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Décisions | Chambre pénale de recours

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PM/822/2024

ACPR/830/2024 du 08.11.2024 sur JTPM/621/2024 ( TPM ) , REJETE

Descripteurs : LIBÉRATION CONDITIONNELLE;PRONOSTIC
Normes : CP.86

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PM/822/2024 ACPR/830/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 8 novembre 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à B______, représenté par Me C______, avocat,

recourant,

 

contre la décision rendue le 19 septembre 2024 par le Tribunal d'application des peines et des mesures,

et

LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève, case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 3 octobre 2024, A______ recourt contre la décision du 19 septembre 2024, notifiée le 23 septembre suivant, par laquelle le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après : le TAPEM) a refusé sa libération conditionnelle.

Le recourant conclut, sous suite de frais, à l'annulation de cette décision et à l'octroi de sa libération conditionnelle, subsidiairement au renvoi de la cause au TAPEM pour nouvelle décision.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.             Par jugement du 8 juillet 2022, le Tribunal correctionnel a condamné A______, ressortissant présumé algérien né le ______ 1990, à une peine privative de liberté de six ans, dont à déduire 721 jours de détention avant jugement, à une amende de CHF 3'000.-, convertie en peine privative de liberté de substitution de 30 jours, et à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 20.-, dont à déduire 65 jours-amende payés, soit un solde de 25 jours-amende convertis en 25 jours de peine privative de liberté de substitution, pour viol, contrainte sexuelle, tentative de contrainte sexuelle, lésions corporelles simples, voies de fait, vol, dommages à la propriété, injure et menaces. Le Tribunal a également ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de 15 ans.

b.             A______ a été incarcéré à la prison de D______ du 24 juillet 2020 au 18 octobre 2022, date de son transfert à la prison du E______, où il a été détenu jusqu'au 31 octobre 2022 avant d'être admis à B______, où il demeure encore à ce jour.

c.              Les deux tiers de la peine que A______ exécute actuellement ont été atteints le 22 août 2024, la fin de sa peine étant fixée au 10 septembre 2026.

d.             À teneur de l'extrait du casier judiciaire suisse du 25 juillet 2024, A______ n'a fait l'objet d'aucune autre condamnation et aucune enquête pénale n'est ouverte à son encontre.

Son extrait de casier judiciaire français du 14 mars 2023 fait état de 9 condamnations entre 2006 et 2015, ayant toutes conduit à des peines d'emprisonnement. Mineur, il a notamment été condamné pour vol (2007) et diverses infractions commises avec violence (2007 et 2008). Il a ensuite été condamné pour refus d'obtempérer (2009), vol (2011), violences contre son conjoint et sur un mineur de 15 ans (2013), destruction du bien d'autrui par un moyen dangereux (2013), menace de crime ou délit contre les personnes ou les biens à l'encontre d'un dépositaire de l'autorité publique (2013 et 2014), puis violence sur une personne dépositaire de l'autorité publique (2014).

e.              Selon le courriel de l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après : l'OCPM) du 18 janvier 2024, confirmé le 10 juin suivant, A______ ne bénéfice d'aucune autorisation de séjour en Suisse et ne pourra pas y demeurer après sa libération, vu le prononcé de son expulsion. Il ne possède ni la nationalité française, ni un titre de séjour valable en France. Bien que présumé ressortissant d'Algérie, il ne collabore pas avec les autorités chargées de l'exécution de son expulsion.

f.               Selon le rapport d'évaluation criminologique réalisée le 28 juin 2023, A______ persiste à ne pas reconnaître les faits pour lesquels il purge actuellement sa peine, niant en particulier tout acte de violence. Il avait usé d'un discours dénigrant envers certaines de ses victimes, estimant avoir fait l'objet de manipulation de leur part. Les niveaux de risques de récidive générale et violente pouvaient être qualifiés d'élevés. Ses nombreux antécédents dénotaient une délinquance persistante depuis l'adolescence, ainsi qu'une diversification importante des comportements criminels, avec récidive violente. Concernant le risque de récidive sexuelle, A______ apparaissait présenter un niveau bien au-dessus de la moyenne, comparativement à l'ensemble des auteurs d'infractions à caractère sexuel ayant eu affaire à la justice pénale. Il faisait preuve d'une certaine impulsivité, de capacités empathiques limitées et d'hostilité envers le système et, par le passé, envers les femmes, laquelle s'était traduite par des violences conjugales. Il était essentiel qu'il entame une profonde réflexion sur son parcours délictuel, son potentiel de violence, la notion de consentement sexuel et la dynamique de couple.

g.             Le plan d'exécution de la sanction pénale (ci-après : le PES), validé le 5 octobre 2023 par le SAPEM, ne prévoit qu'une phase d'évolution avec un passage à la colonie fermée de B______, avant l'examen d'une éventuelle libération conditionnelle. Cette phase devait permettre à A______ de démontrer des capacités de maîtrise de soi, d'adopter un comportement exempt de tout reproche sur la durée et de démontrer une abstinence pérenne à toute consommation de substances prohibées.

Il ressort encore du PES que A______ est célibataire, père de trois enfants mineurs issus de relations différentes, et né en Algérie, pays dont il a la nationalité. Il a été adopté en France à l'âge de 26 mois et a toujours vécu dans ce pays. Il y détenait une carte de résidence jusqu'en 2010, dont le renouvellement n'a pas abouti en raison de son incarcération, puisqu'en général "il faut être présent". Il a déclaré vouloir prendre contact avec le consulat d'Algérie à F______ [France] pour clarifier sa situation administrative, mais rien n'indiquait qu'il l'avait fait. Il se montrait collaborant en vue de son renvoi en France, mais pas en Algérie, où il n'avait aucune attache.

Le comportement de A______ en détention était correct envers les intervenants. Il s'investissait dans sa prise en charge au quotidien, se montrait poli, discret et courtois avec le personnel, mais la gestion de ses émotions s'avérait difficile. Il avait des sautes d'humeur, s'énervait rapidement et faisait preuve de difficultés relationnelles et d'hétéro-agressivité répétées envers ses codétenus, dont une fois avec usage de violence. Outre sa dénégation des faits commis, une déresponsabilisation importante avait été mise en évidence s'agissant de sa situation et de son parcours pénal. Il versait des indemnités-victimes, mais ne remboursait pas les frais de justice.

A______ aurait obtenu un baccalauréat professionnel dans le domaine du commerce et travaillé ensuite de manière non-déclarée pour des entreprises de carrelage et de peinture. Il avait en outre indiqué qu'il serait titulaire d'une licence économique, d'un certificat d'aptitudes professionnelles de boulanger-pâtissier, aurait débuté un master en gestion économique et management, géré un salon de coiffure, travaillé en freelance pour une marque de puces téléphoniques à G______ [France] et, avant son incarcération, créé sa propre entreprise de carrelage. Aucun élément ne venait corroborer ses propos.

S'agissant de sa réinsertion socio-professionnelle, A______ envisageait de retourner vivre en France auprès de sa compagne H______, mère de son fils aîné, ou chez sa mère à I______ [France], où une connaissance travaillait dans une agence d'intérim et pourrait l'aider à trouver un emploi. Tous ses projets se situaient en France, pays dans lequel il ne pouvait pas séjourner, et aucun projet professionnel n'était étoffé à ce stade. Il était donc invité à élaborer un projet concret et réaliste, en adéquation avec sa situation administrative, qu'il devait également éclaircir.

h.             A______ a demandé son passage à la colonie fermée de B______ à deux reprises.

Le 16 juin 2023, le SAPEM a refusé sa demande aux motifs que son transfert semblait prématuré et que ni le PES, ni l'évaluation criminologique n'avaient alors encore été réalisés.

Le 14 décembre 2023, le SAPEM a à nouveau refusé sa demande, en raison de son comportement en détention et de sa consommation de substances prohibées. Ses projets de réinsertion n'étaient par ailleurs manifestement pas en adéquation avec sa situation administrative puisqu'il se disait collaborant à son expulsion en France, alors qu'il n'était toujours pas autorisé à y résider.

i.               Le 14 décembre 2023 également, A______ s'est engagé par écrit à collaborer avec les autorités administratives en vue de son expulsion vers la France.

j.               Dans sa demande de libération conditionnelle transmise au SAPEM le 18 juin 2024, A______ confirme disposer d'un passeport algérien et d'un titre de séjour français échu, tout en déclarant ignorer l'état de sa situation administrative auprès des autorités suisses de migration. Il ne connaissait pas le montant de ses dettes et n'avait aucune ressource. À sa libération, il voulait se rendre en France, où il avait de très fortes attaches familiales (enfant, famille, parent). Il pouvait compter sur le soutien de H______, adjoint administratif au sein d'un commissariat, qui s'était engagée par écrit à l'héberger et à l'aider dans sa réinsertion. Il avait pour objectif de remettre ses papiers d'identité à jour, s'investir dans son rôle de père et trouver un emploi comme carreleur, respectivement économiser pour monter une société de carrelage ou un autre projet en famille.

k.             Dans son préavis défavorable du 14 juin 2024, la direction de B______ relève que le PES envisageait un passage en colonie fermée avant une éventuelle libération conditionnelle, lequel n'avait pas encore pu avoir lieu à ce jour. Il s'agissait de procéder par étapes, avec prudence, un élargissement anticipé apparaissant largement prématuré.

Si le comportement de A______ en détention était relativement correct, qu'il fournissait un travail de bonne qualité au sein de l'atelier Peinture, suivait des cours de bureautique et d'anglais et versait des indemnités-victimes, il avait néanmoins fait l'objet de neuf sanctions disciplinaires depuis son arrivée à B______, pour atteinte à l'intégrité physique, dommages à la propriété, menace et refus d'obtempérer (03.07.23), atteinte au patrimoine (16.08.23), inobservation des règlements et directives (27.06.23 et 20.09.23) et consommation de produits prohibés (16.11.22, 08.06.23, 05.12.23, 13.03.24 et 06.06.24). Il était inscrit dans la délinquance depuis l'adolescence, étant relevé que les faits pour lesquels il était actuellement incarcéré s'inscrivaient dans le cadre d'une récidive spéciale, au vu de ses précédentes condamnations en France. Il disait avoir honte des faits qui lui étaient reprochés et de son incarcération, tout en persistant à nier les infractions sexuelles pour lesquelles il avait été condamné. A______ soulignait les efforts qu'il déployait au quotidien, notamment son "self-control" face aux insultes et comportements dégradants qu'il subissait de la part d'autres détenus, auxquels il ne réagissait pas. Les séances avec sa psychiatre l'avaient aidé à entreprendre un "travail sur lui" ; il estimait avoir "grandi et changé depuis le début de sa peine". Il souhaitait obtenir sa libération conditionnelle, afin de reprendre le cours de sa vie, se disant plus mature, et se montrer présent pour ses enfants.

l.               Dans son préavis défavorable du 26 juillet 2024, le SAPEM constate que A______ n'avait pas su démontrer un comportement satisfaisant durant son séjour à B______ au vu de ses nombreuses sanctions disciplinaires, dénotant des difficultés de maîtrise de soi et de respect du cadre. Il n'avait pas non plus pu bénéficier du passage en colonie fermée envisagé dans son PES, ni être évalué dans un autre environnement, vu qu'il ne respectait pas l'ensemble des conditions d'une telle progression et ce, de par sa propre responsabilité.

Le SAPEM a au surplus repris les arguments avancés dans l'évaluation criminologique, le PES et le préavis négatif de la direction de B______.

m.           Le 19 août 2024, le Ministère public a fait siens le préavis et les conclusions du SAPEM.

n.             Lors de l'audience devant le TAPEM du 19 septembre 2024, A______ a expliqué qu'il bénéficiait d'un suivi psychiatrique irrégulier en détention, en raison de la priorité donnée à d'autres détenus. Ce suivi, qu'il souhaitait poursuivre, lui avait permis d'évoluer et de prendre du recul sur son comportement passé, notamment son "attitude négligente, machiste et merdique". Il avait fait un grand travail sur lui en lien avec la gestion de ses émotions et était en mesure de gérer les situations de stress et d'angoisse. Il consommait du cannabis, mais très rarement, par manque de ressources financières.

Il ne regrettait pas son parcours pénal tel qu'il ressortait de l'extrait de ses casiers judiciaires suisse et français "car ce qui est fait est fait". Il avait été influencé par les discours de quartier, avait grandi dans un environnement empreint de vols et de violences. Il aurait voulu grandir ailleurs. S'agissant des infractions pour lesquelles il purgeait sa peine actuelle, il exprimait un profond dégoût pour sa personne et reconnaissait désormais les faits qui lui étaient reprochés, ce qu'il n'avait pas fait jusqu'alors, par honte. Après avoir longtemps été dans le déni, il était à présent conscient des torts causés et regrettait d'avoir pu susciter des craintes durables chez ses victimes, qu'il n'avait au demeurant jamais dénigrées. Il se sentait soutenu par sa famille et sa compagne, ce qui, en plus du travail personnel accompli, réduisait tout risque de récidive. En cas de libération, il souhaitait régulariser ses papiers, indiquant pouvoir être aidé dans ses démarches. Il avait également comme projet de s'inscrire dans une agence d'intérim pour trouver un travail en France et de s'occuper de ses enfants. Il excluait tout retour en Algérie. Il n'y avait aucune attache et avait peur pour sa sécurité.

C.            Dans sa décision querellée, le TAPEM a considéré que le comportement de A______ ne pouvait pas être qualifié de bon. S'il semblait donner satisfaction au sein de l'atelier où il travaillait et se montrait poli, il avait toutefois été sanctionné à neuf reprises depuis son arrivée à B______, notamment pour bagarre avec un autre détenu en juillet 2023 et pour consommation réitérée de produits prohibés. Il ne parvenait pas à respecter le cadre qui lui était imposé, ni à se tenir éloigné des consommations d'alcool et/ou de stupéfiants, conditions pourtant imposées par son PES.

Le pronostic se présentait sous un jour fort défavorable au vu de ses nombreux antécédents en France, depuis près de 20 ans. Il avait été condamné à d'importantes peines d'emprisonnement, notamment pour des violences conjugales en 2013 qu'il reconnaissait, et les sursis octroyés avaient été révoqués.

Il avait longtemps persisté à contester l'essentiel des faits pour lesquels il avait été condamné, avant de laisser transparaître un possible début de prise de conscience et de reconnaissance des faits lors de l'audience du 19 septembre 2024. Cette évolution positive était toutefois embryonnaire. Elle ne ressortait en l'état pas des rapports figurant au dossier, pas même des plus récents, et son suivi psychothérapeutique en détention était très irrégulier. Il ne faisait par ailleurs valoir aucun projet de réinsertion réaliste et en adéquation avec sa situation administrative. Il était toujours dépourvu de papiers d'identité, n'avait aucune autorisation pour vivre en France et ne souhaitait pas retourner ni être expulsé en Algérie, son pays d'origine.

En conclusion, le pronostic s'agissant du risque de récidive était très défavorable, étant rappelé que l'évaluation criminologique récente qualifiait les niveaux de risques de récidive générale et violente d'élevés, et que l'expertise datant de novembre 2020 retenait que le risque de récidive violente physique et sexuelle était moyen, respectivement élevé dans un cadre conjugal (cadre dans lequel il vivrait, puisqu'il entendait vivre chez sa compagne avec leur enfant commun).

D.           a. Dans son recours, A______ reproche au TAPEM de s'être basé sur l'ensemble de ses sanctions disciplinaires pour évaluer son comportement en détention, alors qu'il n'aurait dû tenir compte que des deux sanctions les plus "récentes", soit celles datant de moins de six mois. Bien que regrettables, ces deux sanctions portaient sur une consommation légère de THC, qui n'étaient pas graves et ne constituaient pas un motif suffisant pour qualifier son comportement de mauvais. Ces sanctions auraient aussi dû être mises en balance avec les qualités comportementales et les efforts concrets et constants qu'il fournissait, tels que relevé dans son PES et le préavis du SAPEM.

Le TAPEM ne pouvait pas conclure que sa prise de conscience était "embryonnaire" ni qu'elle avait débuté seulement à l'audience du 19 septembre 2024. Il avait pris conscience de ses actes et fourni des efforts concrets d'amendement bien avant cette date puisqu'il s'acquittait des indemnités-victimes depuis novembre 2022, ou à tout le moins janvier 2023, et continuait de le faire. Lors de l'audience, il avait également exprimé avoir entrepris un "grand travail sur lui-même", qu'il éprouvait du dégoût pour sa personne et la souffrance infligée à ses victimes, et "essayait aujourd'hui d'évoluer".

Même à considérer que son pronostic était défavorable en Suisse, le TAPEM aurait dû lui octroyer sa libération conditionnelle vu que son pronostic était "plus favorable dans un Etat tiers", en l'occurrence en France, mais aussi en Algérie, dans la mesure où il en était présumé ressortissant, "et qu'il quitterait effectivement la Suisse", l'absence de documents d'identité n'étant pas un obstacle. Il ne pouvait pas lui être reproché de ne pas collaborer avec les autorités, dans la mesure où il s'était engagé à le faire par écrit le 14 décembre 2023 et que sa tentative de renouvellement de son permis de séjour français avait échoué en raison de son incarcération, étant précisé qu'il restait persuadé de pouvoir régulariser sa situation en France. Il n'avait jamais reçu de réponse de la part des autorités consulaires algériennes en vue de son expulsion. Il réitérait quoi qu'il en soit son souhait de collaborer avec les autorités, acceptant le lieu qu'elles jugeraient le plus approprié à sa situation, sa priorité restant de sortir de prison et de quitter le territoire suisse. Il était en outre faux de considérer qu'il n'avait aucun projet de réinsertion réaliste, celle-ci demeurant parfaitement possible au vu de son âge (34 ans), ses études et diplômes obtenus en France, et son expérience à la tête d'une entreprise de carrelage. Ses "contacts solides" dans le secteur de l'intérim lui permettraient aussi de trouver un emploi rapidement. Le métier de policière de sa compagne était susceptible de lui garantir une certaine stabilité et structure dans son processus de réinsertion, tout en réduisant les potentiels risques de récidive.

Le TAPEM avait jugé le pronostic "fort défavorable" en raison de ses antécédents en France, principalement ceux commis durant sa minorité. Il était toutefois tenu de procéder à une appréciation globale des circonstances en tenant compte de son amendement et des conditions de vie favorables après sa libération.

Enfin, le TAPEM ne pouvait pas conclure qu'un passage à la colonie fermée de B______ était indispensable avant tout élargissement, étant précisé que cette condition ne découlait pas de la loi et que la libération conditionnelle constituait la dernière étape de l'exécution de la sanction pénale.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours au sens de l'art. 393 CPP est la voie de droit ouverte contre les prononcés rendus en matière de libération conditionnelle par le TAPEM (art. 42 al. 1 let. b LaCP cum ATF 141 IV 187 consid. 1.1), dont le jugement constitue une "autre décision ultérieure" indépendante au sens de l'art. 363 al. 3 CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1136/2015 du 18 juillet 2016 consid. 4.3 ; 6B_158/2013 du 25 avril 2013 consid. 2.1 ; Y. JEANNERET/A. KUHN/C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 30 ad art. 363 CPP).

1.2.       La procédure devant la Chambre de céans est régie par le CPP, applicable au titre de droit cantonal supplétif (art. 42 al. 2 LaCP).

1.3.  En l'espèce, le recours est recevable, pour avoir été déposé selon les forme et délai prescrits (art. 385 al. 1, 390 al. 1 et 396 al. 1 CPP) par le condamné, qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant reproche au TAPEM d'avoir constaté les faits de manière erronée ou inexacte.

Dès lors que la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP ; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2), les éventuelles constatations incomplètes ou inexactes du TAPEM auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.

Partant, ce grief sera rejeté.

4.             Le recourant estime remplir les conditions d'une libération conditionnelle.

4.1.       Aux termes de l'art. 86 al. 1 CP, l'autorité compétente libère conditionnellement le détenu qui a subi les deux tiers de sa peine, mais au moins trois mois de détention, si son comportement durant l'exécution de la peine ne s'y oppose pas et s'il n'y a pas lieu de craindre qu'il commette de nouveaux crimes ou de nouveaux délits.

La libération conditionnelle constitue la dernière étape de l'exécution de la sanction pénale. Elle est la règle et son refus l'exception, dans la mesure où il n'est plus exigé qu'il soit à prévoir que le condamné se conduira bien en liberté (cf. art. 38 ch. 1 al. 1 aCP), mais seulement qu'il ne soit pas à craindre qu'il commette de nouveaux crimes ou délits. Autrement dit, il n'est pas nécessaire pour l'octroi de la libération conditionnelle qu'un pronostic favorable puisse être posé. Il suffit que le pronostic ne soit pas défavorable (ATF 133 IV 201 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 7B_678/2023 du 27 octobre 2023 consid. 2.2.2 ; 7B_388/2023 du 29 septembre 2023 consid. 2.2 ; 7B_308/2023 du 28 juillet 2023 consid. 2.2).

Le pronostic à émettre doit être posé sur la base d'une appréciation globale, prenant en considération les antécédents de l'intéressé, sa personnalité, son comportement en général et dans le cadre des délits qui sont à l'origine de sa condamnation, le degré de son éventuel amendement ainsi que les conditions dans lesquelles il est à prévoir qu'il vivra (ATF 133 IV 201 consid. 2.2 et 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 7B_678/2023 du 27 octobre 2023 précité consid. 2.2.2). Par sa nature même, le pronostic ne saurait être tout à fait sûr ; force est de se contenter d'une certaine probabilité ; un risque de récidive est inhérent à toute libération, conditionnelle ou définitive (ATF 119 IV 5 consid. 1b). Pour déterminer si l'on peut courir le risque de récidive, il faut non seulement prendre en considération le degré de probabilité qu'une nouvelle infraction soit commise, mais également l'importance du bien qui serait alors menacé (ATF 125 IV 113 consid. 2a). Ainsi, le risque de récidive que l'on peut admettre est moindre si l'auteur s'en est pris à la vie ou à l'intégrité corporelle ou sexuelle de ses victimes que s'il a commis par exemple des infractions – même graves – à la loi fédérale sur les stupéfiants, lesquelles menacent de manière abstraite la santé publique (ATF 133 IV 201 consid. 3.2 ; 124 IV 97 consid. 2c ; arrêts du Tribunal fédéral 7B_678/2023 du 27 octobre 2023 précité consid. 2.2.2 ; 7B_388/2023 du 29 septembre 2023 précité consid. 2.2).

4.2.       En l'espèce, les préavis donnés par B______, le SAPEM et le Ministère public sont tous défavorables à l'octroi d'une libération conditionnelle.

Le recourant n'a pas su démontrer un comportement exempt de tout reproche en détention, puisqu'il a fait l'objet de neuf sanctions disciplinaires pour des faits de violence et de consommation de produits prohibés, les dernières fois en juillet 2023 et juin 2024. Contrairement à ce qu'il soutient, ni la doctrine qu'il cite, ni la jurisprudence à laquelle cette citation se réfère, excluent de tenir compte d'infractions disciplinaires écopées au-delà des six derniers mois pour déterminer si le comportement d'un détenu s'oppose à un élargissement. L'ATF 119 IV 5 invoqué portait sur la demande de libération conditionnelle d'un détenu ayant commis plusieurs atteintes à l'ordre pénitentiaire, avant de présenter une évolution positive et ininterrompue sur une période de quatre ans, étant précisé que la direction de l'établissement pénitentiaire et le Service pénitentiaire cantonal avaient rendu des préavis favorables. Le recourant ne peut donc tirer aucun argument de cet arrêt. Il se méprend également lorsqu'il soutient que son PES et le préavis du SAPEM regorgeraient de qualificatifs propres à démontrer un comportement satisfaisant à l'octroi d'une libération conditionnelle, ces qualificatifs ayant tous été relevés mais simultanément annihilés par la constatation de ses actes transgressifs récents et, plus largement, ses difficultés dans la maîtrise de soi et du respect du cadre. Le lien avec ses antécédents spécifiques est à cet égard justifié, dans la mesure où il témoigne d'une tendance criminelle persistante. Le recourant a également admis consommer du cannabis et être empêché d'en consommer davantage par manque de moyens, laissant craindre l'avènement d'autres sanctions disciplinaires à cet égard, contraires à son PES. Ces infractions disciplinaires, regrettables et en partie graves, ne lui ont du reste pas encore permis de bénéficier du passage en colonie fermée envisagé dans son PES, si bien qu'il apparaît inconcevable, en l'état, d'envisager un élargissement encore plus important.

Le recourant ne présente en outre pas de projet concret de réinsertion professionnelle. Sa volonté, certes positive, de retour à l'emploi n'a pas été formalisée par exemple par la signature d'un contrat ou d'une promesse d'embauche. Ses réflexions quant à son avenir n'ont pas évolué depuis l'établissement de son PES et témoignent ainsi d'un stade encore précoce dans son parcours de réinsertion. Le fait qu'il disposerait de "solides contacts" dans des agences de placement et de plusieurs diplômes dans des domaines variés – dont la véracité n'a jamais été étayée – ne lui est d'aucun secours puisque ces éléments tendent à renforcer l'incertitude entourant son avenir, rien n'indiquant par ailleurs qu'il parviendrait à rester éloigné de la délinquance en l'absence d'ouverture professionnelle. Le soutien de sa compagne pour se loger et subvenir à ses besoins à sa sortie de détention ne suffit pas pour conclure à l'absence de pronostic défavorable, peu importe la profession exercée par celle-ci. Aussi, le recourant persiste à vouloir être renvoyé en France, alors qu'il n'y dispose d'aucun titre de séjour valable et que rien ne garantit qu'il pourra y régulariser sa situation après sa libération. Il ne peut au surplus pas soutenir avoir coopéré à l'établissement de ses identité et origine en vue de son expulsion, quand la seule "démarche" entreprise a consisté en la signature d'un engagement écrit à collaborer dans ce sens il y a près d'une année, sans que celle-ci n'ait conduit au moindre résultat. Contrairement à la lecture tronquée qu'en fait le recourant, si la Chambre de céans a bien octroyé, dans son arrêt ACPR/494/2021, une libération conditionnelle à un détenu démuni de papier d'identité, elle a aussi constaté que ce dernier était ressortissant d'Algérie et désireux d'être expulsé dans son pays d'origine, où son pronostic n'était pas défavorable, étant par ailleurs relevé que son renvoi en France ou en Allemagne n'était en l'occurrence pas envisageable, faute d'autorisation de séjour dans ces pays. La situation n'est donc pas comparable à celle du recourant, qui demeure à ce jour non identifié et qui doit se voir opposer un pronostic défavorable tant en Suisse qu'à l'étranger. Sur ce point, il s'est toujours opposé à son expulsion en Algérie, dont il n'est que présumé ressortissant. L'on peine d'ailleurs à comprendre, si ce n'est aux fins d'obtenir sa libération conditionnelle, pour quelle raison subite il accepterait désormais d'être extradé vers l'Algérie, alors qu'il s'y est toujours fermement opposé, déclarant même qu'il n'y avait aucune attache et s'y sentirait en danger.

Rien au dossier ne permet enfin de corroborer les propos du recourant qui soutient que sa prise de conscience serait, non pas "embryonnaire", mais "significativement antérieure" à l'audience du 19 septembre 2024. Le simple fait de s'acquitter des indemnités-victimes ne témoigne en soi d'aucun amendement. En effet, les préavis de la direction de B______ et du SAPEM, datés de juin et juillet 2024, ont révélé que le recourant persistait à nier l'essentiel des faits qui lui étaient reprochés, en particulier les infractions à caractère sexuel, et qu'il faisait preuve d'une forte déresponsabilisation, sans l'ombre d'une remise en question. S'il leur avait certes déjà fait part d'un sentiment de honte, celui-ci semblait davantage se référer aux conséquences de l'incarcération elle-même et à la stigmatisation qui en découlait, plutôt qu'à un réel amendement. Le fait d'avoir esquissé un repentir à l'égard de ses victimes lors de l'audience du TAPEM tend à démontrer que le travail entrepris, notamment avec l'aide de son suivi psychothérapeutique, semble lui être bénéfique. Il est toutefois trop tôt pour admettre que le recourant mènerait une réelle introspection. Il devra faire preuve d'efforts sur la durée pour démontrer que ses très récents remords ne sont pas uniquement formulés pour les besoins de la cause.

Les conditions d'une mise en liberté conditionnelle ne sont, dès lors, pas réalisées.

5.             Justifié, le jugement querellé sera donc confirmé et le recours rejeté.

6.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

7.             Le conseil du recourant, nommé d'office par l'instance précédente, sera confirmé en cette qualité et indemnisé pour son activité devant l'autorité de recours. Faute pour l'avocat d'avoir chiffré ses prétentions, une indemnité ex aequo et bono de CHF 432.40 (TVA à 8.1% comprise), correspondant à deux heures d'activité au tarif de chef d'étude, lui sera octroyée, à la charge de l'État, (art. 16 al. 1 let. c RAJ).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Alloue à Me C______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 432.40, TVA (8.1% incluse).

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son conseil), au Tribunal d'application des peines et des mesures et au Ministère public.

Le communique, pour information, au Service de l'application des peines et mesures.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Madame Valérie LAUBER, Madame
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Xavier VALDES TOP, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES TOP

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

PM/822/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

 

-

CHF

 

 

Total

CHF

600.00