ses droits par la police lors de son audition, n'a pas souhaité être assisté d'un avocat et il ne ressort pas du dossier que l'intéressé n'aurait pas été en mesure de comprendre tant l'énoncé de ses droits que la portée de sa renonciation expresse à la présence d'un conseil. Il ne le soutient du reste pas.

Dans ces circonstances, on ne saurait retenir que le procès-verbal d'audition et le rapport de renseignements y faisant référence seraient manifestement inexploitables au sens de l'art. 141 CPP.

Enfin, la mise en œuvre de la défense obligatoire du recourant a été effective lors de sa première audition par le Ministère public, puisqu'il était assisté par son défenseur d'office au moment de se voir notifier formellement les charges retenues à son encontre. Partant, la procédure a été pleinement respectée et aucune violation des droits de la défense ne doit être constatée.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera ainsi confirmée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03), étant précisé que, même lorsqu'il bénéficie de l'assistance judiciaire, le recourant débouté peut être condamné à prendre à sa charge les frais de la procédure, dans la mesure de ses moyens (arrêt du Tribunal fédéral 6B_380/2013 du 16 janvier 2014 consid. 5).

6.             Il n'y a pas lieu d'indemniser à ce stade le défenseur d'office (art. 135 al. 2 CPP), la procédure n'étant pas terminée.

 

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/22174/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

- demande sur récusation (let. b)

CHF

Total

CHF

600.00