Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/746/2024 du 16.10.2024 sur ONMMP/980/2024 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/7003/2022 ACPR/746/2024 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mercredi 16 octobre 2024 |
Entre
A______, représentée par Me Céline DE LORIOL, avocate, CMS von Erlach Partners SA, Esplanade de Pont-Rouge 9, case postale 1875, 1211 Genève 26,
recourante,
contre l'ordonnance de non-entrée en matière partielle rendue le 1er mars 2024 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 14 mars 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 1er mars 2024, notifiée le 4 suivant, par laquelle le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur les faits visés par sa plainte du 25 mars 2022 contre son époux, B______, susceptibles d'être qualifiés de contrainte.
La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour "poursuite" de l'instruction et mise en prévention du prénommé.
b. La recourante a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. A______, née en 1942, et B______, né en 1939, se sont mariés le ______ 1979 en France. De leur union est née C______, le ______ 1979 [soit six mois avant le mariage].
b. Ils se sont séparés le 13 juillet 2018, date à laquelle A______ a quitté le domicile conjugal. Depuis, ils se sont opposés, et s'opposent encore, dans diverses procédures civiles (mesures protectrices de l'union conjugale, mesures provisionnelles, puis divorce) à Genève et en France.
De la procédure P/1______/2018
c.a. Le 28 novembre 2018, A______ s'est présentée à la police pour y dénoncer les violences conjugales qu'elle disait subir depuis plus de vingt ans. Le 11 ou 12 juillet 2018, B______ l'avait notamment saisie par le bras puis avait exercé une pression telle sur celui-ci que des "marques de doigts bleues et violacées" étaient immédiatement apparues sur sa peau.
c.b. Par courrier du 20 décembre suivant, elle a déposé plainte contre son époux pour lésions corporelles graves (art. 122 CP), lésions corporelles simples (art. 123 CP) et contrainte (art. 181 CP), lui reprochant de lui avoir, à réitérées reprises, entre 1999 et le 13 juillet 2018, fait subir des violences physiques et psychologiques.
c.c. Le 15 janvier 2019, elle a déposé une plainte complémentaire contre le précité du chef de contrainte, lui reprochant d'avoir, entre fin juillet et début août 2018, modifié le code de l'alarme de l'appartement conjugal sans l'en informer, l'empêchant de la sorte d'y pénétrer et d'accéder à ses effets personnels.
c.d. Par ordonnance du 10 décembre 2019, le Ministère public a classé les faits dénoncés – dont certains étaient prescrits –, à l'exception de ceux survenus le 11 ou 12 juillet 2018 – constitutifs de lésions corporelles simples – et ceux visés dans la plainte du 15 janvier 2019 – constitutifs de contrainte –, qui ont fait l'objet d'une ordonnance pénale du même jour, contre laquelle B______ a formé opposition.
c.e. Par ordonnance du 29 mai 2020, le Ministère public a maintenu son ordonnance pénale et renvoyé la cause au Tribunal de police, lequel a convoqué une audience de jugement pour le 26 janvier 2022.
c.f. Par pli du 20 janvier 2022 au Tribunal de police, A______, sous la plume de son conseil, a déclaré "renoncer" à ses plaintes des 20 décembre 2018 et 15 janvier 2019 contre B______. Bien que les faits dénoncés se fussent effectivement produits, plus de trois ans s'étaient écoulés depuis le dépôt desdites plaintes, lui permettant ainsi de rétablir une relation cordiale avec son époux. Âgée de 80 ans, elle était par ailleurs fatiguée et n'avait plus la force de participer à une procédure pénale.
c.g. Le lendemain, le conseil de B______ a adressé une lettre à celui-ci – dont une copie a été envoyée à A______ –, lui expliquant que les déclarations de la plaignante – selon lesquelles elle "renonçait" à ses plaintes – ne pouvait être qualifiées de "véritable retrait de plainte", de sorte qu'il était possible que l'audience du 26 suivant soit maintenue.
c.h. Par lettre de son avocat du 25 janvier 2022 au Tribunal de police, A______ a confirmé le retrait de ses plaintes.
c.i. Par jugement du 16 mars 2022 (JTDP/285/2022), le Tribunal de police a acquitté B______ des chefs de lésions corporelles simples – au motif qu'il existait "un doute insurmontable quant à la réalisation des faits dénoncés" – et contrainte, les éléments constitutifs de cette dernière infraction n'étant pas réunis. Par arrêt du 16 novembre 2022 (AARP/354/2022), la Chambre pénale d'appel et de révision a confirmé l'acquittement de l'intéressé.
De la présente procédure
d.a. Par courrier du 25 mars 2022, A______ a déposé une nouvelle plainte contre B______ pour tentative de lésions corporelles graves (art. 22 cum 122 CP), lésions corporelles simples (art. 123 CP), contrainte (art. 181 CP) et injure (art. 177 CP).
En substance, son époux et elle entretenaient, depuis près de quarante ans, une relation marquée par des périodes de sérénité, entrecoupées de phases difficiles, au cours desquelles ce dernier – "d'une jalousie maladive" – faisait preuve de violence envers elle. Malgré cela, elle ne s'était jamais résolue à mettre fin à leur relation, la situation revenant, de manière générale "à une forme de normalité". En juillet 2018, une violente dispute l'avait toutefois contrainte à quitter définitivement le domicile conjugal et à déposer deux plaintes contre l'intéressé.
Au printemps 2020, ce dernier l'avait contactée afin de trouver une solution amiable aux différents litiges les opposant, de sorte qu'elle avait accepté de le revoir, dans l'espoir de trouver un terrain d'entente. Après avoir repris une forme de relation, des tensions étaient réapparues après un certain temps, son époux étant à nouveau sujet à des "crises de jalousie" et ayant développé une "obsession" relative à la procédure pénale les opposant (cf. let. B. c supra). Dans ce contexte, il l'avait harcelée pour qu'elle procède au retrait de ses plaintes, en en faisant une condition préalable à toute discussion au sujet des "autres points" sur lesquels un accord devait intervenir. Des périodes de violences, entrecoupées par des phases d'accalmie, avaient ainsi repris comme par le passé.
En janvier 2022, alors que l'audience de jugement – agendée au 26 du même mois – approchait, son époux s'était "fait de plus en plus pressant" pour qu'elle retire ses plaintes pénales. Il l'avait notamment appelée des dizaines de fois par jour et n'avait eu de cesse de lui répéter que "si elle ne retirait pas le pénal, il ne consentirait à aucun accord". À la même période, son époux l'avait en outre accusée d'entretenir des relations extra-conjugales et l'avait notamment traitée par messages de "vieille pute sordide" qui "tapine". Il s'était alors montré de "plus en plus oppressant, agressif et menaçant", n'hésitant pas à la secouer et à la bousculer, lui faisant craindre pour sa vie, puisqu'elle le croyait "capable de la pousser dans les escaliers".
"Acculée et désespérée", elle avait ordonné à son avocat de procéder au retrait de ses plaintes pénales, ce qu'il avait fait le 20 janvier 2022. Cependant, cela n'avait pas calmé son époux, lequel l'avait accusée d'avoir menti à ce propos. Face à ses dénégations, il lui avait transféré un courrier reçu de son avocat, dans lequel ce dernier indiquait qu'elle n'avait pas valablement retiré ses plaintes, de sorte qu'il était possible que l'audience de jugement soit maintenue. Dans ce contexte, son époux lui avait asséné – à une date non spécifiée – des coups de pied et de poing aux jambes, dont un particulièrement violent, alors qu'elle était assise, lui causant une plaie au tibia et des hématomes. En outre, le 21 février 2022, lorsqu'elle avait tenté de quitter le domicile de l'intéressé, il avait violemment refermé la porte palière sur elle, lui causant une vive douleur au thorax et des difficultés respiratoires.
d.b. À l'appui de sa plainte, A______ a notamment produit :
- des captures d'écran des messages WhatsApp envoyés par son époux les 6 juillet 2020, 18 août 2020 et 18 avril 2021, ayant la teneur suivante : "[…] il serait souhaitable que nous laissions faire nos avocats après que tu aies retiré ta plainte" ; "On ne peut pas construire sur des ruines. Réponds-moi vite." [6 juillet 2020]; "A______, comme je ne veux pas pleurer à chaque fois, tu me confirmeras quand tu auras annulé tes plaintes au pénal" [18 août 2020] ; "Une fois de plus tu m'auras gâché une nuit. Tant que tu n'auras pas retiré ta plainte, n'attends rien de moi. Une fois de plus continues, gâches l'argent" [18 avril 2021] ;
- des captures d'écran des trente-quatre tentatives d'appels de son époux entre les 4 et 14 janvier 2022 et des messages WhatsApp envoyés par celui-ci les 4 et 8 janvier 2022, ayant notamment la teneur suivante : "[…] A______ n'oublie pas que tu as quitté le domicile conjugal. N'est-il pas temps que tous les deux nous revenions au bercail."; "[…] on m'a montré des photos de toi que je n'ai pas su interpréter avec les D______ la nuit"; "A______ mes sentiments sont toujours les mêmes. Ma confiance par contre s'est beaucoup détériorée"; ainsi que d'un message WhatsApp, daté du 22 janvier 2022, par lequel il lui a transmis une copie du courrier reçu la veille de son avocat (cf. let. B. c.g supra) ;
- une copie des messages injurieux – non datés – reçus de la part de son époux, évoqués dans sa plainte ;
- des photographies – non datées – des lésions subies (plaie au tibia et hématomes aux jambes) ; ainsi qu'un "Rapport de coups et blessures" établi le 1er mars 2022 par son médecin, auquel elle avait exposé avoir été "insultée" par son époux, qui "lui prêt[ait] des relations avec d'autres hommes", la "mena[çait] de violence et la frapp[ait]".
e. Invité à se déterminer par écrit, B______ a, par courrier de son conseil du 6 octobre 2022, contesté toute violence envers son épouse. Cette dernière, assistée d'un avocat, avait, de manière spontanée, retiré ses deux plaintes. Il ne s'était montré ni oppressant, ni agressif ni menaçant à son égard, étant précisé qu'il était "confiant" d'être acquitté des faits – contestés – qui lui étaient reprochés. Par ailleurs, postérieurement au dépôt de la plainte du 25 mars 2022, son épouse et lui avaient continué à se fréquenter et à voyager ensemble, ce qui semblait à la fois étonnant et contradictoire s'il l'avait effectivement violentée.
f. Le Ministère public a tenu une audience le 26 juillet 2023, au cours de laquelle A______ et le Dr E______, témoin, ont été entendus. B______, représenté par son avocat, a fait défaut.
La plaignante a confirmé la teneur de sa plainte du 25 mars 2022, précisant ne plus avoir de contact avec son époux – dont elle avait bloqué le numéro – depuis le mois de mai 2023. Depuis le dépôt de sa plainte, elle ne pouvait dire à quelle fréquence elle avait rencontré l'intéressé, étant précisé qu'elle avait accepté de le revoir dans l'espoir de trouver un terrain d'entente. S'agissant des coups reçus en février 2022, elle ne se souvenait plus de la raison pour laquelle son époux s'était mis en colère.
g. Par ordonnance du même jour, le Ministère public a ouvert une instruction contre B______ des chefs de lésions corporelles simples et injure.
h. Par lettre de son conseil du 30 août 2023 au Ministère public, A______ a indiqué que les messages injurieux évoqués dans sa plainte lui avaient été envoyés par son époux les 2 janvier et 2 mars 2022. Par ailleurs, elle a produit des messages échangés avec ce dernier entre les 22 février et 7 mars 2022, dans lesquels il lui demandait notamment "pardon pour [ses] maladresses" et ses "délires de violence" [messages des 22 février et 2 mars 2022].
i. Par ordonnance pénale du 1er mars 2024, B______ a été reconnu coupable de lésions corporelles simples et d'injure commises à réitérées reprises. Il y a formé opposition.
C. Dans sa décision querellée, du même jour, le Ministère public a considéré que les faits dénoncés par A______ ne revêtaient pas l'intensité nécessaire à la réalisation d'une contrainte (art. 181 CP). Les messages reçus de B______ ne pouvaient en effet être qualifiés de "menaces graves". Bien que la situation – en particulier les appels et messages reçus de son époux relatifs à ses plaintes pénales – ait pu s'avérer "peu confortable et conflictuelle", elle n'était pas susceptible de constituer une entrave suffisante à sa liberté d'action. À cela s'ajoutait que la plaignante était assistée d'un avocat, auquel elle avait fait part de sa volonté de retirer ses plaintes, sans évoquer de pressions. Partant, il était décidé de ne pas entrer en matière sur ces faits (art. 310 al. 1 let. a CPP).
D. a. Dans son recours, A______ fait tout d'abord grief au Ministère public d'avoir rendu une ordonnance de non-entrée en matière, alors qu'il avait ouvert une instruction. En effet, ce dernier avait notamment avisé B______ de l'ouverture d'une procédure préliminaire contre lui et l'avait invité à se déterminer par écrit sur sa plainte du 25 mars 2022. Il avait par ailleurs autorisé la consultation du dossier et convoqué une audience, à laquelle un témoin et elle-même avaient comparu. Dans ces circonstances, si le Ministère public avait eu des doutes quant à la réalisation de l'infraction de contrainte, il lui aurait appartenu d'émettre un avis de prochaine clôture, informant les parties de son intention de classer ce volet de la procédure, ce qui lui aurait permis d'exercer son droit d'être entendue. Pour ce motif déjà, la décision querellée devait être annulée.
Elle invoque en outre une violation du principe in dubio pro duriore, les éléments constitutifs de l'infraction de contrainte (art. 181 CP) étant, d'après elle, réunis. En effet, les pièces au dossier démontraient que son époux s'était montré violent envers elle, qu'il faisait "des crises obsessionnelles" sur différents sujets et qu'il l'avait harcelée dans le but de la contraindre à retirer ses plaintes pénales. De plus, il avait été reconnu coupable – par ordonnance pénale du 1er mars 2024 – de lésions corporelles simples, ce qui prouvait qu'il l'avait violentée et avait exercé des pressions sur elle à l'époque du retrait litigieux. Le fait qu'elle fût assistée d'un avocat ne l'empêchait pas d'avoir agi sous la contrainte et à l'insu de ce dernier, étant précisé qu'il n'aurait jamais accepté de donner suite à son instruction s'il avait été informé de la situation.
Enfin, elle reproche au Ministère public une constatation incomplète ou erronée des faits, pour avoir retenu que les messages et tentatives d'appels de son époux n'étaient pas susceptibles d'être qualifiés de contrainte. Or, elle avait produit des dizaines de messages, dont plusieurs démontraient que l'intéressé lui avait demandé de "manière obsessionnelle" de retirer ses plaintes et qu'il en avait fait une condition préalable à toute discussion. Par ailleurs, elle avait non seulement démontré avoir été victime de violences physiques pendant toute sa vie conjugale, mais également que les coups reçus aux jambes avaient été portés par son époux en marge du retrait de ses plaintes.
b. Dans ses observations, le Ministère public s'en tient à sa décision et propose le rejet du recours comme étant mal fondé.
Il n'avait pas ouvert d'instruction concernant les faits dénoncés, constitutifs, selon la recourante, de contrainte, de sorte qu'il était autorisé à statuer par la voie d'une ordonnance de non-entrée en matière, l'intéressée n'ayant au demeurant subi aucun dommage de ce fait.
Sur le fond, le prévenu avait envoyé de nombreux messages à la recourante, dont certains étaient injurieux. Cependant, cette dernière y avait parfois donné suite et avait revu son époux à quelques reprises. De plus, le message par lequel ce dernier lui avait suggéré de retirer ses plaintes ["Tant que tu n'auras pas retiré ta plainte, n'attends rien de moi"], lui avait été envoyé le 18 avril 2021, soit plus de neuf mois avant le retrait litigieux, de sorte qu'il ne semblait pas avoir eu d'effet sur l'intéressée. Aussi, les termes : "n'attends rien de moi" n'étaient pas constitutifs d'une menace. Par ailleurs, les messages reçus par la recourante les 6 juillet et 18 août 2020 évoquaient, certes, les plaintes pénales, mais aucune menace n'était formulée. À cela s'ajoutait qu'ils avaient été envoyés plusieurs mois avant le retrait litigieux, permettant d'exclure tout lien de causalité entre ces évènements. Rien ne démontrait, pour le surplus, que les tentatives d'appels du prévenu au mois de janvier 2022 concernaient le retrait des plaintes. Au demeurant, la recourante avait parfois répondu à son époux, qu'elle avait d'ailleurs revu à quelques reprises, dans l'espoir de trouver un terrain d'entente. La relation des parties, certes conflictuelle, n'était pas "unilatérale", de sorte que les multiples appels du prévenu ne pouvaient être qualifiés de contrainte. Enfin, le fait que ce dernier ait été reconnu coupable de lésions corporelles simples et d'injures – par ordonnance pénale du 1er mars 2024 à laquelle il avait formé opposition – ne permettait pas d'établir qu'il aurait menacé la recourante aux fins de l'amener à retirer ses plaintes.
c. La recourante n'a pas répliqué.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. La recourante déplore une constatation incomplète et erronée des faits.
Dès lors que la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP ; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2), les éventuelles constatations incomplètes ou inexactes du Ministère public auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.
Partant, ce grief sera rejeté.
3. La recourante considère que l'instruction a été ouverte, si bien qu'il n'était plus possible de rendre une ordonnance de non-entrée en matière.
3.1. Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s’il ressort de la dénonciation, du rapport de police ou – même si l'art. 310 al. 1 CPP ne le mentionne pas – de la plainte que les éléments constitutifs d'une infraction ou les conditions de l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.
3.2. En revanche, si une instruction est ouverte au sens de l'art. 309 CPP, elle doit être clôturée formellement (art. 318 al. 1 CPP), de sorte qu'une ordonnance de non-entrée en matière ne peut plus être rendue (arrêt du Tribunal fédéral 1B_67/2012 du 29 mai 2012 consid. 2.1).
La question de savoir si une instruction a été ouverte s'examine à la lumière des actes entrepris dans le cadre de la procédure pénale, la majorité de la doctrine estimant que l'ordonnance d'ouverture d'instruction prévue par l'art. 309 al. 3 CPP n'a qu'une portée déclarative (A. CHERPILLOD, Arrêt de la procédure pénale par le ministère public sans condamnation, ni instruction: l'ordonnance de non-entrée en matière, in RPS 133 (2015) p. 195). L’ordonnance d'ouverture d'instruction n’a pas d’effet de chose jugée et ne lie pas le ministère public par rapport au prévenu ou à l’infraction qui y est mentionnée. Une ordonnance ouverte pour escroquerie peut, par exemple, être reprise sous les chefs de gestion déloyale ou de faux dans les titres (L. MOREILLON / A. PAREIN‑REYMOND, Petit commentaire CPP, Bâle 2016, n. 21 ad art. 309).
L’instruction pénale est considérée comme ouverte au sens de l'art. 309 al. 1 CPP dès que le ministère public commence à traiter concrètement l’affaire, notamment lorsqu'il ordonne des mesures de contrainte – ce qui est le cas d'un mandat de comparution – ou procède lui-même à l'audition de témoins (A. KUHN / Y. JEANNERET / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2019, n. 3e ad art. 309 ; L. MOREILLON / A. PAREIN‑REYMOND, op. cit., n. 22 ad art. 309).
3.3. Le classement et la non-entrée en matière sont soumis aux mêmes principes de procédure. Lorsque la partie plaignante ne souffre d'aucun désavantage à voir la procédure close par une non-entrée en matière plutôt que par un classement, l'erreur formelle commise ne justifie pas, à elle seule, selon la jurisprudence, d'annuler la décision entreprise, même si certains actes exécutés par le Ministère public sont de ceux qui doivent être exécutés après l'ouverture d'une instruction (arrêts du Tribunal fédéral 6B_962/2013 du 1er mai 2014 consid. 2; ACPR/688/2017 du 9 octobre 2017 consid. 2.1.1 et 6B_962/2013 du 1er mai 2014 consid. 2).
3.4. En l'espèce, après le dépôt de plainte, le Ministère public a ouvert une instruction pour les faits susceptibles d'être constitutifs de lésions corporelles simples et d'injure. À cet égard, il a décidé d'entendre les parties et a délivré à cette fin des mandats de comparution. Le prévenu n'ayant pas comparu à l'audience, rien ne permet de retenir que l'ouverture d'instruction portait également sur les faits susceptibles d'être qualifiés de contrainte.
Quoiqu'il en soit, cette éventuelle erreur formelle ne justifie pas, à elle seule, d'annuler la décision entreprise. En effet, l'exercice du recours garantit le droit à la preuve de la recourante, cela même en l'absence d'avis de prochaine clôture. Ainsi, la situation rencontrée en l'espèce ne cause aucun désavantage à l'intéressée.
Le choix du Ministère public de refuser d'entrer en matière ne portant pas à conséquence, il n'y a donc pas lieu d'annuler l'ordonnance querellée pour ce motif.
Il n'y a pas non plus d'éventuelle violation du droit d'être entendu de la recourante, celle-ci ayant pu s'exprimer à l'audience du 26 juillet 2023 à la suite des déterminations écrites de son époux sur sa plainte.
Ces griefs sont donc rejetés.
4. La recourante estime qu'il existe une prévention suffisante, contre son époux, de contrainte.
4.1. Selon l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.
4.2. Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore". Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies (ATF 146 IV 68 consid. 2.1). Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2).
4.3.1. L'art. 181 CP vise, du chef de contrainte, quiconque, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'oblige à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.
Alors que la violence consiste dans l'emploi d'une force physique d'une certaine intensité à l'encontre de la victime (ATF 101 IV 42 consid. 3a), la menace est un moyen de pression psychologique consistant à annoncer un dommage futur dont la réalisation est présentée comme dépendante de la volonté de l'auteur, sans toutefois qu'il soit nécessaire que cette dépendance soit effective (ATF 117 IV 445 consid. 2b ; 106 IV 125 consid. 2a) ni que l'auteur ait réellement la volonté de réaliser sa menace (ATF 105 IV 120 consid. 2a ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_160/2017 du 13 décembre 2017 consid. 7.1 ; 6B_125/2017 du 27 octobre 2017 consid. 2.1).
Il peut également y avoir contrainte lorsque l'auteur entrave sa victime "de quelque autre manière" dans sa liberté d'action. Cette formule générale doit être interprétée de manière restrictive. N'importe quelle pression de peu d'importance ne suffit pas. Il faut que le moyen de contrainte utilisé soit, comme pour la violence ou la menace d'un dommage sérieux, propre à impressionner une personne de sensibilité moyenne et à l'entraver d'une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d'action. Il s'agit donc de moyens de contrainte qui, par leur intensité et leur effet, sont analogues à ceux qui sont cités expressément par la loi (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.1 ; ATF 137 IV 326 consid. 3.3.1 ; ATF 134 IV 216 consid. 4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_160/2017 du 13 décembre 2017 consid. 7.1 ; 6B_306/2017 du 2 novembre 2017 consid. 3.1).
Selon la jurisprudence, la contrainte n'est contraire au droit que si elle est illicite (ATF 120 IV 17 consid. 2a p. 19 et les arrêts cités), soit parce que le moyen utilisé ou le but poursuivi est illicite, soit parce que le moyen est disproportionné pour atteindre le but visé, soit encore parce qu'un moyen conforme au droit utilisé pour atteindre un but légitime constitue, au vu des circonstances, un moyen de pression abusif ou contraire aux mœurs (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.1 p. 440 s. ; 137 IV 326 consid. 3.3.1 p. 328).
4.3.2. Pour que l'infraction soit réalisée, il faut encore qu'il existe un lien de causalité entre le moyen de contrainte utilisé par l’auteur et l'entrave à la liberté d'action de la victime (ATF 101 IV 167 consid. 3).
4.3.3. Sur le plan subjectif, il faut que l'auteur ait agi intentionnellement, c'est-à-dire qu'il ait voulu contraindre la victime à adopter le comportement visé en étant conscient de l'illicéité de son comportement ; le dol éventuel suffit (ATF 120 IV 17 consid. 2c p. 22).
4.3.4. La contrainte peut être réalisée par la somme de plusieurs comportements distincts de l'auteur, par exemple lorsque celui-ci importune sa victime par sa présence de manière répétée pendant une période prolongée – plus d'un an – (cf. au sujet de la notion de stalking ou harcèlement obsessionnel : ATF 141 IV 437 consid. 3.2.2; 129 IV 262 consid. 2.3-2.5; arrêt du Tribunal fédéral 6B_251/2020 du 17 novembre 2020, consid. 1.2). Toutefois, en l'absence d'une norme spécifique réprimant de tels faits en tant qu'ensemble d'actes formant une unité, l'art. 181 CP suppose, d'une part, que le comportement incriminé oblige la victime à agir, à tolérer ou à omettre un acte et, d'autre part, que cet acte amène la victime à adopter un comportement déterminé (ATF 129 IV 262 consid. 2.4). Si le simple renvoi à un "ensemble d'actes" très divers commis sur une période étendue par l'auteur, respectivement à une modification par la victime "de ses habitudes de vie" ne suffit pas, faute de mettre en évidence de manière suffisamment précise quel comportement a pu entraîner quel résultat à quel moment (ATF 129 IV 262 consid. 2.4), l'intensité requise par l'art. 181 CP peut néanmoins résulter du cumul de comportements divers ou de la répétition de comportements identiques sur une durée prolongée (cf. ATF 141 IV 437 consid. 3.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_568/2019 du 17 septembre 2019 consid. 4.1).
4.4. En l'espèce, la recourante allègue avoir retiré ses plaintes des 20 décembre 2018 et 15 janvier 2019 sous l'emprise de la contrainte, son époux s'étant montré oppressant, menaçant et violent à son égard.
Cela étant, force est de constater que les éléments au dossier ne permettent pas d'établir l'existence de pressions psychologiques particulières ou de menaces exercées par le mis en cause – qui le conteste – aux fins d'amener la recourante à retirer ses plaintes, soit de l'entraver dans sa liberté d'action ou de décision.
Les trois messages datés des 6 juillet 2020, 18 août 2020 et 18 avril 2021 produits à l'appui de sa plainte démontrent, certes, que la procédure pénale (P/1______/2018) constituait un sujet de préoccupation pour son époux. Il n'apparaît toutefois pas que le comportement adopté par ce dernier revêtirait l'intensité requise par la jurisprudence pour être qualifié de contrainte sous la forme de "stalking", eu égard notamment au temps écoulé entre l'envoi de ces écrits.
En outre, les propos contenus dans ceux-ci – qui peuvent, certes, être perçus comme insistants – ne sont pas constitutifs d'une menace sérieuse, le mis en cause se contentant de suggérer à la recourante de procéder au retrait de ses plaintes, puis de "laisser faire leurs avocats". Le fait, par ailleurs, de conditionner toute discussion – en vue d'une résolution amiable de leurs différends – au retrait des plaintes litigieuses ne constitue pas non plus une menace d'un dommage sérieux, puisqu'en exprimant ces propos, le mis en cause ne laisse nullement présager la survenance d'un préjudice illicite ou encore disproportionné, la recourante étant au demeurant libre d'accepter ou non sa proposition. Au surplus, cette dernière a retiré ses plaintes le 20 janvier 2022, soit près de neuf mois après ces propos, de sorte que l'existence d'un lien de causalité entre ces évènements n'est pas démontrée.
Hormis une certaine concomitance temporelle, il n'est pas non plus établi que la trentaine de tentatives d'appels téléphoniques du mis en cause entre les 4 et 14 janvier 2022 auraient eu pour finalité de contraindre la recourante à retirer ses plaintes. À cela s'ajoute que cette dernière n'a pas allégué, ni a fortiori démontré, avoir été alarmée ou effrayée par ces appels, au point qu'elle se serait sentie entravée dans sa liberté de décision ou d'action. Au contraire, il apparaît qu'elle a refusé d'y donner suite. Pour le surplus, les messages qu'elle a reçus de son époux au mois de janvier 2022 ne comportent aucune menace, ni référence aux plaintes. Le seul fait que ce dernier lui ait transmis – sans autres commentaires – une copie de la lettre de son avocat du 21 janvier 2022 – dans laquelle celui-ci considérait qu'elle n'avait peut-être pas valablement retiré ses plaintes – ne suffit pas à démontrer qu'elle aurait fait l'objet de pressions ou de menaces et partant agi sous l'emprise de la contrainte.
Il en va de même du fait que son époux ait été reconnu coupable – par ordonnance pénale du 1er mars 2024 à laquelle il a formé opposition – de lésions corporelles simples et d'injures. En effet, l'existence d'un lien de causalité entre le retrait des plaintes – intervenu le 20 janvier 2022 – et les actes imputés au mis en cause – perpétrés postérieurement à cette date – n'est pas démontrée. Au contraire, il ressort des pièces produites par la recourante (messages du mis en cause et rapport de coups et blessures du 1er mars 2022) et de ses propres déclarations, que ces agissements auraient en réalité pour cause la jalousie excessive de son époux.
En définitive, les éléments au dossier ne permettent pas d'établir l'existence d'une menace d'un dommage sérieux exprimée à l'encontre de la recourante par le mis en cause, dans le but de la contraindre à retirer ses plaintes. Pour le surplus, il sied de relever que les motifs invoqués par l'intéressée lors dudit retrait (à savoir le temps écoulé depuis le dépôt de ses plaintes, son âge avancé et sa volonté d'apaiser le conflit avec son époux, avec lequel elle entretiendrait une relation marquée par des périodes d'accalmie, entrecoupées de moments difficiles) n'apparaissent pas surprenants ni incohérents.
Il s'ensuit qu'une prévention pénale d'infraction à l'art. 181 CP ne peut être établie avec une vraisemblance suffisante et aucune mesure d'instruction ne paraît être à même de modifier ce constat. La recourante n'en suggère d'ailleurs pas.
La décision du Ministère public ne prête dès lors pas le flanc à la critique.
5. Justifiée, elle sera confirmée.
6. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.
Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.
Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.
La greffière : Séverine CONSTANS |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
P/7003/2022 | ÉTAT DE FRAIS |
|
|
COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 915.00 |
Total | CHF | 1000.00 |