Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/744/2024 du 16.10.2024 sur JTPM/631/2024 ( TPM ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE PM/962/2024 ACPR/744/2024 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mercredi 16 octobre 2024 |
Entre
A______, actuellement détenu à la prison de B______, ______, agissant en personne,
recourant,
contre le jugement rendu le 23 septembre 2024 par le Tribunal d'application des peines et des mesures,
et
LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimés.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 27 septembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après, TAPEM) du 23 septembre 2024 par lequel le TAPEM a refusé sa libération conditionnelle.
Sans prendre de conclusions formelles, le recourant demande qu'une chance lui soit accordée et qu'un délai de vingt-quatre heures lui soit octroyé pour quitter le territoire suisse.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. A______, né le ______ 1982, ressortissant algérien, se trouve actuellement en exécution de peine pour les condamnations suivantes :
- peine privative de liberté de 110 jours, sous déduction d'un jour de détention avant jugement, pour vol simple, utilisation frauduleuse d'un ordinateur et séjour illégal, prononcée par le Ministère public le 14 janvier 2024 ;
- peine privative de liberté de 120 jours, sous déduction de deux jours de détention avant jugement, pour séjour illégal et non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée, prononcée par le Ministère public le 18 janvier 2024 ;
- peine privative de liberté de 100 jours, sous déduction de deux jours de détention avant jugement, pour séjour illégal et non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée, prononcée par le Ministère public le 5 mars 2024 ;
- peine privative de liberté de 5 jours (peine complémentaire à celle prononcée le 5 mars 2024), sous déduction de deux jours de détention avant jugement, pour entrée illégale, séjour illégal et non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée, prononcée par le Ministère public le 30 avril 2024 par ordonnance pénale du Ministère public.
A______ demeure actuellement à la prison de B______ où il a été incarcéré le 5 mars 2024.
b. Les deux tiers des peines que A______ exécute actuellement sont intervenues le 7 octobre 2024, la fin des peines étant fixée au 27 janvier 2025.
c. Selon l'extrait de son casier judiciaire, A______ a été condamné à quatre autres reprises, entre le 26 mai 2023 et le 30 décembre 2023, à des peines pécuniaires pour séjour illégal, entrée illégale et recel, ainsi qu'à des amendes pour consommation de stupéfiants.
d. A______ a rempli un formulaire en vue de l'examen de sa libération conditionnelle. Il indique être célibataire, sans enfant, détenteur d'un passeport algérien, sans autorisation de séjour en Suisse et par ailleurs visé par une interdiction d'entrée valable jusqu'en février 2025. Il était endetté à hauteur de CHF 2'000.-. À sa libération, il souhaitait se rendre à C______, en Allemagne, où il avait déposé une demande d'asile deux ans plus tôt. Il souhaitait régulariser sa situation administrative "afin de travailler comme tout le monde", étant précisé qu'il pouvait bénéficier d'un logement chez son oncle à D______, en France.
e. Selon le courriel de l’Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) du 23 avril 2024, A______ n'avait aucun droit de séjour sur le territoire suisse. Il faisait par ailleurs l'objet d'une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève dès le 14 février 2024 et pour une durée de douze mois. Une procédure DUBLIN III pourrait devoir être lancée prochainement au vu d'une correspondance informatique survenue en Allemagne.
f. Selon le plan d'exécution de la sanction pénale, validé par le Service de l'application des peines et mesures (SAPEM) le 16 mai 2024, A______ a refusé de collaborer à l'élaboration de son plan d'exécution, refusant notamment un entretien. Seule une phase de milieu fermée était prévue. Les conditions générales à respecter étaient l'évitement des comportements transgressifs, le remboursement des frais de justice et la collaboration en vue du renvoi. Le risque de récidive pour des infractions en lien avec la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration et en matière de stupéfiants était qualifié de probable s'il devait persister à demeurer sur le territoire helvétique et/ou à consommer des produits toxiques.
g. Dans son préavis – favorable – du 5 août 2024, la direction de la prison de B______ relève que A______ se comporte correctement en détention et qu'il n'a par ailleurs fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire. Il était occupé depuis le 4 avril 2024 au sein de l'atelier "entretien intérieur", où il donnait satisfaction. Il n'avait pas été suivi par le secteur socio-éducatif du service de probation et d'insertion (SPI).
A______ disposait de CHF 31.85 sur son compte libre, CHF 248.- sur son compte réservé et CHF 186.- sur son compte bloqué.
Il n'avait pas reçu de visite et aucun document d'identité n'avait été déposé au greffe de l'établissement.
h. Dans son préavis – défavorable – du 2 septembre 2024, le SAPEM relève que, bien qu'il s'agît visiblement du premier séjour en détention de A______, ce dernier avait fait l'objet de huit condamnations pénales en l'espace d'une année, principalement en raison de son absence de statut administratif, sans que l'on pût dénoter une quelconque volonté de sa part de faire évoluer sa situation. Au vu des peines pécuniaires actuellement exécutoires et de l'absence de ressources du concerné, il était difficile d'imaginer une autre issue que l'exécution sous forme de peines privatives de liberté de substitution du solde de ces peines. Le pronostic apparaissait ainsi défavorable s'agissant du risque de récidive.
i. Par requête du 4 septembre 2024, le Ministère public a fait siens le préavis et les conclusions du SAPEM.
j. Par courrier du 9 septembre 2024, le TAPEM a imparti à A______ un délai au 19 septembre 2024 pour déposer d'éventuelles observations ou pour solliciter la tenue d'une audience, demande à laquelle ce dernier n'a pas donné suite.
C. Dans son jugement querellé, le TAPEM retient que le pronostic se présente sous un jour fort défavorable au vu des nombreux antécédents de A______.
Ce dernier n'avait pas su tirer profit des premières condamnations prononcées sous forme de peines pécuniaires ni cessé de récidiver depuis sa première condamnation le 26 mai 2023, son casier judiciaire faisant mention de huit condamnations entre cette date et avril 2024. Si la plupart de ces condamnations avaient certes trait à sa situation administrative en Suisse, elles concernaient également des infractions contre le patrimoine. Le risque de récidive de nouvelles infractions de ce type était aggravé par sa toxicomanie, ainsi que par sa situation personnelle, financière et administrative, laquelle était précaire en Suisse.
Ses projets pour le futur étaient flous et contradictoires, A______ ayant déclaré à la fois vouloir se rendre chez un oncle à D______ et vouloir tenter de se réinsérer à C______, en Allemagne, pays dans lequel il indiquait avoir déposé une demande d'asile.
En l’état, rien n’indiquait que A______ saurait mettre à profit une libération conditionnelle et le risque qu'il commît de nouvelles infractions apparaissait très élevé, étant précisé qu'à teneur des dernières condamnations figurant à son casier judiciaire, ce risque ne se limitait pas à des infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration.
D. a. Dans son recours, le recourant indique se trouver en détention pour la première fois et ce uniquement en raison de problèmes de papiers. Il demande qu'une chance lui soit accordée et qu'un délai de 24 heures lui soit octroyé pour quitter le territoire suisse à destination de l'Allemagne ou de la France.
b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. 1.1. La décision rendue en matière de libération conditionnelle (art. 86 CP) constitue une "autre décision ultérieure" indépendante au sens de l'art. 363 al. 3 CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1136/2015 du 18 juillet 2016 consid. 4.3 et 6B_158/2013 du 25 avril 2013 consid. 2.1; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 30 ad art. 363).
1.2. Le recours au sens de l'art. 393 CPP est la voie de droit ouverte contre les prononcés rendus par le TAPEM en matière de libération conditionnelle (art. 42 al. 1 let. b LaCP cum ATF 141 IV 187 consid. 1.1 et les références citées).
1.3. La procédure devant la Chambre de céans est régie par le CPP, applicable au titre de droit cantonal supplétif (art. 42 al. 2 LaCP).
1.4. En l'espèce, le recours est recevable, pour avoir été déposé selon les forme et délai prescrits (art. 385 al. 1, 390 al. 1 et 396 al. 1 CPP), par le condamné, qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 382 al. 1 CPP).
On comprend de sa lettre datée du 26 septembre 2024 que le recourant n'est pas d'accord avec le refus de sa libération conditionnelle par le TAPEM, ce qui constitue une motivation suffisante, s'agissant d'un justiciable en personne.
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. Le recourant estime remplir les conditions d'une libération conditionnelle.
3.1. Aux termes de l'art. 86 al. 1 CP, l'autorité compétente libère conditionnellement le détenu qui a subi les deux tiers de sa peine, mais au moins trois mois de détention, si son comportement durant l'exécution de la peine ne s'y oppose pas et s'il n'y a pas lieu de craindre qu'il ne commette de nouveaux crimes ou de nouveaux délits. La libération conditionnelle constitue la dernière étape de l'exécution de la sanction pénale. Elle est la règle et son refus l'exception, dans la mesure où il n'est plus exigé qu'il soit à prévoir que le condamné se conduira bien en liberté (cf. art. 38 ch. 1 al. 1 aCP), mais seulement qu'il ne soit pas à craindre qu'il commette de nouveaux crimes ou délits. Autrement dit, il n'est plus nécessaire pour l'octroi de la libération conditionnelle qu'un pronostic favorable puisse être posé. Il suffit que le pronostic ne soit pas défavorable (ATF 133 IV 201 consid. 2.2). Le pronostic à émettre doit être posé sur la base d'une appréciation globale, prenant en considération les antécédents de l'intéressé, sa personnalité, son comportement en général et dans le cadre des délits qui sont à l'origine de sa condamnation, le degré de son éventuel amendement, ainsi que les conditions dans lesquelles il est à prévoir qu'il vivra (ATF 133 IV 201 consid. 2.3 et les références citées).
3.2. Un risque de récidive étant inhérent à toute libération, qu'elle soit conditionnelle ou définitive, pour déterminer si l'on peut courir ce risque, il faut, non seulement, prendre en considération le degré de probabilité qu'une nouvelle infraction soit commise, mais également l'importance du bien qui serait alors menacé
(ATF 125 IV 113 consid. 2a). Ainsi, le risque de récidive que l'on peut admettre est moindre si l'auteur s'en est pris à la vie ou à l'intégrité corporelle de ses victimes que s'il a commis, par exemple, des infractions contre le patrimoine (ATF 133 IV 201 consid. 2.3). Il y a également lieu de rechercher si la libération conditionnelle, éventuellement assortie de règles de conduite et d'un patronage, ne favoriserait pas mieux la resocialisation de l'auteur que l'exécution complète de la peine
(ATF 124 IV 193 consid. 4d/aa/bb).
3.3. En l'espèce, la condition objective d'une libération conditionnelle est réalisée depuis le 7 octobre.
Si le préavis de la prison est favorable, ceux du SAPEM et du Ministère public ne le sont pas.
Le recourant ne saurait être suivi lorsqu'il indique se trouver en prison du seul fait de ses "problèmes de papier". Il ressort en effet de l'extrait de son casier judiciaire qu'il a été condamné tant pour des délits à la loi sur les étrangers et l'intégration que pour des infractions contre le patrimoine.
Certes, le recourant n'a encore jamais été mis au bénéfice d'une libération conditionnelle. Il n'en demeure pas moins qu'il a été condamné à huit reprises, ce en l'espace de moins d'un an, sans qu'aucune de ses condamnations ne l'incite à cesser ses agissements répréhensibles.
A l'instar du TAPEM, il y a lieu de relever que son projet pour l'avenir est flou et contradictoire, le recourant ayant indiqué dans le formulaire qu'il avait rempli en vue de sa libération conditionnelle, de manière antinomique, tantôt qu'il comptait se rendre en Allemagne, tantôt qu'il souhaitait aller s'installer chez son oncle à D______.
Force est d'admettre que le recourant ne propose en réalité aucun projet de vie apte à renverser le pronostic défavorable, lequel est renforcé par sa situation personnelle, financière et administrative précaire.
Dans cette configuration, le fait que le recourant dise vouloir saisir sa chance et quitter le territoire suisse sous vingt-quatre heures en cas de libération n'y change rien et n'est pas suffisant.
Les conditions d'une mise en liberté conditionnelle ne sont ainsi, en l'état, pas réalisées.
Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.
4. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, au Ministère public et au Tribunal d'application des peines et des mesures.
Le communique, pour information, au Service de l'application des peines et mesures.
Siégeant :
Monsieur Christian COQUOZ, président; Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.
La greffière : Olivia SOBRINO |
| Le président : Christian COQUOZ |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
PM/962/2024 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 815.00 |
- demande sur récusation (let. b) | CHF | |
Total | CHF | 900.00 |