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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/26978/2023

ACPR/465/2024 du 20.06.2024 sur OMP/8828/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DÉFENSE D'OFFICE;COMPLEXITÉ DE LA PROCÉDURE
Normes : CPP.132

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/26978/2023 ACPR/465/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 20 juin 2024

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 26 avril 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 10 mai 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 26 avril précédent, notifiée le 29 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'ordonner une défense d'office en sa faveur.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance et à l'octroi de l'assistance juridique à compter du 20 décembre 2023, subsidiairement du 25 avril 2024.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

A. A______, ressortissant nigérian né le ______ 1992, a été arrêté le 9 décembre 2023 pour infractions à la LEI.

b. Interrogé par la police le jour-même, en présence d'un interprète anglais, il a requis la présence de son avocat, Me B______. Face à l'impossibilité de joindre ce dernier, A______ a refusé de répondre aux questions et de signer le procès-verbal d'audition.

c. À teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse du 12 avril 2024, A______ faisait alors l'objet de cinq condamnations depuis le 21 septembre 2021. Lors de sa dernière en date, le 3 juillet 2023, le Tribunal de police l'a condamné, pour infractions à la LEI, à une peine privative de liberté de 150 jours, assortie d'un sursis avec un délai d'épreuve de 3 ans. L'intéressé a en outre bénéficié d'une libération conditionnelle le 10 janvier 2023, avec un délai d'épreuve d'un an, le solde de sa peine étant de 3 mois et 8 jours.

d. Par ordonnance pénale du 10 décembre 2023 rendue dans la présente procédure, le Ministère public a déclaré A______ coupable de séjour illégal en Suisse (art. 115 al. 1 let. b LEI) et l'a condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, à CHF 30.- l'unité, a renoncé à révoquer le sursis accordé le 3 juillet 2023 par le Tribunal de police, mais a révoqué la libération conditionnelle prononcée le 10 janvier 2023.

e. A______, sous la plume de son conseil, a formé opposition à cette ordonnance le 20 décembre 2023.

f. Le Ministère public a tenu une audience le 9 avril 2024, au cours de laquelle A______ a été entendu en présence de son conseil et avec l'assistance d'un interprète en anglais. Il a contesté le séjour mais pas l'entrée illégale en Suisse. Il était venu à Genève car un ami, qui venait de se faire arrêter, n'avait personne d'autre que lui à appeler. Sur le principe, il était d'accord de payer "l'amende", si la quotité de celle-ci était diminuée à CHF 10.- par jour.

g. Le 10 avril 2024, le Ministère public a rendu une nouvelle ordonnance pénale, déclarant A______ coupable d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. a LEI et l'a condamné à une peine pécuniaire de 40 jours-amende, à CHF 10.- l'unité, a révoqué la libération conditionnelle, mais pas le sursis accordé le 3 juillet 2023.

h. Par courrier du 25 avril 2024, A______ a formé opposition à cette ordonnance et sollicité la nomination d'office de son conseil.

i. Concomitamment à l'ordonnance querellée, le Ministère public a maintenu son ordonnance pénale du 10 avril 2024 et transmis la procédure au Tribunal de police.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que A______ semblait remplir la condition de l'indigence mais que la cause ne présentait pas de difficultés particulières juridiques et de fait. Le précité était ainsi en mesure de se défendre efficacement seul.

D. a. Dans son recours, A______ souligne que la peine encourue, avec la révocation de sa libération conditionnelle, dépasserait le seuil de l'art. 132 al. 3 CPP. En outre, il était Nigérian et n'avait "pratiquement bénéficié d'aucune éducation". Il avait des difficultés à répondre aux questions lors des audiences, tant en raison de la barrière de la langue que de sa compréhension amoindrie. Il ne disposait d'aucune connaissance juridique, ce qui ne lui permettait pas, par exemple, de s'opposer correctement à la révocation de sa libération conditionnelle. Comme les conditions de la défense d'office étaient remplies au moment de l'opposition du 20 décembre 2023, l'assistance juridique devait lui être octroyée à compter de cette date.

b. Dans ses observations, le Ministère public constate que l'ensemble des sanctions encourues par A______ dépasserait les minimas prévus par l'art. 132 al. 3 CPP. Cela étant, les faits reprochés se limitaient à un événement isolé et la disposition légale envisagée était circonscrite et ne présentait aucune difficulté de compréhension ou d'application. Le précité avait eu la possibilité de recourir à un interprète lors de ses auditions et avait fourni des explications précises lors de celle du 9 avril 2024.

c. A______ n'a pas répliqué.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant reproche au Ministère public de ne pas lui avoir accordé une défense d'office.

2.1. L'art. 132 al. 1 let. b CPP soumet le droit à l'assistance d'un défenseur à deux conditions: le prévenu doit être indigent et la sauvegarde de ses intérêts doit justifier une telle assistance, cette seconde condition devant s'interpréter à l'aune des critères mentionnés à l'art. 132 al. 2 et 3 CPP.

2.2.1. La défense d'office aux fins de protéger les intérêts du prévenu se justifie notamment lorsque l'affaire n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP). En tout état de cause, une affaire n'est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d'une peine privative de liberté de plus de quatre mois ou d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende (al. 3).

2.2.2. Les deux conditions mentionnées à l'art. 132 al. 2 sont cumulatives (arrêts du Tribunal fédéral 7B_839/2023 du 26 mars 2024 consid. 2.2; 1B_229/2021 du 9 septembre 2021 consid. 4.1). Aussi, même si le prévenu encourt une peine pouvant dépasser le seuil légal caractérisant les cas de peu de gravité, encore faut-il examiner que la cause présente des difficultés particulières de fait et/ou en droit (arrêts du Tribunal fédéral 1B_510/2022 du 16 décembre 2022 consid. 3.4; 1B_370/2022 du 1er décembre 2022 consid. 2.3; 1B_591/2021 du 12 janvier 2022 consid. 2.3).

2.3. Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que le prévenu ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. La nécessité de l'intervention d'un conseil juridique doit ainsi reposer sur des éléments objectifs, tenant principalement à la nature de la cause, et sur des éléments subjectifs, fondés sur l'aptitude concrète du requérant à mener seul la procédure (arrêts 7B_611/2023 du 20 décembre 2023 consid. 3.2.1; 7B_124/2023 du 20 décembre 2023 consid. 2.1.2).  

S'agissant de la difficulté objective de la cause, à l'instar de ce qu'elle a développé en rapport avec les chances de succès d'un recours, la jurisprudence impose de se demander si une personne raisonnable et de bonne foi, qui présenterait les mêmes caractéristiques que le requérant mais disposerait de ressources suffisantes, ferait ou non appel à un avocat (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 140 V 521 consid. 9.1;
139 III 396 consid. 1.2; arrêt du Tribunal fédéral 7B_611/2023 du 20 décembre 2023 consid. 3.2.1). La difficulté objective d'une cause est admise sur le plan juridique lorsque la subsomption des faits donne lieu à des doutes, que ce soit de manière générale ou dans le cas particulier (arrêt du Tribunal fédéral 7B_839/2023 du 26 mars 2024 consid. 2.3).

Pour apprécier la difficulté subjective d'une cause, il faut tenir compte des capacités du prévenu, notamment de son âge, de sa formation, de sa plus ou moins grande familiarité avec la pratique judiciaire, de sa maîtrise de la langue de la procédure, ainsi que des mesures qui paraissent nécessaires dans le cas particulier pour assurer sa défense, notamment en ce qui concerne les preuves qu'il devra offrir (arrêts du Tribunal fédéral 7B_611/2023 du 20 décembre 2023 consid. 3.2.1; 7B_124/2023 du 25 juillet 2023 consid. 2.1.2). 

2.4. En l'espèce, l'indigence du recourant ne semble pas contestée, tout comme la gravité de l'affaire au regard du seuil prévu à l'art. 132 al. 3 CPP, puisque les peines cumulées, avec la révocation de la libération conditionnelle, s'élèvent à 4 mois et 18 jours.

Reste encore à examiner la difficulté de la cause.

L'infraction retenue dans l'ordonnance pénale du 10 avril 2024 concerne l'entrée illégale en Suisse (art. 115 al. 1 let. a LEI), soit un reproche circonscrit et aisément compréhensible, surtout qu'il concerne, in casu, une seule occurrence. Au regard des faits, le recourant a pu donner sa version devant le Ministère public. L'affaire ne présente pas une complexité particulière empêchant l'intéressé d'apporter, seul, les explications utiles, d'autant qu'il ne conteste pas le principe de sa peine mais seulement le montant du jour-amende.

La présence d'un interprète à chacune de ses auditions, dans une langue qu'il maitrise, a permis (et permettra) au recourant de s'exprimer devant les autorités, même s'il est allophone.

Compte tenu de ce qui précède, la cause ne revêt pas de difficultés, en fait ou en droit, qui nécessiteraient l'assistance d'un avocat. La condition de la complexité de la cause n'étant pas réalisée, c'est à juste titre que le Ministère public a refusé d'ordonner une défense d'office.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

4.             La procédure de recours contre le refus de l'octroi de l'assistance juridique ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).