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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/23418/2023

ACPR/904/2024 du 04.12.2024 sur OTDP/2193/2024 ( TDP ) , REJETE

Descripteurs : DÉFENSE D'OFFICE;CAS BÉNIN
Normes : CPP.132

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/23418/2023 ACPR/904/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 4 décembre 2024

 

Entre

A______, domiciliée ______ [GE], agissant en personne,

recourante,

 

contre l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 30 septembre 2024 par le Tribunal de police,

 

et

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 8 octobre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 30 septembre 2024, notifiée le 7 octobre suivant, par laquelle le Tribunal de police a refusé d'ordonner la défense d'office en sa faveur.

La recourante conclut à la nomination de son conseil en qualité de défenseur d'office et au "report de l'audience en présence d'un avocat".

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ est visée, dans la présente procédure, par soixante-cinq ordonnances pénales rendues par le Service des contraventions (ci-après, SdC) la condamnant à des amendes pour violations simples des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR).

b. Par suite de l'opposition formée par A______, le SdC a transmis les causes au Tribunal de police, pour qu'il statue sur la validité des ordonnances et des oppositions.

c. A______ a été citée à comparaître à l'audience du 17 octobre 2024 par-devant le Tribunal de police.

d. Par lettre reçue par le Tribunal le 25 septembre 2024, A______, qui expliquait faire l'objet d'une saisie de salaire, a requis la désignation de son avocat, Me B______, en qualité de défenseur d'office.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Tribunal de police a retenu que l'indigence n'était pas la seule condition permettant de bénéficier d'une défense d'office. Or, les violations simples des règles de la circulation routière n'étaient punies que d'une amende. Cette peine contraventionnelle ne remplissait donc pas les critères d'une défense d'office, faute de gravité et de complexité en fait ou en droit.

D. a. Dans son recours, A______ déplore que le Tribunal de police ait refusé la nomination d'un avocat d'office alors qu'il savait pertinemment qu'elle ne disposait pas "des moyens nécessaires", au vu de la saisie – "injuste, injustifiée mais en cours" – dont elle faisait l'objet. Un défenseur d'office était absolument nécessaire pour la sauvegarde de ses intérêts et pour une procédure équitable. Elle était "maltraitée" par l'État, qui la menaçait "sans scrupule" d'une peine privative de liberté, alors qu'elle était une mère, une pharmacienne et une politicienne se battant pour l'abolition du "terrorisme étatique" visant les démunis.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

E. Le 17 octobre 2024, A______ a été entendue par le Tribunal de police. Elle a exposé ne percevoir qu'un salaire mensuel de CHF 3'500.- après saisie de l'Office des poursuites. Selon le décompte de cet Office, au 31 mai 2024, elle faisait l'objet de poursuites pour plus de CHF 200'000.-, y inclus plusieurs dizaines d'actes de défaut de biens. Elle a produit une attestation d'aide financière de l'Hospice général.

Sur le fond, elle a maintenu ses oppositions aux soixante-cinq ordonnances pénales. Elle a contesté une partie des amendes pour stationnement, notamment toutes celles de l'année 2022, où elle disposait d'un macaron, ainsi que les émoluments, dont elle souhaitait être exemptée. Elle a exposé avoir été victime d'une injustice, car elle disposait précédemment d'un arrangement avec l'Office des poursuites, pour le paiement par mensualité des amendes, d'un total de CHF 4'000.-. Lorsqu'elle s'était retrouvé à l'Hospice général, elle avait demandé que la mensualité soit baissée à CHF 50.-, mais l'Office des poursuites avait alors "ajouté tous les autres frais de justice pour arriver à une mensualité de CHF 600.- par mois". Elle a également exposé qu'en raison du "problème sociétal", elle n'avait où se garer ce qui engendrait toutes ces amendes. Elle avait besoin de sa voiture pour ses besoins professionnels, car elle exerçait son activité dans les divers cantons romands. Elle souhaitait que le Tribunal de police ordonne à l'Office des poursuites de verser entre CHF 500.- et CHF 700.- pour le paiement des amendes, pour assainir la situation. Elle s'engageait ensuite à régler les nouvelles affaires directement avec le SdC, étant précisé que le nombre de ses infractions à la LCR avait "baissé radicalement". Elle jugeait inacceptable "de menacer des gens d'emprisonnement pour des amendes de parking[,] au niveau de la pesée des intérêts".

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP) et émaner de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. La conclusion visant au report de l'audience devant le Tribunal de police, si tant est qu'elle fût recevable, n'a plus d'objet puisque la recourante a été entendue le 17 octobre 2024.

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             La recourante estime réunir les conditions d'une défense d'office au sens de l'art. 132 CPP.

3.1.       En dehors des cas de défense obligatoire, qui ne concernent pas le cas d'espèce, l'art. 132 al. 1 let. b CPP soumet le droit à l'assistance d'un défenseur à deux conditions : le prévenu doit être indigent et la sauvegarde de ses intérêts doit justifier une telle assistance, cette seconde condition devant s'interpréter à l'aune des critères mentionnés à l'art. 132 al. 2 et 3 CPP.

3.2. Les intérêts du prévenu justifient une défense d'office lorsque la cause n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP), ces deux conditions étant cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 1B_477/2011 du 4 janvier 2012 consid. 2.2 et 1B_138/2015 du 1er juillet 2015 consid. 2.1).

3.2.1. En tout état de cause, une affaire n'est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d'une peine privative de liberté de plus de 4 mois ou d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende (art. 132 al. 3 CPP). La désignation d'un défenseur d'office est en tout cas nécessaire lorsque le prévenu est exposé à une longue peine privative de liberté ou qu'il est menacé d'une peine qui ne peut être assortie du sursis (ATF 129 I 281 consid. 3.1). En revanche, lorsque l'infraction n'est manifestement qu'une bagatelle, en ce sens que son auteur ne s'expose qu'à une amende ou à une peine privative de liberté de courte durée, la jurisprudence considère que l'auteur n'a pas de droit constitutionnel à l'assistance judiciaire (ATF 143 I 164 consid. 3.5).

3.2.2. Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que le prévenu ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. La nécessité de l'intervention d'un conseil juridique doit ainsi reposer sur des éléments objectifs, tenant principalement à la nature de la cause, et sur des éléments subjectifs, fondés sur l'aptitude concrète du requérant à mener seul la procédure. La jurisprudence impose de se demander si une personne raisonnable et de bonne foi - qui présenterait les mêmes caractéristiques que le requérant mais disposerait de ressources suffisantes - ferait ou non appel à un avocat. Pour apprécier la difficulté subjective d'une cause, il faut aussi tenir compte des capacités du prévenu, notamment de son âge, de sa formation, de sa plus ou moins grande familiarité avec la pratique judiciaire, de sa maîtrise de la langue de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1B_257/2013 du 28 octobre 2013 consid. 2.1 publié in SJ 2014 I 273 et les références citées) et des mesures qui paraissent nécessaires, dans le cas particulier, pour assurer sa défense, notamment en ce qui concerne les preuves qu'il devra offrir (ATF 115 Ia 103 consid. 4).

3.2.3. Si les deux conditions mentionnées à l'art. 132 al. 2 CPP doivent être réunies cumulativement, il n'est pas exclu que l'intervention d'un défenseur soit justifiée par d'autres motifs, notamment parce que l'issue de la procédure pénale a une importance particulière pour le prévenu, par exemple s'il est en détention, s'il encourt une révocation de l'autorisation d'exercer sa profession, ou s'il risque de perdre la garde de ses enfants (arrêts du Tribunal fédéral 1B_354/2015 du 13 novembre 2015 consid. 3.2.2 et 1B_234/2013 du 20 août 2013 consid. 5.1).

3.3. En l'espèce, si l'indigence de la recourante paraît plausible, au vu de la situation qu'elle décrit, et qu'elle atteste par pièces, cette question peut demeurer ouverte, compte tenu de ce qui suit.

Tout d'abord, la recourante s'expose à des amendes, de sorte que la cause est de peu de gravité. Si elle venait à ne pas payer celles-ci, elle risquerait, potentiellement, une conversion de ces peines contraventionnelles en une peine privative de liberté, mais ce n'est pas l'objet de la décision querellée, et c'est le cas de tout contrevenant ayant peu de moyens financiers.

Ensuite, la cause ne présente pas de difficultés particulières, du point de vue de l'établissement des faits ou des questions juridiques soulevées, que la recourante ne serait pas en mesure de résoudre seule. D'ailleurs, elle a été longuement entendue par le Tribunal. Elle a ainsi pu détailler son opposition aux ordonnances pénales, exposer quels faits elle contestait, pour quelles raisons, et faire part de ses conclusions. Les faits et dispositions légales applicables sont clairement circonscrits et ne présentent aucune difficulté de compréhension ou d'application pour la recourante, qui maîtrise la langue française. Elle est ainsi en mesure de défendre ses intérêts, et, dans son recours, elle n'explicite pas ce qu'un avocat pourrait faire de plus.

Partant, c'est à bon droit que la défense d'office a été refusée par le Tribunal de police.

4.             Pour ces raisons, le recours sera rejeté.

5.             Les frais de la procédure de recours resteront à la charge de l'État (art. 20 RAJ).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours, dans la mesure où il conserve un objet.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante et au Tribunal de police.

Le communique, pour information, au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).